Déclaration de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la réforme de la filière agro-alimentaire fruits et légumes, notamment avec la mise en place de l'organisation commune de marché (OCM), les mesures concernant l'utilisation des produits phytosanitaires et la politique d'offre alimentaire, Nancy le 30 janvier 2008.

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Circonstance : Congrès de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF), à Nancy le 30 janvier 2008

Texte intégral

Monsieur le Président (Bruno DUPONT),
Monsieur le Président d'INTERFEL (interprofession des fruits et légumes frais,
Gilles VIGNAUD),
Madame l'adjointe au Maire de Nancy (Sophie MAYEUX),
Mesdames, messieurs,

[ Introduction ]
J'ai grand plaisir à prendre part aujourd'hui à votre 62ème Congrès national des producteurs de fruits, que vous avez choisi, de façon assez originale, d'organiser cette année en Lorraine, donnant ainsi un beau coup de chapeau à la production si typique de mirabelles.
Avant toute chose, je vous prie de m'excuser de vous avoir obligés à bousculer un peu votre programme, chose que vous avez acceptée immédiatement, afin de me permettre de venir passer ce moment avec vous.
Monsieur le Président, vous avez choisi comme thème de votre congrès : « Votre savoir-faire au service d'une arboriculture durable ». Il montre bien que vous avez parfaitement pris la mesure, pour vos productions, de l'enjeu qui consiste à trouver le juste équilibre entre la viabilité économique de vos entreprises, leur impact environnemental et leur image auprès des consommateurs.
Vous le savez déjà, car j'ai eu l'occasion de l'exprimer plusieurs fois, vos productions se trouvent au coeur de ma vision de l'agriculture : une agriculture qui n'est pas aseptisée ni standardisée, mais une agriculture qui produit de la qualité alimentaire, avec des produits qui ont du goût, une typicité, une identité forte, une agriculture qui répond au défi alimentaire tant du point de vue quantitatif que du point de vue qualitatif.
Vous le savez aussi : les fruits sont, avec les légumes, au coeur de l'ambitieuse politique de l'alimentation pour laquelle je souhaite mobiliser mon ministère. J'y reviendrai tout à l'heure en abordant la question de l'accessibilité des fruits et légumes.


[ Annonce du plan ]
Avant cela, je souhaite aborder plusieurs sujets majeurs et d'actualité, pour votre filière ou pour l'ensemble de notre agriculture, que vous avez largement évoqués dans votre propos.
Votre congrès se situe à un moment clé : celui de l'entrée en vigueur de votre nouvelle Organisation Commune de Marché (OCM) des fruits et légumes. La mise en oeuvre de nouveaux dispositifs est toujours une phase délicate mais aussi déterminante ; il faut travailler efficacement pour construire des bases solides.
Pour que vous puissiez tirer immédiatement tous les bénéfices du cadre communautaire rénové, vous le savez, j'ai souhaité conduire en parallèle le chantier de la rénovation de la gouvernance de vos filières.
C'est d'abord autour de ces deux thèmes essentiels, Monsieur le Président, que je souhaite m'exprimer devant vous.


[ 1- Mise en oeuvre de l'OCM fruits et légumes réformée ]
[ gestion de crise ]
La nouvelle OCM prévoit des moyens financiers supplémentaires pour la prévention et la gestion des crises, ainsi que de nouveaux moyens juridiques, notamment au regard du droit de la concurrence. C'était une demande forte de la France, portée depuis longtemps.
A notre initiative, nous sommes également parvenus à introduire une disposition permettant de ne pas limiter ces mesures aux seuls producteurs organisés (vous avez évoqué cet aspect, monsieur le Président) ; à nous de voir ce que nous en ferons au niveau national.
Dans les discussions en cours sur les évolutions de la PAC dans le cadre du Bilan de santé, je souhaite que des dispositifs novateurs de ce type soient étendus à l'ensemble des filières agricoles et à l'ensemble des OCM : il s'agit là de l'un de mes principaux sujets dans les discussions d'ores et déjà largement engagées avec la Commissaire et avec mes collègues ministres des 26 autres Etats membres. Votre secteur est donc en quelque sorte précurseur de ce que je souhaite voir généraliser dans le cadre d'une PAC modernisée. Nous avons donc une forte obligation de résultats dans la mise en oeuvre de ces nouveaux dispositifs.
Il est notamment essentiel que ces nouveaux dispositifs prévus par l'OCM entrent en vigueur le plus rapidement possible. Je suis intervenu la semaine dernière en Conseil des ministres européens pour rappeler l'importance de leur démarrage au plus vite. La Commissaire s'est engagée à présenter prochainement en comité de gestion des mesures transitoires, permettant la mise en oeuvre de la plupart des nouveaux outils avant que ne soit achevé l'exercice d'élaboration de la « stratégie nationale ». A nous d'être prêts !
Cette « stratégie nationale » constitue une autre nouveauté de la nouvelle OCM : il s'agit d'encadrer dans une stratégie globale et durable les programmes opérationnels, dont le rôle est encore renforcé et qui doivent être de véritables projets d'entreprises. Ce travail d'envergure, jamais entrepris jusque là, doit nous permettre de redéfinir les priorités françaises en matière d'accompagnement des organisations de producteurs (OP).
Au-delà des nouvelles mesures de prévention et de gestion de crise prévues dans votre OCM, j'attache une très grande importance au développement d'une politique globale visant à une meilleure prise en compte du risque en agriculture, qu'il soit économique, climatique ou sanitaire. Cette politique, je souhaite l'inscrire dans le cadre du Bilan de santé et ce sera ma priorité. La PAC doit prendre la mesure de l'exposition grandissante de l'agriculture aux risques et l'intégrer dans ses outils.
Ce matin même, j'ai présenté en Conseil des Ministres avec Christine LAGARDE un dispositif ambitieux, renouvelé dans ses principes et ses modalités.
Il repose pour les risques climatiques

  • sur l'amélioration de la « déduction pour aléa » (DPA) afin que les agriculteurs puissent se constituer une épargne de précaution,
  • et sur le développement de l'assurance-récoltes avec une augmentation significative de la prise en charge des primes d'assurance pour les secteurs les plus exposés, dont les vôtres, corollairement à un retrait progressif de l'indemnisation publique par le fonds de calamités.

Une section sanitaire est créée au sein du fonds des calamités. Reposant sur le principe d'un cofinancement professionnels / Pouvoirs publics, elle indemnisera les pertes directement liées à la destruction des cultures et aux méventes. Votre volonté de vous atteler sans tarder à la construction de la « caisse de solidarité » pour lutter contre le fléau qu'est la Sharka- et sur lequel je reviendrai tout à l'heure - s'inscrit totalement dans ce schéma. Permettez-moi d'ailleurs ici de me réjouir de votre engagement ! Je sais que les discussions avec mes services ont d'ores et déjà commencé, et je vous remercie de votre volonté et de votre sens de la responsabilité.

[ aides directes ]
Un autre aspect très important de la nouvelle OCM : les modalités d'intégrationdes fruits et légumes dans le régime de paiement unique.
Pour ce qui concerne les productions fruitières destinées à l'industrie qui étaient aidées dans le cadre de l'ancienne OCM [c'est-à-dire les pêches, poires et pruneaux], j'ai écouté la demande des responsables professionnels qui souhaitaient, pour conforter ces filières fragiles, mettre en place un couplage maximum. Mes services sont en train de travailler avec vous pour définir les modalités précises de ces aides couplées.
Pour toutes les autres productions, qui ne bénéficiaient pas d'aide directe jusqu'à présent, après une concertation approfondie avec les différentes familles professionnelles, j'ai décidé de limiter les évolutions en 2008 à une admissibilité aux droits à paiement unique (DPU) pour les productions de légumes de plein champ entrant en rotation avec des grandes cultures déjà dotées de DPU. Il s'agit, pour les producteurs concernés, de ne pas compliquer les contraintes agronomiques par une « couche » de contraintes administratives.
Mais la vraie question, évidemment, au-delà de l'admissibilité des parcelles, est celle de l'attribution d'aides directes du premier pilier à vos productions.
J'évoquais il y a un instant le bilan de santé de la PAC, à propos de mes initiatives pour la généralisation des dispositifs de gestion des crises. Une autre de mes priorités concerne le ré-équilibrage, nécessaire à mes yeux, des aides directes du premier pilier. A ce titre, vos productions, aux côtés d'autres secteurs, comme l'élevage ovin ou l'élevage laitier de montagne, me paraissent tout à fait prioritaires.
Ces jours-ci est en train de s'organiser dans chaque département un grand débat que j'ai proposé aux Chambres d'agriculture, afin de recueillir l'avis de l'ensemble de la profession sur les évolutions souhaitables de la PAC. Il s'agit là d'une méthode quelque peu nouvelle, où l'avis des gens directement concernés est sollicité, au plus près du terrain, en amont de la prise de décision à Bruxelles.
Parmi les questions à examiner, il y a notamment celle des modalités et du calendrier de la mise en oeuvre de ce ré-équilibrage au sein du premier pilier.
Pour ma part, je pense qu'il sera de plus en plus difficile à l'avenir de justifier que des hectares n'ont pas de soutien parce que, historiquement, dans un passé de plus en plus lointain, les productions qu'ils portaient n'étaient pas soutenues. La question directe que j'ai mise en débat dans les départements est simple :anticipe-t-on ou attend-on 2013 ? Ne nous racontons pas d'histoire : nous sommes l'Etat le plus éloigné du centre de gravité de la future PAC. Nous aurons l'occasion d'en reparler dans le cadre des Assises auxquelles vous êtes associés. Compte-tenu du calendrier communautaire, je souhaite que nous arrêtions nos options pour mars.


[ 2- Organisation économique et réforme de la Gouvernance des filières fruits et légumes ]
Le nouveau cadre communautaire nous conduit à nous adapter sur l'organisation de vos filières, pour être en totale conformité et pour profiter des nouvelles possibilités offertes aux organisations de producteurs, à leurs associations et aux interprofessions.
Je vous le dis ici avec force : dans un monde agricole où les paramètres à gérer sont sans doute de plus en plus nombreux et de plus en plus complexes, tout particulièrement dans votre secteur plus qu'aucun autre soumis à des soubresauts conjoncturels, il n'y aura pas d'efficacité, pas de performance économique, sans une organisation forte et efficace. Nous devons continuer à travailler d'une part à un renforcement de l'organisation économique et d'autre part à un développement de la concertation interprofessionnelle.
La solution ne peut pas se résumer au mécanisme du coefficient multiplicateur, prévu par la loi pour les situations de grave crise, et qui n'a jamais été activé. Il n'a servi jusqu'ici, comme l'été dernier, (lorsque j'ai, en ce qui me concerne, signé l'arrêté) que « d'arme de dissuasion » poussant l'aval à engager de véritables efforts commerciaux. Il faut sortir de ces situations de bras de fer, il faut aller vers une concertation plus efficace et, surtout, beaucoup plus anticipative.
Consolider notre organisation commerciale et interprofessionnelle est indispensable dans l'intérêt à la fois des agriculteurs et des consommateurs. C'est le sens du mémorandum que je viens d'adresser à la Commission pour consolider nos filières. Mes propositions sont simples : il faut adapter le droit communautaire pour sécuriser les interventions et les moyens dont les filières se dotent, et leur permettre d'intervenir pour stabiliser les marchés sans tomber sous le couperet des règles de la concurrence. Mon échéance est celle du bilan de santé : je souhaite qu'un nouveau cadre soit arrêté sous présidence française.
En cohérence avec les outils, s'agissant des structures-même, vous l'avez largement évoqué : j'ai engagé dès l'été dernier un important travail d'expertise - et je remercie ici publiquement le travail conduit sous la houlette de l'ingénieur général Henri Boué - pour définir le schéma optimal d'une gouvernance rénovée dans vos secteurs. L'objectif est qu'elle soit non seulement en parfaite conformité avec le nouveau cadre communautaire - c'est bien là la moindre des choses - mais aussi la plus efficace possible. Les grandes lignes de ce schéma ont été présentées le 20 décembre dernier, et elles ont été bien accueillies par l'ensemble des familles d'INTERFEL.
Sans entrer dans le détail, il s'agit notamment de renforcer la cohérence dans la gestion par produit ou par groupes de produits à l'échelle nationale. Le nouveau schéma devra donc reposer sur des AOP nationales reconnues par produit ou groupe de produits, qui donneront une existence juridique stable aux actuelles « sections nationales ».
Monsieur le Président, vous avez exprimé votre crainte de voir ce processus de réforme se ralentir. Je salue votre impatience ! Je veux ici, ce soir, vous rassurer totalement sur ce point : ma volonté de faire évoluer les choses est totalement intacte. Quand une réforme est décidée il faut la conduire sereinement et sérieusement, sans perdre de temps ; c'est bien mon intention.
Permettez-moi d'ailleurs au passage de saluer ici, en Lorraine, la façon dont le comité économique « Estifel » a su, justement sans attendre, prendre les choses en main en rénovant totalement ses statuts pour créer la « Maison des légumes et des fruits ».
Vous m'avez posé des questions très précises : permettez-moi de leur apporter des réponses aussi précises, bien que synthétiques. Le régime des comités économiques agricoles fruits et légumes, instauré par la Loi, est maintenu jusqu'à ce que le code rural soit modifié. Jusqu'à cette modification, les règles légales actuelles s'appliquent.
En ce qui concerne l'extension des règles édictées par les Comités économiques, j'ai signé l'arrêté relatif à la campagne 2007/2008, et il a été transmis pour signature à la Ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et au Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Cet arrêté, portant sur une campagne largement entamée, sera le dernier du genre : la nouvelle réglementation communautaire ne permet plus aux Comités économiques agricoles de remplir les conditions du bénéfice de l'extension des règles ; celle-ci est maintenant réservée aux Associations d'Organisations de Producteurs au sens du nouveau règlement du Conseil de l'Union européenne.
Ce qui est essentiel maintenant, c'est que le CGAAER, avec la profession, la DGPEI et VINIFLHOR, achève d'ici deux mois au plus tard son travail d'analyse afin de finaliser le scénario et le calendrier précis de la réforme.
Ces travaux seront validés par un groupe de travail du Conseil de Direction spécialisé fruits et légumes de VINIFLHOR, présidé par Madame DELAHAYE - que je salue ici. Une fois validée, je le répète, je m'engage à ce que cette réforme de la gouvernance soit mise en oeuvre le plus rapidement possible, par étape, tout au long de l'année 2008.
Parallèlement à cette question essentielle de la gouvernance, il y a également d'autres enjeux, que vous avez-vous-même souligné, monsieur le Président. Je ne les oublie pas, puisque, je vous le précise, j'ai souhaité que le CGAAER poursuive également sa mission d'expertise en réfléchissant à une amélioration de l'articulation des missions d'INTERFEL, du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) et du réseau des stations expérimentales. Comme vous le dites vous-même, il y a certainement là de quoi rationaliser. Sur cette question également, j'attends des propositions concrètes au plus tard pour la fin du mois de mars.


[ 3- Deux dossiers sectoriels importants ]
Parmi les autres sujets que vous avez abordés, monsieur le Président, je voudrais revenir rapidement sur deux :

[ traitements phytosanitaires ]
Les agriculteurs utilisent des produits phytosanitaires parce qu'ils en ont besoin pour garantir tout au long de l'année un approvisionnement régulier en produits agricoles de qualité, et à des prix abordables pour les consommateurs.
Le Grenelle de l'environnement a fait émerger, avec les agriculteurs qui sont les premiers exposés aux risques induits par l'application de produits phytosanitaires, un consensus sur la nécessité d'une politique ambitieuse de réduction de l'usage des produits phytosanitaires. Il faut la mettre en oeuvre, dans le respect de la compétitivité de notre agriculture.
Il s'agit, vous le savez, de retirer du marché dans les meilleurs délais les substances actives les plus préoccupantes [ 30 substances actives seront interdites d'ici fin 2008 ; 10 substances avant 2010 ; 13 devront être réduites de 50% d'ici 2012 ], et de réduire l'utilisation de produits phytosanitaires de 50% dans un délai de 10 ans.
Nous devons relever ensemble, et je sais que vous y êtes déjà résolument engagés, le défi de l'évolution vers des systèmes de production moins dépendants des produits phytosanitaires.
Les décisions seront prises dans la concertation. Comme vous le savez puisque vous participez activement à l'élaboration du plan Ecophyto - dont j'ai présidé hier la seconde réunion du comité d'orientation -, les autorisations de mise en marché (AMM) des produits de 30 substances actives les plus préoccupantes sont retirées à compter du 1er février. J'ai néanmoins prévu pour les produits contenant les trois substances pour lesquelles il n'existe pas aujourd'hui de produits homologués que le délai d'utilisation soit prolongé dans l'attente de l'homologation de solutions alternatives.
En lien avec la question de la lutte phytosanitaire, vous m'avez interpellé directement sur la question de l'avenir des services de la protection des végétaux et des avertissements agricoles.
J'ai voulu très fortement engager le Ministère dont j'ai la responsabilité dans le chantier de la Révision Générale des Politiques Publiques, car j'ai la conviction que la modernisation de ses structures et de ses missions est la condition indispensable de son renforcement. Dans ce cadre global, une réflexion spécifique doit être conduite sur l'organisation de l'épidémio-surveillance dans le secteur végétal. Vous y serez associés. L'objectif est de mieux coordonner et de mieux définir les responsabilités entre les partenaires déjà en place, en recentrant chacun sur ses missions fondamentales : services régionaux de la protection des végétaux du Ministère de l'agriculture et de la pêche, Fédérations régionales de lutte contre les organismes nuisibles, et différents autres partenaires, tels que les chambres d'agriculture, les organisations professionnelles, les instituts techniques...

[ Sharka ]
Vous avez évoqué la délicate question de la mobilisation nécessaire contre le fléau de la Sharka. Le grand plan de prospection qui a été mis en place il y a un peu plus d'un an s'est réalisé de façon très satisfaisante, à quelques rares exceptions près. Des mesures spécifiques d'accompagnement à la replantation ou à la reconversion avaient également à l'époque été envisagées pour le département de la Drôme, dont le verger a été le plus durement frappé. Conformément aux engagements de l'Etat, ce plan doit aller au bout. Je suis ouvert pour qu'une expertise soit conduite afin d'examiner si d'autres zones nécessiteraient aussi un traitement spécifique.


[ 4- Fruits et légumes au coeur de la politique d'alimentation du MAP ]
Pour terminer, je voudrais aborder un sujet qui, je le sais, passionne tout le monde ici, moi y compris ! C'est celui de l'accessibilité des fruits.
En tant que Ministre de l'agriculture, j'ai la volonté de conduire une véritable politique de l'offre alimentaire qui réponde à un double objectif :

  • favoriser une offre qui réponde aux attentes des consommateurs mais aussi aux véritables besoins de la population, c'est-à-dire une offre diversifiée, de qualité et abordable;
  • maintenir une filière de production nationale performante et rémunératrice pour ses producteurs.

Vous le savez mieux que quiconque : les Français ne mangent pas assez de fruits, ni de légumes. Nous sommes en deçà des recommandations du « Plan national Nutrition-Santé » (PNNS) qui préconise une ration quotidienne de 400 g composée d'au moins 5 fruits et légumes différents. La consommation est notoirement insuffisante chez les jeunes et chez les personnes défavorisées : vous m'avez certainement déjà entendu parler à ce sujet « d'injustice alimentaire ».
Je souhaite m'engager très concrètement à vos côtés pour trouver et mettre en oeuvre les moyens permettant d'inverser la tendance.
Tout d'abord, lorsque je l'ai rencontré le 3 décembre dernier, je me suis engagé à soutenir les projets que pourra imaginer le « pôle accessibilité » piloté par le Ministère de l'Agriculture.

Et je me suis engagé personnellement sur trois initiatives :

  • La distribution de fruits à l'école primaire et maternelle
  • L'installation de distributeurs automatiques
  • La promotion dans la grande distribution des fruits et légumes de saison et de proximité

Je sais que la ville de Nancy, aux côtés de plusieurs autres communes, s'est d'ores et déjà engagée dans des actions suivies de distribution de fruits dans ses 49 écoles maternelles et primaires - notamment grâce à l'énergie de Madame MAYEUX, adjointe d'André ROSSINOT. C'est ce genre d'action que je souhaite voir se généraliser dans le plus grand nombre de communes partout en France, à partir de la rentrée scolaire 2008. Il s'agit de réaliser un apport nutritionnel immédiat à des enfants, mais aussi de leur donner le goût des fruits, qu'ils ne consomment pas car ils n'en ont jamais pris l'habitude. Pour conduire ce chantier, j'ai nommé un chef de projet, M. Jean-Pierre LEBRUN - que je salue ici -, qui travaille avec beaucoup dynamisme depuis plus d'un mois, pour construire avec la profession un cahier des charges pour un appel à projets que je souhaite lancer en février auprès des collectivités.
Je voudrais aussi profiter de ma présence à Nancy pour passer un message à André ROSSINOT, qui est Président du Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) : la réussite du programme de distribution de fruits dans les écoles sera largement liée à la mobilisation des fonctionnaires territoriaux qui animent les établissements scolaires. Je souhaite que nous réfléchissions, M. LEBRUN, à un possible partenariat entre le ministère et le CNFPT sur le sujet. Il se trouve - et c'est une coïncidence heureuse ! - que mon enthousiasme pour ce projet est partagé par Madame la Commissaire européenne chargée de l'Agriculture : je la soutiendrai totalement dans sa volonté de proposer un accompagnement financier communautaire pour les initiatives des Etats membres.
Bien évidemment, la question de l'accessibilité ne se limite pas à ce chantier. J'avais aussi évoqué, le 3 décembre dernier, lorsque j'ai réuni le « pôle accessibilité », l'idée d'une charte avec la grande distribution pour une mise en avant systématique de fruits et légumes de saison et bon marché. Je souhaite avancer sur cette piste, qui ne doit pas être mauvaise, puisque, depuis quelques semaines, une chaîne de grande distribution a lancé une campagne de publicité, à la télévision puis à la radio, très exactement sur ce principe : proposer aux consommateurs 5 fruits et légumes pour moins d'un euro !
Enfin, une autre idée me parait très intéressante : celle que vous avez présentée,M. le président, d'un « éco-label ». Il faut creuser cette idée, et je souhaite que le pôle accessibilité, avec tout le soutien du Ministère, s'y penche de façon approfondie pour en étudier la faisabilité. Je suis prêt à diligenter une mission d'expertise spécifique sur cette question.


[ 5 - Conclusion ]
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, l'importance économique de votre filière, le nombre d'emplois qu'elle génère, son rôle dans l'aménagement du territoire, dans l'apport nutritionnel et la santé, sont autant de raisons qui justifient un engagement fort des pouvoirs publics à vos côtés. Nous l'avons vu, l'année 2008 sera très importante : nouvelle OCM, nouvelle gouvernance, renforcement du dialogue interprofessionnel, engagements nouveaux pour l'accessibilité.... Il s'agit de gros chantiers, stratégiques pour l'avenir de la filière. Nous les conduirons ensemble.
Je vous remercie de votre attention.

Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 12 février 2008