Déclaration de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et aux droits de l'homme, sur le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, notamment l'interdiction de la torture, à Paris le 18 janvier 2008.

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Circonstance : Colloque "Privation de liberté et droits de l'homme", à Paris le 18 janvier 2008

Texte intégral

Monsieur le Médiateur de la République,
Monsieur le Commissaire européen aux droits de l'Homme,
Monsieur le président de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme,
Mesdames et messieurs les ombudsmans,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Je me réjouis d'être aujourd'hui parmi vous et de participer à ce colloque centré sur les pratiques des différents pays européens en ce qui concerne la privation de liberté décidée par des autorités publiques .
Toute personne privée de liberté demeure titulaire de ses droits fondamentaux. Les droits de l'Homme ne s'arrêtent pas aux portes des lieux d'enfermement. Et les autorités publiques sont en charge du respect de ces droits.
Je me félicite de la tenue à Paris de ce colloque qui réunit pour la première fois sur ce thème spécifique l'ensemble des médiateurs / Obudsmans, des responsables des institutions nationales des droits de l'homme et des responsables des mécanismes nationaux de préventions de la torture des Etats membres du Conseil de l'Europe. Vos débats contribueront, j'en suis sûre, à nourrir la réflexion sur les moyens de renforcer la prévention de la torture, dans l'espace européen, mais aussi au-delà, afin que notre expérience puisse aussi être mise aux services d'autres parties du monde.
La France pour sa part reste fidèle à son engagement sur cette question.
Elle a récemment accompli un progrès important en prenant la décision d'instaurer un organe de contrôle, conformément au Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants. La création de la fonction de Contrôleur général des lieux de privation de liberté, sur la base du droit international, est, nous le croyons de nature à créer un pression vertueuse qui permettra d'assurer le plein respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, dans tous les lieux relevant d'autorités publiques, et à prévenir ainsi les traitements dégradants. Car nous sommes tous d'accord sur ce point : tout enfermement doit préserver la dignité des personnes
Plusieurs institutions participent déjà dans notre pays, dans leur travail quotidien, à la promotion de cette idée. Je pense, Monsieur le Médiateur à vos antennes dans un certain nombre de prisons, je pense à la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité et à la Commission Nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d'attente, toutes deux récemment instituées.
Institué par la loi du 30 octobre 2007, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté complétera ce dispositif. Il est le fruit de diverses propositions, études, initiatives et consultations ayant pour voeu la mise en oeuvre d'un mécanisme indépendant de contrôle des lieux de privation de liberté, auxquelles les services du Ministère des Affaires Etrangères et Européennes ont fortement contribuées. Les missions du Contrôleur s'exerceront à l'égard de tous les lieux de privation de liberté, à l'ensemble des lieux d'enfermement : depuis les zones d'attente des aéroports - jusqu'aux secteurs psychiatriques des établissements hospitaliers en passant par les locaux de garde à vue, les dépôts des tribunaux, les cellules des douanes et les centres de rétention.
Il nous reste encore deux étapes à franchir : nommer la personne à qui cette responsabilité va échoir. C'est imminent. Et adopter la loi de ratification du Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture. Ce texte est actuellement à l'examen du Conseil d'Etat et nous nous efforçons - je dirais même nous faisons le maximum- de trouver un créneau dans le calendrier parlementaire pour mener à bonne fin cet engagement international de la France.
Il s'agit d'une étape essentielle car la France sera ainsi partie à tous les grands textes internationaux en matière de torture.
L'interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants est un engagement fort de notre pays depuis la Révolution Française. L'une des conquêtes de celle-ci a été la suppression de la « question », cette torture infligée aux accusés et aux condamnés pour arracher des aveux. Cet engagement se traduit au niveau intérieur, mais aussi européen et onusien.
Dès 1987, nous avons, ratifié la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, adoptée je le rappelle en 1984..
Depuis 30 ans, aux Nations Unies, nous menons inlassablement le combat contre les disparitions forcées, qui ont livré à la torture et à l'exécution des milliers d'individus. Nous avons été un des acteurs principaux, avec l'Argentine, de l'adoption, fin 2006, de la Convention internationale prohibant les disparitions forcées. Celle-ci interdit les lieux de détention secret notamment dans un but de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants. Nous nous efforçons actuellement de favoriser l'entrée en vigueur rapide de ce texte qui sera un instrument clé en matière de lutte contre la torture, avec la création prochaine, à Genève, d'un « groupe des amis » de la convention.
Très récemment, dans la construction des nouvelles procédures régissant le nouveau Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies, la France s'est engagée tout particulièrement dans l'effort collectif des pays européens pour la consolidation des procédures spéciales, dont le Groupe de Travail des Nations Unies sur les disparitions forcées et le mandat du Rapporteur Spécial sur la torture pour les Nations Unies, Monsieur Manfred Novak, dont nous saluons le travail remarquable.
Par ailleurs, la France, est très active au sein de l'Union Européenne, qui est un acteur international majeur en matière de lutte contre la torture.
Dans le cadre de sa Présidence de l'Union Européenne, la France aura à coeur que la révision des Lignes directrices de l'Union Européenne contre la torture soit achevée d'ici la fin de l'année pour une meilleure efficacité.
Acteur majeur de la coopération internationale au développement, l'Union Européenne a inscrit aussi l'amélioration des conditions pénitentiaires parmi les axes de sa coopération avec de nombreux pays..
Enfin, est-il nécessaire de souligner la position et le discours fermes de la France en matière de respect des droits de l'homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, où que ce soit.
Un mot également pour terminer sur notre engagement également fort sur ce sujet au sein du Conseil de l'Europe. Nous y avons toujours encouragé la coopération juridique afin de rendre les prisons plus humaines et respectueuses de la dignité des Hommes qu'elles retiennent. Nous avons contribué à l'élaboration des Règles Pénitentiaires Européennes, norme fondamentale considérée comme une référence internationale. .
Je tiens ici à saluer le travail du Comité pour prévention de la torture, précurseur à bien des égards, avec lequel France coopère pleinement comme le montre encore le rapport tout récemment publié sur sa visite dans notre pays. Sachez que nous apportons la plus grande attention à ses recommandations.
Le rôle du Commissaire européen aux droits de l'Homme est également primordial dans la prévention de la torture et des mauvais traitements. Je me félicite de la parfaite collaboration entre M. Hammarberg et les autorités françaises.
La mobilisation de la France au niveau international et européen est, j'espère vous en avoir convaincus, entière. La France s'efforce par ailleurs d'appliquer chez elle ce qu'elle prône à l'extérieur. C'est notre façon de soutenir l'universalité des principes et des valeurs que nous défendons et que nous avons contribués à promouvoir.
Aujourd'hui plus que jamais, il faut que nous soyons à la hauteur de nos obligations morales. 2008 c'est l'année du 60ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, adoptée à Paris au Palais de Chaillot. Nous fêterons cet événement avec un sentiment ambivalent : la satisfaction si on se retourne sur le chemin parcouru en termes de progrès et d'avancées ; mais aussi le défi face à ce qui reste encore à accomplir pour mettre fin aux violations qui persistent, pour que les droits de l'homme soient enfin universellement respectés. La tâche reste immense est nous devons, tous ensemble, rester mobilisés.
Je souhaite plein succès à ce colloque. Je forme le voeu que les échanges puissent déboucher sur des propositions concrètes qui permettront de progresser vers une politique exemplaire de prévention de la torture.
Je vous remercie de votre attention.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 février 2008