Interview de M. Jean-François Copé, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à France 2 le 27 février 2008, sur la mise en place de la commission sur l'avenir de l'audiovisuel public, la hausse des prix, l'abandon du contrat "nouvelles embauches" et les élections municipales de 2008.

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Texte intégral

R. Sicard.- C'est aujourd'hui que vont commencer les travaux de votre commission sur l'avenir de l'audiovisuel public. Il faut trouver un 1 milliard, 1,2 milliard, après l'annonce par N. Sarkozy de la suppression de la publicité. Comment vous allez faire pour trouver cet argent alors qu'on l'a dit et redit, les caisses sont vides ?
R.- C'est un des grands sujets dont on va parler. Nous installons notre commission aujourd'hui. Ce que je peux vous dire, c'est que, en tout cas, ce ne sera pas... Vous savez, il y a une maladie en France, c'est un peu la "commissionnite", c'est-à-dire l'idée qu'on fait une commission pour...

Q.- ... Pour enterrer le problème.
R.- Voilà. Là, ce n'est pas du tout l'ambiance. Je peux vous dire qu'il n'est pas question qu'on fasse de l'eau tiède, il n'est pas question qu'on fasse juste ça pour faire durer le plaisir du débat. En réalité, il s'agit pour nous d'une très belle ambition, essayer d'imaginer ce que sera la télévision publique de demain, un nouveau modèle pour la télé publique : un modèle culturel, qu'est-ce qu'on va mettre dans le contenu ? Un modèle économique, comment on va payer ? Un modèle de développement, comment on va utiliser les nouvelles technologies ? Un modèle de gouvernance, comment on va diriger la télévision publique de demain ? Et en réalité, il y a derrière ça beaucoup d'ambitions mais aussi beaucoup d'esprit de responsabilité. Il faut qu'on soit créatifs mais il faut qu'on soit également responsables sur ce que nous allons proposer. Donc inutile de vous dire que ça va être un moment extrêmement important puisqu'on a trois mois pour le faire.

Q.- L'argent, c'est le nerf de la guerre - je reviens sur cette question - est-ce que le chiffre à combler c'est 1 milliard, c'est 1,2 milliard, c'est quoi exactement ?
R.- Je ne sais pas vous répondre aujourd'hui, cela être l'un des sujets qu'on va traiter. Il y a d'ailleurs, c'est tout l'intérêt de cette commission, à la fois des professionnels mais en nombre égal des parlementaires, et d'ailleurs des parlementaires de la majorité et de l'opposition. Donc, parmi eux, il y a des gens qui connaissent bien ces sujets, qui vont y travailler. Moi aussi, je regarderai également ça parce que, comme vous le savez, j'ai été ministre du Budget, donc j'ai suivi ça d'assez près. Mais aujourd'hui, je ne peux pas vous donner de chiffre, cela fera partie des sujets qu'on évoquera.

Q.- C. Albanel, la ministre de la Communication, dit, par exemple, qu'on pourrait étaler la suppression de la publicité. Est-ce que ça, ça peut être une solution ou est-ce que cela doit être tout de suite, dès le 1er janvier 2009 ?
R.- Non, c'est une piste qu'on va étudier comme d'ailleurs tout ce qui concerne les financements tout court, parce que, encore une fois, on ne va pas lancer la "taxe académie", ce n'est pas l'objectif. Il y a un certain nombre de débats qu'on aura, le cas de la redevance est typique. Les professionnels, pour certains d'entre eux, sont plutôt pour qu'on l'augmente, les parlementaires plutôt pas dans leur majorité, comme vous le savez. Et quant aux Français, quand vous voyez les sondages de popularité de la redevance, c'est plutôt assez faible.

Q.- C. Albanel dit qu'elle pourrait être élargie aux résidences secondaires, par exemple.
R.- Encore une fois, on est sans a priori sur tous ces sujets, on va les regarder dans le détail mais avec l'esprit de ce que je viens de vous dire sur le rapport des députés, des Français et des professionnels sur la redevance. Donc, voilà, il faut qu'on discute de tout ça. Il y a une chose qui est sûre - vous voyez, ça fait deux fois que je vous parle des Français -, c'est que là où on va être très innovant, c'est que ce travail pour l'avenir de la télévision publique, ce nouveau modèle qu'on veut inventer, on va le faire avec les Français. Pendant les trois mois du travail de notre commission, par le biais d'Internet, on va très largement associer les Français qui le souhaitent, parce que c'est leur télé, notre télé, eh bien on va les associer à tout ça, et donc, par Internet, les faire réagir sur tous ces sujets.

Q.- Les syndicats disent que c'est dommage qu'il n'y ait pas de professionnel du service public dans la commission.
R.- Vous savez, le problème des commissions, c'est qu'il y a un moment où il faut arrêter le nombre, on est déjà trente-deux à parité entre parlementaires et professionnels. L'idée a été de ne pas mettre des gens qui travaillent aujourd'hui dans la télévision publique, mais par contre l'idée - et je peux vous dire que j'en serai le garant -, c'est de recevoir tout le monde, d'auditionner tout le monde. Et d'ailleurs, je reçois moi-même les syndicats cet après-midi. Ils ont souhaité que je les voie. J'ai vu monsieur de Carolis la semaine dernière, c'était la première personne que j'ai rencontrée.

Q.- Le président de France Télévisions...
R.- Le président de France Télévisions. Et cet après-midi, à leur demande, je verrai les syndicats à 15 heures.

Q.- Sur les autres sujets d'actualité qui ne manque pas, il y a beaucoup de polémiques, notamment sur la loi de rétention de sûreté, sur la hausse des prix. Est-ce que sur cette question de la hausse des prix, finalement, la surprise, ce n'est pas que le Gouvernement ait appris la nouvelle par la presse ?
R.- Non. D'abord, je ne suis pas sûr... Enfin, je ne suis pas au gouvernement mais je n'ai pas le sentiment qu'il l'ait su par la presse. En revanche, ce qui est vrai, c'est qu'il y a besoin de se mobiliser rapidement sur ces questions de prix. D'ailleurs, vous avez vu que F. Fillon l'a fait très vite, dès le début de la semaine. Ce que je pense, c'est qu'il faut qu'on revoie complètement nos outils de contrôle. C'est vrai que depuis dix ans, on a été habitués à des prix bas, à une inflation modérée ; aujourd'hui, il semble que les choses ne soient plus tout à fait comme avant. On entend parler d'ententes entre entreprises, notamment entre entreprises de la grande distribution. Tout ceci, si cela se confirme, est totalement inacceptable. Il faut donc revoir les outils de contrôle, c'est la Direction de la concurrence et des prix qu'il faut évidemment moderniser. Et puis, aussi, prendre un certain nombre de décisions pour que la transparence soit totale et que les Français sachent exactement où acheter au prix le plus faible et la meilleure qualité.

Q.- S. Royal disait hier qu'il fallait baisser la TVA sur les produits de première nécessité, il y a aussi cinquante députés UMP qui disent la même chose. Est-ce une bonne idée ?
R.- Moi, personnellement, je ne suis pas du tout pour cette thèse. Encore une fois, je crois que c'est important qu'on débatte de tout ça sans drame, ça fait partie des sujets que les uns et les autres, on doit aborder. Mais je ne suis pas favorable à cette thèse parce qu'en réalité, je ne pense pas que ce soit un problème de TVA, je pense que c'est un problème de prix vendu dans les différents commerces, et notamment dans les grandes surfaces. Et donc, si on baisse la TVA, cela veut dire que c'est l'Etat qui rend de l'argent mais cela ne change rien à des comportements d'entente qui sont, si c'était avéré, totalement illicites. Donc le vrai problème, c'est qu'est-ce qu'on fait avec les marges arrière ? Et nous avons, de ce point de vue, un rendez-vous important parce qu'on aura une loi sur la modernisation de l'économie. Et d'ailleurs, je peux vous dire que nous, les députés, on va beaucoup s'impliquer dans le travail de cette loi.

Q.- A propos d'économie, on apprend ce matin que le CNE- le contrat "nouvelles embauches" - pourrait être définitivement abandonné. C'était une des mesures phares du précédent Gouvernement. Qu'est-ce que vous pensez de cet abandon programmé ?
R.- Je pense que, encore une fois, ce qui est important, c'est qu'on ait un contrat de travail qui garantisse la flexibilité, parce que sinon, les employeurs, ils n'embaucheront pas. Et d'autre part, qui garantisse la sécurité pour ceux qui, hélas, seraient victimes, ici ou là, de licenciements parce que c'est tout aussi important. Et cet équilibre était dans le CNE, je le signale au passage, et d'ailleurs a largement contribué à la baisse du chômage. Alors, après, on change les textes, très bien, ce qui compte - et ça, nous serons, nous, députés, très vigilants là-dessus -, c'est que le Gouvernement veille à ce que les nouveaux contrats de travail soient bien dans cet esprit, flexibilité d'un côté, sécurité pour les salariés de l'autre.

Q.- Les députés UMP, justement, ils se plaignent de ne pas être écoutés par le Gouvernement. Est-ce que ça va changer après les municipales ?
R.- Moi, je le souhaite ardemment, mais j'ai le sentiment que tout va dans le bon sens. Je vais vous en donner un exemple très concret : nous, députés, nous avons été reçus hier par monsieur Guéant, qui est le secrétaire général de l'Elysée, et nous avons parlé de la loi de modernisation de l'économie de madame Lagarde. Moi, j'ai souhaité qu'on soit - comment dire ? - "coproducteurs", comme on dit maintenant à la télé, qu'on soit coproducteurs de la loi, c'est-à-dire qu'en amont, les députés, avant d'avoir le texte tout ficelé, ils donnent leur avis, ils donnent leurs amendements, ils donnent leurs arguments.

Q.- Et jusqu'ici, vous étiez mis devant le fait accompli ?
R.- En tout cas, c'est en train de changer et je m'en réjouis parce que je l'ai suffisamment dit. Et le bon exemple, c'est ce que nous allons faire avec les propositions de la commission Attali, que nous avons complètement retravaillées, que nous sommes en train de retravaillées, et qui deviendront nos propositions. On va d'ailleurs en améliorer certaines, en conserver d'autres, de telle manière que tout cela soit un élément-clé pour que les députés de la majorité participent totalement aux réformes pour lesquelles les Français nous ont désignés par le suffrage universel.

Q.- On est à dix jours des municipales : est-ce que vous ne craigniez pas un vote sanction pour ces municipales ?
R.- D'abord, je crois qu'il faut arrêter de crier au loup toute la journée sur cette affaire. Moi, je vais vous dire une chose : ça vaut peut-être la peine que pendant les dix jours qui viennent, on dise bien aux Français, notamment sur le plan local, que nous, les candidats UMP, on a signé une charte dans laquelle on s'engage dans un certain nombre de domaines, notamment les baisses d'impôts, la politique du logement, la politique de sécurité. Regardez les socialistes, ils n'ont rien fait de tout ça, et les villes tenues par la gauche, généralement, c'est des villes où les impôts augmentent, alors que quand elles sont tenues par la droite, les impôts, généralement, diminuent. Idem sur la politique de sécurité : les socialistes sont très forts pour critiquer toute la journée N. Sarkozy et l'ensemble de la majorité, beaucoup plus faibles et beaucoup moins audibles quand il s'agit de faire des propositions. Il faut que les Français aient bien ça en tête le jour du vote.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 février 2008