Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureux d'être aujourd'hui parmi vous pour ouvrir ces deuxièmes assises de l'industrie alimentaire pour plusieurs raisons :
- les thèmes que vous allez évoquer sont au coeur de l'actualité,
- vos entreprises sont le maillon fort du projet que j'entends porter pour le secteur agroalimentaire,
- enfin, nous sommes à la veille d'échéances qui nous demandent de resserrer les liens entre nous pour ne pas rater les rendez-vous essentiels tant communautaires que nationaux.
Je vais donc, Monsieur le Président, vous parler de méthode, de prix alimentaires, d'alimentation et d'entreprises.
- 1. Vous êtes le maillon fort de ma stratégie et nous devons consolider nos relations de travail
Je sais que vos entreprises transforment plus de 70 % des produits agricoles, et vous êtes un acteur majeur de création de valeur pour l'agriculture,
Je sais que vos marchés sont porteurs avec 9 milliards de personnes à nourrir d'ici 2050, et vous pouvez contribuer à gagner le point de croissance qui manque à notre pays,
Je sais que votre secteur, premier secteur industriel de notre pays, constitue une spécialisation solide de notre appareil productif, et vous êtes un atout pour notre commerce extérieur,
Je sais que votre secteur est le second employeur de main d'oeuvre, et vous êtes essentiel pour relever la bataille de l'emploi,
Je sais que vous êtes implanté au coeur des bassins de production agricoles, vous participez à la dynamique de nos territoires,
Je sais que l'alimentation est votre métier, vous êtes en première ligne sur les questions de santé mais également au coeur de notre identité.
Sachez que je mesure les spécificités de vos entreprises, que je viens de rappeler trop rapidement et les défis qu'elles doivent relever. Ils guident mon action. Le Ministère de l'agriculture, dont j'ai la responsabilité, est votre interlocuteur. Et, je souhaite une méthode de travail plus structurée entre nous. Je connais les relations régulières que vous avez avec mes services. Nous devons construire ensemble pour préparer au mieux les différentes échéances. Votre vison m'est aussi indispensable pour le projet que je porte pour l'agriculture. Et, je sais que vous partagez mes objectifs pour le débat qui va s'ouvrir sur la PAC : ceux d'une sécurité des approvisionnements en Europe et d'une nouvelle répartition des aides entre les productions. Je souhaite que nous puissions en reparler.
C'est pourquoi, je vous propose que nous nous rencontrions avec Philippe MANGIN, représentant les entreprises coopératives, pour aborder les questions spécifiques de votre secteur, tous les 2 mois. Et nous commencerons dès le mois d'avril.
- 2. Deuxième thème : les prix alimentaires et la future loi de modernisation de l'économie
Je sais à quel point les discussions sur cette loi, dont l'élaboration relève de la responsabilité de Luc CHATEL, qui sera avec vous en fin de matinée, vous préoccupent. Je sais que certains chiffres et certaines analyses sur l'évolution des prix alimentaires vous ont heurtés.
Je souhaite simplement vous donner mon analyse : nous avons eu, d'ailleurs, Monsieur le Président, l'occasion d'en discuter ensemble hier soir.
Sur l'analyse, j'ai le sentiment que l'on sous-estime l'impact du retournement des marchés de certaines matières premières agricoles : l'INSEE vient de donner les derniers chiffres : + 19 % pour les prix agricoles sur un an avec des pics à 30 % pour le lait et 43 % pour les céréales.
Nous nous étions habitués dans nos sociétés modernes, parce que les prix des produits agricoles étaient inscrits dans une baisse tendancielle depuis des décennies, à consacrer une part de notre budget de plus en plus faible à notre alimentation au point qu'elle atteint 14% aujourd'hui. Dans le même temps, nous sommes devenus de plus en plus exigeants en demandant à la fois qualité, diversité, sûreté et respect de l'environnement pour les produits que nous consommons. Les efforts considérables que vous avez engagés en matière de productivité dans vos entreprises et d'innovation sur les produits ont permis de concilier ces exigences apparemment contradictoires.
Mais les évolutions observées depuis l'été dernier nous rappellent que rien n'est acquis. Tout a un coût. Et il est légitime que vos entreprises, dés lors qu'elles le font de manière raisonnable et proportionnée, répercutent dans leurs prix de vente les augmentations de coûts des matières premières agricoles auxquelles elles doivent faire face. C'est une condition de leur pérennité.
Ce contexte doit être présent dans les débats qui se sont ouverts sur la négociabilité des conditions générales de vente. Pour ma part, je le rappelle en permanence, en soulignant les caractéristiques de vos entreprises face à la concentration de 7 acheteurs.
Nous devons bien réfléchir sur le contenu des décisions que nous allons prendre pour qu'elles atteignent l'objectif visé : le pouvoir d'achat. Ce pouvoir d'achat, il ne dépend pas seulement de la relation commerciale entre le fournisseur et son acheteur. Il dépend de l'emploi, donc, de la bonne santé de vos entreprises. Il dépend, aussi du développement de la concurrence entre distributeurs. Or les dernières études qui viennent d'être publiées, comme d'ailleurs les dernières pages du rapport de Madame HAGELSTEEN démontrent qu'à l'échelle des zones de chalandise, cette concurrence est loin d'être au rendez-vous.
Vous pourrez compter sur moi, je veillerai à ce que les dispositions législatives tiennent compte des réalités économiques de vos entreprises, que la négociabilité se traduise par des contreparties réelles vérifiables et mesurables et qu'un bilan effectif de la loi soit tiré. En effet, les distributeurs peuvent déjà répercuter en baisse de prix les avantages que leurs fournisseurs leur consentent au titre de la coopération commerciale. A cet égard, l'observatoire des prix et des marges annoncé par le Président de la République constitue un outil indispensable parce qu'il participe à la transparence que nous recherchons tous.
- 3. Troisième thème : la politique de l'alimentation
L'alimentation en France, c'est une gastronomie qui participe fortement à l'identité culturelle de notre pays et à l'économie de ses territoires. C'est aussi l'apprentissage d'une nourriture saine, équilibrée, variée et d'une consommation de produits de qualité.
J'ai souhaité que ce soit le thème de l'alimentation qui ouvre le cycle de 3 conférences que j'organise avant la présidence française : elle se tiendra le 23 avril au Palais Brongniart et vous y serez associé.
J'ai également souhaité engager avec vous une réflexion sur la politique de la qualité alimentaire. Grâce aux travaux conduits dans le cadre des Assises de l'agriculture, je présenterai début avril une communication en Conseil des Ministres. Trois principes guident notre action :
- premier axe : garantir la sécurité des produits importés et leur conformité avec les normes européennes. A la demande du Président de la République, nous allons déposer un mémorandum auprès de la Commission. Cette démarche participe à la nouvelle conception de la préférence communautaire que la France souhaite porter dans le cadre de la présidence française,
- deuxième axe : mobiliser les acteurs sur les enjeux nutritionnels pour qu'ils s'engagent sur l'amélioration de l'offre alimentaire. Le premier résultat de cette démarche lancée en 2006, c'est le rapport sur les sucres et les fibres, disponible sur le site internet du Ministère de l'agriculture et qui donne aux secteurs professionnels les éléments pour construire leurs chartes d'engagement. C'est la m??me démarche que j'ai ouverte en septembre 2007 sur les lipides. Ces chartes d'engagement sont pour moi un outil essentiel : elles visent à améliorer la composition nutritionnelle et l'information sur les produits en laissant à chaque secteur une marge importante d'adaptation, Je tiens à vous rappeler ici, Monsieur Le Président, mon attachement aux chartes collectives car en touchant le plus grand nombre, elles sont le gage de l'efficacité du système,
- troisième axe : garantir la crédibilité de la démarche .L'année 2008 verra la mise en place de l'Observatoire de la qualité de l'alimentation (OQALI) sur lequel vous vous êtes largement mobilisés et auquel je souhaite maintenant que vous participiez activement. Prévu par le Programme national nutrition santé (PNNS) 2006-2010, il a pour objectif de suivre l'évolution de la qualité de l'offre alimentaire sur les plans nutritionnel et socio-économique. Il permettra ainsi de rendre publics et de mesurer en les objectivant les efforts développés par les différents secteurs alimentaires : c'est là que les chartes d'engagement prennent tout leur sens. J'en ai confié le pilotage à M. Chevassus-au-Louis, ancien directeur général de l'INRA et ancien président de l'AFSSA.
Vous le voyez, mon ministère s'est pleinement investi dans l'amélioration de la qualité de l'offre alimentaire. La politique qu'il conduit, en partenariat avec les Ministres en charge de la santé et de la consommation, s'appuie sur une démarche innovante et partenariale. Les outils sont en place. Il convient désormais que les acteurs professionnels s'engagent résolument dans ce dispositif au côté des pouvoirs publics. Il en va de la crédibilité et de l'efficacité d'un système basé sur le volontariat. Vous le savez, je crois plus à l'efficacité de démarches partagées qu'à des mesures coercitives. Mais, ces démarches sont exigeantes et reposent sur un réel engagement de vos entreprises. Je ne doute pas de la force d'entraînement de l'ANIA qui a investi de façon remarquable sur les questions de nutrition, notamment à travers la fondation « Alimentation et Vitalité ».
La mobilisation de mon ministère est également forte au niveau communautaire sur plusieurs chantiers en cours, qu'il s'agisse des nouveaux aliments, des allégations ou de l'étiquetage nutritionnel. Il me semble, en effet, impératif que ces travaux, qui répondent à des objectifs de protection et d'information du consommateur, ne remettent en cause ni la valorisation de nos produits, y compris de nos produits traditionnels, ni l'innovation alimentaire.
Sachez que sur l'établissement du dispositif européen de profils nutritionnels, système qui conditionnera l'accès aux allégations, l'avis de l'Autorité européenne de sécurité alimentaire (AESA) rendu le 31 janvier dernier montre qu'il est nécessaire de porter le débat au niveau politique et de réfléchir de façon concrète aux objectifs à atteindre. La mission confiée au Conseil National de l'Alimentation va nous aider. J'attends de lui des éléments d'analyse socio-économique sur les impacts des différentes options qui pourraient être prises et je souhaite que sur cette question vous vous exprimiez et soyez force de propositions.
Sur l'étiquetage nutritionnel, je réaffirme mon opposition à tout système qui émettrait un jugement externe sur la qualité nutritionnelle des produits, tels les « trafic lights » développés par les Britanniques. Ces systèmes, stigmatisants, déresponsabilisants, par ailleurs, scientifiquement contestables, s'opposent à ma conception de l'alimentation. Nos aliments sont gages d'une variété et d'une richesse alimentaire. Cette position sera soutenue par la France auprès des instances communautaires.
Ces chantiers : alimentation, nutrition, santé sont des axes majeurs de transformation du secteur agroalimentaire pour les prochaines années. C'est un champ qui offre, j'en ai la conviction, de réelles perspectives d'innovation et de croissance. Sachez que vous pouvez compter sur mes services pour vous accompagner.
- 4. Quatrième thème : la politique en faveur de vos entreprises
Je souhaitais vous livrer d'ores et déjà les premières orientations que je retiens des groupes que j'ai mis en place dans le cadre des Assises et qu'a animés Philippe ROUAULT, le Délégué aux IAA. Je vous propose, Monsieur le Président, de les inscrire à l'ordre du jour de nos rencontres régulières.
Premièrement, compte-tenu des attentes que vous avez formulées, je vais nommer une mission pour évaluer l'opportunité, les objectifs et les modalités de la mise en place d'un observatoire d'analyses stratégiques sur l'agroalimentaire. Je serai vigilant pour que cet observatoire ne soit pas « un machin de plus » mais qu'il participe à cette vision cohérente et partagée du secteur couvrant des champs d'expertise aussi bien économique que sociale. Nous le mettrons en place s'il apporte une valeur ajoutée aux dispositifs existants.
Deuxièmement, je maintiendrai le Fonds d'intervention stratégique des IAA (FISIAA), instauré en 2007, malgré le changement de son champ. En effet, compte-tenu des contraintes communautaires, nous devons le recentrer sur les entreprises de moins de 200 millions de chiffre d'affaires et de moins de 750 salariés .Dans ces conditions, nous le mobiliserons en cohérence avec les interventions des régions qui cofinancent en contrepartie de fonds communautaires l'accompagnement de ces mêmes entreprises. Mon objectif est de l'utiliser pour des projets exemplaires : des partenariats interentreprises, l'industrialisation d'une innovation ou encore des investissements immatériels collectifs...Ce sont ces nouvelles orientations que nous déclinerons en 2009. Par ailleurs, mon ministère a proposé au pôle interministériel de prospective et d'anticipation des mutations économiques d'inscrire le secteur agroalimentaire dans ses travaux pour 2008 et d'y affecter des moyens pour éclairer l'avenir de certaines filières.
Troisièmement, l'accompagnement de vos entreprises à l'exportation constitue une de mes priorités. J'ai eu l'occasion, Monsieur le Président, de m'exprimer devant vous sur cette question. Je connais votre mobilisation, et je voudrai vous en remercier, car notre pays a besoin de vos performances. Je vous rappelle les axes de mon action :
- la révision du plan stratégique export agroalimentaire, au terme d'une année d'expérience en concentrant ses moyens sur des pays cibles et sur les primo exportateurs,
- la poursuite de l'optimisation des dispositifs publics d'appui à l'export au niveau national et des réseaux en régions et à l'étranger,
- l'évolution du positionnement du ministère à l'étranger avec la séparation des actions régaliennes et commerciales ainsi qu'un redéploiement vers les grands pays émergents.
- la mise en place d'une stratégie d'influence à l'international. Nous devons mieux articuler les actions que nous conduisons respectivement pour peser sur les décisions qui fixent les règles du jeu de notre industrie.
Quatrièmement, je souhaite que l'on tire tous les enseignements des pôles de compétitivité. Quand nous nous sommes vus, Monsieur le Président, vous aviez attiré mon attention sur l'enjeu qu'ils représentent pour améliorer la compétitivité de vos entreprises. Je rencontrerai prochainement, et je vous y associerai, les présidents et directeurs des 16 pôles de compétitivité agroalimentaires. Les premiers résultats de l'évaluation en cours montrent que leur instauration a créé partout une dynamique locale puissante. Ils mettent également en lumière des pistes d'évolution possibles. C'est sur celles-ci que je souhaite que nous échangions pour que le nouveau dispositif prenne en compte la spécificité de votre secteur.
Cinquièmement, l'emploi est un axe majeur de la politique du gouvernement. Je salue les initiatives déjà conduites par votre fédération et Coop de France afin d'anticiper les besoins en termes de qualifications, de métiers, qui vont permettre à moyen terme de répondre aux besoins des entreprises.
Dans le cadre des travaux engagés dans les groupes et sans en réduire la richesse, je retiens trois axes :
- inciter les jeunes à venir travailler dans votre secteur, grâce à des bourses de développement,
- faciliter l'accès des petites entreprises à un personnel hautement qualifié, sous forme de groupements de compétences similaires aux groupements d'employeurs,
- améliorer les conditions de travail, élément déterminant de l'attractivité des métiers. Un plan d'actions est en cours d'élaboration et je souhaiterai recueillir votre avis ;
Dernière orientation, la simplification des contrôles auxquels sont soumises vos entreprises, que ces contrôles soient publics ou liés aux audits des démarches de certification dans lesquelles vous vous êtes engagés. C'est un impératif.
Tout ce travail que nous avons conduit ensemble va nous permettre d'être acteur dans la réflexion stratégique sur la compétitivité des IAA que la Commission européenne va engager courant 2008 et qui sera piloté par mon ancien Collègue, le Commissaire européen chargé des entreprises et de l'industrie, Günter VERHEUGEN. L'objectif est de déboucher sur un plan d'actions en 2009.Je serai personnellement très actif pour participer à l'élaboration de cette nouvelle stratégie communautaire à laquelle vous serez d'ailleurs associé.
Je vais laisser, Monsieur le Président, place aux débats de cette journée qui va encore une fois démontrer le potentiel de cette industrie agroalimentaire qui contribue si fortement à notre richesse nationale. Vous l'aurez compris, je souhaite que notre partenariat se renforce pour donner un cadre clair simplifié a vos entreprises, facilitant leur développement durable, y compris au plan international.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 21 mars 2008