Texte intégral
C'est avec un très grand plaisir que j'installe aujourd'hui votre Conseil, le Conseil national de coordination des sciences de l'homme et de la société.
Avant de vous parler de façon plus précise de ce qui nous réunit aujourd'hui, je voudrais rappeler rapidement les grandes lignes qui guident mon action en matière de sciences de l'homme et de la société : le soutien de base aux équipes de recherche, la création d'outils structurants, le développement des outils pour la recherche fondamentale, avant d'aborder la composition et le rôle de votre conseil.
L'action du ministère en faveur des SHS
- Le soutien de base aux équipes de recherche
Même s'il a peu de visibilité dans l'opinion, le soutien de base aux équipes de recherche, tant dans les EPST que dans les universités, constitue un outil important de la politique de recherche. Les actions spécifiques et l'ACI "Jeunes Chercheurs" permettent aussi, de façon ciblée, d'aider les unités de recherche.
- La création d'équipements structurants
L'image du chercheur SHS travaillant seul avec son stylo, longtemps dominante, est aujourd'hui révolue. Depuis une dizaine d'années, et tout particulièrement dans les secteurs qui exigent des approches collectives et des instruments (archéologie, sociologie, anthropologie, géographie, linguistique, psychologie etc), la nécessité de mettre en place de véritables équipements s'est fait jour. La politique des unités mixtes, communes au CNRS et à l'Université, s'est imposée, tandis que les sciences humaines et sociales apprenaient à disposer d'équipements comparables à ceux que l'on trouve dans les laboratoires de sciences exactes.
Ces équipements, qui sont des instruments structurants, sont caractérisés à la fois par des locaux communs, par la présence d'importantes ressources documentaires et techniques (que le chercheur ne trouverait pas chez lui), et par un environnement intellectuel stimulant pour les équipes de chercheurs qui y sont accueillies. En outre, il est indispensable que les ressources documentaires de ces outils ne soient pas captées par les équipes de recherche résidentes, mais que celles-ci puissent accueillir, pour un temps limité, d'autres chercheurs, sur le modèle des pensionnaires scientifiques des Ecoles françaises à l'étranger. En effet, la création et le renforcement de tels outils reposent sur la conviction qu'il est indispensable, pour la fécondité de la recherche, que les chercheurs se côtoient, se rencontrent, travaillent ensemble dans des mêmes lieux : il faut éviter le scénario où le chercheur devant son ordinateur, seul chez lui, commanderait à distance un exemplaire numérisé de l'ouvrage dont il a besoin. L'avenir de la recherche passe par l'échange scientifique.
A ce stade, on peut distinguer trois types d'équipements structurants :
*les Maisons des sciences de l'homme et les instituts fédératifs du CNRS, outils d'aménagement scientifique du territoire, pluri-disciplinaires,
*les grands instituts thématiques ou mono-disciplinaires (Institut national d'histoire de l'art, Maison de la géographie, Musée du Quai Branly, etc) dont la création est liée à une réflexion de fond sur l'état de certaines disciplines,
*le dispositif français de recherche à l'étranger (centres français à l'étranger, naguère sous la seule tutelle du du ministère des Affaires étrangères, désormais sous la triple tutelle du Ministre des Affaires étrangères, du ministère de l'Education nationale et du ministère de la Recherche).
D'ailleurs, plusieurs projets visent actuellement à engager une dynamique de fécondation réciproque entre la recherche fondamentale et le patrimoine culturel : l'Institut national d'histoire de l'art, mais aussi la réforme de l'archéologie préventive, le musée du Quai Branly ou la transformation du Musée des Arts et traditions populaires du Bois de Boulogne en Musée de la civilisation de l'Europe et de la Méditerranée à Marseille. J'ai au demeurant fait inscrire cette ambition dans le projet de loi sur les musées.
1) le développement des outils pour la recherche fondamentale
- L'utilisation de banques de données
Les sciences sociales ont un besoin impératif de banques de données, constituées par l'archivage et la diffusion de données quantitatives.
Sur le plan national, nombreuses sont les administrations qui produisent des données quantitatives (l'INSEE en premier lieu, mais aussi l'INED, la DPD). Or ces matériaux, essentiels pour la recherche en sociologie, démographie, géographie, économie, histoire, sont insuffisamment utilisés par les chercheurs. De ce point de vue, une initiative en cours, commune aux ministères de la Recherche, de l'Education nationale, de l'Emploi et de la solidarité, de l'Economie et des finances vise actuellement à jeter les bases d'une politique publique des données pour la recherche, qui pourrait comporter trois volets : l'organisation d'un système d'accès aux données, une politique de formation à l'usage des données (maîtrise des techniques et des principes déontologiques), une politique de mobilité entre organismes producteurs de données et universités ou organismes de recherche.
La numérisation
Le secteur SHS est dans son ensemble concerné directement par la numérisation.
Aujourd'hui, la demande des équipes ou laboratoires est considérable. Plusieurs millions d'images et des milliers de revues sont en cours de numérisation. Toutefois le ministère est confronté à la multitude des supports souhaités, avec le risque de voir, d'ici dix ans, tous ces systèmes devenir obsolètes.
Une étude a été lancée par le ministère, en liaison avec le CNRS, afin d'étudier les modalités d'un développement concerté des programmes de numérisation. Il a été demandé aux laboratoires et instituts de hiérarchiser leurs besoins, de clarifier les objectifs et d'évaluer avec précision leurs besoins. Cette action fait l'objet d'une ACI spécifique, financée par le FNS. De façon complémentaire, il faut organiser la mutualisation tant des tâches de numérisation que des ressources, une fois celles-ci numérisées. Cette mise en réseau s'appuie sur des investissements informatiques ou sur Renater.
2) La programmation de la recherche fondamentale
C'est dans le cadre de la dimension sociétale de la recherche fondamentale qu'intervient de façon plus ciblée la notion de programmation. La recherche est alors sollicitée pour parvenir à :
*une meilleure compréhension des enjeux sociaux : c'est traditionnellement l'une des fonctions des sciences sociales, de longue date appelées à contribuer à la définition des politiques publiques. De façon ponctuelle, c'est à cette demande qu'a correspondu le lancement des programmes Ville, Travail ou Ecole,
*une meilleure compréhension des phénomènes culturels. De façon croissante en effet, une très forte demande sociale s'exprime dans le secteur de la culture. Le goût pour le patrimoine en particulier, relayé par l'action du ministère de la Culture et amplifié par les lois de décentralisation, est devenu un véritable fait de société. J'ai indiqué tout à l'heure les projets qui répondent à cette nécessité de renforcer l'articulation de la recherche fondamentale et du patrimoine culturel : je n'y reviens pas.
L'outil développé par mon ministère pour orienter l'effort de recherche vers des domaines définis comme prioritaires par le Conseil interministériel de la recherche scientifique et technologique (CIRST), après avis du Conseil national de la science, est l'Action concertée incitative (ACI). Ces ACI viennent soutenir les équipes de recherche publique des établissements d'enseignement supérieur et organismes de recherche. Elles sont limitées dans le temps (2 à 4 ans), et après évaluation des résultats, celles-ci sont destinées à être reprises par les universités et les organismes de recherche dans le cadre normal de leur activité. Ces actions doivent favoriser les collaborations entre disciplines, permettre l'émergence thématiques nouvelles, la formation de nouveaux spécialistes, le renouvellement de l'approche de certaines questions. Elles comprennent un volet, auquel nous accordons la plus grande importance, de diffusion des résultats aux acteurs concernés et au public. Elles sont financées par le Fonds national de la science.
Les ACI thématiques doivent être relayées par des ACI de structuration des sciences humaines et sociales : c'est le sens de celles qui concernent le réseau des Maisons de sciences de l'homme, la numérisation, l'internationalisation des SHS.
Le Conseil national de coordination des sciences de l'homme et de la société
Composition du CNCSHS
Votre conseil prend la suite du "Conseil pour un nouveau développement des sciences humaines et sociales", que mon prédécesseur, Claude Allègre, avait mis en place en octobre 1998, pour le conseiller sur les actions de recherche à mener. Présidé par le professeur Alain Supiot, ce Conseil a mené une réflexion approfondie, qui a donné lieu à deux rapports remarquables. Ces recommandations seront prochainement publiées aux Presses universitaires de France, dans la collection "Quadrige".
Le "Conseil Supiot", ainsi qu'il avait rapidement été surnommé par la communauté des sciences humaines et sociales, était en réalité né d'un "oubli": l'absence de représentants des sciences de l'homme et de la société au sein du Conseil national de la science, nouvellement créé.
Comme le Conseil national de la science, le Conseil pour le développement des sciences humaines et sociales, à la différence de la plupart des conseils et comités nationaux -instances représentatives de concertation ou d'évaluation- avait une mission de réflexion et d'orientation stratégique.
Toutefois, la composition et le fonctionnement de ces deux Conseils méritent d'être améliorés sur plusieurs points:
-Tout d'abord, mettre fin à l'absence de représentants des sciences humaines et sociales au sein du Conseil national de la science, et, au-delà, la coupure totale entre les deux conseils.
- Ensuite, remédier à l'absence de membres étrangers au sein du Conseil national pour le développement des sciences humaines et sociales, alors que ceux-ci siègent au CNS...
- Enfin, il est apparu à vos prédécesseurs que leurs débats souffraient d'une lacune grave pour un conseil en charge de l'orientation stratégique : l'absence d'un comité de coordination, comprenant des représentants des institutions en charge de la recherche. Aussi, malgré la grande qualité de ses réflexions, l'impact des propositions du Conseil national pour le développement des sciences humaines et sociales est-il resté assez limité.
Il faut donc adapter les structures aux nouvelles conditions et tirer les leçons à la fois de la réussite et des limites de l'expérience des années 1999 et 2000 : faciliter la liaison avec les structures opérationnelles et prendre en compte la vitalité nouvelle des sciences de l'homme et de la société.
C'est pour cet ensemble de raisons que j'ai pris plusieurs décisions, de façon à modifier le dispositif existant.
La présence des SHS au CNS
L'intégration des sciences humaines et sociales au Conseil national de la science est impérative,
- parce que les sciences de l'homme et de la société sont des sciences, au même titre que les autres,
- parce que beaucoup de problèmes sont communs à la communauté scientifique dans son ensemble (les grands équipements, la mobilité des chercheurs, pour ne citer que ces deux points),
- parce que le CNS a vocation à réfléchir au développement de l'interdisciplinarité.
C'est la raison pour laquelle j'ai désigné quatre personnalités pour représenter les sciences humaines et sociales au Conseil national de la Science :
le nouveau président de votre conseil, Robert Ilbert,
votre vice-président,
Maurice Godelier, ainsi que Michel Serres, de l'Académie française, et Jean-Pierre Vernant.
Symétriquement, le Conseil national de la Science désignera demain deux représentants qui siégeront dans votre propre Conseil.
Par ailleurs, j'ai transformé le Conseil pour le développement des sciences humaines et sociales en un nouveau Conseil, le Conseil national de coordination des sciences de l'homme et de la société, dans une configuration qui tient compte des observations formulées par l'ancien Conseil.
A mon initiative, le nouveau Conseil est créé par un décret du Premier ministre, ce qui le place à égalité avec le CNS. En revanche, le conseil précédent avait été créé par simple arrêté ministériel. Désormais, juridiquement, et symboliquement les deux conseils sont placés sur un pied d'égalité.
En ce qui concerne la composition du conseil, j'ai tiré les conclusions de la situation précédente en introduisant des personnalités étrangères et des représentants des principales institutions administrant l'activité de recherche.
Des personnalités étrangères :
Un quart des personnalités qualifiées seront désormais des scientifiques de pays étrangers. Je les remercie tout particulièrement d'avoir accepté de participer aux travaux de votre conseil. Leur engagement permettra notamment de commencer à constituer un réseau de chercheurs en liaison avec la Commission européenne, dont les initiatives en matière de recherche fondamentale dans vos disciplines sont appelées à se renforcer à ma demande.
Des représentants institutionnels :
C'est au demeurant en réponse à une demande que le "Conseil Supiot" a lui-même formulée que j'ai souhaité inviter non seulement la direction de la recherche, la direction de l'enseignement supérieur et la mission scientifique universitaire à participer aux travaux du Conseil, mais également la Conférence des présidents d'Université, le CNRS, l'IRD et l'INED et les départements ministériels actifs en matière de recherche en sciences de l'homme et de la société : le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, le ministère de la Culture et de la Communication.
Les personnalités qualifiées :
En ce qui concerne les personnalités qualifiées, j'ai voulu que l'essentiel de vos disciplines soient représentées, et que soient aussi représentées la plupart des institutions de recherche, avec une prédominance, naturelle dans vos secteurs, des universités. Je rappelle en effet que les sciences de l'homme et de la société en France, ce sont avant tout 20 000 enseignants-chercheurs répartis dans une soixantaine d'universités, 2000 chercheurs au CNRS, un millier environ à l'IRD.
La mission qui vous est assignée est claire : il s'agit pour votre Conseil de proposer les orientations qui lui semblent nécessaires, pour aider les sciences humaines et sociales à entrer dans un vingt-et-unième siècle, qui sera européen et international.
Dans ces conditions, le conseil aura trois fonctions :
1) me proposer des orientations stratégiques pour la politique scientifique,
2) coordonner au plan national les programmes et opérations de recherche entre les organismes (CNRS/IRD/INED/INSERM etc), les universités et les programmes pilotés directement par le ministère (et financés par le Fonds national de la science).
3) uvrer à l'ouverture européenne et internationale dans deux directions : les actions-clés de l'Union (PCRD) d'une part, et d'autre part ? la mise en réseau souhaitable des institutions et les opérations multilatérales.
Disposant de la possibilité de faire appel à des experts, d'auditionner des personnalités extérieures et de constituer des commissions, le nouveau Conseil sera en mesure de proposer des analyses que les directions n'ont pas la possibilité de conduire et qui déboucheront sur des propositions concrètes, d'autant plus facilement réalisables qu'elles auront été discutées en séance avec les directions et organismes concernés.
Ce conseil est donc à la fois un conseil d'orientation stratégique et un comité de coordination. J'ai souhaité que le président en soit un universitaire, directeur de l'équipement modèle pour vos disciplines qu'est la Maison méditerranéenne des sciences de l'homme d'Aix-en-Provence. A Robert Ilbert, donc, et au vice-président, Maurice Godelier, je souhaite d'animer des travaux inspirés et productifs.
A tous, en vous remerciant à nouveau pour le temps et l'énergie que vous consacrerez à ces travaux, je souhaite, en dépit de la charge supplémentaire de travail que vous avez acceptée, une forme de plaisir à l'appréhension large et horizontale de l'animation de la recherche.
(source http://www.recherche.gouv.fr, le 26 mars 2001)
Avant de vous parler de façon plus précise de ce qui nous réunit aujourd'hui, je voudrais rappeler rapidement les grandes lignes qui guident mon action en matière de sciences de l'homme et de la société : le soutien de base aux équipes de recherche, la création d'outils structurants, le développement des outils pour la recherche fondamentale, avant d'aborder la composition et le rôle de votre conseil.
L'action du ministère en faveur des SHS
- Le soutien de base aux équipes de recherche
Même s'il a peu de visibilité dans l'opinion, le soutien de base aux équipes de recherche, tant dans les EPST que dans les universités, constitue un outil important de la politique de recherche. Les actions spécifiques et l'ACI "Jeunes Chercheurs" permettent aussi, de façon ciblée, d'aider les unités de recherche.
- La création d'équipements structurants
L'image du chercheur SHS travaillant seul avec son stylo, longtemps dominante, est aujourd'hui révolue. Depuis une dizaine d'années, et tout particulièrement dans les secteurs qui exigent des approches collectives et des instruments (archéologie, sociologie, anthropologie, géographie, linguistique, psychologie etc), la nécessité de mettre en place de véritables équipements s'est fait jour. La politique des unités mixtes, communes au CNRS et à l'Université, s'est imposée, tandis que les sciences humaines et sociales apprenaient à disposer d'équipements comparables à ceux que l'on trouve dans les laboratoires de sciences exactes.
Ces équipements, qui sont des instruments structurants, sont caractérisés à la fois par des locaux communs, par la présence d'importantes ressources documentaires et techniques (que le chercheur ne trouverait pas chez lui), et par un environnement intellectuel stimulant pour les équipes de chercheurs qui y sont accueillies. En outre, il est indispensable que les ressources documentaires de ces outils ne soient pas captées par les équipes de recherche résidentes, mais que celles-ci puissent accueillir, pour un temps limité, d'autres chercheurs, sur le modèle des pensionnaires scientifiques des Ecoles françaises à l'étranger. En effet, la création et le renforcement de tels outils reposent sur la conviction qu'il est indispensable, pour la fécondité de la recherche, que les chercheurs se côtoient, se rencontrent, travaillent ensemble dans des mêmes lieux : il faut éviter le scénario où le chercheur devant son ordinateur, seul chez lui, commanderait à distance un exemplaire numérisé de l'ouvrage dont il a besoin. L'avenir de la recherche passe par l'échange scientifique.
A ce stade, on peut distinguer trois types d'équipements structurants :
*les Maisons des sciences de l'homme et les instituts fédératifs du CNRS, outils d'aménagement scientifique du territoire, pluri-disciplinaires,
*les grands instituts thématiques ou mono-disciplinaires (Institut national d'histoire de l'art, Maison de la géographie, Musée du Quai Branly, etc) dont la création est liée à une réflexion de fond sur l'état de certaines disciplines,
*le dispositif français de recherche à l'étranger (centres français à l'étranger, naguère sous la seule tutelle du du ministère des Affaires étrangères, désormais sous la triple tutelle du Ministre des Affaires étrangères, du ministère de l'Education nationale et du ministère de la Recherche).
D'ailleurs, plusieurs projets visent actuellement à engager une dynamique de fécondation réciproque entre la recherche fondamentale et le patrimoine culturel : l'Institut national d'histoire de l'art, mais aussi la réforme de l'archéologie préventive, le musée du Quai Branly ou la transformation du Musée des Arts et traditions populaires du Bois de Boulogne en Musée de la civilisation de l'Europe et de la Méditerranée à Marseille. J'ai au demeurant fait inscrire cette ambition dans le projet de loi sur les musées.
1) le développement des outils pour la recherche fondamentale
- L'utilisation de banques de données
Les sciences sociales ont un besoin impératif de banques de données, constituées par l'archivage et la diffusion de données quantitatives.
Sur le plan national, nombreuses sont les administrations qui produisent des données quantitatives (l'INSEE en premier lieu, mais aussi l'INED, la DPD). Or ces matériaux, essentiels pour la recherche en sociologie, démographie, géographie, économie, histoire, sont insuffisamment utilisés par les chercheurs. De ce point de vue, une initiative en cours, commune aux ministères de la Recherche, de l'Education nationale, de l'Emploi et de la solidarité, de l'Economie et des finances vise actuellement à jeter les bases d'une politique publique des données pour la recherche, qui pourrait comporter trois volets : l'organisation d'un système d'accès aux données, une politique de formation à l'usage des données (maîtrise des techniques et des principes déontologiques), une politique de mobilité entre organismes producteurs de données et universités ou organismes de recherche.
La numérisation
Le secteur SHS est dans son ensemble concerné directement par la numérisation.
Aujourd'hui, la demande des équipes ou laboratoires est considérable. Plusieurs millions d'images et des milliers de revues sont en cours de numérisation. Toutefois le ministère est confronté à la multitude des supports souhaités, avec le risque de voir, d'ici dix ans, tous ces systèmes devenir obsolètes.
Une étude a été lancée par le ministère, en liaison avec le CNRS, afin d'étudier les modalités d'un développement concerté des programmes de numérisation. Il a été demandé aux laboratoires et instituts de hiérarchiser leurs besoins, de clarifier les objectifs et d'évaluer avec précision leurs besoins. Cette action fait l'objet d'une ACI spécifique, financée par le FNS. De façon complémentaire, il faut organiser la mutualisation tant des tâches de numérisation que des ressources, une fois celles-ci numérisées. Cette mise en réseau s'appuie sur des investissements informatiques ou sur Renater.
2) La programmation de la recherche fondamentale
C'est dans le cadre de la dimension sociétale de la recherche fondamentale qu'intervient de façon plus ciblée la notion de programmation. La recherche est alors sollicitée pour parvenir à :
*une meilleure compréhension des enjeux sociaux : c'est traditionnellement l'une des fonctions des sciences sociales, de longue date appelées à contribuer à la définition des politiques publiques. De façon ponctuelle, c'est à cette demande qu'a correspondu le lancement des programmes Ville, Travail ou Ecole,
*une meilleure compréhension des phénomènes culturels. De façon croissante en effet, une très forte demande sociale s'exprime dans le secteur de la culture. Le goût pour le patrimoine en particulier, relayé par l'action du ministère de la Culture et amplifié par les lois de décentralisation, est devenu un véritable fait de société. J'ai indiqué tout à l'heure les projets qui répondent à cette nécessité de renforcer l'articulation de la recherche fondamentale et du patrimoine culturel : je n'y reviens pas.
L'outil développé par mon ministère pour orienter l'effort de recherche vers des domaines définis comme prioritaires par le Conseil interministériel de la recherche scientifique et technologique (CIRST), après avis du Conseil national de la science, est l'Action concertée incitative (ACI). Ces ACI viennent soutenir les équipes de recherche publique des établissements d'enseignement supérieur et organismes de recherche. Elles sont limitées dans le temps (2 à 4 ans), et après évaluation des résultats, celles-ci sont destinées à être reprises par les universités et les organismes de recherche dans le cadre normal de leur activité. Ces actions doivent favoriser les collaborations entre disciplines, permettre l'émergence thématiques nouvelles, la formation de nouveaux spécialistes, le renouvellement de l'approche de certaines questions. Elles comprennent un volet, auquel nous accordons la plus grande importance, de diffusion des résultats aux acteurs concernés et au public. Elles sont financées par le Fonds national de la science.
Les ACI thématiques doivent être relayées par des ACI de structuration des sciences humaines et sociales : c'est le sens de celles qui concernent le réseau des Maisons de sciences de l'homme, la numérisation, l'internationalisation des SHS.
Le Conseil national de coordination des sciences de l'homme et de la société
Composition du CNCSHS
Votre conseil prend la suite du "Conseil pour un nouveau développement des sciences humaines et sociales", que mon prédécesseur, Claude Allègre, avait mis en place en octobre 1998, pour le conseiller sur les actions de recherche à mener. Présidé par le professeur Alain Supiot, ce Conseil a mené une réflexion approfondie, qui a donné lieu à deux rapports remarquables. Ces recommandations seront prochainement publiées aux Presses universitaires de France, dans la collection "Quadrige".
Le "Conseil Supiot", ainsi qu'il avait rapidement été surnommé par la communauté des sciences humaines et sociales, était en réalité né d'un "oubli": l'absence de représentants des sciences de l'homme et de la société au sein du Conseil national de la science, nouvellement créé.
Comme le Conseil national de la science, le Conseil pour le développement des sciences humaines et sociales, à la différence de la plupart des conseils et comités nationaux -instances représentatives de concertation ou d'évaluation- avait une mission de réflexion et d'orientation stratégique.
Toutefois, la composition et le fonctionnement de ces deux Conseils méritent d'être améliorés sur plusieurs points:
-Tout d'abord, mettre fin à l'absence de représentants des sciences humaines et sociales au sein du Conseil national de la science, et, au-delà, la coupure totale entre les deux conseils.
- Ensuite, remédier à l'absence de membres étrangers au sein du Conseil national pour le développement des sciences humaines et sociales, alors que ceux-ci siègent au CNS...
- Enfin, il est apparu à vos prédécesseurs que leurs débats souffraient d'une lacune grave pour un conseil en charge de l'orientation stratégique : l'absence d'un comité de coordination, comprenant des représentants des institutions en charge de la recherche. Aussi, malgré la grande qualité de ses réflexions, l'impact des propositions du Conseil national pour le développement des sciences humaines et sociales est-il resté assez limité.
Il faut donc adapter les structures aux nouvelles conditions et tirer les leçons à la fois de la réussite et des limites de l'expérience des années 1999 et 2000 : faciliter la liaison avec les structures opérationnelles et prendre en compte la vitalité nouvelle des sciences de l'homme et de la société.
C'est pour cet ensemble de raisons que j'ai pris plusieurs décisions, de façon à modifier le dispositif existant.
La présence des SHS au CNS
L'intégration des sciences humaines et sociales au Conseil national de la science est impérative,
- parce que les sciences de l'homme et de la société sont des sciences, au même titre que les autres,
- parce que beaucoup de problèmes sont communs à la communauté scientifique dans son ensemble (les grands équipements, la mobilité des chercheurs, pour ne citer que ces deux points),
- parce que le CNS a vocation à réfléchir au développement de l'interdisciplinarité.
C'est la raison pour laquelle j'ai désigné quatre personnalités pour représenter les sciences humaines et sociales au Conseil national de la Science :
le nouveau président de votre conseil, Robert Ilbert,
votre vice-président,
Maurice Godelier, ainsi que Michel Serres, de l'Académie française, et Jean-Pierre Vernant.
Symétriquement, le Conseil national de la Science désignera demain deux représentants qui siégeront dans votre propre Conseil.
Par ailleurs, j'ai transformé le Conseil pour le développement des sciences humaines et sociales en un nouveau Conseil, le Conseil national de coordination des sciences de l'homme et de la société, dans une configuration qui tient compte des observations formulées par l'ancien Conseil.
A mon initiative, le nouveau Conseil est créé par un décret du Premier ministre, ce qui le place à égalité avec le CNS. En revanche, le conseil précédent avait été créé par simple arrêté ministériel. Désormais, juridiquement, et symboliquement les deux conseils sont placés sur un pied d'égalité.
En ce qui concerne la composition du conseil, j'ai tiré les conclusions de la situation précédente en introduisant des personnalités étrangères et des représentants des principales institutions administrant l'activité de recherche.
Des personnalités étrangères :
Un quart des personnalités qualifiées seront désormais des scientifiques de pays étrangers. Je les remercie tout particulièrement d'avoir accepté de participer aux travaux de votre conseil. Leur engagement permettra notamment de commencer à constituer un réseau de chercheurs en liaison avec la Commission européenne, dont les initiatives en matière de recherche fondamentale dans vos disciplines sont appelées à se renforcer à ma demande.
Des représentants institutionnels :
C'est au demeurant en réponse à une demande que le "Conseil Supiot" a lui-même formulée que j'ai souhaité inviter non seulement la direction de la recherche, la direction de l'enseignement supérieur et la mission scientifique universitaire à participer aux travaux du Conseil, mais également la Conférence des présidents d'Université, le CNRS, l'IRD et l'INED et les départements ministériels actifs en matière de recherche en sciences de l'homme et de la société : le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, le ministère de la Culture et de la Communication.
Les personnalités qualifiées :
En ce qui concerne les personnalités qualifiées, j'ai voulu que l'essentiel de vos disciplines soient représentées, et que soient aussi représentées la plupart des institutions de recherche, avec une prédominance, naturelle dans vos secteurs, des universités. Je rappelle en effet que les sciences de l'homme et de la société en France, ce sont avant tout 20 000 enseignants-chercheurs répartis dans une soixantaine d'universités, 2000 chercheurs au CNRS, un millier environ à l'IRD.
La mission qui vous est assignée est claire : il s'agit pour votre Conseil de proposer les orientations qui lui semblent nécessaires, pour aider les sciences humaines et sociales à entrer dans un vingt-et-unième siècle, qui sera européen et international.
Dans ces conditions, le conseil aura trois fonctions :
1) me proposer des orientations stratégiques pour la politique scientifique,
2) coordonner au plan national les programmes et opérations de recherche entre les organismes (CNRS/IRD/INED/INSERM etc), les universités et les programmes pilotés directement par le ministère (et financés par le Fonds national de la science).
3) uvrer à l'ouverture européenne et internationale dans deux directions : les actions-clés de l'Union (PCRD) d'une part, et d'autre part ? la mise en réseau souhaitable des institutions et les opérations multilatérales.
Disposant de la possibilité de faire appel à des experts, d'auditionner des personnalités extérieures et de constituer des commissions, le nouveau Conseil sera en mesure de proposer des analyses que les directions n'ont pas la possibilité de conduire et qui déboucheront sur des propositions concrètes, d'autant plus facilement réalisables qu'elles auront été discutées en séance avec les directions et organismes concernés.
Ce conseil est donc à la fois un conseil d'orientation stratégique et un comité de coordination. J'ai souhaité que le président en soit un universitaire, directeur de l'équipement modèle pour vos disciplines qu'est la Maison méditerranéenne des sciences de l'homme d'Aix-en-Provence. A Robert Ilbert, donc, et au vice-président, Maurice Godelier, je souhaite d'animer des travaux inspirés et productifs.
A tous, en vous remerciant à nouveau pour le temps et l'énergie que vous consacrerez à ces travaux, je souhaite, en dépit de la charge supplémentaire de travail que vous avez acceptée, une forme de plaisir à l'appréhension large et horizontale de l'animation de la recherche.
(source http://www.recherche.gouv.fr, le 26 mars 2001)