Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
C'est devant votre Conférence que je fais ma première déclaration publique sur les problèmes d'éducation.
Certes, le calendrier de vos réunions m'y a conduit. Mais je vous invite à voir là davantage, la marque de la considération que je porte à vos fonctions, à votre conférence et à travers vous à l'institution universitaire.
Le Président de la République a fait de l'Education et de la Formation une priorité essentielle de son septennat. C'est aussi l'engagement du Premier Ministre.
En ayant la charge, dans le gouvernement, de porter cette ambition, je ressens un grand honneur mais je sais aussi que la tâche qui m'a été confiée est à la fois, exaltante et difficile.
L'Education nationale doit développer un projet d'ensemble de l'école maternelle à l'université. Distinguer arbitrairement tel ou tel ordre d'enseignement dans cet effort qui doit être commun et continu serait une erreur grave.
Reprenant une démarche qu'avait inaugurée le Président de la République lorsqu'il avait demandé aux professeurs du Collège de France de réfléchir sur le système éducatif français, je m'adresse à vous, en premier, pour vous dire que vous devez vous considérer comme une clé de voûte du grand projet éducatif français soucieux, certes, d'excellence mais vous préoccupant de la formation de tous. Votre action et votre réflexion doivent s'étendre bien au delà des limites de vos universités. Elles doivent être prolongées en direction de tous les ordres d'enseignement et de la société tout entière.
Notre action n'aurait aucun sens, si elle devait se situer hors de cette continuité du système éducatif et sans tenir compte des évolutions de la société. La préoccupation de rendre cohérent l'ensemble du système éducatif tout en facilitant son ouverture et sa souplesse, voici ce qui doit nous guider.
Parce que vous êtes des responsables d'établissement avec des soucis, des interrogations mais aussi des espoirs, je souhaite aujourd'hui concentrer mon propos sur quelques problèmes spécifiques des universités, envisagés dans l'ensemble du système éducatif français.
Il va de soi que dans le cadre limité de mon intervention, bien des points ne pourront être examinés aujourd'hui. Que chacun soit bien persuadé qu'ils entrent cependant dans mes préoccupations et qu'ils seront tout autant l'objet de mon attention.
Ma perspective n'est pas aujourd'hui celle d'une nouvelle réforme d'ensemble de l'université. Elle est de dégager les lignes directrices d'une action à long terme qui permette d'adapter nos enseignements supérieurs au monde moderne et de les placer en position favorable à l'entrée du 21ème siècle.
Les objectifs proposés, les principes qui devront guider l'action, les initiatives qu'il convient de prendre dès à présent découlent de la volonté de remédier à des faiblesses connues, de répondre à des défis manifestes.
Les faiblesses et les défis
Malgré des réformes courageuses, malgré des inflexions importantes, le système d'enseignement supérieur français ne fonctionne pas de manière totalement satisfaisante.
- ce système, comparé avec ses homologues des grands pays industrialisés, apparaît morcelé. Les cloisonnements demeurent entre les universités, les grandes écoles, les grands établissements, comme le Collège de France ou le Muséum, des organismes de recherche spécialisés comme l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, le Centre National des Etudes Spatiales ou à vocation générale comme le Centre National de la Recherche Scientifique.
- ce morcellement n'est pas sans lien avec la tendance de l'université française, qui s'est exprimée dans le passé, malgré des exceptions notables, à rejeter à la périphérie les innovations. Ceci est vrai pour l'enseignement : le Collège de France, l'Ecole Centrale, l'Ecole Polytechnique, l'Ecole Normale Supérieure sont nés en leur temps de l'exclusion par l'université de certaines disciplines. Cela pour la recherche ainsi la biologie moléculaire s'est introduite en France à travers l'Institut Pasteur, la mécanique quantique via le CEA... Il faudrait rendre à l'ensemble du système sa capacité de découverte et d'innovation, et à l'université sa faculté de réunir les concours de tous les agents, y compris les professionnels du monde économique.
- le système d'enseignement supérieur ne remplit pas au mieux trois de ses fonctions : former les enseignants du supérieur et les chercheurs, former les enseignants du secteur scolaire, donner à la nation les cadres dont elle a besoin.
Or, nous avons à répondre à trois défis majeurs.
- L'enseignement supérieur est devenu un enseignement de masse : le nombre d'étudiants a été multiplié par 4,5 en 15 ans. Nous voulons l'accroître encore d'ici l'an 2000. Ceci rend d'autant plus nécessaire de créer un enseignement original, nourri par la recherche de pointe.
- Notre système d'enseignement et de formation doit s'adapter aux changements considérables qui s'annoncent pour le monde de demain, et d'abord aux échéances européennes. Participer à la compétition européenne ou mondiale avec les meilleurs atouts, voici l'enjeu : il s'exprime dans toutes les filières, technologiques, de gestion, de droit, d'aménagement de l'espace ou de l'environnement. Les diplômes d'Oxford seront-ils supérieurs à ceux de nos plus grandes universités ? Les industries innovantes choisiront-elles de s'implanter près d'Orsay ou autour d'Heidelberg ou de Cambridge ? Voilà pour l'enseignement supérieur français un enjeu essentiel à l'horizon de 1993.
- La contrainte financière doit être desserrée. I1 n'est pas acceptable que la France occupe un rang aussi modeste quant aux moyens qu'elle donne aux enseignements supérieurs.
Les objectifs et les principes
Former les cadres dont le pays a besoin, telle doit être la mission des formations supérieures.
Il s'agit en premier lieu de former ces cadres en nombre et en qualité, de savoir adapter l'offre à l'évolution diversifiée de la demande : 80 % à 90 % des hommes et des femmes qui entrent dans l'enseignement supérieur doivent en sortir avec un diplôme. La tâche prioritaire est donc la réduction drastique de l'échec universitaire mais aussi l'adéquation aux besoins en enseignants, chercheurs et cadres techniques. Pour ce faire l'université et les grandes écoles devront changer
- L'enseignement-de masse doit être celui de la qualité et de la diversité. Il est en effet, indispensable d'identifier puis de diversifier les filières, pour redonner aux enseignements supérieurs une efficacité compatible avec des capacités d'accueil régulièrement croissantes. Cette montée en charge ne pourra se faire que progressivement, secteur par secteur. La formation des maîtres, la mise en place d'un premier cycle rénové sont, dans cette direction, les premières priorités qui engagent l'avenir.
- L'adaptation à la compétition internationale passe d'abord par la maîtrise de l'évolution galopante du savoir. Nos programmes comme nos enseignants doivent fabriquer, accueillir, intégrer l'innovation. Les filières pluridisciplinaires correspondant aux besoins des entreprises doivent être développées.
Enfin, un effort financier important devra être poursuivi pendant la législature qui commence et celles qui suivront. Ceci à la fois dans le but de rénover les infrastructures, de revaloriser les métiers d'enseignants chercheurs et d'améliorer le statut et la condition des étudiants.
Quelques principes peuvent, à cet égard, être rappelés.
- La double mission des enseignements supérieurs est de créer et de diffuser le savoir, chaque mission est indissociable de l'autre et portée par les hommes et les femmes qui en ont la charge. Ce principe a de profondes conséquences dans la réalité. D'abord, il est vrai que seule la formation par la recherche permet l'intégration du savoir faire créé par les autres, l'accès vivant et utile à la littérature scientifique internationale et les contacts professionnels efficaces. Pour autant la carrière et la vie des enseignants ne sauraient être réglées par des normes uniformes. Par ailleurs, pour professionnaliser les filières de façon efficace, il faut aussi importer dans l'université le savoir créé ailleurs.
- La recherche de la quantité et celle de la qualité doivent être simultanées. Nous aurons besoin d'équipes d'excellence et de millions d'hommes et de femmes formés aux technologies modernes, à l'informatique, à la robotique. L'objectif de l'accès à l'enseignement supérieur pour un plus grand nombre est une nécessité absolue ; dans le même temps, la qualité doit être recherchée partout. Admettre les diversités, c'est aussi garantir la qualité.
- pour respecter l'exigence de diversité, qui est une nécessité, chaque université doit trouver son style pédagogique, son mode de gestion financière, ses structures internes propres. L'Etat, pour sa part, veillera à ce que l'égalité républicaine soit respectée, notamment en adoptant les labels nationaux concernant les diplômes, en maintenant des conditions d'accès qui soient celles d'une université ouverte et généreuse.
- L'université doit avoir des finalités professionnelles mais aussi un lieu de culture ; culture générale et culture professionnelle, culture pour les étudiants et pour ceux qui sont engagé dans la vie active, culture pour tous les habitants de la cité. Ainsi, l'université sera-t-elle tournée à la fois vers l'entreprise et vers la vie.
L'activité des universités
Je souhaite que l'année universitaire qui s'annonce soit l'occasion d'une grande mobilisation de vos universités, de tous les talents, les intelligences et les imaginations qui les peuplent pour construire ensemble les bases de l'université de demain. Cette grande mobilisation, dans laquelle vous allez jouer un rôle éminent, devra porter sur l'essentiel, c'est-à-dire sur les contenus des enseignements, la lutte contre l'échec et le devenir professionnels de nos étudiants.
C'est à un gigantesque effort de réflexion, de proposition, d'initiative que j'entends convier tous ceux qu'intéresse l'avenir de notre pays, dans et hors de l'université.
L'idée de contrat est au coeur de notre démarche
Je souhaite que chaque université soit amenée à proposer la configuration de ses enseignements. C'est à partir de cette maquette, de ses versions successives, d'un dialogue avec va et vient multiples, que pourra se conclure une série de contrats pluriannuels entre la collectivité publique et les universités. La collectivité publique s'entend de l'État mais aussi de toutes les collectivités locales qui souhaiteront s'associer au gigantesque effort de promotion et de rénovation des enseignements supérieurs. C'est dire quel prix j'attache au dialogue des universités entre elles dans la région et, en même temps, au dialogue entre l'Université et sa Région.
Les contrats Etat Région joueront, bien sûr un rôle essentiel en ce qui concerne les infrastructures et les équipements mais il nous faut aller au delà. Aucune maquette pédagogique ne devait être évaluée sans qu'elle ait fait l'objet au préalable d'une présentation et d'une discussion régionale entre les universités. En disant cela je n'ignore pas que la région Ile de France a une situation particulière qui doit être prise en compte.
En indiquant combien j'ai la volonté de faire vivre et d'amplifier la grande entreprise de la décentralisation initiée dès le début de son premier septennat par François Mitterrand, j'entends aussi rappeler le rôle de l'Etat qui doit conserver la responsabilité de coordination, d'impulsion et de mise en cohérence.
Cette répartition des responsabilités ne saurait se concevoir hors de la perspective européenne, qui va mettre notre système d'enseignement supérieur en situation de concurrence forte. La barrière protectrice des langues s'estompera rapidement dans les disciplines scientifiques ou médicales et pour beaucoup de sciences humaines. Dans ce contexte européen, chaque université devra trouver sa place. Je dis bien chaque université, petite ou grande, parisienne ou provinciale. Pour cela il importe que chacune fasse des choix. Choix des filières, choix des programmes, choix de sa taille. Ces choix devront se faire dans la clarté et avec la volonté constante de rechercher la qualité. Dès lors qu'on accepte la diversité, la qualité peut être recherchée partout, indépendamment de la taille, de la région et de l'histoire.
Diversité et choix vont être pour nous tous les maîtres mots de l'effort auquel je vous convie.
J'ai souligné tout à l'heure la variété des finalités de l'enseignement supérieur. Celles-ci devront se traduire dans les diverses filières proposées.
Chaque filière devra être conçue de manière à conduire à des métiers. Je dis des et non pas un métier. En effet il est indispensable de concevoir chaque filière afin que l'étudiant puisse sortir à chaque niveau du système éducatif vers la vie active. Il est important que la sortie du système éducatif ne soit pas, comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui, la conséquence d'une situation d'échec. Une telle philosophie implique donc que dans vos maquettes vous intégriez d'une manière pleine et entière les modalités de formations continues et récurrentes. C'est donc à un effort de cohérence et de réflexion à long terme auquel je vous invite.
La formation des chercheurs est la filière qui pose le moins de problème de mutation car l'université française l'a particulièrement privilégiée. La formation des maîtres du secondaire et du primaire va retenir notre attention. Avant même que nous ne fixions notre politique en ce domaine, qui ne saurait être dissociée l'ensemble des mesures touchant au secondaire et primaire, il me paraît important que les universités fassent des propositions. Le cadre régional que j'ai évoqué leur permet peut-être d'amorcer un dialogue avec les enseignants des autres ordres d'enseignement.
L'Evaluation
Naturellement, toute cette entreprise serait vouée à l'échec si nous ne possédions pas en aval une évaluation sérieuse, systématique et irréprochable. Evaluation quantitative de l'efficacité du système d'enseignement (le rapport entre les reçus et inscrits analysé par cycle, par discipline, par filière, par université doit devenir une référence pour tous). Evaluation qualitative des finalités. Le temps qu'a requis l'insertion professionnelle doit être un autre indice qui aidera à évaluer la qualité des filières. Il s'agit donc d'évaluer aussi bien la qualité des enseignements et de la recherche, que celle des structures, de l'organisation des enseignements, de l'accueil des étudiants, de l'orientation, etc...
A cet égard je tiens à saluer l'action déjà considérable accomplie par le comité National d'évaluation. Mais je n'oublie pas les contributions multiples des Inspections Générales et de chaque direction. A cela s'ajoutent les études du CEREQ et celles faites par vos laboratoires et vos équipes de sociologie et de sciences de l'Éducation.
Toutefois, ce qui me frappe, c'est le caractère dispersé de ces efforts, l'absence de coordination et de synthèse. Or, s'il est un domaine où cette coordination s'impose, c'est bien celui-là si l'on veut en faire l'un des instruments de détermination d'une politique.
Loin de moi l'idée d'instaurer des mesures quantitatives rigides qui ne tiendraient compte ni de la diversité des disciplines ni des contextes locaux, ni de la variété des enseignants. Mais il est bien clair que nous devons bâtir ensemble un système d'évaluation. J'ai demandé à la direction de l'évaluation et de la prospective en liaison avec le Comité National d'évaluation, de me faire une série de propositions ouvertes qui pourraient servir de base à une discussion générale.
Premier cycle
Accueillir un nombre croissant de bacheliers et leur assurer de l'enseignement secondaire à l'enseignement supérieur une meilleure poursuite de scolarité sera dans le temps la première priorité de mon action.
Une donnée sociologique a profondément modifié le problème du premier cycle : le baccalauréat, obtenu par une proportion de plus en plus importante de jeunes, n'est plus un diplôme terminal. Aujourd'hui, près de 90 % des bacheliers généraux et technologiques se dirigent vers des formations post-baccalauréat.
Par une meilleure continuité entre les années terminales du lycée et les premières années après le baccalauréat, nous devons aménager des parcours scolaires et universitaires qui amèneront le maximum de jeunes à une situation de réussite.
Notre réflexion doit inclure l'orientation au lycée qui, souvent, détermine la nature et la réussite des études supérieures suivies ultérieurement. Elle doit également englober l'ensemble des filières post-baccalauréat : classes supérieures des lycées, premier cycle universitaire, instituts universitaires de technologie. L'interdépendance et l'indispensable complémentarité des divers cycles de formation est une donnée fondamentale. Le lien secondaire-supérieur est pour moi essentiel.
Plutôt que de proposer une nouvelle réforme, je vous propose une procédure évolutive grâce à une série de mesures coordonnées :
La rénovation et la diversification des premiers cycles universitaires mises en oeuvre à la rentrée 1984 recevra une nouvelle impulsion par la diversification des filières afin d'offrir aux étudiants des parcours adaptés en contenus, en durée, en pédagogie à leurs goûts et qualités variés et conçus pour déboucher de façon positive soit sur une insertion professionnelle, soit sur la poursuite de la scolarité.
Il doit s'imposer une réelle conception d'ensemble de l'implantation des classes préparatoires aux grandes écoles, des sections de techniciens supérieurs, des départements d'I.U.T. Et des nouvelles unités universitaires lesquelles pourront correspondre dans le cas d'une demande suffisante aux besoins d'un enseignement de proximité.
Les antennes universitaires locales doivent dans l'ensemble du dispositif d'accueil des bacheliers préserver la spécificité universitaire, c'est-à-dire demeurer au sein des universités.
Les contenus et les structures pédagogiques doivent également évoluer. La croissance actuelle des effectifs dans les lycées est une opportunité pour rééquilibrer les filières en amont et en aval du baccalauréat. Les flux supplémentaires d'élèves doivent prioritairement alimenter les parcours de la réussite.
Par exemple, en amont du baccalauréat, le développement de la filière scientifique est une nécessité qui passe par une politique volontariste de l'orientation mais également par une réflexion sur les contenus.
Une continuité améliorée entre le lycée et l'université dans la filière économique passe également par une réflexion sur les contenus associant les deux niveaux d'enseignement.
En ce qui concerne les méthodes de travail, l'efficacité des premiers cycles sera améliorée par une aide accrue aux étudiants dans l'acquisition autonome des connaissances. L'effort pour les bibliothèques universitaires va dans ce sens.
La qualité des réponses apportées par les Universités aux appels d'offre européens montre l'existence d'un savoir faire important dans le domaine des nouvelles techniques d'enseignement. Un effort doit être fait pour utiliser ce savoir faire dans la formation initiale spécialement en premier cycle.
Parallèlement aux poursuites de scolarité, il nous faut faciliter le retour en formation après un temps d'activité professionnelle.
Pour favoriser cette indispensable évolution des mentalités, il faut développer dans nos universités l'éducation récurrente, c'est-à-dire le retour en formation initiale après un temps d'activité professionnelle.
Le premier cycle sera évidemment un champ d'application privilégié de la démarche contractuelle.
Afin d'éviter que des retards dans les affectations des personnels ne freinent la mise en oeuvre des contrats, j'ai demandé que soit étudiée une publication des emplois le plus tôt possible dans l'année civile 1989, même si vos projets ne seront connus avec précision et dans le détail qu'ultérieurement.
Cette modalité montre clairement l'esprit dans lequel j'entends travailler avec vous : les objectifs étant clairement affichés et partagés, les moyens étant affectés, je veux faire confiance à votre volonté et à votre capacité de réaliser pleinement les termes du contrat.
Il sera ensuite de notre responsabilité commune d'évaluer les résultats.
Le deuxième cycle
Les enseignements de second cycle constituent l'ossature des universités et donc le coeur même du système éducatif supérieur. Dans un esprit de continuité et de progressivité, je n'ai pas l'intention dans la première phase de mon action de toucher profondément à la structure de ce secteur.
Toutefois, dans la préparation des maquettes nouvelles, je demanderai aux universités de dégager nettement les filières avec leurs finalités et d'expliciter les études sur les débouchés. Dans cet effort de clarification, les cursus pluridisciplinaires ne sauraient être oubliés. Des modes d'évaluation spécifiques de ces enseignements si riches d'avenir devront être mis en place.
Dans la mise en place des filières professionnalisées, il faudra faire preuve d'un large esprit d'ouverture vers le monde économique. Celui-ci devra être mieux associé à la définition des contenus et à l'évaluation des débouchés. Ce n'est qu'à ce prix que nous pourrons assurer un renouveau des enseignements à vocation technologique et que nous pourrons faire preuve de responsabilité vis-à-vis des étudiants.
Il conviendra également de prendre en compte les conséquences de la directive européenne sur l'équivalence des diplômes.
Le troisième cycle
Le système Doctoral
J'ai dit lors de ma communication au conseil des Ministres que nous reviendrons au système mis en place par Alain Savary autour du concept de thèse unique. Beaucoup d'arguments ont été développés pour expliquer ce système qui avait été défini après la consultation d'un comité dit des sages qui comprenait des personnalités aussi diverses dans leurs pratiques professionnelles et leurs prises de positions que François JACOB, Laurent SCHWARTZ, Emmanuel LE ROY LADURIE, Paul GERMAIN ou Robert ELLRODT. Je me contenterai aujourd'hui de faire sur ce sujet quelques remarques qui sans être nécessairement originales situent le problème.
La thèse n'est pas délivrée sur la base d'une durée en années, mais compte tenu d'un niveau, d'une qualité et d'une quantité de travaux originaux. La notion de durée normale telle qu'elle était utilisée dans les textes de 1984 correspondait, en fait, à la période de soutien par des allocations de recherche. Rien n'empêche chaque discipline de mettre en oeuvre une modulation pour tenir compte des spécificités des disciplines ou des histoires individuelles des postulants. C'est ce qui se pratique dans beaucoup de pays développés et on ne voit pas pourquoi une telle diversité, sans excès, ne pourrait pas se développer chez nous. Je fais confiance à l'imagination et au sens des responsabilités des universitaires français pour qu'il en soit ainsi.
La thèse unique marque aussi la volonté d'ouvrir l'université sur le monde et la société civile. Il s'agit, on l'a dit, de faire en sorte que notre thèse soit analogue à celle des autres grands pays développés et notamment européens. Mais c'est aussi ouvrir vers la société civile. Le doctorat est le grade universitaire le plus élevé. Pourquoi le réserver aux universitaires ? Pourquoi ne pas chercher à faire pénétrer cette formation par la recherche dans un monde économique qui a tant besoin de femmes et d'hommes sachant imaginer, inventer et créer ? Comment un tel objectif serait-il possible si l'obtention de la thèse devait prendre un grand nombre d'années, voire plus d'une décennie ?
Pour ce qui concerne le système universitaire et de recherche, on a créé l'habilitation. C'est un diplôme à usage interne, qui ouvre la voie au recrutement professoral, mais qui doit aussi être ouvert aux candidats extérieurs. L'habilitation à diriger des recherches devra être exigée par les organismes de recherche et par l'université pour avoir le droit de diriger des équipes ou des formations de recherche. Nous engageons dès à présent des discussions avec le Ministère de la Recherche dans ce sens. Je vous invite dès la rentrée à mettre en oeuvre le système des habilitations en utilisant la loi pour innover dans la rigueur et la diversité, et en vous assurant que ce diplôme ne soit en aucun cas une copie de l'ancienne thèse longue, en veillant enfin à ce qu'il soit ouvert aux postulants extérieurs dont les talents intellectuels se sont épanouis au sein du morde économique, industriel ou de la recherche.
Les Allocations de Recherche et la Formation des Enseignants de l'enseignement Supérieur
Sur proposition du Ministre de la Recherche et de moi-même, nous avons revalorisé le montant des allocations de recherche. Il s'agit d'une revalorisation mensuelle et d'une extension progressive de la durée à trois années. A ce système de base nous nous proposons d'adjoindre des possibilités complémentaires : soit par la mise en place d'un Monitorat d'initiation à l'enseignement supérieur (M.I.E.S.) destiné à la formation des futurs enseignants du supérieur, soit pour soutenir la formation à la recherche des futurs cadres, destinés au milieu industriel. L'ensemble de ces mesures devrait connaître dans l'avenir une forte amplification car notre déficit en thèses reste important.
Sans doute devrons-nous aussi faire appel davantage à la contribution du monde économique sous des formes qui, à l'image des bourses CIFRE, devraient se diversifier. Un travail de réflexion en concertation avec le Ministère de la Recherche est en cours et nous avons confié à MM. Guy AUBERT et Bernard DECOMPS une mission de réflexion sur ce sujet.
Pour la période transitoire, j'ai demandé à la Direction des Enseignements Supérieurs et à la Direction des Personnels, des mesures qui permettraient de faire évoluer le système des allocations d'Enseignement Supérieur vers de nouvelles dispositions sans provoquer ni rupture ni dysfonctionnement du calendrier prévu.
Les Formations de Troisième cycle
Dans le cadre de la rénovation des maquettes, nous allons mettre en place une procédure nouvelle de définition et d'habilitation des troisièmes cycles. Nul ne s'étonnera qu'à ce niveau deux considérations doivent s'imposer : excellence et débouchés des étudiants. Ici encore nous réclamons des universités une clarification des finalités poursuivies, une prise en compte plus affirmée des possibilités réelles de débouchés.
Faut-il chercher à former en un même troisième cycle ceux qui- se destinent à la Recherche et ceux pour qui la formation par la Recherche n'est qu'une ouverture sur un métier plus intégré au monde économique ? Ne faut-il pas encourager la formation à la recherche technologique ? Mais disposons-nous de moyens en hommes suffisants pour le faire ?
Le postulat selon lequel quelqu'un de bien formé aux disciplines fondamentales peut toujours devenir un spécialiste dans les domaines appliqués s'applique-t-il toujours au niveau du troisième cycle ? Certains pays Plus avancés que le nôtre dans le développement technologique le sont peut-être parce qu'il y existe des "doctorats engineering".
Sur tout cela vous devrez vous interroger avant de réfléchir à vos projets de maquettes.
La Recherche Universitaire
Le cycle des études doctorales ou troisième cycle joue un rôle fondamental dans la mise en oeuvre de cette mission essentielle de l'Enseignement Supérieur qu'est la Recherche. Créer le savoir est un préalable à sa transmission. Former les hommes tout en leur apprenant à créer le savoir n'est-ce pas la meilleure garantie à la pointe du progrès scientifique et technologique d'aujourd'hui et de demain ? N'est-ce pas manière de préparer l'avenir de notre pays ?
Je tiens tout particulièrement à redonner à universitaire un essor, un dynamisme et des moyens nouveaux. Dans la compétition, fraternelle et complémentaire avec les grands organismes de recherche et notamment avec son frère jumeau le CNRS, nul doute que la recherche universitaire a quelquefois marqué le pas. Loin d'en tirer argument pour critiquer le CNRS comme certains l'ont fait injustement, il faut au contraire féliciter cet organisme de son dynamisme et faire en sorte que la recherche universitaire reste à la hauteur dans cette amicale compétition.
Ceci implique que la recherche universitaire prenne des risques, favorise les centres de création d'innovation, d'excellence, qu'elle soit la pépinière d'éclosion des nouvelles équipes, des nouvelles disciplines. Pour cela elle devra évoluer et s'adapter. Elle devra savoir mieux évaluer encore qu'aujourd'hui les recherches qu'elle finance. Pourquoi ne serait-elle pas la première à mettre en oeuvre l'évaluation européenne qui lui garantirait une véritable objectivité et un niveau d'évaluation comparable à celui qui existe aux Etats-Unis ?
Pourquoi ne ferait-elle pas de ses troisièmes cycles le lieu privilégié de l'implantation de laboratoires de formation de chercheurs ? Pourquoi l'Université ne serait-elle pas le lieu de recherches libres et programmation légère mais où le risque serait assumé et récompensé ?
Il y a là un sujet de réflexion sur lequel nous nous penchons en liaison étroite avec le Ministre de la Recherche et de la Technologie. Ce qui émerge c'est la volonté commune de préserver l'excellent instrument recherche qu'est le CNRS avec des chercheurs à plein temps et à côté une recherche universitaire d'un style différent beaucoup plus lié à la formation mais ayant des moyens comparables.
Les liens entre ces deux ensembles ne sauraient être distendus pour autant.
Un rééquilibrage du potentiel de recherche ne peut être que bénéfique à tous. Quant aux liaisons à assurer, nous avons entrepris avec le Ministre de la Recherche d'étudier des procédures souples de passage entre enseignement supérieur et organismes de recherche, aussi bien en ce qui concerne les enseignants et les chercheurs que les personnels administratifs ou techniques.
Vous l'avez compris, un enseignement de troisième cycle de haut niveau articulé sur une recherche universitaire d'excellence est vraiment l'un de nos objectifs prioritaires.
J'ai commencé mon intervention en soulignant le principe d'unité du projet éducatif que nous voulons développer. J'illustrerai à présent ce propos en vous faisant quelques propositions concrètes.
J'ai évoqué la mise en chantier rapide d'une réflexion sur la formation des maîtres du primaire et du secondaire et je vous ai suggéré de vous y impliquer à l'échelle régionale dès que possible dans un dialogue qui associe les divers ordres d'enseignement.
Toujours dans ce cadre régional, je souhaite que soient organisées des conférences annuelles que je vous propose de dédier à Paul Langevin dont le nom reste attaché à une grande oeuvre scientifique et à un grand intérêt pour les questions d'éducation. Ces conférences, un peu à la manière des entretiens de Bichat, réuniraient autour de spécialistes de telle ou telle question, des enseignants du secondaire ou du primaire ou des enseignants du supérieur. Les sujets traités seraient définis annuellement par région. Ils permettraient au savoir de se diffuser des lieux où il se crée vers l'ensemble du système éducatif. Ces conférences pourraient être l'occasion de débats "verticaux" sur les contenus des enseignements, permettant, ultérieurement, d'ajuster au fur et à mesure les contenus.
D'un tout autre point de vue, nous avons décidé d'entreprendre une réflexion sur les programmes de l'enseignement primaire jusqu'au supérieur. Parce qu'elles ont aujourd'hui un caractère central et très symbolique, ce sont les mathématiques qui ont été choisies en premier et j'ai confié à Didier DA CUHNA CASTELLE, professeur à Orsay, une mission de réflexion sur cette question, en fonction des résultats de cette première expérience, no comptons l'étendre progressivement à d'autres disciplines.
Toutefois, la priorité donnée à l'ouverture pédagogique ne me conduit pas à ignorer les problèmes que pose le fonctionnement quotidien de vos établissements.
LE FONCTIONNEMENT DES UNIVERSITES
La question des statuts
Au premier rang des questions urgentes qui, je le sais, vous préoccupent, figure celle des statuts des établissements et de leurs composantes, dans les cas où ces statuts n'ont pas encore été mis en conformité avec la loi. Je tiens à m'exprimer à ce sujet avec une particulière netteté de manière qu'enfin le principe de légalité puisse trouver à s'appliquer dans le cadre d'un calendrier précis qui ménage les évolutions et les souplesses souhaitables.
Je soulignerai, tout d'abord, que le principe de légalité exige que la loi soit appliquée. Nous en sommes tous responsables, moi le premier. Et cette loi est la loi du 26 janvier 1984.
Je sais qu'une note à en-tête administratif datée du 22 janvier 1987 a pris un parti inverse. Ce parti n'est pas le mien.
Affirmer, comme cette note le fait, que la loi du 12 novembre 1968 et celle du 26 janvier 1984 sont concurremment applicables n'est pas possible.
La loi du 26 janvier 1984 s'est substituée à la loi du 12 novembre 1968 dans toutes ses dispositions institutionnelles qui étaient nouvelles. Maintenir la situation telle quelle, c'est priver les conseils, eu égard au temps écoulé, de toute représentativité. Continuer à organiser des élections sous le régime de la loi de 1968, c'est ainsi que plusieurs jugements de tribunal administratif l'ont marqué de façon particulièrement nette dans une période récente méconnaître la loi et par suite frapper d'un vice radical d'incompétence toutes les décisions prises par les organes ainsi renouvelés. Ignorer le droit, c'est donc plonger durablement les universités dans les incertitudes et les aléas des procédures contentieuses.
La loi me donne les moyens de mettre fin à cette situation. Outre ceux exceptionnels de l'article 47, en cas de difficulté grave dans le fonctionnement des organes statutaires ou de défaut d'exercice de leurs responsabilités, il m'incombe d'arrêter les dispositions statutaires nécessaires.
Mais le respect scrupuleux du droit me paraît. tout à fait conciliable avec la prise en compte des souhaits particuliers des établissements.
Seuls 18 d'entre eux sont aujourd'hui dépourvus de statuts. Bien plus, 6 de ces 18 établissements ont déjà fait parvenir, il y a plus de deux ans, des projets qui correspondaient alors à leurs voeux et un septième s'est, depuis, joint à eux. A ce jour, il ne reste que quatre établissements qui n'aient élaboré aucune proposition. S'agissant de ces 18 universités, une nouvelle consultation doit être immédiatement engagée permettant un réexamen avec leurs responsables des dispositions qui pourraient le mieux correspondre aux particularités de leur situation.
J'ai chargé M. Christian PHILIP, Directeur des Enseignements Supérieurs, de mener avec chacun des établissements concernés cette concertation approfondie. Pour la faciliter dans toute la mesure du possible, j'élaborerai, en prenant en compte l'expérience apportée par les discussions antérieures, un texte de décret simplifiant et assouplissant les dispositions réglementaires d'application de la loi qui auront pu paraître dans certains cas particuliers contraignantes à l'excès. Ce décret pourra modifier notamment le décret électoral du 18 janvier 1985 et le décret relatif à la la participation des personnalités extérieures aux conseils du 7 janvier 1985.
En particulier, dans un souci d'adaptation à la diversité des corps enseignants des établissements et de leurs composantes :
- de plus larges possibilités seront offertes quant à la constitution des collèges électoraux,
- les conditions de service permettant d'être électeur seront moins strictement définies.
Par ailleurs, les modalités de choix des personnalités extérieures seront, dans une bien plus large mesure, laissées à l'initiative des établissements.
L'esprit dans lequel ces dispositions seront élaborées est ainsi tout à fait clair : aplanir les obstacles qui auront pu encore objectivement dans certains cas rendre difficile l'application de la loi.
Ce décret sera soumis à l'avis du Conseil d'Etat afin d'écarter pour l'avenir dans la vie des établissements toute incertitude juridique. Je ferai en sorte qu'il soit adopté dans les semaines qui viennent. La discussion avec les établissements pourra se prolonger, eu égard aux contraintes du calendrier universitaire, jusqu'au 15octobre. A cette date au plus tard, j'exercerai les responsabilités juridiques qui sont les miennes, de manière à ce que tous les établissements puissent être dotés, avant la fin de la présente année, de conseil légalement élus, assurant la participation de tous selon les principes de démocratie et de responsabilité posés par le législateur.
Certes, je n'ignore pas que des prises de position concordantes au sein de votre Conférence se sont manifestées pour que d'autres assouplissements, de nature législative, soient apportés aux dispositions adoptées en 1984. J'ai chargé d'ailleurs moi-même M. Philippe LUCAS d'une mission exploratoire destinée à me permettre d'en préciser les contours. Dès lors que des mesures en ce sens seraient l'expression d'un souci commun de toutes les parties prenantes de la communauté universitaire et permettrait de renforcer l'autonomie des établissements, laquelle me paraît exclure les fragmentations de structure et les dilutions de responsabilité, je les envisagerai avec faveur.
Chacun d'entre vous comprendra toutefois que là n'est pas la priorité d'une politique de promotion de l'enseignement supérieur conforme aux attentes des Français et d'abord des jeunes qui s'engagent ou se sont engagés dans des études où se joue leur avenir.
Chacun d'entre vous a, j'en suis sûr, la préoccupation de ne pas donner au pays, à travers un nouveau débat législatif sur les problèmes institutionnels, l'image d'une communauté universitaire à titre principal de rapports de pouvoir et d'équilibres catégoriels.
Légiférer sur ces questions ne saurait être un but en soi. En revanche, lorsque les objectifs essentiels que doit s'assigner notre enseignement supérieur trouveront une traduction législative destinée, notamment, à faciliter la gestion de vos établissements, je serai prêt à soumettre à cette occasion au Parlement les quelques dispositions statutaires qui auraient été convenues. Et tous les établissements pourront alors, dans les mêmes conditions, opérer ultérieurement, dans leurs statuts les révisions qu'ils auront souhaité souhaité apporter en fonction de cette évolution législative.
Ainsi seront conciliés l'exigence de légalité, le souci de continuité et l'effort permanent à mener pour plus d'autonomie et de diversité dans le fonctionnement des universités.
Assouplissement de la gestion
L'autonomie des établissements que vous dirigez est un principe qui, solennellement inscrit dans 1a loi du 26 janvier 1984 et maintes fois réaffirmé, n'a pas toujours pu trouver sa traduction concrète, tant les multiples rigidités financières ou des pratiques héritées de l'histoire freinent son accomplissement. La recherche de l'autonomie financière et comptable des universités est une priorité à laquelle le Premier ministre est très attaché. Dès a présent je tiens à vous annoncer un ensemble de dispositions concrètes qui permettront d'assouplir certaines des contraintes qui pèsent sur la gestion des universités, et dont je sais que vous avez souvent souhaité la suppression.
Ces mesures consistent d'une part à accroître le degré de liberté de vos établissements dans la gestion de leurs ressources, d'autre part à renforcer leur capacité d'action et leur responsabilité en matière de dépenses d'investissement.
En ce qui concerne le premier point, trois améliorations sensibles sont décidés :
En premier lieu, les subventions de fonctionnement qui vous sont actuellement notifiées selon trois rubriques distinctes (heures complémentaires, entretien et activités) seront désormais globalisées. Cette démarche qui est conforme à la lettre de la loi du 26 janvier 1984, permettra d'accélérer la mise en place des crédits. Il va de soi que cette liberté accrue vers laquelle nous tendons entre dans le cadre contractuel auquel j'ai fait référence avec pour corollaire une responsabilité renforcée, et qu'un système d'évaluation a posteriori devra permettre de juger des résultats obtenus pour chacun de vos établissements.
En second lieu, et dans le même esprit, le décret financier et la réglementation comptable seront assouplis sur plusieurs points : le caractère limitatif des crédits affectés à chaque fonction au sein de votre budget sera supprimé, à charge pour vous de procéder en cours d'année aux modifications qui vous sembleraient nécessaires. De même, les virements entre sections de fonctionnement et d'investissement pourront être réalisés par vos soins en cours d'année, sous réserve d'une régularisation ultérieure d'ensemble par vos Conseils.
Enfin, les possibilités de règlement par virement et de paiement sans ordonnancement préalable seront élargies : pour les premiers, le seuil d'autorisation fera l'objet d'un relèvement significatif, pour les seconds, la limite des dépenses sera portée de 100 F à l 000 F et vous bénéficierez de la possibilité d'étendre cette procédure dans tous les cas où vous le jugerez nécessaire. Il vous appartiendra donc de décider vous-même de l'ampleur que vous souhaiterez donner à la délégation ainsi consentie aux différents responsables de vos établissements. Le troisième assouplissement porte sur l'importante question des rémunérations des intervenants extérieurs, dont le niveau conditionne votre capacité à attirer des compétences de haut niveau. L'accroissement de 40 % du taux des heures complémentaires s'accompagne d'un élargissement des possibilités de recours à la formule des contrats : le taux maximum sera porté de 310 F à 500 F, le plafond annuel à 32 000 F, et surtout, vous pourrez désormais rémunérer ces intervenants sur vos ressources propres, sans être limités par montant de la subvention allouée par l'État. En dernier lieu, les établissements seront pleinement responsables de leur maintenance et en outre il leur sera donné la possibilité d'assurer la maîtrise d'ouvrage de leurs constructions neuves. Cette mesure constitue le premier pas en direction d'une gestion nouvelle des universités, plus souple et plus directe.
Revalorisation des fonctions de responsabilité
Les universités sont des organismes dont le fonctionnement est complexe. Aux difficultés de gestion et d'animation comme dans toute entreprise de cette taille, s'ajoutent des impératifs scientifiques, culturels et pédagogiques.
Les fonctions de direction, celles de Chef d'Etablissement comme de responsable d'unités sont lourdes et doivent s'exercer dans des conditions difficiles.
Les modalités démocratiques de choix étant clairement garanties par la loi, et c'est là un acquis important, il importe de revaloriser les fonctions de direction. L'idée que la direction d'une unité et a fortiori d'une université est une tâche qui doit être pleinement prise en compte fait à juste titre son chemin dans les esprits.
Il faudra que cette reconnaissance s'accompagne de garantie pour les conditions d'exercice de ces fonctions et pour les modes de gestion des personnels qui les exercent.
J'ai voulu marquer cette volonté symboliquement par une première mesure. L'indemnité de fonction des présidents d'université, dont le montant n'a pas suivi l'évolution du coût de la vie, fera l'objet d'une revalorisation. Cette décision est sans commune mesure avec la lourdeur des charges qui vous incombent, mais elle témoigne de la volonté de reconnaître l'importance de votre rôle.
Les infrastructures
L'amélioration des infrastructures, comme l'a dit le Président de la République, est une condition de base de toute entreprise de rénovation des universités.
Les bibliothèques
C'est par elles que j'ai commencé parce qu'elles représentent non seulement un outil de travail pour la recherche et les étudiants, mais parce que leur qualité dépend la nature même de l'enseignement. Nous ne pourrons revaloriser le travail personnel que si les étudiants ont les moyens, notamment en bibliothèque, de le pratiquer.
J'ai confié à André MIQUEL une mission d'études sur ce sujet mais j'ai en même temps entrepris à l'occasion du décret d'avance, d'augmenter les moyens qui seront affectés à cet effort de rénovation. Tous les aspects seront pris en compte : achats de livres, constructions, informatisation, personnels. C'est un effort sans précédant qui est engagé.
Les locaux universitaires
L'entretien des locaux est la première priorité sur laquelle j'ai insisté. Je n'y reviens pas. L'effort de maintenance et la mise en état des locaux existant vont être amplifiés. Mais je voudrais que cet effort aille au-delà et que nous puissions promouvoir une véritable politique d'urbanisme et d'architecture des campus. Je ferai plus tard des propositions dans ce sens.
Certaines universités, agissant en liaison avec le CROUS, ont commencé d'introduire de la vie sur leur campus : une cafétéria, un kiosque bien placé, une agence de voyage (O.T.U.), le guichet d'une banque, une librairie, mais aussi des installations sportives peuvent aider à changer le mode de vie des étudiants.
Bref, il importe de retrouver l'idée que l'amélioration du cadre de vie et l'esthétique d'un campus universitaire sont des conditions importantes pour ce qui s'y fait, pour le moral de ceux qui y travaillent et finalement pour leur efficacité.
Les « conditions humaines »
Je veux parler ici d'une part des étudiants, de l'autre des personnels universitaires.
La condition étudiante
L'amélioration de la condition étudiante est l'une des tâches prioritaires que je me suis donnée.
Nous connaissons tous les chiffres concernant la croissance prévisible du nombre des étudiants. Nous savons également que cette croissance ne sera rendue possible que par l'entrée dans les formations post-baccalauréat de jeunes issus de milieux moins favorisés. Face à une telle croissance et compte tenu des retards accumulés dans le passé, les mesures à prendre en matière de montant et de nombre de bourse, de possibilités d'hébergement, de restauration et d'installations sportives seront inévitablement très coûteuses. Il nous faut à la fois maintenir, entretenir, restaurer, développer les infrastructures existantes et augmenter significativement l'aide directe sous forme de bourses sur critères sociaux, mieux dotées et plus nombreuses. Des dispositions dans ce sens ont été prises en Conseil des ministres qui sont une indication sur la voie que j'entends suivre. D'autres pistes doivent être explorées, d'autres expériences seront soutenues, qu'il s'agisse du rôle des oeuvres universitaires ou d'une politique dynamique de prêts avec l'aide de l'Etat, qui pourrait compléter le système de bourses.
Avant tout et afin d'avoir une mesure continue du problème, je souhaite créer un Observatoire de la Vie Etudiante largement ouvert à toutes les parties concernées.
Cet observatoire devra nous fournir les analyses qui me permettront d'orienter la décision dans le sens le meilleur, c'est-à-dire le plus efficace. Mais sans attendre et m'appuyant en particulier sur les études conduites par M. Domenach en 1982, et ultérieurement, par la direction des Enseignements Supérieurs et le Centre National des Oeuvres Universitaires, je suis très profondément persuadé, qu'améliorer la vie quotidienne de nos étudiants c'est, en fait, mener la bataille pour une plus grande égalité des chances et donc lutter contre l'échec. Des chiffres sont là, incontournables : 173 000 places de restaurant, 110 000 possibilités de logement, 160 000 bourses ou allocations, dont 143 000 sur critères sociaux. Ces chiffres signifient qu'un nombre tout à fait insuffisant d'étudiants bénéficient d'une aide directe ou indirecte. J'entends m'attacher tout spécialement à changer la situation actuelle selon des modalités et des rythmes qui auront à prendre en compte aussi bien les conséquences de la croissance démographique de la population étudiante que l'ouverture de notre enseignement supérieur à l'espace européen.
Les personnels de l'Enseignement Supérieur
Si j'avais à résumer en deux phrases les problèmes les plus graves concernant les personnels de l'enseignement supérieur je dirai tout simplement ceci :
que la revalorisation de leur condition, comme l'a bien montré le rapport du président Durry, doit être au coeur de notre réflexion et de notre action.
que la reconstruction d'une population de jeunes docteurs dépend, tout autant, de l'application effective de la réforme des études doctorales et des aides apportées aux jeunes doctorants que de l'attrait présenté par le métier d'enseignant et de chercheur.
Or du point de vue de la carrière des enseignants-chercheurs, si le statut à deux corps de 1984 n'est désormais plus contesté, quatre difficultés majeures affectent cette carrière dans son déroulement :
- un décalage marqué des rémunérations par rapport à des secteurs recrutant à des niveaux similaires.
- une pyramide des âges déformée par un épaississement des tranches les plus âgées, ce qui provoquera des départs massifs dans les années qui viennent.
- un stock de jeunes docteurs de qualité tout à fait insuffisant dans un certain nombre de disciplines qui ont de la peine, dès maintenant, à pourvoir les postes vacants faute de candidats valables. Imaginons ce qu'il adviendra au moment où il faudra faire face à l'afflux prévu, pré-programmé, des étudiants des années 1990-2010.
- des procédures de recrutement trop lentes et beaucoup trop centralisées.
Avant même de pousser la réflexion nécessaire sur ces questions, en liaison étroite avec les intéressés, j'ai la volonté, dès 1989, de favoriser le déblocage des carrières par le repyramidage des emplois : il faut reprendre les transformations de Maîtres de conférences en professeurs de 1e classe fâcheusement interrompues en 1988 ; il faut également obtenir un nombre significatif de transformations permettant des passages de la seconde à la première classe pour les maîtres de conférences et les professeurs et l'accès à la classe exceptionnelle pour les professeurs de première classe. Il faut, également, dès maintenant, envisager la revalorisation des carrières des jeunes maîtres de conférences.
Mais notre réflexion et notre action dans ce domaine seraient insuffisantes sir elles ne prenaient pas en compte une situation particulière à notre pays.
Si les personnels de l'enseignement supérieur sont définis statutairement comme enseignants-chercheurs, tous ne font pas de la recherche et tous n'ont pas les mêmes possibilités d'enseignement ; par ailleurs, il existe à côté de ces corps d'autres corps, celui des chercheurs des grands organismes. Nous nous trouvons à cet égard dans une situation doublement paradoxale : seule la recherche compte dans l'évaluation de la carrière des maîtres de conférences et de professeurs alors que ne sont jamais pris en compte la qualité de la fonction pédagogique ou les services rendus à la communauté.
La mobilité entre corps des chercheurs et celui des enseignants-chercheurs est tout à fait insuffisante, compte-tenu de différences statutaires ou du manque d'attrait de la condition enseignante.
C'est pourquoi j'ai décidé de mettre à l'étude en liaison étroite avec le Ministre de la recherche et de la technologie un ensemble de mesures qui toutes devraient aller dans le sens d'une meilleure prise en compte des fonctions effectivement remplies par les enseignants-chercheurs.
Comme l'avait amorcé Jean-Pierre CHEVENEMENT, la réflexion pourrait porter sur la mise en place d'un système de primes ou de rémunérations complémentaires versées aux enseignants travaillant effectivement dans des laboratoires de recherche, ou reconnus, dans certaines disciplines moins structurées, par leur communauté : ainsi qu'à ceux qui assurent des fonctions de responsabilité pédagogique et scientifique à tous les niveaux.
Parallèlement serait réuni un groupe de travail sur la meilleure façon de prendre en compte la fonction pédagogique dans le déroulement de la carrière.
Il faudra chercher, également, à rétablir de véritables passerelles entre les deux carrières de chercheurs dans les organismes et d'enseignant-chercheur dans les établissements d'enseignement supérieur.
Disposant de deux ensembles de personnes nombreux et qualifiés, les enseignants-chercheurs et les chercheurs, notre pays se doit de les enrichir mutuellement par 'échange et la mobilité.
Pour les ATOS en général outre le fait que nous avons décidé l'arrêt du gel des postes, nous allons reprendre une politique de déblocage, de création et redéploiement. Je fais aussi appel, à cet égard, aux exigences de l'évaluation et à la responsabilité qui incombe à chaque établissement.
Mais il y a nécessité de ne rien brusquer et de tenir compte du fait que les mentalités et les structures n'évoluent que lentement. Il faut donc proposer en parallèle, des mesures à effet immédiat, des programmes à réalisation rapide et des projets à long terme.
- l'adaptation des enseignements supérieurs doit concilier l'autonomie et la cohérence. La réforme ne doit plus systématiquement partir d'en haut ; il faut partir des faits concrets, des réalités universitaires et sociales, des aspirations et des besoins des universitaires, des universités, des étudiants, mais aussi de l'ensemble des partenaires du système éducatif. Dans ce contexte, mon rôle consiste à la fois à favoriser les initiatives et en à assurer la cohérence.
Sans idées, sans vision claire, rien, n'est possible. Mais les idées ne front pas tout. Les enjeux sont considérables et impliquent des efforts budgétaires très importants dans l'enseignement supérieur comme dans l'enseignement scolaire. Je ne peux aujourd'hui engager le Gouvernement sur l'ensemble des choix à aire et des moyens à dégager dans la durée. Mais je peux témoigner de la volonté de celui-ci de traduire dans les faits la priorité reconnue aux problèmes d'éducation par le Président de la république.
Conclusion
Je voudrais terminer cette intervention en soulignant que les actions entreprises et les projets que j'ai évoqué ici ne sont en aucun cas une liste close. Ce sont des chantiers que nous mettons en route. D'autres seront ouverts, au fur et à mesure des besoins, des initiatives, des maturations.
Je viens de définir devant vous des lignes de conduite, d'esquiver des perspectives et de vous donner la tonalité de ce que veut être mon action en faveur des universités.
Pour réaliser ces objectifs trois règles de méthodes paraissent importantes :
- l'évolution, l'adaptation, la rénovation du système éducatif français implique la participation de tous. C'est pourquoi la définition de la politique d'éducation doit s'appuyer sur le dialogue : avec les organisations représentatives des enseignants, des étudiants, du monde du travail, mais aussi avec les acteurs du monde économique et les élus.
- Il faudra maîtriser le temps, en ayant conscience de la nécessité d'aller vite, parce que la situation est sérieuse, parce que les échéances européennes approchent puisque nous avons à réfléchir dès maintenant aux conséquences de la directive européenne sur l'équivalence des diplômes, parce que l'action immédiate ne produira d'effet que dans deux ou trois ans.
C'est devant votre Conférence que je fais ma première déclaration publique sur les problèmes d'éducation.
Certes, le calendrier de vos réunions m'y a conduit. Mais je vous invite à voir là davantage, la marque de la considération que je porte à vos fonctions, à votre conférence et à travers vous à l'institution universitaire.
Le Président de la République a fait de l'Education et de la Formation une priorité essentielle de son septennat. C'est aussi l'engagement du Premier Ministre.
En ayant la charge, dans le gouvernement, de porter cette ambition, je ressens un grand honneur mais je sais aussi que la tâche qui m'a été confiée est à la fois, exaltante et difficile.
L'Education nationale doit développer un projet d'ensemble de l'école maternelle à l'université. Distinguer arbitrairement tel ou tel ordre d'enseignement dans cet effort qui doit être commun et continu serait une erreur grave.
Reprenant une démarche qu'avait inaugurée le Président de la République lorsqu'il avait demandé aux professeurs du Collège de France de réfléchir sur le système éducatif français, je m'adresse à vous, en premier, pour vous dire que vous devez vous considérer comme une clé de voûte du grand projet éducatif français soucieux, certes, d'excellence mais vous préoccupant de la formation de tous. Votre action et votre réflexion doivent s'étendre bien au delà des limites de vos universités. Elles doivent être prolongées en direction de tous les ordres d'enseignement et de la société tout entière.
Notre action n'aurait aucun sens, si elle devait se situer hors de cette continuité du système éducatif et sans tenir compte des évolutions de la société. La préoccupation de rendre cohérent l'ensemble du système éducatif tout en facilitant son ouverture et sa souplesse, voici ce qui doit nous guider.
Parce que vous êtes des responsables d'établissement avec des soucis, des interrogations mais aussi des espoirs, je souhaite aujourd'hui concentrer mon propos sur quelques problèmes spécifiques des universités, envisagés dans l'ensemble du système éducatif français.
Il va de soi que dans le cadre limité de mon intervention, bien des points ne pourront être examinés aujourd'hui. Que chacun soit bien persuadé qu'ils entrent cependant dans mes préoccupations et qu'ils seront tout autant l'objet de mon attention.
Ma perspective n'est pas aujourd'hui celle d'une nouvelle réforme d'ensemble de l'université. Elle est de dégager les lignes directrices d'une action à long terme qui permette d'adapter nos enseignements supérieurs au monde moderne et de les placer en position favorable à l'entrée du 21ème siècle.
Les objectifs proposés, les principes qui devront guider l'action, les initiatives qu'il convient de prendre dès à présent découlent de la volonté de remédier à des faiblesses connues, de répondre à des défis manifestes.
Les faiblesses et les défis
Malgré des réformes courageuses, malgré des inflexions importantes, le système d'enseignement supérieur français ne fonctionne pas de manière totalement satisfaisante.
- ce système, comparé avec ses homologues des grands pays industrialisés, apparaît morcelé. Les cloisonnements demeurent entre les universités, les grandes écoles, les grands établissements, comme le Collège de France ou le Muséum, des organismes de recherche spécialisés comme l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, le Centre National des Etudes Spatiales ou à vocation générale comme le Centre National de la Recherche Scientifique.
- ce morcellement n'est pas sans lien avec la tendance de l'université française, qui s'est exprimée dans le passé, malgré des exceptions notables, à rejeter à la périphérie les innovations. Ceci est vrai pour l'enseignement : le Collège de France, l'Ecole Centrale, l'Ecole Polytechnique, l'Ecole Normale Supérieure sont nés en leur temps de l'exclusion par l'université de certaines disciplines. Cela pour la recherche ainsi la biologie moléculaire s'est introduite en France à travers l'Institut Pasteur, la mécanique quantique via le CEA... Il faudrait rendre à l'ensemble du système sa capacité de découverte et d'innovation, et à l'université sa faculté de réunir les concours de tous les agents, y compris les professionnels du monde économique.
- le système d'enseignement supérieur ne remplit pas au mieux trois de ses fonctions : former les enseignants du supérieur et les chercheurs, former les enseignants du secteur scolaire, donner à la nation les cadres dont elle a besoin.
Or, nous avons à répondre à trois défis majeurs.
- L'enseignement supérieur est devenu un enseignement de masse : le nombre d'étudiants a été multiplié par 4,5 en 15 ans. Nous voulons l'accroître encore d'ici l'an 2000. Ceci rend d'autant plus nécessaire de créer un enseignement original, nourri par la recherche de pointe.
- Notre système d'enseignement et de formation doit s'adapter aux changements considérables qui s'annoncent pour le monde de demain, et d'abord aux échéances européennes. Participer à la compétition européenne ou mondiale avec les meilleurs atouts, voici l'enjeu : il s'exprime dans toutes les filières, technologiques, de gestion, de droit, d'aménagement de l'espace ou de l'environnement. Les diplômes d'Oxford seront-ils supérieurs à ceux de nos plus grandes universités ? Les industries innovantes choisiront-elles de s'implanter près d'Orsay ou autour d'Heidelberg ou de Cambridge ? Voilà pour l'enseignement supérieur français un enjeu essentiel à l'horizon de 1993.
- La contrainte financière doit être desserrée. I1 n'est pas acceptable que la France occupe un rang aussi modeste quant aux moyens qu'elle donne aux enseignements supérieurs.
Les objectifs et les principes
Former les cadres dont le pays a besoin, telle doit être la mission des formations supérieures.
Il s'agit en premier lieu de former ces cadres en nombre et en qualité, de savoir adapter l'offre à l'évolution diversifiée de la demande : 80 % à 90 % des hommes et des femmes qui entrent dans l'enseignement supérieur doivent en sortir avec un diplôme. La tâche prioritaire est donc la réduction drastique de l'échec universitaire mais aussi l'adéquation aux besoins en enseignants, chercheurs et cadres techniques. Pour ce faire l'université et les grandes écoles devront changer
- L'enseignement-de masse doit être celui de la qualité et de la diversité. Il est en effet, indispensable d'identifier puis de diversifier les filières, pour redonner aux enseignements supérieurs une efficacité compatible avec des capacités d'accueil régulièrement croissantes. Cette montée en charge ne pourra se faire que progressivement, secteur par secteur. La formation des maîtres, la mise en place d'un premier cycle rénové sont, dans cette direction, les premières priorités qui engagent l'avenir.
- L'adaptation à la compétition internationale passe d'abord par la maîtrise de l'évolution galopante du savoir. Nos programmes comme nos enseignants doivent fabriquer, accueillir, intégrer l'innovation. Les filières pluridisciplinaires correspondant aux besoins des entreprises doivent être développées.
Enfin, un effort financier important devra être poursuivi pendant la législature qui commence et celles qui suivront. Ceci à la fois dans le but de rénover les infrastructures, de revaloriser les métiers d'enseignants chercheurs et d'améliorer le statut et la condition des étudiants.
Quelques principes peuvent, à cet égard, être rappelés.
- La double mission des enseignements supérieurs est de créer et de diffuser le savoir, chaque mission est indissociable de l'autre et portée par les hommes et les femmes qui en ont la charge. Ce principe a de profondes conséquences dans la réalité. D'abord, il est vrai que seule la formation par la recherche permet l'intégration du savoir faire créé par les autres, l'accès vivant et utile à la littérature scientifique internationale et les contacts professionnels efficaces. Pour autant la carrière et la vie des enseignants ne sauraient être réglées par des normes uniformes. Par ailleurs, pour professionnaliser les filières de façon efficace, il faut aussi importer dans l'université le savoir créé ailleurs.
- La recherche de la quantité et celle de la qualité doivent être simultanées. Nous aurons besoin d'équipes d'excellence et de millions d'hommes et de femmes formés aux technologies modernes, à l'informatique, à la robotique. L'objectif de l'accès à l'enseignement supérieur pour un plus grand nombre est une nécessité absolue ; dans le même temps, la qualité doit être recherchée partout. Admettre les diversités, c'est aussi garantir la qualité.
- pour respecter l'exigence de diversité, qui est une nécessité, chaque université doit trouver son style pédagogique, son mode de gestion financière, ses structures internes propres. L'Etat, pour sa part, veillera à ce que l'égalité républicaine soit respectée, notamment en adoptant les labels nationaux concernant les diplômes, en maintenant des conditions d'accès qui soient celles d'une université ouverte et généreuse.
- L'université doit avoir des finalités professionnelles mais aussi un lieu de culture ; culture générale et culture professionnelle, culture pour les étudiants et pour ceux qui sont engagé dans la vie active, culture pour tous les habitants de la cité. Ainsi, l'université sera-t-elle tournée à la fois vers l'entreprise et vers la vie.
L'activité des universités
Je souhaite que l'année universitaire qui s'annonce soit l'occasion d'une grande mobilisation de vos universités, de tous les talents, les intelligences et les imaginations qui les peuplent pour construire ensemble les bases de l'université de demain. Cette grande mobilisation, dans laquelle vous allez jouer un rôle éminent, devra porter sur l'essentiel, c'est-à-dire sur les contenus des enseignements, la lutte contre l'échec et le devenir professionnels de nos étudiants.
C'est à un gigantesque effort de réflexion, de proposition, d'initiative que j'entends convier tous ceux qu'intéresse l'avenir de notre pays, dans et hors de l'université.
L'idée de contrat est au coeur de notre démarche
Je souhaite que chaque université soit amenée à proposer la configuration de ses enseignements. C'est à partir de cette maquette, de ses versions successives, d'un dialogue avec va et vient multiples, que pourra se conclure une série de contrats pluriannuels entre la collectivité publique et les universités. La collectivité publique s'entend de l'État mais aussi de toutes les collectivités locales qui souhaiteront s'associer au gigantesque effort de promotion et de rénovation des enseignements supérieurs. C'est dire quel prix j'attache au dialogue des universités entre elles dans la région et, en même temps, au dialogue entre l'Université et sa Région.
Les contrats Etat Région joueront, bien sûr un rôle essentiel en ce qui concerne les infrastructures et les équipements mais il nous faut aller au delà. Aucune maquette pédagogique ne devait être évaluée sans qu'elle ait fait l'objet au préalable d'une présentation et d'une discussion régionale entre les universités. En disant cela je n'ignore pas que la région Ile de France a une situation particulière qui doit être prise en compte.
En indiquant combien j'ai la volonté de faire vivre et d'amplifier la grande entreprise de la décentralisation initiée dès le début de son premier septennat par François Mitterrand, j'entends aussi rappeler le rôle de l'Etat qui doit conserver la responsabilité de coordination, d'impulsion et de mise en cohérence.
Cette répartition des responsabilités ne saurait se concevoir hors de la perspective européenne, qui va mettre notre système d'enseignement supérieur en situation de concurrence forte. La barrière protectrice des langues s'estompera rapidement dans les disciplines scientifiques ou médicales et pour beaucoup de sciences humaines. Dans ce contexte européen, chaque université devra trouver sa place. Je dis bien chaque université, petite ou grande, parisienne ou provinciale. Pour cela il importe que chacune fasse des choix. Choix des filières, choix des programmes, choix de sa taille. Ces choix devront se faire dans la clarté et avec la volonté constante de rechercher la qualité. Dès lors qu'on accepte la diversité, la qualité peut être recherchée partout, indépendamment de la taille, de la région et de l'histoire.
Diversité et choix vont être pour nous tous les maîtres mots de l'effort auquel je vous convie.
J'ai souligné tout à l'heure la variété des finalités de l'enseignement supérieur. Celles-ci devront se traduire dans les diverses filières proposées.
Chaque filière devra être conçue de manière à conduire à des métiers. Je dis des et non pas un métier. En effet il est indispensable de concevoir chaque filière afin que l'étudiant puisse sortir à chaque niveau du système éducatif vers la vie active. Il est important que la sortie du système éducatif ne soit pas, comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui, la conséquence d'une situation d'échec. Une telle philosophie implique donc que dans vos maquettes vous intégriez d'une manière pleine et entière les modalités de formations continues et récurrentes. C'est donc à un effort de cohérence et de réflexion à long terme auquel je vous invite.
La formation des chercheurs est la filière qui pose le moins de problème de mutation car l'université française l'a particulièrement privilégiée. La formation des maîtres du secondaire et du primaire va retenir notre attention. Avant même que nous ne fixions notre politique en ce domaine, qui ne saurait être dissociée l'ensemble des mesures touchant au secondaire et primaire, il me paraît important que les universités fassent des propositions. Le cadre régional que j'ai évoqué leur permet peut-être d'amorcer un dialogue avec les enseignants des autres ordres d'enseignement.
L'Evaluation
Naturellement, toute cette entreprise serait vouée à l'échec si nous ne possédions pas en aval une évaluation sérieuse, systématique et irréprochable. Evaluation quantitative de l'efficacité du système d'enseignement (le rapport entre les reçus et inscrits analysé par cycle, par discipline, par filière, par université doit devenir une référence pour tous). Evaluation qualitative des finalités. Le temps qu'a requis l'insertion professionnelle doit être un autre indice qui aidera à évaluer la qualité des filières. Il s'agit donc d'évaluer aussi bien la qualité des enseignements et de la recherche, que celle des structures, de l'organisation des enseignements, de l'accueil des étudiants, de l'orientation, etc...
A cet égard je tiens à saluer l'action déjà considérable accomplie par le comité National d'évaluation. Mais je n'oublie pas les contributions multiples des Inspections Générales et de chaque direction. A cela s'ajoutent les études du CEREQ et celles faites par vos laboratoires et vos équipes de sociologie et de sciences de l'Éducation.
Toutefois, ce qui me frappe, c'est le caractère dispersé de ces efforts, l'absence de coordination et de synthèse. Or, s'il est un domaine où cette coordination s'impose, c'est bien celui-là si l'on veut en faire l'un des instruments de détermination d'une politique.
Loin de moi l'idée d'instaurer des mesures quantitatives rigides qui ne tiendraient compte ni de la diversité des disciplines ni des contextes locaux, ni de la variété des enseignants. Mais il est bien clair que nous devons bâtir ensemble un système d'évaluation. J'ai demandé à la direction de l'évaluation et de la prospective en liaison avec le Comité National d'évaluation, de me faire une série de propositions ouvertes qui pourraient servir de base à une discussion générale.
Premier cycle
Accueillir un nombre croissant de bacheliers et leur assurer de l'enseignement secondaire à l'enseignement supérieur une meilleure poursuite de scolarité sera dans le temps la première priorité de mon action.
Une donnée sociologique a profondément modifié le problème du premier cycle : le baccalauréat, obtenu par une proportion de plus en plus importante de jeunes, n'est plus un diplôme terminal. Aujourd'hui, près de 90 % des bacheliers généraux et technologiques se dirigent vers des formations post-baccalauréat.
Par une meilleure continuité entre les années terminales du lycée et les premières années après le baccalauréat, nous devons aménager des parcours scolaires et universitaires qui amèneront le maximum de jeunes à une situation de réussite.
Notre réflexion doit inclure l'orientation au lycée qui, souvent, détermine la nature et la réussite des études supérieures suivies ultérieurement. Elle doit également englober l'ensemble des filières post-baccalauréat : classes supérieures des lycées, premier cycle universitaire, instituts universitaires de technologie. L'interdépendance et l'indispensable complémentarité des divers cycles de formation est une donnée fondamentale. Le lien secondaire-supérieur est pour moi essentiel.
Plutôt que de proposer une nouvelle réforme, je vous propose une procédure évolutive grâce à une série de mesures coordonnées :
La rénovation et la diversification des premiers cycles universitaires mises en oeuvre à la rentrée 1984 recevra une nouvelle impulsion par la diversification des filières afin d'offrir aux étudiants des parcours adaptés en contenus, en durée, en pédagogie à leurs goûts et qualités variés et conçus pour déboucher de façon positive soit sur une insertion professionnelle, soit sur la poursuite de la scolarité.
Il doit s'imposer une réelle conception d'ensemble de l'implantation des classes préparatoires aux grandes écoles, des sections de techniciens supérieurs, des départements d'I.U.T. Et des nouvelles unités universitaires lesquelles pourront correspondre dans le cas d'une demande suffisante aux besoins d'un enseignement de proximité.
Les antennes universitaires locales doivent dans l'ensemble du dispositif d'accueil des bacheliers préserver la spécificité universitaire, c'est-à-dire demeurer au sein des universités.
Les contenus et les structures pédagogiques doivent également évoluer. La croissance actuelle des effectifs dans les lycées est une opportunité pour rééquilibrer les filières en amont et en aval du baccalauréat. Les flux supplémentaires d'élèves doivent prioritairement alimenter les parcours de la réussite.
Par exemple, en amont du baccalauréat, le développement de la filière scientifique est une nécessité qui passe par une politique volontariste de l'orientation mais également par une réflexion sur les contenus.
Une continuité améliorée entre le lycée et l'université dans la filière économique passe également par une réflexion sur les contenus associant les deux niveaux d'enseignement.
En ce qui concerne les méthodes de travail, l'efficacité des premiers cycles sera améliorée par une aide accrue aux étudiants dans l'acquisition autonome des connaissances. L'effort pour les bibliothèques universitaires va dans ce sens.
La qualité des réponses apportées par les Universités aux appels d'offre européens montre l'existence d'un savoir faire important dans le domaine des nouvelles techniques d'enseignement. Un effort doit être fait pour utiliser ce savoir faire dans la formation initiale spécialement en premier cycle.
Parallèlement aux poursuites de scolarité, il nous faut faciliter le retour en formation après un temps d'activité professionnelle.
Pour favoriser cette indispensable évolution des mentalités, il faut développer dans nos universités l'éducation récurrente, c'est-à-dire le retour en formation initiale après un temps d'activité professionnelle.
Le premier cycle sera évidemment un champ d'application privilégié de la démarche contractuelle.
Afin d'éviter que des retards dans les affectations des personnels ne freinent la mise en oeuvre des contrats, j'ai demandé que soit étudiée une publication des emplois le plus tôt possible dans l'année civile 1989, même si vos projets ne seront connus avec précision et dans le détail qu'ultérieurement.
Cette modalité montre clairement l'esprit dans lequel j'entends travailler avec vous : les objectifs étant clairement affichés et partagés, les moyens étant affectés, je veux faire confiance à votre volonté et à votre capacité de réaliser pleinement les termes du contrat.
Il sera ensuite de notre responsabilité commune d'évaluer les résultats.
Le deuxième cycle
Les enseignements de second cycle constituent l'ossature des universités et donc le coeur même du système éducatif supérieur. Dans un esprit de continuité et de progressivité, je n'ai pas l'intention dans la première phase de mon action de toucher profondément à la structure de ce secteur.
Toutefois, dans la préparation des maquettes nouvelles, je demanderai aux universités de dégager nettement les filières avec leurs finalités et d'expliciter les études sur les débouchés. Dans cet effort de clarification, les cursus pluridisciplinaires ne sauraient être oubliés. Des modes d'évaluation spécifiques de ces enseignements si riches d'avenir devront être mis en place.
Dans la mise en place des filières professionnalisées, il faudra faire preuve d'un large esprit d'ouverture vers le monde économique. Celui-ci devra être mieux associé à la définition des contenus et à l'évaluation des débouchés. Ce n'est qu'à ce prix que nous pourrons assurer un renouveau des enseignements à vocation technologique et que nous pourrons faire preuve de responsabilité vis-à-vis des étudiants.
Il conviendra également de prendre en compte les conséquences de la directive européenne sur l'équivalence des diplômes.
Le troisième cycle
Le système Doctoral
J'ai dit lors de ma communication au conseil des Ministres que nous reviendrons au système mis en place par Alain Savary autour du concept de thèse unique. Beaucoup d'arguments ont été développés pour expliquer ce système qui avait été défini après la consultation d'un comité dit des sages qui comprenait des personnalités aussi diverses dans leurs pratiques professionnelles et leurs prises de positions que François JACOB, Laurent SCHWARTZ, Emmanuel LE ROY LADURIE, Paul GERMAIN ou Robert ELLRODT. Je me contenterai aujourd'hui de faire sur ce sujet quelques remarques qui sans être nécessairement originales situent le problème.
La thèse n'est pas délivrée sur la base d'une durée en années, mais compte tenu d'un niveau, d'une qualité et d'une quantité de travaux originaux. La notion de durée normale telle qu'elle était utilisée dans les textes de 1984 correspondait, en fait, à la période de soutien par des allocations de recherche. Rien n'empêche chaque discipline de mettre en oeuvre une modulation pour tenir compte des spécificités des disciplines ou des histoires individuelles des postulants. C'est ce qui se pratique dans beaucoup de pays développés et on ne voit pas pourquoi une telle diversité, sans excès, ne pourrait pas se développer chez nous. Je fais confiance à l'imagination et au sens des responsabilités des universitaires français pour qu'il en soit ainsi.
La thèse unique marque aussi la volonté d'ouvrir l'université sur le monde et la société civile. Il s'agit, on l'a dit, de faire en sorte que notre thèse soit analogue à celle des autres grands pays développés et notamment européens. Mais c'est aussi ouvrir vers la société civile. Le doctorat est le grade universitaire le plus élevé. Pourquoi le réserver aux universitaires ? Pourquoi ne pas chercher à faire pénétrer cette formation par la recherche dans un monde économique qui a tant besoin de femmes et d'hommes sachant imaginer, inventer et créer ? Comment un tel objectif serait-il possible si l'obtention de la thèse devait prendre un grand nombre d'années, voire plus d'une décennie ?
Pour ce qui concerne le système universitaire et de recherche, on a créé l'habilitation. C'est un diplôme à usage interne, qui ouvre la voie au recrutement professoral, mais qui doit aussi être ouvert aux candidats extérieurs. L'habilitation à diriger des recherches devra être exigée par les organismes de recherche et par l'université pour avoir le droit de diriger des équipes ou des formations de recherche. Nous engageons dès à présent des discussions avec le Ministère de la Recherche dans ce sens. Je vous invite dès la rentrée à mettre en oeuvre le système des habilitations en utilisant la loi pour innover dans la rigueur et la diversité, et en vous assurant que ce diplôme ne soit en aucun cas une copie de l'ancienne thèse longue, en veillant enfin à ce qu'il soit ouvert aux postulants extérieurs dont les talents intellectuels se sont épanouis au sein du morde économique, industriel ou de la recherche.
Les Allocations de Recherche et la Formation des Enseignants de l'enseignement Supérieur
Sur proposition du Ministre de la Recherche et de moi-même, nous avons revalorisé le montant des allocations de recherche. Il s'agit d'une revalorisation mensuelle et d'une extension progressive de la durée à trois années. A ce système de base nous nous proposons d'adjoindre des possibilités complémentaires : soit par la mise en place d'un Monitorat d'initiation à l'enseignement supérieur (M.I.E.S.) destiné à la formation des futurs enseignants du supérieur, soit pour soutenir la formation à la recherche des futurs cadres, destinés au milieu industriel. L'ensemble de ces mesures devrait connaître dans l'avenir une forte amplification car notre déficit en thèses reste important.
Sans doute devrons-nous aussi faire appel davantage à la contribution du monde économique sous des formes qui, à l'image des bourses CIFRE, devraient se diversifier. Un travail de réflexion en concertation avec le Ministère de la Recherche est en cours et nous avons confié à MM. Guy AUBERT et Bernard DECOMPS une mission de réflexion sur ce sujet.
Pour la période transitoire, j'ai demandé à la Direction des Enseignements Supérieurs et à la Direction des Personnels, des mesures qui permettraient de faire évoluer le système des allocations d'Enseignement Supérieur vers de nouvelles dispositions sans provoquer ni rupture ni dysfonctionnement du calendrier prévu.
Les Formations de Troisième cycle
Dans le cadre de la rénovation des maquettes, nous allons mettre en place une procédure nouvelle de définition et d'habilitation des troisièmes cycles. Nul ne s'étonnera qu'à ce niveau deux considérations doivent s'imposer : excellence et débouchés des étudiants. Ici encore nous réclamons des universités une clarification des finalités poursuivies, une prise en compte plus affirmée des possibilités réelles de débouchés.
Faut-il chercher à former en un même troisième cycle ceux qui- se destinent à la Recherche et ceux pour qui la formation par la Recherche n'est qu'une ouverture sur un métier plus intégré au monde économique ? Ne faut-il pas encourager la formation à la recherche technologique ? Mais disposons-nous de moyens en hommes suffisants pour le faire ?
Le postulat selon lequel quelqu'un de bien formé aux disciplines fondamentales peut toujours devenir un spécialiste dans les domaines appliqués s'applique-t-il toujours au niveau du troisième cycle ? Certains pays Plus avancés que le nôtre dans le développement technologique le sont peut-être parce qu'il y existe des "doctorats engineering".
Sur tout cela vous devrez vous interroger avant de réfléchir à vos projets de maquettes.
La Recherche Universitaire
Le cycle des études doctorales ou troisième cycle joue un rôle fondamental dans la mise en oeuvre de cette mission essentielle de l'Enseignement Supérieur qu'est la Recherche. Créer le savoir est un préalable à sa transmission. Former les hommes tout en leur apprenant à créer le savoir n'est-ce pas la meilleure garantie à la pointe du progrès scientifique et technologique d'aujourd'hui et de demain ? N'est-ce pas manière de préparer l'avenir de notre pays ?
Je tiens tout particulièrement à redonner à universitaire un essor, un dynamisme et des moyens nouveaux. Dans la compétition, fraternelle et complémentaire avec les grands organismes de recherche et notamment avec son frère jumeau le CNRS, nul doute que la recherche universitaire a quelquefois marqué le pas. Loin d'en tirer argument pour critiquer le CNRS comme certains l'ont fait injustement, il faut au contraire féliciter cet organisme de son dynamisme et faire en sorte que la recherche universitaire reste à la hauteur dans cette amicale compétition.
Ceci implique que la recherche universitaire prenne des risques, favorise les centres de création d'innovation, d'excellence, qu'elle soit la pépinière d'éclosion des nouvelles équipes, des nouvelles disciplines. Pour cela elle devra évoluer et s'adapter. Elle devra savoir mieux évaluer encore qu'aujourd'hui les recherches qu'elle finance. Pourquoi ne serait-elle pas la première à mettre en oeuvre l'évaluation européenne qui lui garantirait une véritable objectivité et un niveau d'évaluation comparable à celui qui existe aux Etats-Unis ?
Pourquoi ne ferait-elle pas de ses troisièmes cycles le lieu privilégié de l'implantation de laboratoires de formation de chercheurs ? Pourquoi l'Université ne serait-elle pas le lieu de recherches libres et programmation légère mais où le risque serait assumé et récompensé ?
Il y a là un sujet de réflexion sur lequel nous nous penchons en liaison étroite avec le Ministre de la Recherche et de la Technologie. Ce qui émerge c'est la volonté commune de préserver l'excellent instrument recherche qu'est le CNRS avec des chercheurs à plein temps et à côté une recherche universitaire d'un style différent beaucoup plus lié à la formation mais ayant des moyens comparables.
Les liens entre ces deux ensembles ne sauraient être distendus pour autant.
Un rééquilibrage du potentiel de recherche ne peut être que bénéfique à tous. Quant aux liaisons à assurer, nous avons entrepris avec le Ministre de la Recherche d'étudier des procédures souples de passage entre enseignement supérieur et organismes de recherche, aussi bien en ce qui concerne les enseignants et les chercheurs que les personnels administratifs ou techniques.
Vous l'avez compris, un enseignement de troisième cycle de haut niveau articulé sur une recherche universitaire d'excellence est vraiment l'un de nos objectifs prioritaires.
J'ai commencé mon intervention en soulignant le principe d'unité du projet éducatif que nous voulons développer. J'illustrerai à présent ce propos en vous faisant quelques propositions concrètes.
J'ai évoqué la mise en chantier rapide d'une réflexion sur la formation des maîtres du primaire et du secondaire et je vous ai suggéré de vous y impliquer à l'échelle régionale dès que possible dans un dialogue qui associe les divers ordres d'enseignement.
Toujours dans ce cadre régional, je souhaite que soient organisées des conférences annuelles que je vous propose de dédier à Paul Langevin dont le nom reste attaché à une grande oeuvre scientifique et à un grand intérêt pour les questions d'éducation. Ces conférences, un peu à la manière des entretiens de Bichat, réuniraient autour de spécialistes de telle ou telle question, des enseignants du secondaire ou du primaire ou des enseignants du supérieur. Les sujets traités seraient définis annuellement par région. Ils permettraient au savoir de se diffuser des lieux où il se crée vers l'ensemble du système éducatif. Ces conférences pourraient être l'occasion de débats "verticaux" sur les contenus des enseignements, permettant, ultérieurement, d'ajuster au fur et à mesure les contenus.
D'un tout autre point de vue, nous avons décidé d'entreprendre une réflexion sur les programmes de l'enseignement primaire jusqu'au supérieur. Parce qu'elles ont aujourd'hui un caractère central et très symbolique, ce sont les mathématiques qui ont été choisies en premier et j'ai confié à Didier DA CUHNA CASTELLE, professeur à Orsay, une mission de réflexion sur cette question, en fonction des résultats de cette première expérience, no comptons l'étendre progressivement à d'autres disciplines.
Toutefois, la priorité donnée à l'ouverture pédagogique ne me conduit pas à ignorer les problèmes que pose le fonctionnement quotidien de vos établissements.
LE FONCTIONNEMENT DES UNIVERSITES
La question des statuts
Au premier rang des questions urgentes qui, je le sais, vous préoccupent, figure celle des statuts des établissements et de leurs composantes, dans les cas où ces statuts n'ont pas encore été mis en conformité avec la loi. Je tiens à m'exprimer à ce sujet avec une particulière netteté de manière qu'enfin le principe de légalité puisse trouver à s'appliquer dans le cadre d'un calendrier précis qui ménage les évolutions et les souplesses souhaitables.
Je soulignerai, tout d'abord, que le principe de légalité exige que la loi soit appliquée. Nous en sommes tous responsables, moi le premier. Et cette loi est la loi du 26 janvier 1984.
Je sais qu'une note à en-tête administratif datée du 22 janvier 1987 a pris un parti inverse. Ce parti n'est pas le mien.
Affirmer, comme cette note le fait, que la loi du 12 novembre 1968 et celle du 26 janvier 1984 sont concurremment applicables n'est pas possible.
La loi du 26 janvier 1984 s'est substituée à la loi du 12 novembre 1968 dans toutes ses dispositions institutionnelles qui étaient nouvelles. Maintenir la situation telle quelle, c'est priver les conseils, eu égard au temps écoulé, de toute représentativité. Continuer à organiser des élections sous le régime de la loi de 1968, c'est ainsi que plusieurs jugements de tribunal administratif l'ont marqué de façon particulièrement nette dans une période récente méconnaître la loi et par suite frapper d'un vice radical d'incompétence toutes les décisions prises par les organes ainsi renouvelés. Ignorer le droit, c'est donc plonger durablement les universités dans les incertitudes et les aléas des procédures contentieuses.
La loi me donne les moyens de mettre fin à cette situation. Outre ceux exceptionnels de l'article 47, en cas de difficulté grave dans le fonctionnement des organes statutaires ou de défaut d'exercice de leurs responsabilités, il m'incombe d'arrêter les dispositions statutaires nécessaires.
Mais le respect scrupuleux du droit me paraît. tout à fait conciliable avec la prise en compte des souhaits particuliers des établissements.
Seuls 18 d'entre eux sont aujourd'hui dépourvus de statuts. Bien plus, 6 de ces 18 établissements ont déjà fait parvenir, il y a plus de deux ans, des projets qui correspondaient alors à leurs voeux et un septième s'est, depuis, joint à eux. A ce jour, il ne reste que quatre établissements qui n'aient élaboré aucune proposition. S'agissant de ces 18 universités, une nouvelle consultation doit être immédiatement engagée permettant un réexamen avec leurs responsables des dispositions qui pourraient le mieux correspondre aux particularités de leur situation.
J'ai chargé M. Christian PHILIP, Directeur des Enseignements Supérieurs, de mener avec chacun des établissements concernés cette concertation approfondie. Pour la faciliter dans toute la mesure du possible, j'élaborerai, en prenant en compte l'expérience apportée par les discussions antérieures, un texte de décret simplifiant et assouplissant les dispositions réglementaires d'application de la loi qui auront pu paraître dans certains cas particuliers contraignantes à l'excès. Ce décret pourra modifier notamment le décret électoral du 18 janvier 1985 et le décret relatif à la la participation des personnalités extérieures aux conseils du 7 janvier 1985.
En particulier, dans un souci d'adaptation à la diversité des corps enseignants des établissements et de leurs composantes :
- de plus larges possibilités seront offertes quant à la constitution des collèges électoraux,
- les conditions de service permettant d'être électeur seront moins strictement définies.
Par ailleurs, les modalités de choix des personnalités extérieures seront, dans une bien plus large mesure, laissées à l'initiative des établissements.
L'esprit dans lequel ces dispositions seront élaborées est ainsi tout à fait clair : aplanir les obstacles qui auront pu encore objectivement dans certains cas rendre difficile l'application de la loi.
Ce décret sera soumis à l'avis du Conseil d'Etat afin d'écarter pour l'avenir dans la vie des établissements toute incertitude juridique. Je ferai en sorte qu'il soit adopté dans les semaines qui viennent. La discussion avec les établissements pourra se prolonger, eu égard aux contraintes du calendrier universitaire, jusqu'au 15octobre. A cette date au plus tard, j'exercerai les responsabilités juridiques qui sont les miennes, de manière à ce que tous les établissements puissent être dotés, avant la fin de la présente année, de conseil légalement élus, assurant la participation de tous selon les principes de démocratie et de responsabilité posés par le législateur.
Certes, je n'ignore pas que des prises de position concordantes au sein de votre Conférence se sont manifestées pour que d'autres assouplissements, de nature législative, soient apportés aux dispositions adoptées en 1984. J'ai chargé d'ailleurs moi-même M. Philippe LUCAS d'une mission exploratoire destinée à me permettre d'en préciser les contours. Dès lors que des mesures en ce sens seraient l'expression d'un souci commun de toutes les parties prenantes de la communauté universitaire et permettrait de renforcer l'autonomie des établissements, laquelle me paraît exclure les fragmentations de structure et les dilutions de responsabilité, je les envisagerai avec faveur.
Chacun d'entre vous comprendra toutefois que là n'est pas la priorité d'une politique de promotion de l'enseignement supérieur conforme aux attentes des Français et d'abord des jeunes qui s'engagent ou se sont engagés dans des études où se joue leur avenir.
Chacun d'entre vous a, j'en suis sûr, la préoccupation de ne pas donner au pays, à travers un nouveau débat législatif sur les problèmes institutionnels, l'image d'une communauté universitaire à titre principal de rapports de pouvoir et d'équilibres catégoriels.
Légiférer sur ces questions ne saurait être un but en soi. En revanche, lorsque les objectifs essentiels que doit s'assigner notre enseignement supérieur trouveront une traduction législative destinée, notamment, à faciliter la gestion de vos établissements, je serai prêt à soumettre à cette occasion au Parlement les quelques dispositions statutaires qui auraient été convenues. Et tous les établissements pourront alors, dans les mêmes conditions, opérer ultérieurement, dans leurs statuts les révisions qu'ils auront souhaité souhaité apporter en fonction de cette évolution législative.
Ainsi seront conciliés l'exigence de légalité, le souci de continuité et l'effort permanent à mener pour plus d'autonomie et de diversité dans le fonctionnement des universités.
Assouplissement de la gestion
L'autonomie des établissements que vous dirigez est un principe qui, solennellement inscrit dans 1a loi du 26 janvier 1984 et maintes fois réaffirmé, n'a pas toujours pu trouver sa traduction concrète, tant les multiples rigidités financières ou des pratiques héritées de l'histoire freinent son accomplissement. La recherche de l'autonomie financière et comptable des universités est une priorité à laquelle le Premier ministre est très attaché. Dès a présent je tiens à vous annoncer un ensemble de dispositions concrètes qui permettront d'assouplir certaines des contraintes qui pèsent sur la gestion des universités, et dont je sais que vous avez souvent souhaité la suppression.
Ces mesures consistent d'une part à accroître le degré de liberté de vos établissements dans la gestion de leurs ressources, d'autre part à renforcer leur capacité d'action et leur responsabilité en matière de dépenses d'investissement.
En ce qui concerne le premier point, trois améliorations sensibles sont décidés :
En premier lieu, les subventions de fonctionnement qui vous sont actuellement notifiées selon trois rubriques distinctes (heures complémentaires, entretien et activités) seront désormais globalisées. Cette démarche qui est conforme à la lettre de la loi du 26 janvier 1984, permettra d'accélérer la mise en place des crédits. Il va de soi que cette liberté accrue vers laquelle nous tendons entre dans le cadre contractuel auquel j'ai fait référence avec pour corollaire une responsabilité renforcée, et qu'un système d'évaluation a posteriori devra permettre de juger des résultats obtenus pour chacun de vos établissements.
En second lieu, et dans le même esprit, le décret financier et la réglementation comptable seront assouplis sur plusieurs points : le caractère limitatif des crédits affectés à chaque fonction au sein de votre budget sera supprimé, à charge pour vous de procéder en cours d'année aux modifications qui vous sembleraient nécessaires. De même, les virements entre sections de fonctionnement et d'investissement pourront être réalisés par vos soins en cours d'année, sous réserve d'une régularisation ultérieure d'ensemble par vos Conseils.
Enfin, les possibilités de règlement par virement et de paiement sans ordonnancement préalable seront élargies : pour les premiers, le seuil d'autorisation fera l'objet d'un relèvement significatif, pour les seconds, la limite des dépenses sera portée de 100 F à l 000 F et vous bénéficierez de la possibilité d'étendre cette procédure dans tous les cas où vous le jugerez nécessaire. Il vous appartiendra donc de décider vous-même de l'ampleur que vous souhaiterez donner à la délégation ainsi consentie aux différents responsables de vos établissements. Le troisième assouplissement porte sur l'importante question des rémunérations des intervenants extérieurs, dont le niveau conditionne votre capacité à attirer des compétences de haut niveau. L'accroissement de 40 % du taux des heures complémentaires s'accompagne d'un élargissement des possibilités de recours à la formule des contrats : le taux maximum sera porté de 310 F à 500 F, le plafond annuel à 32 000 F, et surtout, vous pourrez désormais rémunérer ces intervenants sur vos ressources propres, sans être limités par montant de la subvention allouée par l'État. En dernier lieu, les établissements seront pleinement responsables de leur maintenance et en outre il leur sera donné la possibilité d'assurer la maîtrise d'ouvrage de leurs constructions neuves. Cette mesure constitue le premier pas en direction d'une gestion nouvelle des universités, plus souple et plus directe.
Revalorisation des fonctions de responsabilité
Les universités sont des organismes dont le fonctionnement est complexe. Aux difficultés de gestion et d'animation comme dans toute entreprise de cette taille, s'ajoutent des impératifs scientifiques, culturels et pédagogiques.
Les fonctions de direction, celles de Chef d'Etablissement comme de responsable d'unités sont lourdes et doivent s'exercer dans des conditions difficiles.
Les modalités démocratiques de choix étant clairement garanties par la loi, et c'est là un acquis important, il importe de revaloriser les fonctions de direction. L'idée que la direction d'une unité et a fortiori d'une université est une tâche qui doit être pleinement prise en compte fait à juste titre son chemin dans les esprits.
Il faudra que cette reconnaissance s'accompagne de garantie pour les conditions d'exercice de ces fonctions et pour les modes de gestion des personnels qui les exercent.
J'ai voulu marquer cette volonté symboliquement par une première mesure. L'indemnité de fonction des présidents d'université, dont le montant n'a pas suivi l'évolution du coût de la vie, fera l'objet d'une revalorisation. Cette décision est sans commune mesure avec la lourdeur des charges qui vous incombent, mais elle témoigne de la volonté de reconnaître l'importance de votre rôle.
Les infrastructures
L'amélioration des infrastructures, comme l'a dit le Président de la République, est une condition de base de toute entreprise de rénovation des universités.
Les bibliothèques
C'est par elles que j'ai commencé parce qu'elles représentent non seulement un outil de travail pour la recherche et les étudiants, mais parce que leur qualité dépend la nature même de l'enseignement. Nous ne pourrons revaloriser le travail personnel que si les étudiants ont les moyens, notamment en bibliothèque, de le pratiquer.
J'ai confié à André MIQUEL une mission d'études sur ce sujet mais j'ai en même temps entrepris à l'occasion du décret d'avance, d'augmenter les moyens qui seront affectés à cet effort de rénovation. Tous les aspects seront pris en compte : achats de livres, constructions, informatisation, personnels. C'est un effort sans précédant qui est engagé.
Les locaux universitaires
L'entretien des locaux est la première priorité sur laquelle j'ai insisté. Je n'y reviens pas. L'effort de maintenance et la mise en état des locaux existant vont être amplifiés. Mais je voudrais que cet effort aille au-delà et que nous puissions promouvoir une véritable politique d'urbanisme et d'architecture des campus. Je ferai plus tard des propositions dans ce sens.
Certaines universités, agissant en liaison avec le CROUS, ont commencé d'introduire de la vie sur leur campus : une cafétéria, un kiosque bien placé, une agence de voyage (O.T.U.), le guichet d'une banque, une librairie, mais aussi des installations sportives peuvent aider à changer le mode de vie des étudiants.
Bref, il importe de retrouver l'idée que l'amélioration du cadre de vie et l'esthétique d'un campus universitaire sont des conditions importantes pour ce qui s'y fait, pour le moral de ceux qui y travaillent et finalement pour leur efficacité.
Les « conditions humaines »
Je veux parler ici d'une part des étudiants, de l'autre des personnels universitaires.
La condition étudiante
L'amélioration de la condition étudiante est l'une des tâches prioritaires que je me suis donnée.
Nous connaissons tous les chiffres concernant la croissance prévisible du nombre des étudiants. Nous savons également que cette croissance ne sera rendue possible que par l'entrée dans les formations post-baccalauréat de jeunes issus de milieux moins favorisés. Face à une telle croissance et compte tenu des retards accumulés dans le passé, les mesures à prendre en matière de montant et de nombre de bourse, de possibilités d'hébergement, de restauration et d'installations sportives seront inévitablement très coûteuses. Il nous faut à la fois maintenir, entretenir, restaurer, développer les infrastructures existantes et augmenter significativement l'aide directe sous forme de bourses sur critères sociaux, mieux dotées et plus nombreuses. Des dispositions dans ce sens ont été prises en Conseil des ministres qui sont une indication sur la voie que j'entends suivre. D'autres pistes doivent être explorées, d'autres expériences seront soutenues, qu'il s'agisse du rôle des oeuvres universitaires ou d'une politique dynamique de prêts avec l'aide de l'Etat, qui pourrait compléter le système de bourses.
Avant tout et afin d'avoir une mesure continue du problème, je souhaite créer un Observatoire de la Vie Etudiante largement ouvert à toutes les parties concernées.
Cet observatoire devra nous fournir les analyses qui me permettront d'orienter la décision dans le sens le meilleur, c'est-à-dire le plus efficace. Mais sans attendre et m'appuyant en particulier sur les études conduites par M. Domenach en 1982, et ultérieurement, par la direction des Enseignements Supérieurs et le Centre National des Oeuvres Universitaires, je suis très profondément persuadé, qu'améliorer la vie quotidienne de nos étudiants c'est, en fait, mener la bataille pour une plus grande égalité des chances et donc lutter contre l'échec. Des chiffres sont là, incontournables : 173 000 places de restaurant, 110 000 possibilités de logement, 160 000 bourses ou allocations, dont 143 000 sur critères sociaux. Ces chiffres signifient qu'un nombre tout à fait insuffisant d'étudiants bénéficient d'une aide directe ou indirecte. J'entends m'attacher tout spécialement à changer la situation actuelle selon des modalités et des rythmes qui auront à prendre en compte aussi bien les conséquences de la croissance démographique de la population étudiante que l'ouverture de notre enseignement supérieur à l'espace européen.
Les personnels de l'Enseignement Supérieur
Si j'avais à résumer en deux phrases les problèmes les plus graves concernant les personnels de l'enseignement supérieur je dirai tout simplement ceci :
que la revalorisation de leur condition, comme l'a bien montré le rapport du président Durry, doit être au coeur de notre réflexion et de notre action.
que la reconstruction d'une population de jeunes docteurs dépend, tout autant, de l'application effective de la réforme des études doctorales et des aides apportées aux jeunes doctorants que de l'attrait présenté par le métier d'enseignant et de chercheur.
Or du point de vue de la carrière des enseignants-chercheurs, si le statut à deux corps de 1984 n'est désormais plus contesté, quatre difficultés majeures affectent cette carrière dans son déroulement :
- un décalage marqué des rémunérations par rapport à des secteurs recrutant à des niveaux similaires.
- une pyramide des âges déformée par un épaississement des tranches les plus âgées, ce qui provoquera des départs massifs dans les années qui viennent.
- un stock de jeunes docteurs de qualité tout à fait insuffisant dans un certain nombre de disciplines qui ont de la peine, dès maintenant, à pourvoir les postes vacants faute de candidats valables. Imaginons ce qu'il adviendra au moment où il faudra faire face à l'afflux prévu, pré-programmé, des étudiants des années 1990-2010.
- des procédures de recrutement trop lentes et beaucoup trop centralisées.
Avant même de pousser la réflexion nécessaire sur ces questions, en liaison étroite avec les intéressés, j'ai la volonté, dès 1989, de favoriser le déblocage des carrières par le repyramidage des emplois : il faut reprendre les transformations de Maîtres de conférences en professeurs de 1e classe fâcheusement interrompues en 1988 ; il faut également obtenir un nombre significatif de transformations permettant des passages de la seconde à la première classe pour les maîtres de conférences et les professeurs et l'accès à la classe exceptionnelle pour les professeurs de première classe. Il faut, également, dès maintenant, envisager la revalorisation des carrières des jeunes maîtres de conférences.
Mais notre réflexion et notre action dans ce domaine seraient insuffisantes sir elles ne prenaient pas en compte une situation particulière à notre pays.
Si les personnels de l'enseignement supérieur sont définis statutairement comme enseignants-chercheurs, tous ne font pas de la recherche et tous n'ont pas les mêmes possibilités d'enseignement ; par ailleurs, il existe à côté de ces corps d'autres corps, celui des chercheurs des grands organismes. Nous nous trouvons à cet égard dans une situation doublement paradoxale : seule la recherche compte dans l'évaluation de la carrière des maîtres de conférences et de professeurs alors que ne sont jamais pris en compte la qualité de la fonction pédagogique ou les services rendus à la communauté.
La mobilité entre corps des chercheurs et celui des enseignants-chercheurs est tout à fait insuffisante, compte-tenu de différences statutaires ou du manque d'attrait de la condition enseignante.
C'est pourquoi j'ai décidé de mettre à l'étude en liaison étroite avec le Ministre de la recherche et de la technologie un ensemble de mesures qui toutes devraient aller dans le sens d'une meilleure prise en compte des fonctions effectivement remplies par les enseignants-chercheurs.
Comme l'avait amorcé Jean-Pierre CHEVENEMENT, la réflexion pourrait porter sur la mise en place d'un système de primes ou de rémunérations complémentaires versées aux enseignants travaillant effectivement dans des laboratoires de recherche, ou reconnus, dans certaines disciplines moins structurées, par leur communauté : ainsi qu'à ceux qui assurent des fonctions de responsabilité pédagogique et scientifique à tous les niveaux.
Parallèlement serait réuni un groupe de travail sur la meilleure façon de prendre en compte la fonction pédagogique dans le déroulement de la carrière.
Il faudra chercher, également, à rétablir de véritables passerelles entre les deux carrières de chercheurs dans les organismes et d'enseignant-chercheur dans les établissements d'enseignement supérieur.
Disposant de deux ensembles de personnes nombreux et qualifiés, les enseignants-chercheurs et les chercheurs, notre pays se doit de les enrichir mutuellement par 'échange et la mobilité.
Pour les ATOS en général outre le fait que nous avons décidé l'arrêt du gel des postes, nous allons reprendre une politique de déblocage, de création et redéploiement. Je fais aussi appel, à cet égard, aux exigences de l'évaluation et à la responsabilité qui incombe à chaque établissement.
Mais il y a nécessité de ne rien brusquer et de tenir compte du fait que les mentalités et les structures n'évoluent que lentement. Il faut donc proposer en parallèle, des mesures à effet immédiat, des programmes à réalisation rapide et des projets à long terme.
- l'adaptation des enseignements supérieurs doit concilier l'autonomie et la cohérence. La réforme ne doit plus systématiquement partir d'en haut ; il faut partir des faits concrets, des réalités universitaires et sociales, des aspirations et des besoins des universitaires, des universités, des étudiants, mais aussi de l'ensemble des partenaires du système éducatif. Dans ce contexte, mon rôle consiste à la fois à favoriser les initiatives et en à assurer la cohérence.
Sans idées, sans vision claire, rien, n'est possible. Mais les idées ne front pas tout. Les enjeux sont considérables et impliquent des efforts budgétaires très importants dans l'enseignement supérieur comme dans l'enseignement scolaire. Je ne peux aujourd'hui engager le Gouvernement sur l'ensemble des choix à aire et des moyens à dégager dans la durée. Mais je peux témoigner de la volonté de celui-ci de traduire dans les faits la priorité reconnue aux problèmes d'éducation par le Président de la république.
Conclusion
Je voudrais terminer cette intervention en soulignant que les actions entreprises et les projets que j'ai évoqué ici ne sont en aucun cas une liste close. Ce sont des chantiers que nous mettons en route. D'autres seront ouverts, au fur et à mesure des besoins, des initiatives, des maturations.
Je viens de définir devant vous des lignes de conduite, d'esquiver des perspectives et de vous donner la tonalité de ce que veut être mon action en faveur des universités.
Pour réaliser ces objectifs trois règles de méthodes paraissent importantes :
- l'évolution, l'adaptation, la rénovation du système éducatif français implique la participation de tous. C'est pourquoi la définition de la politique d'éducation doit s'appuyer sur le dialogue : avec les organisations représentatives des enseignants, des étudiants, du monde du travail, mais aussi avec les acteurs du monde économique et les élus.
- Il faudra maîtriser le temps, en ayant conscience de la nécessité d'aller vite, parce que la situation est sérieuse, parce que les échéances européennes approchent puisque nous avons à réfléchir dès maintenant aux conséquences de la directive européenne sur l'équivalence des diplômes, parce que l'action immédiate ne produira d'effet que dans deux ou trois ans.