Texte intégral
Modérateur : Bonjour à tous. Bienvenue. Pour commencer, Monsieur le ministre, pouvez-vous nous présenter l'opération "Parlons agriculture" ?
Michel Barnier : Bonjour. L'agriculture, ce n'est pas seulement, même si c'est d'abord, la question des agriculteurs. C'est une question de société et le travail des agriculteurs, dans des conditions très difficiles, est au coeur de beaucoup de défis de notre société.
C'est pourquoi je souhaite qu'on remette ce ministère au sein du débat. On n'est pas dans un coin comme si c'était du passé, on est au coeur des défis de l'alimentation, du développement durable, de la recherche, de l'emploi dans les territoires, de la solidarité internationale. Et parce qu'on est là, je veux qu'on le dise. Comme on l'a fait lors du Grenelle de l'environnement, je souhaite que ce ministère soit en discussion, en débat avec le reste de la société. On va organiser trois grandes conférences qui vont nous amener tout doucement à la présidence française de l'Union européenne le 1er juillet : l'une sur l'alimentation et la nutrition, une autre sur la recherche et l'agriculture, une troisième sur la solidarité mondiale et le défi alimentaire mondial.
Le site du ministère, les internautes le connaissent, donnera tous les renseignements. Et je souhaite qu'avec le site www.parlonsagriculture.com, il y ait un débat interactif avant ces conférences. Et on rendra compte du dialogue interactif sur Internet avant le début de chaque conférence.
Tout le monde est intéressé par ces sujets. Tout le monde a quelque chose à dire. Tout le monde a une racine avec le monde rural. Tout le monde est intéressé par la qualité et la traçabilité de ce qu'on mange. On a cette chance en France d'avoir une alimentation très diversifiée, très qualitative et très ancrée dans les territoires. Tout le monde est intéressé à ce que les paysages soient entretenus. L'agriculture, c'est tout cela.
Charly31 : L'agriculture française doit-elle forcément développer les cultures génétiquement modifiées ? De nombreuses recherches ont démontré la dangerosité de ces cultures pour la santé.
Michel Barnier : De nombreuses recherches n'ont pas démontré la dangerosité. Franchement, je n'ai pas vu beaucoup d'études montrant que les OGM étaient un danger là où ils sont cultivés. En tout cas, pas pour la santé humaine. Il y a des risques par rapport à la dissémination. D'ailleurs, cette question a été clairement identifiée par la Haute autorité provisoire. C'est pour cela que le Gouvernement a suspendu pour un an la seule culture qui existait pour le moment : le maïs Mon 810. Pour le reste, il y a un débat qui est ouvert. Je suis très content d'en parler car ce débat doit être très ouvert et très démocratique. Sur tous ces sujets, c'est le silence qui entretient les peurs. Il faut expliquer, dire que la question des OGM ne se réduit pas à la question de l'agriculture, même si c'en est une partie. Comment faire en sorte que certaines cultures consomment moins d'eau ? Mais ce n'est pas que cela. Il y a des OGM recherchés pour des questions industrielles, par exemple sur les peupliers, avec une culture en plein champ pour voir comment, dans la fabrication de papier carton, on pourrait utiliser moins de produits chimiques grâce aux OGM. C'est intéressant. Sur la médecine également, notamment concernant le traitement de la mucoviscidose, il y a aussi des études qui existent. Et nous prenons le temps de ce débat : pendant une année, il pourra y avoir des recherches en plein champ, mais pas de cultures. Et puis on va prendre ce débat et ce temps pour travailler avec nos partenaires européens car, comme toujours, la bonne réponse doit être européenne, commune, puisque nous sommes sur un espace commun.
vincent_esa : Comment dépassionner le débat sur les OGM ?
Manouche : Monsieur, comment faire pour que le débat sur les OGM soit constructif et pas comme d'habitude les ultra pour opposés aux ultra contre ? Ne faut-il pas rétablir un climat de confiance, basé sur l'écoute des uns et des autres, et de transparence ?
Michel Barnier : J'aime bien cette manière de dire les choses, de dire : parlons-en, ayons un débat. La passion ne doit pas céder à la raison. Qu'on arrête de voir certains refuser le débat avec les anti-OGM et puis les autres résumer le débat à du fauchage, qui est illégal, car on détruit la propriété d'autrui, parfois avec des drames comme l'été dernier. Donc il faut mettre de la raison, de la démocratie. C'est ce qui s'est passé à l'occasion du Grenelle de l'environnement : tout le monde était autour de la table. Et d'ailleurs à la fin de ce Grenelle, le président de la République a pris cette décision raisonnable de suspension d'une culture pendant un an, pour évaluer le débat public et en même temps proposer un projet de loi discuté demain à l'Assemblée nationale afin de sécuriser de manière claire et transparente les cultures non OGM. On doit pouvoir sécuriser les distances entre cultures OGM et non OGM, dire de manière transparente où se placent ces cultures OGM. Et que ceux qui seraient tentés de faucher ou de détruire sachent qu'ils encourent des sanctions. Qu'il y ait des progrès dans la transparence et la responsabilité.
Olivier Halluin : Comment différencier/choisir entre les OGM bénéfiques et ceux qui sont dangereux ?
Michel Barnier : Ce n'est pas un ministre qui a la science infuse. Le ministre peut dire : menons le débat, écoutons les scientifiques, écoutons la société civile, mais aussi les acteurs de l'économie. Puisque derrière tout cela il y a beaucoup d'acteurs économiques, et notamment des cultures massives OGM ailleurs dans le monde. Par exemple, le soja pour les animaux est globalement un soja OGM qui ne présente aucun danger pour la santé. Comment mener ce débat ? Encore une fois, par la démocratie, par l'écoute, et par des évaluations scientifiques, avec l'appui de l'Afssa et la Haute autorité qu'on va créer. Il faut que l'avis scientifique soit indépendant, et débattu. Ce sera le travail de la Haute autorité avec son collège de scientifiques indépendants. Et puis il y a l'avis européen, car il faut savoir ce qui se passe près de chez nous, autour de nous.
OLEVE : On devrait autoriser les OGM dans l'alimentation du bétail afin de baisser les coûts, et sauver les filières animales...
Michel Barnier : Le bétail est déjà nourri. Cette autorisation existe, pas pour n'importe quel produit OGM, mais dans des conditions très rigoureuses, évaluées scientifiquement, avec de longs processus. L'Union européenne a accepté des importations de produits pour l'alimentation du bétail qui viennent d'autres continents. Pour autant, les prix de l'alimentation augmentent aussi, car il n'y a pas que ce maïs ou ce soja-là.
patrick52 : Depuis 2002, le passage à l'euro, les prix se mettent à flamber ! ! Que ce soit le lait, le blé, les fruits et légumes. Même les produits de la marée ! Que compte faire le Gouvernement, afin de contrôler au plus près ces tarifs ?
Michel Barnier : D'abord, je voudrais lui dire que ce n'est pas l'euro qui est responsable de l'augmentation des prix d'aujourd'hui. Les matières premières dont nous parlons, les grandes cultures, blé et maïs, en 2002, étaient à des prix beaucoup plus bas. Il ne faut pas mettre sur le dos de l'euro toutes les augmentations de prix qu'on constate. Ce n'est pas juste. Cela fait plusieurs années que l'euro existe, il y a peut-être eu un effet d'aubaine, mais il y a d'autres raisons à ces augmentations : le prix du pétrole qui augmente et provoque des augmentations de coûts. Et puis, dans le monde, une situation nouvelle, où il y a une demande alimentaire très forte de la part de pays dont le pouvoir d'achat augmente, Chine et Inde, donc des besoins alimentaires qui nécessitent des importations et des habitudes alimentaires qui ont changé. Cette demande est durablement plus élevée que l'offre. On a calculé avec l'Inra qu'il va falloir multiplier par deux la production agricole à des fins alimentaires pour nourrir 9 milliards d'habitants en 2050. Donc on aura durablement des prix élevés pour toutes ces matières premières.
Alors, je n'accepte pas qu'on rende les paysans responsables des augmentations de prix dans les magasins. Ce n'est pas juste. Avec Madame Lagarde et Monsieur Chatel, on tend vers la transparence des prix. Il y a un Observatoire des prix qui commence à expliquer ces augmentations, qui indique où se trouve la valeur ajoutée. Entre l'agriculteur et le consommateur, il y a des intermédiaires et chacun doit assumer ses responsabilités. En tout cas, les agriculteurs ne sont pas responsables de toutes les augmentations. Dans le prix d'une pomme, un quart seulement du prix revient au producteur ! Et encore, quand il n'y a pas de problèmes climatiques. Par exemple, toute la vallée du Rhône a été ravagée à Pâques par un gel terrible, qui a détruit beaucoup de productions fruitières.
François : L'alimentation n'est-elle pas plus au coeur de la société aujourd'hui que l'agriculture ?
Michel Barnier : J'aime bien cette question. Pour tout dire, j'ai l'idée que ce ministère devienne un jour le ministère de l'alimentation, de l'agriculture, du développement rural et de la pêche. Je pense que le travail des agriculteurs et des pêcheurs est fait au service de deux exigences de la société. L'alimentation doit être diversifiée, traçable, qu'elle garde son identité avec des produits typiques, régionalisés. Et puis la deuxième exigence, c'est le développement durable. Le grand défi, c'est de nourrir la population, et de produire pour nourrir, c'est-à-dire l'acte fondamental des paysans depuis le début de l'aventure humaine.
Michael : Produire 2 fois plus, oui, mais en Europe est-ce nécessaire ?
Michel Barnier : Il est nécessaire de produire plus et mieux, mais ce n'est pas l'Europe qui va nourrir le monde. Nous ne sommes pas dans une vision néo-coloniale. Mais nous pouvons participer, par nos échanges, car le monde est ouvert, globalisé, nous pouvons participer à relever en partie le défi alimentaire, notamment par des exportations. L'agriculture, c'est beaucoup d'emplois, ainsi que dans l'agroalimentaire. Nous avons beaucoup d'industries de transformation qui exportent beaucoup, car elles ont de bons produits.
Il ne s'agit pas de dire que l'Europe va être toute seule. On peut exporter. Nous exportons et nous souhaitons continuer à exporter. On peut aussi aider certains pays qui le voudraient à construire leurs propres capacités, à les reconstruire. Par exemple, je me suis rendu fin 2007 au Sénégal, pays proche de la France et donc nous sommes très attachés à ce pays, qui consomme beaucoup de riz dans la vie quotidienne. Deux tiers du riz sont importés au Sénégal, depuis notamment la Thaïlande. Or, il y a de l'eau au Sénégal, son grand fleuve existe. Pourquoi ce pays ne retrouverait-il pas sa souveraineté en matière de riz ? Les importations coûtent beaucoup au pays. Cela représente 2,5 points de croissance par an qui manquent au Sénégal. J'ai proposé de reconstruire une capacité autonome de production de riz.
Autre exemple, l'Ukraine : depuis l'indépendance, elle a perdu une grande partie de sa capacité de production laitière ou de céréales. Des agriculteurs s'implantent en Ukraine. Il faut les aider dans une coopération à reconstruire une politique agricole pour l'Ukraine. Nous allons le faire. Nous voulons et nous devons être partenaires des pays qui en ont besoin. Au moment où nous parlons, des centaines de millions de gens meurent de faim, ou du fait de l'eau qui n'est pas potable. Oui, l'Europe et la France doivent continuer à produire, pour garder notre sécurité et notre souveraineté alimentaires, mais nous allons aussi aider les autres pays du monde qui le souhaitent.
sebledu esa : Justement, l'augmentation récente des quotas ne serait-elle pas une opportunité pour l'agriculture française ?
Michel Barnier : Ce qui a été fait il y a trois semaines au Conseil des ministres, c'est l'augmentation des quotas laitiers, qui existent en France dans chaque département, pour préserver la production laitière de façon locale. Ces quotas sont fixés par département et préservent la production laitière et de produits transformés. Le quota national va être augmenté de 2 % cette année, car le marché le permet. Mais ce marché peut aussi se retourner, il est très fragile. Le lait, il faut faire attention. Il y a des grands pays producteurs comme l'Australie qui peuvent tout d'un coup produire plus et le marché du lait peut se retourner. Donc, sur ces marchés, on a besoin d'être très réactifs. De manière générale, les agriculteurs sont dépendants des éléments : de l'air, de l'eau, de la terre. Ils sont vulnérables aux aléas climatiques, sanitaires ou économiques, quand ce n'est pas les 3 à la fois. Donc, on a besoin d'outils pour gérer les crises, d'une meilleure protection, d'assurances. Nous allons entrer dans un débat pour adapter la politique agricole commune, en accord avec nos partenaires, pour sécuriser la production agricole, pour mettre à l'abri la production agricole.
Jean-Claude : Quelle position de l'Europe par rapport à la maîtrise des coûts sur les denrées alimentaires sachant que le besoin risque d'exploser ?
Michel Barnier : On n'est plus dans une période où on administre les prix. Les marchés jouent leur rôle, d'où la nécessité d'une régulation. L'Europe, au vu de la hausse des matières premières, a supprimé certaines taxes et la jachère (sauf 3 % pour raisons écologiques). On a remis en culture 4 millions d'hectares en Europe pour desserrer le marché et la pression.
Axel Belorde : Monsieur le ministre, les biocarburants constituent-ils, selon vous, un réel danger pour la sécurité alimentaire des pays en développement ?
Michel Barnier : Oui, s'ils ne font que cela ! Oui, si on les encourage ou s'ils décident eux-mêmes de ne cultiver qu'à des fins énergétiques ou industrielles. Car avec la biomasse, on peut fabriquer des biocarburants mais aussi des produits industriels. Moi, je pense que la priorité doit rester sur l'alimentation. Quand on parle de gouvernance mondiale, il faut un endroit dans le monde, par exemple la FAO, qui a son siège à Rome, où on discute du partage des terres. Il faut lutter contre la faim et il faut regarder ce qu'on peut consacrer aux biocarburants. En Europe, nous encourageons les biocarburants pour être moins dépendants du pétrole. Par la recherche, on doit d'ailleurs aller vite vers les nouvelles générations de biocarburants, qui seront plus rentables en consommant autant de terre qu'aujourd'hui. On peut augmenter de cinq fois le rendement des biocarburants. Mais on est dans une proportion raisonnable. Si on atteint les objectifs de fabrication de biocarburants de 7 ou 10 % en 2012 ou 2015, c'est bien. Pour l'instant, en France c'est 2 % de la surface cultivée. L'objectif c'est de ne pas aller au-delà de 7 % de la surface cultivée, mais on est dans une proportion raisonnable.
Alain : Récemment, un haut dirigeant de Nestlé affirmait que l'essor des biocarburants mènerait à la disparition des cultures alimentaires. Que penser de cette affirmation ?
Michel Barnier : Je n'ai pas compris du tout cette déclaration ! Je la trouve déconnectée de la réalité, en tout cas en Europe. Je ne sais pas où le président de Nestlé se fournit. Quand on sait que l'objectif en France est d'aller au maximum de 7 à 10 % de la surface cultivée à des fins énergétiques. 7 % en 2010, on ne met pas en cause l'alimentation. Si certains pays, comme les Etats-Unis ou le Brésil, décident d'aller plus loin, ça pose effectivement un problème, mais je ne suis pas du tout d'accord avec le catastrophisme de ces propos.
varinjp : Où en sommes-nous du projet de loi sur la culture des OGM et l'interdiction de culture en plein champ de ces derniers ?
Michel Barnier : Le débat a lieu demain après-midi à l'Assemblée nationale, je m'exprimerai avec Jean-Louis Borloo, ministre du Développement durable. Nous souhaitons préserver nos efforts de recherche.
Babeth : Biocarburants : ils ne sont pas moins chers ni moins polluants que les carburants fossiles in fine. Pensez-vous quand même développer les cultures dans ce sens ? Si oui, pourquoi ?
Michel Barnier : Un débat a lieu sur le bilan énergétique, économique et écologique. Les études que j'ai vues, menées par l'Ademe, c'est que le bilan énergétique est positif. Il n'est pas gigantesque, mais positif. Je rappelle que nous n'avons pas de pétrole en Europe, il faut donc diversifier les sources d'énergie. Il faut aussi économiser. Ma conviction, c'est que le kilowatt qui pollue le moins, c'est le kilowatt qu'on ne consomme pas ! On peut économiser chaque jour de l'eau, de l'électricité, du fuel, dans notre vie quotidienne. Mais au-delà, il faut de l'énergie. Il faut aller vers les énergies renouvelables. Ce n'est pas seulement les biocarburants, mais aussi l'éolien, le photovoltaïque, la biomasse... Ce défi concerne effectivement les entreprises agricoles aussi, pour produire de façon plus économe.
Cooly : Le soja vous pensez que ça fera avancer nos voitures un jour ?
Michel Barnier : On peut fabriquer des biocarburants avec tous les produits issus de la biomasse, donc la réponse est oui. Mais il faut aussi des efforts de recherche !
Michael : A partir du moment où les prix seront attractifs, les agriculteurs produiront des agrocarburants sous le principe de la libre entreprise. Que doit répondre la politique européenne ?
Michel Barnier : La politique européenne encourage une stratégie d'incorporation de 7 % de biocarburants en 2010. Elle l'encourage pour cette raison-là, car nous n'avons pas de pétrole en Europe et les réserves de carburants fossiles vont diminuer progressivement jusqu'en 2050-2060. Il faut se préparer à cette société, où on aura moins ou pas de pétrole. Si on ne souhaite pas entrer dans une société de privation, il faut construire une société de modération et de diversification. Nous n'avons pas le choix : il faut diversifier avec les énergies renouvelables et les biocarburants. Et comme le prix du pétrole ne va pas cesser d'augmenter, même s'il y a des hauts et des bas, le bilan économique des biocarburants sera à coup sûr de plus en plus positif. Gardons une politique fiscale qui incite et encourage, et on verra que le bilan écologique, énergétique des biocarburants, deviendra de plus en plus positif.
Delphine : Comment pensez-vous améliorer radicalement les problèmes d'alimentation dus aux différentes pollutions des sols, des animaux, de l'eau ... ? Cordialement.
Michel Barnier : Toutes les pollutions ne viennent pas de l'agriculture. Je veux par exemple dire qu'il y a des jardins privés ou publics qui utilisent des produits phytosanitaires. Ce qui peut contribuer aussi à certaines pollutions. Une partie vient de l'agriculture et ce n'est pas par plaisir qu'ils utilisent ces produits : c'est pour protéger leurs plantes. En 2007, sans produit phytosanitaire, il n'y aurait pas eu de pommes de terre françaises, en raison du mildiou qui a provoqué des ravages. Nous avons des risques de pollution, donc on a décidé de lancer un grand plan dans le cadre du Grenelle de l'environnement, pour réduire de moitié en dix ans l'usage des produits phytosanitaires dans notre pays. Mes services sont au travail pour piloter ce plan très difficile, car il ne faut pas laisser les agriculteurs sans solution de rechange. On va trouver des solutions pour compenser ou remplacer les produits phytosanitaires. Autre exemple : on a beaucoup parlé des nitrates en Bretagne. J'ai mis en place un plan nitrates dans cette région, qui a été beaucoup montré du doigt. Beaucoup d'efforts ont été faits par les éleveurs, et on a regagné la confiance de la Commission.
phil46 : Nous sommes au bord d'une catastrophe climatique et environnementale désormais inévitable. Comment comptez-vous y préparer le pays alors que nous continuons de subventionner une agriculture destructrice de l'emploi et de l'environnement ? Merci.
Michel Barnier : C'est pourquoi le débat est intéressant, utile, et pourquoi je vais continuer à faire des chats comme ce soir. Ce n'est pas bien que phil46 ait cette idée que l'agriculture détruit l'environnement ou des emplois, car c'est exactement le contraire. Qui sont les premiers protecteurs de l'environnement, les pionniers du paysage ? Ce sont les paysans. On a, en effet, au début de la PAC, demandé aux agriculteurs de produire beaucoup et vite. Ils ont mis en place une agriculture intensive, dans certaines régions, pour remplir ce contrat. Aujourd'hui, on continue à produire beaucoup, mais beaucoup mieux. Les nouvelles pratiques sont à accentuer. Les agriculteurs sont les premières victimes du réchauffement climatique. Ce ne sont pas des irresponsables. Leur intérêt aujourd'hui est de produire mieux.
Modérateur : Mais peut-on produire à la fois plus et mieux ?
Michel Barnier : Ma réponse est oui, s'il y a un effort collectif, des échanges de bonnes pratiques, et beaucoup de recherche. Je voudrais prendre le temps, avec les agriculteurs, de poursuivre ce mouvement.
Pseudo : Le bio est au coeur de l'actualité en France. Est-ce la même chose dans les pays voisins ?
Michel Barnier : Certains pays ont de l'avance sur nous. Aujourd'hui, nous sommes à 2 % de terres cultivées en bio. Nous voulons tripler cette surface d'ici 2012. Il y a une demande des consommateurs. On importe même des aliments bio, et je pense que ce n'est pas normal.
Ben : Que répondez-vous aux affrontements réguliers que l'on voit, entre partisans du "bio" (terme générique et galvaudé s'il en est) et partisans d'une agriculture s'autorisant l'emploi de produits de synthèse ? Comment assurer concrètement une coexistence pacifique et sans dommages sur le terrain ?
Michel Barnier : Dans ce ministère, je m'attache au débat entre les producteurs bios et les producteurs conventionnels. Entre l'agriculture très productiviste, qu'on connaît encore, et l'avant-garde du bio, il y a tout un champ, qui est celui de l'agriculture durable. Je veux être le ministre de l'agriculture durable. Le mouvement est enclenché, partout en France. On doit être capable de mieux gérer la terre et de consommer moins de produits phytosanitaires. Par exemple, dans les chambres d'agriculture, les producteurs bio sont présents avec les autres.
diaolk : Les agriculteurs sont-ils suffisamment nombreux à accepter de produire bio, si le pouvoir d'achat diminue, et donc les clients, pour des produits plus chers ?
Michel Barnier : Aujourd'hui, la demande de bio augmente, mais n'est pas satisfaite par les produits français ! Je dis qu'il y a un espace pour produire bio, si on en a la volonté, le courage, car c'est difficile. La production bio est parfois soumise à des aléas climatiques contre lesquels on n'a pas de protection. Je connais des vignerons bio qui ont dû changer car c'était dur. Mais la demande des consommateurs est là, on doit donc les aider. J'ajoute que les agriculteurs ont fait beaucoup d'effort déjà, mais ils semblent prêts à en faire encore.
bibou : Monsieur le ministre, quand allons-nous (la France, l'Europe et le monde entier, d'ailleurs) respecter l'animal en tant qu'être vivant ? Les animaux destinés à la boucherie sont maltraités. Que comptez-vous faire ? Je vous remercie, Monsieur le ministre, pour votre réponse. Très cordialement.
Michel Barnier : On a ouvert récemment un grand débat sur animal et société, avec trois groupes de travail, pour la première fois dans ce pays. C'est une demande que m'a faite le chef de l'Etat, d'ouvrir ce débat, avec de grands noms de la science et des médias. C'est le journaliste Jacques Pradel qui va animer ces débats. Il y aura aussi Jean-Louis Etienne. C'est un sujet dont nous nous préoccupons, et au-delà de l'agriculture, nous nous occupons de la place des animaux de compagnie, y compris en termes de thérapie. La complicité des animaux est très importante. Sur la manière d'élever et d'abattre les animaux, beaucoup de lois européennes existent, mon souci est qu'elles soient respectées.
Agri19 : Quel avenir pour les petits agriculteurs ? L'année dernière, le versement unique des primes courant décembre nous a plongés dans la spirale des découverts bancaires cette année...
Michel Barnier : L'Italie a pris des mesures pour interdire sous certaines conditions les importations de bovins. Il y a la conjoncture dans laquelle nous nous trouvons et des discussions avec chaque pays. Je crois que les petites exploitations ont un avenir dans notre pays. La PAC représente une dépense de 100 euros par an et par européen. Pourquoi on a cette politique ? Pour garder notre modèle agricole et alimentaire européen qui ne ressemble pas aux modèles chinois, américain ou brésilien. Nous avons une grande diversité de produits. Cela a un prix. Si on veut des produits sans goût, sous cellophane, on peut supprimer ce budget et on aura des grandes unités de production, et on aura une nourriture banalisée et aseptisée. Si on veut garder des produits qui ont du goût et des couleurs, il faut préserver cette PAC, avec des exploitations petites et moyennes réparties sur tout le territoire. On n'a pas de très grandes unités industrielles agricoles, même si certaines se regroupent. Il y a 16 000 installations d'agriculteurs par an dans notre pays. Le nombre augmente, dont 10 000 installations de jeunes de moins de 40 ans et dont beaucoup de filles. Et 30 % de ces installations sont le fait de gens qui ne sont pas issus du milieu agricole.
ben : Vue l'augmentation des prix et des surfaces des exploitations agricoles, quelles sont, à votre avis, les possibilités d'installation des jeunes hors du cadre familial dans les 20 ans à venir ?
Michel Barnier : On constate une reprise de l'installation. On constate que 30 % des installations cette année ne sont pas des transmissions. Ce sont des gens qui s'installent, qui reprennent une exploitation. Je suis d'ailleurs très attentif à la question de l'usage économe des terres agricoles, pour éviter qu'elles ne disparaissent. Je viens d'écrire à tous les préfets de France, pour que dans chaque département, un dialogue s'institue entre l'association des maires, la préfecture et les responsables agricoles, pour voir comment faire autrement. On doit bien sûr faire des routes, des parkings, mais on peut faire autrement. On peut toujours trouver une solution qui consomme moins de terres agricoles. Je connais les difficultés de l'élevage, car les prix des matières premières augmentent. On va préserver la PAC, on va aider davantage en répartissant un peu mieux les aides, notamment vers l'élevage, vers toutes les productions à l'herbe que je souhaite soutenir, et par exemple vers l'élevage ovin qui est en grande difficulté. Je veux qu'ils soient bénéficiaires d'une partie des aides de la PAC.
JP DU REX : Comment pensez-vous réviser la PAC afin d'assurer des revenus satisfaisants aux agriculteurs ? Les six mois de la présidence française de l'UE seront-ils suffisants pour mener à bien cette réforme ?
Michel Barnier : Il faut être juste avec les agriculteurs : dans la plupart des exploitations, les aides publiques compensent le service rendu par l'agriculture à la société, et sont souvent plus élevées que le revenu. Si vous supprimez ces aides européennes, les exploitations disparaissent ! Dans le cadre de la PAC, nous avons un rendez-vous avec des mesures à la fin de l'année, applicables en 2009-2010. Je veux être le ministre qui aura créé pour toutes les exploitations agricoles un système de gestion du risque. On va donc créer un système de protection et de prévoyance. Et puis on va, pour tenir compte des prix, meilleurs pour certains, moins bons pour d'autres, réorienter certaines aides. Le débat est engagé, lancé dans toutes les chambres d'agriculture. Il continue. A la fin de l'année, quand on aura pris des mesures à Bruxelles sur la "boîte à outils", on verra comment utiliser ces outils pour que la PAC soit plus équitable, plus préventive, plus durable. La présidence slovène actuelle fait déjà un formidable travail. La discussion dont je parle, une nouvelle répartition des aides, une PAC plus équitable, c'est la présidence actuelle qui a commencé ce travail. C'est une chaîne, l'Union européenne. Je vous dis cela car je suis un ministre français passionnément européen, passionnément patriote aussi. Je suis le ministre de la seule politique française totalement européenne. La PAC, ce ne sont pas les autres qui décident pour nous, ce n'est pas nous tout seuls qui décidons. Nous décidons avec les autres.
Nico : Les agriculteurs sont-ils une espèce en voie de disparition ?
Michel Barnier : Non, il y a un retour de l'agriculture, le journal Le Monde le titrait récemment. J'ai lu le rapport la Banque mondiale qui parle pour la première fois depuis 25 ans de l'agriculture comme le meilleur levier de développement pour lutter contre la pauvreté. On sent une meilleure ambiance. Il y a des inquiétudes, mais en même temps il y avait une ambiance meilleure, le sentiment qu'il va falloir produire davantage et mieux, mais pas produire moins avec des prix qui baissent. Il y a 5 ou 6 ans, c'était au contraire une réduction de la production et des prix, donc aujourd'hui c'est une ambiance meilleure. Les agriculteurs ne sont pas une espèce en voie de disparition. Il y a beaucoup de jeunes agriculteurs. Les JA sont un syndicat très actif, ils ont plein d'idées. Plein de jeunes veulent s'installer et font un parcours professionnel très exigeant. Je suis aussi ministre des 847 établissements scolaires agricoles, dont 22 établissements supérieurs de très grande qualité. Les jeunes trouvent tous du travail en sortant.
zoehumanite : Bonjour, quelle est la position de la France vis-à-vis de la surexploitation du thon rouge ? Va-t-on prendre des mesures avant que l'espèce n'atteigne la voie de l'extinction ?
Michel Barnier : On a pris des mesures. Il y a des quotas de thon rouge, qui doivent être respectés. Aujourd'hui, il y a un accord Méditerranée. C'est l'intérêt des pêcheurs de bien gérer les ressources. Nous travaillons beaucoup pour bien connaître l'état des ressources, notamment avec l'Ifremer.
Mum : Aujourd'hui les aînés de l'agriculture doivent se défendre pour obtenir une retraite décente. Que comptez vous faire pour eux ?
Michel Barnier : Le président de la République s'exprimera sans doute mercredi. Nous tiendrons les engagements pris, notamment pour les plus petites retraites, qui sont parfois indignes.
Sam : Monsieur le ministre, le débat sur la refondation de la PAC est à l'ordre du jour de la présidence française de l'UE. Plaiderez-vous dans le sens d'une nouvelle politique alimentaire, rurale et environnementale commune pour l'après 2013 auprès de vos collègues européens ?
Michel Barnier : Oui ! Toute cette discussion que nous avons eue en direct le montre. Je veux être le ministre d'une agriculture durable, qui produit plus et mieux. Tous nos travaux, consultables sur le site internet du ministère, vont dans le sens d'une agriculture productive (pas productiviste), qualitative et durable.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 7 avril 2008
Michel Barnier : Bonjour. L'agriculture, ce n'est pas seulement, même si c'est d'abord, la question des agriculteurs. C'est une question de société et le travail des agriculteurs, dans des conditions très difficiles, est au coeur de beaucoup de défis de notre société.
C'est pourquoi je souhaite qu'on remette ce ministère au sein du débat. On n'est pas dans un coin comme si c'était du passé, on est au coeur des défis de l'alimentation, du développement durable, de la recherche, de l'emploi dans les territoires, de la solidarité internationale. Et parce qu'on est là, je veux qu'on le dise. Comme on l'a fait lors du Grenelle de l'environnement, je souhaite que ce ministère soit en discussion, en débat avec le reste de la société. On va organiser trois grandes conférences qui vont nous amener tout doucement à la présidence française de l'Union européenne le 1er juillet : l'une sur l'alimentation et la nutrition, une autre sur la recherche et l'agriculture, une troisième sur la solidarité mondiale et le défi alimentaire mondial.
Le site du ministère, les internautes le connaissent, donnera tous les renseignements. Et je souhaite qu'avec le site www.parlonsagriculture.com, il y ait un débat interactif avant ces conférences. Et on rendra compte du dialogue interactif sur Internet avant le début de chaque conférence.
Tout le monde est intéressé par ces sujets. Tout le monde a quelque chose à dire. Tout le monde a une racine avec le monde rural. Tout le monde est intéressé par la qualité et la traçabilité de ce qu'on mange. On a cette chance en France d'avoir une alimentation très diversifiée, très qualitative et très ancrée dans les territoires. Tout le monde est intéressé à ce que les paysages soient entretenus. L'agriculture, c'est tout cela.
Charly31 : L'agriculture française doit-elle forcément développer les cultures génétiquement modifiées ? De nombreuses recherches ont démontré la dangerosité de ces cultures pour la santé.
Michel Barnier : De nombreuses recherches n'ont pas démontré la dangerosité. Franchement, je n'ai pas vu beaucoup d'études montrant que les OGM étaient un danger là où ils sont cultivés. En tout cas, pas pour la santé humaine. Il y a des risques par rapport à la dissémination. D'ailleurs, cette question a été clairement identifiée par la Haute autorité provisoire. C'est pour cela que le Gouvernement a suspendu pour un an la seule culture qui existait pour le moment : le maïs Mon 810. Pour le reste, il y a un débat qui est ouvert. Je suis très content d'en parler car ce débat doit être très ouvert et très démocratique. Sur tous ces sujets, c'est le silence qui entretient les peurs. Il faut expliquer, dire que la question des OGM ne se réduit pas à la question de l'agriculture, même si c'en est une partie. Comment faire en sorte que certaines cultures consomment moins d'eau ? Mais ce n'est pas que cela. Il y a des OGM recherchés pour des questions industrielles, par exemple sur les peupliers, avec une culture en plein champ pour voir comment, dans la fabrication de papier carton, on pourrait utiliser moins de produits chimiques grâce aux OGM. C'est intéressant. Sur la médecine également, notamment concernant le traitement de la mucoviscidose, il y a aussi des études qui existent. Et nous prenons le temps de ce débat : pendant une année, il pourra y avoir des recherches en plein champ, mais pas de cultures. Et puis on va prendre ce débat et ce temps pour travailler avec nos partenaires européens car, comme toujours, la bonne réponse doit être européenne, commune, puisque nous sommes sur un espace commun.
vincent_esa : Comment dépassionner le débat sur les OGM ?
Manouche : Monsieur, comment faire pour que le débat sur les OGM soit constructif et pas comme d'habitude les ultra pour opposés aux ultra contre ? Ne faut-il pas rétablir un climat de confiance, basé sur l'écoute des uns et des autres, et de transparence ?
Michel Barnier : J'aime bien cette manière de dire les choses, de dire : parlons-en, ayons un débat. La passion ne doit pas céder à la raison. Qu'on arrête de voir certains refuser le débat avec les anti-OGM et puis les autres résumer le débat à du fauchage, qui est illégal, car on détruit la propriété d'autrui, parfois avec des drames comme l'été dernier. Donc il faut mettre de la raison, de la démocratie. C'est ce qui s'est passé à l'occasion du Grenelle de l'environnement : tout le monde était autour de la table. Et d'ailleurs à la fin de ce Grenelle, le président de la République a pris cette décision raisonnable de suspension d'une culture pendant un an, pour évaluer le débat public et en même temps proposer un projet de loi discuté demain à l'Assemblée nationale afin de sécuriser de manière claire et transparente les cultures non OGM. On doit pouvoir sécuriser les distances entre cultures OGM et non OGM, dire de manière transparente où se placent ces cultures OGM. Et que ceux qui seraient tentés de faucher ou de détruire sachent qu'ils encourent des sanctions. Qu'il y ait des progrès dans la transparence et la responsabilité.
Olivier Halluin : Comment différencier/choisir entre les OGM bénéfiques et ceux qui sont dangereux ?
Michel Barnier : Ce n'est pas un ministre qui a la science infuse. Le ministre peut dire : menons le débat, écoutons les scientifiques, écoutons la société civile, mais aussi les acteurs de l'économie. Puisque derrière tout cela il y a beaucoup d'acteurs économiques, et notamment des cultures massives OGM ailleurs dans le monde. Par exemple, le soja pour les animaux est globalement un soja OGM qui ne présente aucun danger pour la santé. Comment mener ce débat ? Encore une fois, par la démocratie, par l'écoute, et par des évaluations scientifiques, avec l'appui de l'Afssa et la Haute autorité qu'on va créer. Il faut que l'avis scientifique soit indépendant, et débattu. Ce sera le travail de la Haute autorité avec son collège de scientifiques indépendants. Et puis il y a l'avis européen, car il faut savoir ce qui se passe près de chez nous, autour de nous.
OLEVE : On devrait autoriser les OGM dans l'alimentation du bétail afin de baisser les coûts, et sauver les filières animales...
Michel Barnier : Le bétail est déjà nourri. Cette autorisation existe, pas pour n'importe quel produit OGM, mais dans des conditions très rigoureuses, évaluées scientifiquement, avec de longs processus. L'Union européenne a accepté des importations de produits pour l'alimentation du bétail qui viennent d'autres continents. Pour autant, les prix de l'alimentation augmentent aussi, car il n'y a pas que ce maïs ou ce soja-là.
patrick52 : Depuis 2002, le passage à l'euro, les prix se mettent à flamber ! ! Que ce soit le lait, le blé, les fruits et légumes. Même les produits de la marée ! Que compte faire le Gouvernement, afin de contrôler au plus près ces tarifs ?
Michel Barnier : D'abord, je voudrais lui dire que ce n'est pas l'euro qui est responsable de l'augmentation des prix d'aujourd'hui. Les matières premières dont nous parlons, les grandes cultures, blé et maïs, en 2002, étaient à des prix beaucoup plus bas. Il ne faut pas mettre sur le dos de l'euro toutes les augmentations de prix qu'on constate. Ce n'est pas juste. Cela fait plusieurs années que l'euro existe, il y a peut-être eu un effet d'aubaine, mais il y a d'autres raisons à ces augmentations : le prix du pétrole qui augmente et provoque des augmentations de coûts. Et puis, dans le monde, une situation nouvelle, où il y a une demande alimentaire très forte de la part de pays dont le pouvoir d'achat augmente, Chine et Inde, donc des besoins alimentaires qui nécessitent des importations et des habitudes alimentaires qui ont changé. Cette demande est durablement plus élevée que l'offre. On a calculé avec l'Inra qu'il va falloir multiplier par deux la production agricole à des fins alimentaires pour nourrir 9 milliards d'habitants en 2050. Donc on aura durablement des prix élevés pour toutes ces matières premières.
Alors, je n'accepte pas qu'on rende les paysans responsables des augmentations de prix dans les magasins. Ce n'est pas juste. Avec Madame Lagarde et Monsieur Chatel, on tend vers la transparence des prix. Il y a un Observatoire des prix qui commence à expliquer ces augmentations, qui indique où se trouve la valeur ajoutée. Entre l'agriculteur et le consommateur, il y a des intermédiaires et chacun doit assumer ses responsabilités. En tout cas, les agriculteurs ne sont pas responsables de toutes les augmentations. Dans le prix d'une pomme, un quart seulement du prix revient au producteur ! Et encore, quand il n'y a pas de problèmes climatiques. Par exemple, toute la vallée du Rhône a été ravagée à Pâques par un gel terrible, qui a détruit beaucoup de productions fruitières.
François : L'alimentation n'est-elle pas plus au coeur de la société aujourd'hui que l'agriculture ?
Michel Barnier : J'aime bien cette question. Pour tout dire, j'ai l'idée que ce ministère devienne un jour le ministère de l'alimentation, de l'agriculture, du développement rural et de la pêche. Je pense que le travail des agriculteurs et des pêcheurs est fait au service de deux exigences de la société. L'alimentation doit être diversifiée, traçable, qu'elle garde son identité avec des produits typiques, régionalisés. Et puis la deuxième exigence, c'est le développement durable. Le grand défi, c'est de nourrir la population, et de produire pour nourrir, c'est-à-dire l'acte fondamental des paysans depuis le début de l'aventure humaine.
Michael : Produire 2 fois plus, oui, mais en Europe est-ce nécessaire ?
Michel Barnier : Il est nécessaire de produire plus et mieux, mais ce n'est pas l'Europe qui va nourrir le monde. Nous ne sommes pas dans une vision néo-coloniale. Mais nous pouvons participer, par nos échanges, car le monde est ouvert, globalisé, nous pouvons participer à relever en partie le défi alimentaire, notamment par des exportations. L'agriculture, c'est beaucoup d'emplois, ainsi que dans l'agroalimentaire. Nous avons beaucoup d'industries de transformation qui exportent beaucoup, car elles ont de bons produits.
Il ne s'agit pas de dire que l'Europe va être toute seule. On peut exporter. Nous exportons et nous souhaitons continuer à exporter. On peut aussi aider certains pays qui le voudraient à construire leurs propres capacités, à les reconstruire. Par exemple, je me suis rendu fin 2007 au Sénégal, pays proche de la France et donc nous sommes très attachés à ce pays, qui consomme beaucoup de riz dans la vie quotidienne. Deux tiers du riz sont importés au Sénégal, depuis notamment la Thaïlande. Or, il y a de l'eau au Sénégal, son grand fleuve existe. Pourquoi ce pays ne retrouverait-il pas sa souveraineté en matière de riz ? Les importations coûtent beaucoup au pays. Cela représente 2,5 points de croissance par an qui manquent au Sénégal. J'ai proposé de reconstruire une capacité autonome de production de riz.
Autre exemple, l'Ukraine : depuis l'indépendance, elle a perdu une grande partie de sa capacité de production laitière ou de céréales. Des agriculteurs s'implantent en Ukraine. Il faut les aider dans une coopération à reconstruire une politique agricole pour l'Ukraine. Nous allons le faire. Nous voulons et nous devons être partenaires des pays qui en ont besoin. Au moment où nous parlons, des centaines de millions de gens meurent de faim, ou du fait de l'eau qui n'est pas potable. Oui, l'Europe et la France doivent continuer à produire, pour garder notre sécurité et notre souveraineté alimentaires, mais nous allons aussi aider les autres pays du monde qui le souhaitent.
sebledu esa : Justement, l'augmentation récente des quotas ne serait-elle pas une opportunité pour l'agriculture française ?
Michel Barnier : Ce qui a été fait il y a trois semaines au Conseil des ministres, c'est l'augmentation des quotas laitiers, qui existent en France dans chaque département, pour préserver la production laitière de façon locale. Ces quotas sont fixés par département et préservent la production laitière et de produits transformés. Le quota national va être augmenté de 2 % cette année, car le marché le permet. Mais ce marché peut aussi se retourner, il est très fragile. Le lait, il faut faire attention. Il y a des grands pays producteurs comme l'Australie qui peuvent tout d'un coup produire plus et le marché du lait peut se retourner. Donc, sur ces marchés, on a besoin d'être très réactifs. De manière générale, les agriculteurs sont dépendants des éléments : de l'air, de l'eau, de la terre. Ils sont vulnérables aux aléas climatiques, sanitaires ou économiques, quand ce n'est pas les 3 à la fois. Donc, on a besoin d'outils pour gérer les crises, d'une meilleure protection, d'assurances. Nous allons entrer dans un débat pour adapter la politique agricole commune, en accord avec nos partenaires, pour sécuriser la production agricole, pour mettre à l'abri la production agricole.
Jean-Claude : Quelle position de l'Europe par rapport à la maîtrise des coûts sur les denrées alimentaires sachant que le besoin risque d'exploser ?
Michel Barnier : On n'est plus dans une période où on administre les prix. Les marchés jouent leur rôle, d'où la nécessité d'une régulation. L'Europe, au vu de la hausse des matières premières, a supprimé certaines taxes et la jachère (sauf 3 % pour raisons écologiques). On a remis en culture 4 millions d'hectares en Europe pour desserrer le marché et la pression.
Axel Belorde : Monsieur le ministre, les biocarburants constituent-ils, selon vous, un réel danger pour la sécurité alimentaire des pays en développement ?
Michel Barnier : Oui, s'ils ne font que cela ! Oui, si on les encourage ou s'ils décident eux-mêmes de ne cultiver qu'à des fins énergétiques ou industrielles. Car avec la biomasse, on peut fabriquer des biocarburants mais aussi des produits industriels. Moi, je pense que la priorité doit rester sur l'alimentation. Quand on parle de gouvernance mondiale, il faut un endroit dans le monde, par exemple la FAO, qui a son siège à Rome, où on discute du partage des terres. Il faut lutter contre la faim et il faut regarder ce qu'on peut consacrer aux biocarburants. En Europe, nous encourageons les biocarburants pour être moins dépendants du pétrole. Par la recherche, on doit d'ailleurs aller vite vers les nouvelles générations de biocarburants, qui seront plus rentables en consommant autant de terre qu'aujourd'hui. On peut augmenter de cinq fois le rendement des biocarburants. Mais on est dans une proportion raisonnable. Si on atteint les objectifs de fabrication de biocarburants de 7 ou 10 % en 2012 ou 2015, c'est bien. Pour l'instant, en France c'est 2 % de la surface cultivée. L'objectif c'est de ne pas aller au-delà de 7 % de la surface cultivée, mais on est dans une proportion raisonnable.
Alain : Récemment, un haut dirigeant de Nestlé affirmait que l'essor des biocarburants mènerait à la disparition des cultures alimentaires. Que penser de cette affirmation ?
Michel Barnier : Je n'ai pas compris du tout cette déclaration ! Je la trouve déconnectée de la réalité, en tout cas en Europe. Je ne sais pas où le président de Nestlé se fournit. Quand on sait que l'objectif en France est d'aller au maximum de 7 à 10 % de la surface cultivée à des fins énergétiques. 7 % en 2010, on ne met pas en cause l'alimentation. Si certains pays, comme les Etats-Unis ou le Brésil, décident d'aller plus loin, ça pose effectivement un problème, mais je ne suis pas du tout d'accord avec le catastrophisme de ces propos.
varinjp : Où en sommes-nous du projet de loi sur la culture des OGM et l'interdiction de culture en plein champ de ces derniers ?
Michel Barnier : Le débat a lieu demain après-midi à l'Assemblée nationale, je m'exprimerai avec Jean-Louis Borloo, ministre du Développement durable. Nous souhaitons préserver nos efforts de recherche.
Babeth : Biocarburants : ils ne sont pas moins chers ni moins polluants que les carburants fossiles in fine. Pensez-vous quand même développer les cultures dans ce sens ? Si oui, pourquoi ?
Michel Barnier : Un débat a lieu sur le bilan énergétique, économique et écologique. Les études que j'ai vues, menées par l'Ademe, c'est que le bilan énergétique est positif. Il n'est pas gigantesque, mais positif. Je rappelle que nous n'avons pas de pétrole en Europe, il faut donc diversifier les sources d'énergie. Il faut aussi économiser. Ma conviction, c'est que le kilowatt qui pollue le moins, c'est le kilowatt qu'on ne consomme pas ! On peut économiser chaque jour de l'eau, de l'électricité, du fuel, dans notre vie quotidienne. Mais au-delà, il faut de l'énergie. Il faut aller vers les énergies renouvelables. Ce n'est pas seulement les biocarburants, mais aussi l'éolien, le photovoltaïque, la biomasse... Ce défi concerne effectivement les entreprises agricoles aussi, pour produire de façon plus économe.
Cooly : Le soja vous pensez que ça fera avancer nos voitures un jour ?
Michel Barnier : On peut fabriquer des biocarburants avec tous les produits issus de la biomasse, donc la réponse est oui. Mais il faut aussi des efforts de recherche !
Michael : A partir du moment où les prix seront attractifs, les agriculteurs produiront des agrocarburants sous le principe de la libre entreprise. Que doit répondre la politique européenne ?
Michel Barnier : La politique européenne encourage une stratégie d'incorporation de 7 % de biocarburants en 2010. Elle l'encourage pour cette raison-là, car nous n'avons pas de pétrole en Europe et les réserves de carburants fossiles vont diminuer progressivement jusqu'en 2050-2060. Il faut se préparer à cette société, où on aura moins ou pas de pétrole. Si on ne souhaite pas entrer dans une société de privation, il faut construire une société de modération et de diversification. Nous n'avons pas le choix : il faut diversifier avec les énergies renouvelables et les biocarburants. Et comme le prix du pétrole ne va pas cesser d'augmenter, même s'il y a des hauts et des bas, le bilan économique des biocarburants sera à coup sûr de plus en plus positif. Gardons une politique fiscale qui incite et encourage, et on verra que le bilan écologique, énergétique des biocarburants, deviendra de plus en plus positif.
Delphine : Comment pensez-vous améliorer radicalement les problèmes d'alimentation dus aux différentes pollutions des sols, des animaux, de l'eau ... ? Cordialement.
Michel Barnier : Toutes les pollutions ne viennent pas de l'agriculture. Je veux par exemple dire qu'il y a des jardins privés ou publics qui utilisent des produits phytosanitaires. Ce qui peut contribuer aussi à certaines pollutions. Une partie vient de l'agriculture et ce n'est pas par plaisir qu'ils utilisent ces produits : c'est pour protéger leurs plantes. En 2007, sans produit phytosanitaire, il n'y aurait pas eu de pommes de terre françaises, en raison du mildiou qui a provoqué des ravages. Nous avons des risques de pollution, donc on a décidé de lancer un grand plan dans le cadre du Grenelle de l'environnement, pour réduire de moitié en dix ans l'usage des produits phytosanitaires dans notre pays. Mes services sont au travail pour piloter ce plan très difficile, car il ne faut pas laisser les agriculteurs sans solution de rechange. On va trouver des solutions pour compenser ou remplacer les produits phytosanitaires. Autre exemple : on a beaucoup parlé des nitrates en Bretagne. J'ai mis en place un plan nitrates dans cette région, qui a été beaucoup montré du doigt. Beaucoup d'efforts ont été faits par les éleveurs, et on a regagné la confiance de la Commission.
phil46 : Nous sommes au bord d'une catastrophe climatique et environnementale désormais inévitable. Comment comptez-vous y préparer le pays alors que nous continuons de subventionner une agriculture destructrice de l'emploi et de l'environnement ? Merci.
Michel Barnier : C'est pourquoi le débat est intéressant, utile, et pourquoi je vais continuer à faire des chats comme ce soir. Ce n'est pas bien que phil46 ait cette idée que l'agriculture détruit l'environnement ou des emplois, car c'est exactement le contraire. Qui sont les premiers protecteurs de l'environnement, les pionniers du paysage ? Ce sont les paysans. On a, en effet, au début de la PAC, demandé aux agriculteurs de produire beaucoup et vite. Ils ont mis en place une agriculture intensive, dans certaines régions, pour remplir ce contrat. Aujourd'hui, on continue à produire beaucoup, mais beaucoup mieux. Les nouvelles pratiques sont à accentuer. Les agriculteurs sont les premières victimes du réchauffement climatique. Ce ne sont pas des irresponsables. Leur intérêt aujourd'hui est de produire mieux.
Modérateur : Mais peut-on produire à la fois plus et mieux ?
Michel Barnier : Ma réponse est oui, s'il y a un effort collectif, des échanges de bonnes pratiques, et beaucoup de recherche. Je voudrais prendre le temps, avec les agriculteurs, de poursuivre ce mouvement.
Pseudo : Le bio est au coeur de l'actualité en France. Est-ce la même chose dans les pays voisins ?
Michel Barnier : Certains pays ont de l'avance sur nous. Aujourd'hui, nous sommes à 2 % de terres cultivées en bio. Nous voulons tripler cette surface d'ici 2012. Il y a une demande des consommateurs. On importe même des aliments bio, et je pense que ce n'est pas normal.
Ben : Que répondez-vous aux affrontements réguliers que l'on voit, entre partisans du "bio" (terme générique et galvaudé s'il en est) et partisans d'une agriculture s'autorisant l'emploi de produits de synthèse ? Comment assurer concrètement une coexistence pacifique et sans dommages sur le terrain ?
Michel Barnier : Dans ce ministère, je m'attache au débat entre les producteurs bios et les producteurs conventionnels. Entre l'agriculture très productiviste, qu'on connaît encore, et l'avant-garde du bio, il y a tout un champ, qui est celui de l'agriculture durable. Je veux être le ministre de l'agriculture durable. Le mouvement est enclenché, partout en France. On doit être capable de mieux gérer la terre et de consommer moins de produits phytosanitaires. Par exemple, dans les chambres d'agriculture, les producteurs bio sont présents avec les autres.
diaolk : Les agriculteurs sont-ils suffisamment nombreux à accepter de produire bio, si le pouvoir d'achat diminue, et donc les clients, pour des produits plus chers ?
Michel Barnier : Aujourd'hui, la demande de bio augmente, mais n'est pas satisfaite par les produits français ! Je dis qu'il y a un espace pour produire bio, si on en a la volonté, le courage, car c'est difficile. La production bio est parfois soumise à des aléas climatiques contre lesquels on n'a pas de protection. Je connais des vignerons bio qui ont dû changer car c'était dur. Mais la demande des consommateurs est là, on doit donc les aider. J'ajoute que les agriculteurs ont fait beaucoup d'effort déjà, mais ils semblent prêts à en faire encore.
bibou : Monsieur le ministre, quand allons-nous (la France, l'Europe et le monde entier, d'ailleurs) respecter l'animal en tant qu'être vivant ? Les animaux destinés à la boucherie sont maltraités. Que comptez-vous faire ? Je vous remercie, Monsieur le ministre, pour votre réponse. Très cordialement.
Michel Barnier : On a ouvert récemment un grand débat sur animal et société, avec trois groupes de travail, pour la première fois dans ce pays. C'est une demande que m'a faite le chef de l'Etat, d'ouvrir ce débat, avec de grands noms de la science et des médias. C'est le journaliste Jacques Pradel qui va animer ces débats. Il y aura aussi Jean-Louis Etienne. C'est un sujet dont nous nous préoccupons, et au-delà de l'agriculture, nous nous occupons de la place des animaux de compagnie, y compris en termes de thérapie. La complicité des animaux est très importante. Sur la manière d'élever et d'abattre les animaux, beaucoup de lois européennes existent, mon souci est qu'elles soient respectées.
Agri19 : Quel avenir pour les petits agriculteurs ? L'année dernière, le versement unique des primes courant décembre nous a plongés dans la spirale des découverts bancaires cette année...
Michel Barnier : L'Italie a pris des mesures pour interdire sous certaines conditions les importations de bovins. Il y a la conjoncture dans laquelle nous nous trouvons et des discussions avec chaque pays. Je crois que les petites exploitations ont un avenir dans notre pays. La PAC représente une dépense de 100 euros par an et par européen. Pourquoi on a cette politique ? Pour garder notre modèle agricole et alimentaire européen qui ne ressemble pas aux modèles chinois, américain ou brésilien. Nous avons une grande diversité de produits. Cela a un prix. Si on veut des produits sans goût, sous cellophane, on peut supprimer ce budget et on aura des grandes unités de production, et on aura une nourriture banalisée et aseptisée. Si on veut garder des produits qui ont du goût et des couleurs, il faut préserver cette PAC, avec des exploitations petites et moyennes réparties sur tout le territoire. On n'a pas de très grandes unités industrielles agricoles, même si certaines se regroupent. Il y a 16 000 installations d'agriculteurs par an dans notre pays. Le nombre augmente, dont 10 000 installations de jeunes de moins de 40 ans et dont beaucoup de filles. Et 30 % de ces installations sont le fait de gens qui ne sont pas issus du milieu agricole.
ben : Vue l'augmentation des prix et des surfaces des exploitations agricoles, quelles sont, à votre avis, les possibilités d'installation des jeunes hors du cadre familial dans les 20 ans à venir ?
Michel Barnier : On constate une reprise de l'installation. On constate que 30 % des installations cette année ne sont pas des transmissions. Ce sont des gens qui s'installent, qui reprennent une exploitation. Je suis d'ailleurs très attentif à la question de l'usage économe des terres agricoles, pour éviter qu'elles ne disparaissent. Je viens d'écrire à tous les préfets de France, pour que dans chaque département, un dialogue s'institue entre l'association des maires, la préfecture et les responsables agricoles, pour voir comment faire autrement. On doit bien sûr faire des routes, des parkings, mais on peut faire autrement. On peut toujours trouver une solution qui consomme moins de terres agricoles. Je connais les difficultés de l'élevage, car les prix des matières premières augmentent. On va préserver la PAC, on va aider davantage en répartissant un peu mieux les aides, notamment vers l'élevage, vers toutes les productions à l'herbe que je souhaite soutenir, et par exemple vers l'élevage ovin qui est en grande difficulté. Je veux qu'ils soient bénéficiaires d'une partie des aides de la PAC.
JP DU REX : Comment pensez-vous réviser la PAC afin d'assurer des revenus satisfaisants aux agriculteurs ? Les six mois de la présidence française de l'UE seront-ils suffisants pour mener à bien cette réforme ?
Michel Barnier : Il faut être juste avec les agriculteurs : dans la plupart des exploitations, les aides publiques compensent le service rendu par l'agriculture à la société, et sont souvent plus élevées que le revenu. Si vous supprimez ces aides européennes, les exploitations disparaissent ! Dans le cadre de la PAC, nous avons un rendez-vous avec des mesures à la fin de l'année, applicables en 2009-2010. Je veux être le ministre qui aura créé pour toutes les exploitations agricoles un système de gestion du risque. On va donc créer un système de protection et de prévoyance. Et puis on va, pour tenir compte des prix, meilleurs pour certains, moins bons pour d'autres, réorienter certaines aides. Le débat est engagé, lancé dans toutes les chambres d'agriculture. Il continue. A la fin de l'année, quand on aura pris des mesures à Bruxelles sur la "boîte à outils", on verra comment utiliser ces outils pour que la PAC soit plus équitable, plus préventive, plus durable. La présidence slovène actuelle fait déjà un formidable travail. La discussion dont je parle, une nouvelle répartition des aides, une PAC plus équitable, c'est la présidence actuelle qui a commencé ce travail. C'est une chaîne, l'Union européenne. Je vous dis cela car je suis un ministre français passionnément européen, passionnément patriote aussi. Je suis le ministre de la seule politique française totalement européenne. La PAC, ce ne sont pas les autres qui décident pour nous, ce n'est pas nous tout seuls qui décidons. Nous décidons avec les autres.
Nico : Les agriculteurs sont-ils une espèce en voie de disparition ?
Michel Barnier : Non, il y a un retour de l'agriculture, le journal Le Monde le titrait récemment. J'ai lu le rapport la Banque mondiale qui parle pour la première fois depuis 25 ans de l'agriculture comme le meilleur levier de développement pour lutter contre la pauvreté. On sent une meilleure ambiance. Il y a des inquiétudes, mais en même temps il y avait une ambiance meilleure, le sentiment qu'il va falloir produire davantage et mieux, mais pas produire moins avec des prix qui baissent. Il y a 5 ou 6 ans, c'était au contraire une réduction de la production et des prix, donc aujourd'hui c'est une ambiance meilleure. Les agriculteurs ne sont pas une espèce en voie de disparition. Il y a beaucoup de jeunes agriculteurs. Les JA sont un syndicat très actif, ils ont plein d'idées. Plein de jeunes veulent s'installer et font un parcours professionnel très exigeant. Je suis aussi ministre des 847 établissements scolaires agricoles, dont 22 établissements supérieurs de très grande qualité. Les jeunes trouvent tous du travail en sortant.
zoehumanite : Bonjour, quelle est la position de la France vis-à-vis de la surexploitation du thon rouge ? Va-t-on prendre des mesures avant que l'espèce n'atteigne la voie de l'extinction ?
Michel Barnier : On a pris des mesures. Il y a des quotas de thon rouge, qui doivent être respectés. Aujourd'hui, il y a un accord Méditerranée. C'est l'intérêt des pêcheurs de bien gérer les ressources. Nous travaillons beaucoup pour bien connaître l'état des ressources, notamment avec l'Ifremer.
Mum : Aujourd'hui les aînés de l'agriculture doivent se défendre pour obtenir une retraite décente. Que comptez vous faire pour eux ?
Michel Barnier : Le président de la République s'exprimera sans doute mercredi. Nous tiendrons les engagements pris, notamment pour les plus petites retraites, qui sont parfois indignes.
Sam : Monsieur le ministre, le débat sur la refondation de la PAC est à l'ordre du jour de la présidence française de l'UE. Plaiderez-vous dans le sens d'une nouvelle politique alimentaire, rurale et environnementale commune pour l'après 2013 auprès de vos collègues européens ?
Michel Barnier : Oui ! Toute cette discussion que nous avons eue en direct le montre. Je veux être le ministre d'une agriculture durable, qui produit plus et mieux. Tous nos travaux, consultables sur le site internet du ministère, vont dans le sens d'une agriculture productive (pas productiviste), qualitative et durable.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 7 avril 2008