Texte intégral
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Agir pour la croissance et l'emploi : c'est sous cette bannière que nous lançons aujourd'hui le projet de loi de modernisation de l'économie. Nous y avons travaillé, avec Luc Chatel et Hervé Novelli qui m'entourent, avec un objectif simple : agir pour gagner le point de croissance que nous recherchons et agir pour l'emploi, car nous souhaitons faire de la France le pays du plein emploi.
Je salue également Eric Besson, qui participe à ces travaux de modernisation.
Chacun sait que le contexte économique international est difficile, avec une croissance mondiale qui ralentit, en particulier aux Etats-Unis, un prix du pétrole qui atteint des niveaux records, et une hausse de l'euro qui pèse sur la compétitivité des entreprises. Dans ce contexte, notre priorité doit être d'élever le niveau de croissance.
Je veux ici répéter que l'économie française résiste mieux que les autres, même si ces turbulences la concernent aussi. Le marché du travail en France reste dynamique, avec un taux de chômage qui a rejoint son niveau de 1983 (7,5 % au 4e trimestre 2007) et un chiffre de créations d'emploi record depuis l'an 2000 (plus de 320 000 en 2007). Les entrepreneurs se sentent confiants : la production et les exportations ont été dynamiques au 1er trimestre et les créations d'entreprise ont également atteint un niveau record l'année dernière. Notre politique est claire : la meilleure réponse aux inquiétudes ambiantes, c'est de poursuivre et amplifier les réformes, c'est de continuer de remettre la France au travail.
Je ne sais pas dans quel état serait aujourd'hui la France si nous n'avions pas pris les mesures de l'été dernier, celles de la loi Travail, Emploi et Pouvoir d'Achat, qui fera bénéficier un très grand nombre de nos concitoyens de 14 milliards d'euros injectés dans l'économie. Mais je sais dans quel mauvais état elle serait demain si nous ne continuions pas à suivre, sans compromis et sans relâche, le chemin des réformes. Ce n'est pas un chemin facile, mais c'est le seul ouvert devant nous pour atteindre notre but - et c'est bien l'ambition du Président de la République, du Premier ministre et du Gouvernement : relancer durablement la croissance dans notre pays et viser au plein emploi.
C'est pourquoi nous avons préparé depuis 10 mois un projet de loi de modernisation de l'économie très ambitieux. Il répond à la lettre de mission que m'ont adressée le Président de la République et le Premier ministre, en me demandant de « lever les contraintes qui empêchent certains secteurs de se développer, de créer des emplois et de faire baisser les prix ».
Pour construire ce projet de loi, nous nous sommes inspirés des propositions du rapport de la commission présidée par M. Jacques Attali, et nous avons travaillé en étroite collaboration - en « co-production », ai-je pris l'habitude de dire - avec les parlementaires de notre majorité. L'ensemble de l'équipe ministérielle a mené une concertation importante avec les parties prenantes : j'ai installé un Haut Comité de Place ; Luc Chatel a travaillé sur la négociabilité et l'urbanisme commercial ; Hervé Novelli a pris l'initiative en faveur des PME et de l'entrepreneuriat ; avec Eric Besson, nous travaillons à faire passer la France au Très Haut Débit.
Je n'ai pas peur de l'affirmer : cette loi n'est pas née dans les coulisses des cabinets et des administrations ; elle est le fruit d'un véritable travail collectif de beaucoup d'acteurs économiques. La transparence que nous revendiquons pour notre économie, Bercy se l'est d'abord appliquée à lui-même. Ce n'est pas un hasard si, selon les sondages, plus de la moitié des Français ont déjà entendu parler des mesures clés de ce projet de loi. Si j'ai voulu ce large dialogue, c'est bien parce que je crois que la réforme, pour porter ses fruits, doit être partagée collectivement pour définir « un intérêt général économique ».
Retenez bien ces chiffres : ces 30 mesures, dans 44 articles doivent générer à partir de 2009, selon nos premières estimations, au moins +0,3 % de croissance, et 50 000 emplois par an.
Voilà pour la méthode. J'en viens maintenant au contenu.
Pour atteindre ces objectifs de croissance et d'emploi, nous sommes guidés par trois principes : croissance, liberté, équilibre. Car il n'y a pas de croissance durable sans la liberté pour chacun de créer et d'entreprendre ; et il n'y a pas de liberté acceptable sans une régulation équilibrée. Nous pensons que le rôle de l'État n'est pas de créer de l'activité à la place des acteurs, mais d'inciter les Français à entreprendre, en créant les conditions réglementaires et fiscales adéquates. Il y a dans notre pays tant d'énergies et de talents inutilisés ! Trop de formulaires à remplir, trop de positions établies facteurs d'inefficacité, trop d'obstacles administratifs qui découragent... il est temps de faire souffler sur notre économie un vent de liberté. Oui, je revendique ce mot : liberté.
En un mot, que voulons-nous ? Plus d'entreprises et plus de concurrence pour des prix plus bas. La croissance ne se décrète pas : ce sont les salariés et les chefs d'entreprise qui, par leur travail, la créent. C'est avec des milliers, des millions d'initiatives individuelles que la France peut tirer parti de la mondialisation.
La loi de modernisation de l'économie lèvera bien des verrous structurels et réglementaires qui pèsent sur notre économie. Elle est composée de quatre grands titres, que j'aimerais vous présenter à présent plus en détail : encourager les entrepreneurs, relancer la concurrence, renforcer l'attractivité de notre économie, et améliorer son financement.
Titre 1 : mobiliser les entrepreneurs
Le statut de l'entrepreneur individuel permettra à chacun d'entre nous de se mettre à son compte. Celui qui veut vendre des fleurs, concevoir des sites internet, ou donner des cours de chant, aura pour seule formalité un document à remplir pour déclarer son activité. Et la loi supprime toute obligation d'immatriculation pour les petites activités indépendantes.
Chaque entrepreneur individuel pourra s'acquitter en une fois de ses impôts et cotisations sociales en payant en tout et pour tout 13 % (pour les activités de commerce) ou 23 % (pour les activités de services) d'impôts tant que son chiffre d'affaires annuel restera inférieur à 76 300 euros pour le commerce et 27 000 euros pour les services.
Enfin, les entrepreneurs individuels pourront mieux protéger leurs biens immobiliers et fonciers non affectés à leur activité professionnelle.
Avec Hervé Novelli, nous allons également faciliter la vie des PME, en prenant toute une série de mesures de simplification, qui ajoutent du bon sens dans les rouages des procédures. Ainsi, certaines démarches administratives de création et de fonctionnement des sociétés applicables aux PME sont allégées ou supprimées.
Par exemple, pour les petites SAS, la certification des comptes devient optionnelle.
La reprise et la transmission d'entreprises sont facilitées. Ceci est d'autant plus important que nous savons que 700 000 entreprises doivent changer de mains dans les 10 prochaines années.
Les droits de mutation à titre onéreux seront abaissés de 5 % à 3 %. Les transmissions familiales ou aux salariés seront exonérées de droits de mutation à titre onéreux jusqu'à 300 000 euros.
Aujourd'hui, les délais de paiement moyens en France (67 jours) sont nettement supérieurs à la moyenne européenne (57 jours). Faciliter la vie des PME françaises, c'est aussi réduire de manière stricte les délais de paiement de leurs fournisseurs en les ramenant à 60 jours dans la plupart des cas - ce qui améliorera leur fonds de roulement.
Enfin, parce que les dépassements de seuils de 10 et 20 salariés créent des barrières artificielles au développement des PME françaises, nous allons mettre en place un dispositif de gel sur trois ans et de lissage progressif sur quatre ans des conséquences financières de ces franchissements de seuil.
Titre 2 : dynamiser la concurrence
Relancer la concurrence, cela concerne surtout la grande distribution, qui aujourd'hui ne connaît pas assez de concurrence dans la fixation des prix, qui s'établit souvent au détriment des consommateurs. Avec Luc Chatel, nous allons mettre fin, de fait, aux marges arrières en laissant fournisseurs et distributeurs négocier librement, et en sanctionnant les abus qui peuvent se produire dans la relation commerciale.
Nous allons également simplifier les conditions d'installation des grandes surfaces en supprimant le critère de densité commerciale par zone de chalandise et en portant le seuil d'autorisation de 300 m² à 1 000 m². Ce que nous voulons, c'est donner le choix au consommateur entre davantage de grandes surfaces pour lui permettre d'acheter là où c'est le moins cher.
Car cet accroissement de la concurrence aura comme conséquence de faire baisser les prix : pour augmenter le pouvoir d'achat, nous choisissons de faire jouer les forces du marché au bénéfice du consommateur.
Comme je le disais en introduction, plus de liberté implique plus de régulation : nous proposons de créer une Autorité de la concurrence aux compétences élargies, qui aura pour tâche d'examiner les projets de concentrations et disposera de ses propres pouvoirs d'enquête pour mieux sanctionner les abus.
Nous allons également autoriser les commerçants à pratiquer deux semaines supplémentaires de soldes par an, à des dates qu'ils choisiront librement. Les soldes doivent rester un moment d'opportunités pour le vendeur, et de plaisir pour l'acheteur !
Titre 3 : renforcer l'attractivité de l'économie
Renforcer l'attractivité du territoire, cela suppose d'abord de le moderniser. La France est connue pour son avant-gardisme en matière technologique. Nous avons été parmi les premiers pays à nous doter d'un réseau téléphonique national dans les années 70. Aujourd'hui, avec Eric Besson, nous voulons gagner le pari du Très Haut Débit en étendant l'usage de la fibre optique : l'objectif est qu'au moins 4 millions de ménages y soient abonnés d'ici 2012. Notre projet de loi généralise le pré-câblage des immeubles neufs, facilite le raccordement des immeubles existants, et permet aux collectivités d'agir plus efficacement pour l'aménagement numérique de leur territoire.
Etre attractif, c'est aussi savoir attirer ceux qui peuvent développer leurs talents chez nous, au service de l'économie du pays. Des mesures concrètes de ce projet de loi y contribuent.
Dans un monde tiré par l'économie de la connaissance, l'attractivité suppose également de s'appuyer sur l'innovation : nous avons déjà fortement agi en amont, en triplant le crédit impôt-recherche au début de cette année ; nous voulons à présent agir en aval, et mieux protéger la propriété intellectuelle.
Enfin, la création de « fonds de dotation » permettra d'attirer des financements privés pour des missions d'intérêt général. Les universités, les hôpitaux ou les musées pourront gérer et investir eux-mêmes l'argent qu'ils collecteront ainsi.
Titre 4 : améliorer le financement de l'économie
Améliorer le financement de l'économie, cela mobilise deux circuits : le circuit interne, pour mieux gérer l'épargne disponible, et le circuit international, pour attirer des capitaux.
Pour ce qui est du premier circuit, nous proposons de généraliser à toutes les banques la possibilité de distribuer le livret A. Chacun pourra ouvrir un compte d'épargne défiscalisé dans sa banque, ce qui devrait améliorer à l'autre bout de la chaîne, via le rôle central de la Caisse des dépôts et consignations, le financement - déjà très dynamique - du logement social. Le nombre d'agences qui distribueront le livret A en France devrait ainsi doubler, pour passer de 22 000 à 40 000.
S'agissant du circuit international, nous voulons moderniser la place financière française, en mettant en oeuvre les mesures préparées dans le cadre du Haut Comité de Place que j'ai créé. L'industrie financière est une industrie de haute technologie qui représente près d'un million d'emplois et contribue à hauteur de 4 à 5 % à la richesse nationale. Paris compte déjà un grand nombre d'avantages comparatifs, dont un système de régulation très performant. Nous nous donnons ainsi les moyens, dans les années qui viennent, de faire concurrence à la City !
Une loi soucieuse de la maîtrise des dépenses publiques
Les 44 articles du projet de loi de modernisation de l'économie correspondent tous aux trois mêmes exigences : croissance, liberté, équilibre.
Quand j'ai défini le périmètre de cette loi, j'ai veillé à ce qu'elle soit compatible avec les engagements de maîtrise des finances publiques que j'ai pris devant nos partenaires européens au nom de notre pays. Ainsi, malgré l'ambition économique du projet de loi, l'estimation de son coût reste limitée à 300 Meuros.
Voici quels sont les principaux postes de dépense budgétaire :
- 60 Meuros pour le prélèvement fiscal et social simplifié de l'auto-entrepreneur ;
- 100 Meuros pour la baisse des droits de mutation à titre onéreux en faveur des transmissions d'entreprise ;
- à terme, 60 Meuros pour le gel de seuils en faveur des PME ;
- 60 Meuros pour les sociétés en amorçage à responsabilité limitée.
Pour conclure, je voudrais vous rappeler que ce texte s'inscrit dans une démarche globale :
- la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat permet de redistribuer du pouvoir d'achat aux nombreux Français qui veulent travailler plus (heures supplémentaires) - et ils sont aujourd'hui près de 6 millions à en bénéficier ; elle permet de redistribuer du pouvoir d'achat également à ceux qui empruntent pour devenir propriétaires (crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt immobilier), à ceux qui veulent effectuer des donations à leurs proches ;
- la fusion de l'ANPE et des Assédic rendra plus simple et plus efficace le marché de l'emploi ;
- le crédit impôt-recherche stimule d'ores et déjà bien des investisseurs.
Cette loi de modernisation de l'économie s'inscrit donc logiquement dans le cadre de la politique économique que je mène, fondée sur deux piliers :
- libérer les initiatives pour générer de la croissance et de l'emploi,
- favoriser la concurrence pour la baisse des prix en faveur du pouvoir d'achat.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 28 avril 2008