Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Il y a dans la vie d'un groupe d'opposition, des Non évidents, des Non de résistance. Et puis il y a en certaine circonstances des Non de déception, des Non qui voudraient pouvoir dire Oui. Tel est aujourd'hui le sens du vote des députés socialistes. Un Non ouvert, un Non en forme d'attente et peut être même d'espoir.
Espoir de vous convaincre de faire bouger les lignes, de réussir ensemble un pacte démocratique qui donne un meilleur équilibre à notre République. Tout au long de cette première lecture, nous avons mené un dialogue original pour améliorer un texte à son départ trop faible.
D'indéniables progrès ont été réalisés. Les droits du citoyen, que votre projet originel réduisait à la portion congrue, ont été étendus notamment grâce aux amendements socialistes : le référendum d'initiative populaire, le droit de saisine du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil constitutionnel, la parité professionnelle pour les femmes. Il est dommage que trop de filtres en affaiblissent la mise en oeuvre.
Concernant les pouvoirs de l'exécutif, nous vous avons convaincu de supprimer ce dangereux domaine réservé que voulait s'octroyer le Président de la République en matière de défense. Et nous avons rétabli le Parlement dans son pouvoir d'évaluation et de contrôle des politiques publiques qui permettra de donner un coup d'arrêt salutaire à l'inflation législative et d'améliorer la qualité de la loi.
Ces acquis sont loin d'être négligeables mais ils ne peuvent suffire à emporter notre adhésion en cette première lecture. D'abord parce que votre réforme demeure frileuse et inachevée. D'un côté elle introduit dans la Constitution des dispositions qui n'ont rien à y faire comme le référendum contre la Turquie. De l'autre chaque nouveau droit consenti au Parlement comporte des verrous qui en limitent la portée ou en vident la substance.
L'ordre du jour partagé est borné par une nouvelle limitation du droit d'amendement. Le statut de l'opposition ne comporte pas de traduction concrète. La limitation du 49 /3 ne limite rien dans la pratique. Le contrôle des opérations extérieures commence quand l'engagement est devenu irréversible. Le droit de résolution a disparu.
Quant à l'encadrement des pouvoirs présidentiels, il reste superficiel. La limitation à deux mandats ? Aucun Président de la Ve République n'en a fait plus. Le droit de veto aux 3/5è sur les nominations ? L'opposition n'aura jamais le loisir de réunir une telle majorité. La fin de la tutelle sur le Conseil supérieur de la magistrature ? Elle sera une fiction tant que l'Elysée conservera la maîtrise de sa composition et de la nomination des procureurs.
En son état actuel, le projet de loi ne changera ni la pratique, ni les déséquilibres de nos institutions. Le magistère présidentiel sera au contraire renforcé par la liberté qu'il s'octroie de venir s'exprimer, sans débat ni vote, devant le Congrès et par son occupation permanente des médias.
Et c'est la deuxième raison de notre vote négatif : le décalage qui persiste entre les intentions positives de votre réforme et la réalité de vos actes. Après les avanies que votre gouvernement a fait subir au Parlement depuis un an, le rejet sans discussion de nos propositions de loi relatives au mode de scrutin sénatorial et à l'équité du temps de parole présidentielle dans les médias a fait l'effet d'une nouvelle douche froide sur tous ceux qui avaient un préjugé favorable pour votre démarche.
Comment également ignorer la manière dont vous détournez l'accord des partenaires sociaux sur la représentation syndicale pour abattre la durée légale du travail. Si vous violez avec tant de facilité la démocratie sociale, comment croire que vous allez respecter la démocratie représentative. Vous ne suscitez pas la confiance.
Depuis le début du processus de révision, nous avons tendu la main. Vous ne l'avez pas saisie. C'est le président de la République qui a donné l'ordre à votre majorité de ne rien concéder. C'est le Président de la République qui semble tabler sur quelques débauchages individuels dans l'opposition pour faire passer sa réforme.
Je veux le mettre en garde contre une telle tentation : on ne joue pas l'avenir de la Vè République à la roulette russe. Trop de nos constitutions sont mortes dans ces petites combinaisons qui déshonorent la politique. Aucun parlementaire socialiste ne s'y prêtera. Ce que nous voulons, c'est réussir une réforme partagée. C'est forger un consensus républicain qui donne à notre Constitution une assise durable et incontestable.
Alors je vous pose la question. Jusqu'où êtes vous prêts à aller ? Sur le déverrouillage du contrôle des nominations ? Sur le temps de parole présidentiel ? Sur l'équité et la représentativité des modes de scrutin ? Sur la commission indépendante pour assurer un découpage électoral juste et transparent ? Sur le mandat unique ou le vote des étrangers ? Nous vous demandons des signes forts.
Pour notre part, tout est encore possible. Nous sommes prêts à prendre nos responsabilités. Notre vote n'est ni figé, ni définitif. Nous allons évaluer au Sénat puis en deuxième lecture les avancées et les reculs qui vont s'opérer. Notre seule boussole c'est l'envie de faire évoluer notre démocratie. Aujourd'hui nous disons Non. Au Congrès de Versailles nous espérons sincèrement pouvoir dire Oui. Cela dépend de vous.
source http://www.deputessocialistes.fr, le 10 juin 2008
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Il y a dans la vie d'un groupe d'opposition, des Non évidents, des Non de résistance. Et puis il y a en certaine circonstances des Non de déception, des Non qui voudraient pouvoir dire Oui. Tel est aujourd'hui le sens du vote des députés socialistes. Un Non ouvert, un Non en forme d'attente et peut être même d'espoir.
Espoir de vous convaincre de faire bouger les lignes, de réussir ensemble un pacte démocratique qui donne un meilleur équilibre à notre République. Tout au long de cette première lecture, nous avons mené un dialogue original pour améliorer un texte à son départ trop faible.
D'indéniables progrès ont été réalisés. Les droits du citoyen, que votre projet originel réduisait à la portion congrue, ont été étendus notamment grâce aux amendements socialistes : le référendum d'initiative populaire, le droit de saisine du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil constitutionnel, la parité professionnelle pour les femmes. Il est dommage que trop de filtres en affaiblissent la mise en oeuvre.
Concernant les pouvoirs de l'exécutif, nous vous avons convaincu de supprimer ce dangereux domaine réservé que voulait s'octroyer le Président de la République en matière de défense. Et nous avons rétabli le Parlement dans son pouvoir d'évaluation et de contrôle des politiques publiques qui permettra de donner un coup d'arrêt salutaire à l'inflation législative et d'améliorer la qualité de la loi.
Ces acquis sont loin d'être négligeables mais ils ne peuvent suffire à emporter notre adhésion en cette première lecture. D'abord parce que votre réforme demeure frileuse et inachevée. D'un côté elle introduit dans la Constitution des dispositions qui n'ont rien à y faire comme le référendum contre la Turquie. De l'autre chaque nouveau droit consenti au Parlement comporte des verrous qui en limitent la portée ou en vident la substance.
L'ordre du jour partagé est borné par une nouvelle limitation du droit d'amendement. Le statut de l'opposition ne comporte pas de traduction concrète. La limitation du 49 /3 ne limite rien dans la pratique. Le contrôle des opérations extérieures commence quand l'engagement est devenu irréversible. Le droit de résolution a disparu.
Quant à l'encadrement des pouvoirs présidentiels, il reste superficiel. La limitation à deux mandats ? Aucun Président de la Ve République n'en a fait plus. Le droit de veto aux 3/5è sur les nominations ? L'opposition n'aura jamais le loisir de réunir une telle majorité. La fin de la tutelle sur le Conseil supérieur de la magistrature ? Elle sera une fiction tant que l'Elysée conservera la maîtrise de sa composition et de la nomination des procureurs.
En son état actuel, le projet de loi ne changera ni la pratique, ni les déséquilibres de nos institutions. Le magistère présidentiel sera au contraire renforcé par la liberté qu'il s'octroie de venir s'exprimer, sans débat ni vote, devant le Congrès et par son occupation permanente des médias.
Et c'est la deuxième raison de notre vote négatif : le décalage qui persiste entre les intentions positives de votre réforme et la réalité de vos actes. Après les avanies que votre gouvernement a fait subir au Parlement depuis un an, le rejet sans discussion de nos propositions de loi relatives au mode de scrutin sénatorial et à l'équité du temps de parole présidentielle dans les médias a fait l'effet d'une nouvelle douche froide sur tous ceux qui avaient un préjugé favorable pour votre démarche.
Comment également ignorer la manière dont vous détournez l'accord des partenaires sociaux sur la représentation syndicale pour abattre la durée légale du travail. Si vous violez avec tant de facilité la démocratie sociale, comment croire que vous allez respecter la démocratie représentative. Vous ne suscitez pas la confiance.
Depuis le début du processus de révision, nous avons tendu la main. Vous ne l'avez pas saisie. C'est le président de la République qui a donné l'ordre à votre majorité de ne rien concéder. C'est le Président de la République qui semble tabler sur quelques débauchages individuels dans l'opposition pour faire passer sa réforme.
Je veux le mettre en garde contre une telle tentation : on ne joue pas l'avenir de la Vè République à la roulette russe. Trop de nos constitutions sont mortes dans ces petites combinaisons qui déshonorent la politique. Aucun parlementaire socialiste ne s'y prêtera. Ce que nous voulons, c'est réussir une réforme partagée. C'est forger un consensus républicain qui donne à notre Constitution une assise durable et incontestable.
Alors je vous pose la question. Jusqu'où êtes vous prêts à aller ? Sur le déverrouillage du contrôle des nominations ? Sur le temps de parole présidentiel ? Sur l'équité et la représentativité des modes de scrutin ? Sur la commission indépendante pour assurer un découpage électoral juste et transparent ? Sur le mandat unique ou le vote des étrangers ? Nous vous demandons des signes forts.
Pour notre part, tout est encore possible. Nous sommes prêts à prendre nos responsabilités. Notre vote n'est ni figé, ni définitif. Nous allons évaluer au Sénat puis en deuxième lecture les avancées et les reculs qui vont s'opérer. Notre seule boussole c'est l'envie de faire évoluer notre démocratie. Aujourd'hui nous disons Non. Au Congrès de Versailles nous espérons sincèrement pouvoir dire Oui. Cela dépend de vous.
source http://www.deputessocialistes.fr, le 10 juin 2008