Texte intégral
Le problème du chèque payant ne se posera pas avant deux ans
Pour François Patriat, secrétaire d'Etat à la Consommation, aucun établissement ne mettra fin au chèque gratuit pendant le passage à l'euro. Il souhaite que le pôle financier public soit exemplaire en matière de modération tarifaire.
" La Tribune ". Que faites-vous si demain un groupe bancaire annonce qu'il passe au chèque payant ?
François Patriat. Je suis convaincu qu'avant le passage à l'euro, personne ne prendra le risque de brouiller le message et de créer des difficultés supplémentaires en prenant une telle initiative. Je suis confiant. Pour prendre une image issue du monde de la chasse, que je connais un peu, je vois bien des armes fourbies mais pas de gâchettes tendues. J'entends des débats, les interventions des uns et des autres. Mais je trouve le langage bien plus modéré qu'il y a trois ans, lorsqu'une offensive concertée avait été lancée. Le problème du chèque payant ne se posera pas concrètement avant un ou deux ans.
Quels arguments le gouvernement peut-il opposer aux banques ?
Ne soyons pas naïfs : les banques font déjà payer d'une façon ou d'une autre chacun de leurs services. Et les bons résultats qu'elles affichent aujourd'hui auront du mal à arracher des larmes à leur clientèle. En outre, avec le passage à l'euro, on peut estimer que l'utilisation du chèque va diminuer, ce qui atténuera d'autant son coût global pour les banques. Les pouvoirs publics ne sont pas favorables au chèque payant. Ils entendent le dire et le répéter. Nous ne souhaitons pas qu'une banque ou une autre en vienne à le mettre en pratique.
Cela signifie-t-il que vous élargiriez le nombre de bénéficiaires du service de base bancaire ?
Le gouvernement a récemment publié un décret fixant le périmètre et le contenu du service de base bancaire. Il a annoncé qu'il étendrait le droit de la consommation aux services bancaires. Et il a, lors de la discussion de la loi NRE (Nouvelles régulations économiques, ndlr), annoncé un texte plafonnant les pénalités opposées aux interdits de chéquiers. De plus, nous engagerons des travaux sur la protection des prestations sociales versées sur les comptes bancaires. Le débat sur les services de base sera donc abordé sereinement.
Pourquoi avez-vous accéléré l'allure dans votre plan de lutte contre la fraude à la carte bancaire, au risque de prendre de court vos interlocuteurs ?
On ne peut pas affirmer d'un côté que la fraude à la carte bancaire augmente et, de l'autre, qu'il est urgent d'attendre. Le gouvernement est sensible aux problèmes auxquels sont confrontés, très concrètement, consommateurs et citoyens face à cette insécurité. Aussi nous agissons, avec Laurent Fabius, d'abord en demandant que des mesures simples soient prises : disparition partielle des données confidentielles sur les facturettes, oppositions facilitées, etc. Nous agissons aussi en demandant une meilleure protection des appareils, terminaux de paiement et guichets automatiques. Nous agissons, enfin, en prenant des mesures législatives qui permettent d'être plus coercitif contre les fraudeurs. Ces dispositions que nous avons prises sont celles préconisées, dans le cadre du Conseil national de la consommation, par les associations de consommateurs.
Ces dernières jugent cependant trop élevé le montant de 400 euros de franchise à la charge des consommateurs en cas de fraude. Elles souhaitent l'application de la norme de 150 euros préconisée par la Commission européenne.
Les discussions ont été très âpres avec les banques sur cette franchise, qui concerne les sommes fraudées avant toute déclaration de perte ou de vol. Ce montant est déjà trois fois inférieur aux franchises actuellement constatées. Et le débat n'est pas clos. Si les cartes bancaires sont davantage sécurisées, que la fraude baisse, je pense que la franchise pourra être revue à la baisse.
Les cartes de l'ensemble des établissements de crédit seront désormais sous la surveillance de la Banque de France. Pourquoi une telle mesure ?
La puissance publique doit exercer pleinement son rôle de sécurité. La carte ne peut pas rester un système uniquement contractuel. C'est pourquoi nous mettons en place un dispositif qui permet à la Banque de France d'exercer un droit de regard sur toutes les cartes. Le travail s'effectuera en toute transparence. Il ne s'agira pas seulement de mettre en place un observatoire, puisque la Banque de France aura le pouvoir de demander le retrait de toutes les cartes qui ne présenteront pas les garanties de sécurité maximale.
Sur tous ces sujets, ne vous manque-t-il pas l'appui d'un pôle financier public plus proche de vous et sur lequel vous pourriez vous appuyer ?
Je souhaite que, pour les consommateurs, le pôle financier public soit exemplaire. Il doit rester une force de stabilité, de péréquation et de modération en matière de coût pour les consommateurs. Mais je ne crois pas que l'on puisse aller au-delà, que l'on puisse imaginer un retour en arrière dans le cadre d'une économie mondialisée.
Propos recueillis par Gilles Bridier, Véronique Chocron et Grégoire Pinson
(source http://www.latribubne.fr, le 7 mars 2001)
Pour François Patriat, secrétaire d'Etat à la Consommation, aucun établissement ne mettra fin au chèque gratuit pendant le passage à l'euro. Il souhaite que le pôle financier public soit exemplaire en matière de modération tarifaire.
" La Tribune ". Que faites-vous si demain un groupe bancaire annonce qu'il passe au chèque payant ?
François Patriat. Je suis convaincu qu'avant le passage à l'euro, personne ne prendra le risque de brouiller le message et de créer des difficultés supplémentaires en prenant une telle initiative. Je suis confiant. Pour prendre une image issue du monde de la chasse, que je connais un peu, je vois bien des armes fourbies mais pas de gâchettes tendues. J'entends des débats, les interventions des uns et des autres. Mais je trouve le langage bien plus modéré qu'il y a trois ans, lorsqu'une offensive concertée avait été lancée. Le problème du chèque payant ne se posera pas concrètement avant un ou deux ans.
Quels arguments le gouvernement peut-il opposer aux banques ?
Ne soyons pas naïfs : les banques font déjà payer d'une façon ou d'une autre chacun de leurs services. Et les bons résultats qu'elles affichent aujourd'hui auront du mal à arracher des larmes à leur clientèle. En outre, avec le passage à l'euro, on peut estimer que l'utilisation du chèque va diminuer, ce qui atténuera d'autant son coût global pour les banques. Les pouvoirs publics ne sont pas favorables au chèque payant. Ils entendent le dire et le répéter. Nous ne souhaitons pas qu'une banque ou une autre en vienne à le mettre en pratique.
Cela signifie-t-il que vous élargiriez le nombre de bénéficiaires du service de base bancaire ?
Le gouvernement a récemment publié un décret fixant le périmètre et le contenu du service de base bancaire. Il a annoncé qu'il étendrait le droit de la consommation aux services bancaires. Et il a, lors de la discussion de la loi NRE (Nouvelles régulations économiques, ndlr), annoncé un texte plafonnant les pénalités opposées aux interdits de chéquiers. De plus, nous engagerons des travaux sur la protection des prestations sociales versées sur les comptes bancaires. Le débat sur les services de base sera donc abordé sereinement.
Pourquoi avez-vous accéléré l'allure dans votre plan de lutte contre la fraude à la carte bancaire, au risque de prendre de court vos interlocuteurs ?
On ne peut pas affirmer d'un côté que la fraude à la carte bancaire augmente et, de l'autre, qu'il est urgent d'attendre. Le gouvernement est sensible aux problèmes auxquels sont confrontés, très concrètement, consommateurs et citoyens face à cette insécurité. Aussi nous agissons, avec Laurent Fabius, d'abord en demandant que des mesures simples soient prises : disparition partielle des données confidentielles sur les facturettes, oppositions facilitées, etc. Nous agissons aussi en demandant une meilleure protection des appareils, terminaux de paiement et guichets automatiques. Nous agissons, enfin, en prenant des mesures législatives qui permettent d'être plus coercitif contre les fraudeurs. Ces dispositions que nous avons prises sont celles préconisées, dans le cadre du Conseil national de la consommation, par les associations de consommateurs.
Ces dernières jugent cependant trop élevé le montant de 400 euros de franchise à la charge des consommateurs en cas de fraude. Elles souhaitent l'application de la norme de 150 euros préconisée par la Commission européenne.
Les discussions ont été très âpres avec les banques sur cette franchise, qui concerne les sommes fraudées avant toute déclaration de perte ou de vol. Ce montant est déjà trois fois inférieur aux franchises actuellement constatées. Et le débat n'est pas clos. Si les cartes bancaires sont davantage sécurisées, que la fraude baisse, je pense que la franchise pourra être revue à la baisse.
Les cartes de l'ensemble des établissements de crédit seront désormais sous la surveillance de la Banque de France. Pourquoi une telle mesure ?
La puissance publique doit exercer pleinement son rôle de sécurité. La carte ne peut pas rester un système uniquement contractuel. C'est pourquoi nous mettons en place un dispositif qui permet à la Banque de France d'exercer un droit de regard sur toutes les cartes. Le travail s'effectuera en toute transparence. Il ne s'agira pas seulement de mettre en place un observatoire, puisque la Banque de France aura le pouvoir de demander le retrait de toutes les cartes qui ne présenteront pas les garanties de sécurité maximale.
Sur tous ces sujets, ne vous manque-t-il pas l'appui d'un pôle financier public plus proche de vous et sur lequel vous pourriez vous appuyer ?
Je souhaite que, pour les consommateurs, le pôle financier public soit exemplaire. Il doit rester une force de stabilité, de péréquation et de modération en matière de coût pour les consommateurs. Mais je ne crois pas que l'on puisse aller au-delà, que l'on puisse imaginer un retour en arrière dans le cadre d'une économie mondialisée.
Propos recueillis par Gilles Bridier, Véronique Chocron et Grégoire Pinson
(source http://www.latribubne.fr, le 7 mars 2001)