Texte intégral
C'est un très grand plaisir de vous accueillir, pour la première fois
en France, à Paris, pour cette 32e réunion publique de l'ICANN.
Tous mes voeux de bienvenue aux membres du Conseil d'administration, et
particulièrement à son président, Peter Dengate Thrush ; à l'équipe de
l'ICANN, et en particulier son président et CEO, Paul Twomey, et à tous
les responsables des différents comités qui composent cette originale
organisation.
Bienvenue notamment au président du GAC, Janis Karkins, non par faveur
en tant que représentant gouvernemental, mais parce que nous avons le
plaisir de l'avoir comme ambassadeur de Lettonie à Paris. Je voudrais
également saluer chaleureusement les sponsors qui ont permis à cette
manifestation d'avoir lieu en France, dans les meilleures conditions.
Enfin, bienvenue à vous tous, venus du monde entier et appartenant à
une extrême diversité d'entités ou d'organisations publiques,
commerciales, du secteur technique ou de la société civile. Vous êtes
l'ICANN.
J'espère que cette semaine dense vous permettra de progresser sur les
différents sujets à votre agenda. Je remercie tous ceux qui apportent
leur concours à travers l'AGIFEM, cette association qui regroupe d'
importants acteurs français du secteur des technologies de l'
information comme l'Afnic, l'Internet Society France et le W3C.
C'est la première fois que l'ICANN vient à Paris et cet événement a
catalysé l'organisation de plusieurs autres réunions satellites sur des
sujets variés. Elles contribueront aux "Assises du numérique", un
processus lancé par le Premier ministre le 29 mai dernier et dont j'ai
la responsabilité. Cette large consultation aboutira cet été à un
ambitieux plan de développement de l'économie numérique en France.
Je me réjouis de la tenue de la réunion de l'ICANN à la veille de la
Présidence française de l'Union européenne. Ce rendez vous sera l'
occasion d'un engagement de la France et de l'Europe sur des sujets
cruciaux pour l'avenir de l'Internet dont la France fera l'une de ses
priorités.
Durant la présidence française, les ministres européens en charge de la
société de l'information seront invités à participer à une conférence
le 6 et 7 octobre 2008, à Nice portant sur le thème de l'Internet du
futur. Cette conférence ministérielle permettra de nourrir des
réflexions communes, reprises sous la forme d'un projet de conclusions
que la présidence française soumettra au Conseil de l'Union européenne
le 27 Novembre 2008.
Les sujets que vous traitez peuvent paraître techniques au profane ;
ils n'en ont pas moins, désormais, un impact direct sur le quotidien
d'un nombre croissant d'habitants de cette planète. Le fonctionnement
de l'Internet tel que nous le connaissons serait en effet impossible
sans le système actuel des noms de domaine : la valeur sociale et
économique exceptionnelle du Web est essentiellement due au caractère
universel de ce système de nommage et d'adressage. C'est dire l'
importance que revêt la coordination au niveau international de la
gestion de ces ressources communes ; et donc la responsabilité
considérable qui incombe à l'ICANN, en tant qu'organisme chargé de
cette mission d'intérêt public global.
Depuis bientôt dix ans que l'ICANN existe, l'Internet a connu une
transformation qualitative majeure. C'est désormais une infrastructure
vitale pour l'ensemble de la planète. Et les enjeux ont évolué en
conséquence.
Aujourd'hui, l'Internet est à un tournant de sont histoire : plus d'un
milliard de personnes sont connectées. Ce nombre aura doublé d'ici cinq
ans. Cette croissance ne sera possible et profitable à tous que si le
nombre d'adresses disponibles est largement accru et si d'autres
langues sont reconnues sur le Web.
Cette réunion de l'ICANN a de nombreux sujets à l'ordre du jour. Mais
j'en vois quatre principaux. Dans chaque cas, il s'agit d'adapter le
dispositif technique et institutionnel au développement fulgurant de
l'Internet, et de préparer son universalisation dans les décennies à
venir.
Ces quatre sujets sont respectivement :
- La migration entre IPv4 et IPv6
- La diversification des noms de domaine génériques (les nouveaux
gTLDs)
- L'évolution vers les noms de domaine en caractères non latins
- Et enfin, la transition institutionnelle, escomptée à l'échéance du
présent Joint Project Agreement à la fin 2009.
Sur chacun de ces sujets, je mettrai moins l'accent sur les aspects
techniques que sur les enjeux politiques et d'intérêt général. En
effet, les réponses apportées à ces quatre sujets structureront de
manière durable l'avenir de l'ICANN et du système de nommage dans son
ensemble.
La migration entre IPv4 et IPv6 (Internet Protocol version 6)
Je commencerai rapidement par le sujet en apparence le plus technique :
le passage à IPV6.
Les adresses IP constituent une ressource globale commune qui a pu
initialement apparaître comme pratiquement illimitée. Mais, victime de
son propre succès, l'Internet est aujourd'hui confronté à une
potentielle rareté d'adresses IPv4. La solution technique est la montée
en puissance d'IPv6.
IPV6 favorisera l'apparition d'applications Internet innovantes,
notamment celles qui nécessitent de mettre en réseau un très grand
nombre d'appareils simples. A titre d'exemple, la gestion de l'
éclairage public et des bâtiments intelligents pourrait en être
améliorée, et l'Internet pourrait servir à connecter entre eux, à peu
de frais et de manière fiable, des capteurs sans fil intégrés à des
appareils domestiques.
Mais pour de nombreuses raisons, l'adoption est plus lente que prévu
et, en tout état de cause, les deux protocoles coexisteront encore
longtemps.
Au-delà des aspects techniques, il s'agit d'un défi politique pour nous
tous. A court terme, les entreprises et les administrations publiques
peuvent être tentées de se contenter de l'ancien système, quitte à
limiter leur besoin, mais nous serions alors mal placés pour tirer
profit des dernières technologies de l'Internet et nous pourrions faire
face à une crise majeure une fois que les adresses du système IPV4
seront épuisées. Dès aujourd'hui il faut donc d'une part, optimiser la
gestion collective d'une ressource commune devenue rare et d'autre
part, introduire des mécanismes coopératifs pour encourager les acteurs
à agir dans un sens bénéfique pour l'ensemble de la communauté, même
s'ils n'en tirent pas un bénéfice direct immédiat.
Une allocation coordonnée, juste et équitable au niveau mondial du pool
restant d'adresses IPV4 est indispensable. Utiliser un mécanisme de
marché secondaire pénaliserait les pays en développement, et risquerait
de conférer une rente indue aux attributaires initiaux. De même, une
coopération plus étroite entre tous les acteurs concernés est
indispensable pour assurer une montée en puissance progressive et
coordonnée d'IPV6, en tenant compte de la coexistence prévisible de ces
deux systèmes pendant encore plusieurs années.
J'appelle donc à une action concertée afin que tous les acteurs soient
prêts pour la transition et que tous les internautes puissent utiliser
les dernières innovations internet.
L'objectif que se fixe la France est qu'en 2010, 25 % de l'
administration publique, des entreprises et des particuliers utilisent
IPV6. Je me réjouis donc que la transition vers l'IPV6 soit traitée
cette semaine dans plusieurs ateliers.
Second enjeu : La transition vers un espace de nommage plus diversifié
et l'introduction de nouveaux gTLDs
Le nombre de noms de domaines de premier niveau génériques (gTLDs)
était à l'origine réduit, comme chacun ici le sait. Depuis l'année 2000
l'ICANN a conduit plusieurs expériences pour introduire de nouveaux
gTLDs. Pourtant, la politique générale d'introduction de nouveaux gTLDs
a pris du retard en raison notamment de la complexité des enjeux : il
est très difficile en effet d'élaborer des règles uniques applicables à
des situations très diversifiées.
Des modalités d'introduction différentes pour les TLDs à vocation
purement commerciale et pour d'autres, plus communautaires ou d'intérêt
général, pourraient ainsi être envisagées.
Le message principal est le suivant : le développement de l'espace des
noms de domaine doit optimiser la création de valeur économique mais
aussi sociale pour l'ensemble de la communauté, et particulièrement les
utilisateurs finaux. L'introduction de nouveaux gTLDs doit ainsi être
mise en oeuvre de manière progressive, claire et différenciée dans l'
intérêt de tous. Le processus est en cours et j'espère que des progrès
seront réalisés cette semaine à Paris.
La transition vers un système de noms de domaines en caractères non
latins.
C'est la troisième transition et peut-être l'une des plus importantes.
L'internationalisation de l'Internet s'accélère et l'existence de noms
de domaine multilingues est essentielle pour permettre l'accès de
chacun aux contenus dans sa langue. En outre l'accès au réseau s'avère
un outil utile au développement dans les zones les plus pauvres de la
planète. Dans ce contexte, l'introduction rapide de noms de domaines en
caractères non latins devient une exigence morale, autant qu'une
nécessité politique et un bénéfice pratique pour les utilisateurs.
Cette évolution est cruciale pour préserver l'unicité des fonctions
essentielles de l'Internet tout en permettant la diversification
linguistique que réclament ses usagers.
Plus encore que le défi technique, il s'agit d'un enjeu symbolique
majeur. Il en va pour partie de la crédibilité de l'ICANN comme
organisme véritablement global. La Communauté mondiale attend beaucoup
de ce processus et observe l'ICANN.
Je ne vous surprendrai pas en vous disant que la France,
particulièrement attachée à la promotion de la diversité culturelle,
attache la plus grande importance à ce sujet. La réunion de Paris est
une occasion de réaffirmer cet objectif d'internationalisation.
Un accord cette semaine sur la procédure simplifiée envisagée pour l'
introduction des noms de domaines liés à des territoires (ccTLDs)
serait un pas significatif en ce sens. Ceci permettrait aux acteurs
concernés d'annoncer leur intention d'introduire des noms de domaines
liés à des territoires, et de valoriser le travail considérable qu'ils
ont souvent déjà accompli.
Je constate d'ailleurs avec intérêt que des coordinations et
concertations se sont informellement mises en place entre territoires
qui partagent le même système d'écriture. C'est le prélude à la
formation souhaitable de "communautés de script" qui permettront au
système de noms de domaine d'être géré de manière distribuée et selon
un principe de subsidiarité, au plus près des communautés concernées.
Ce sujet est l'un de ceux où la "coopération renforcée" devrait trouver
à s'exercer utilement, notamment avec l'OCDE, l'Unesco ou l'UIT. La
réunion de l'IGF à Hyderabad à la fin de l'année consacrera d'ailleurs
l'un de ses trois thèmes à cette question du multilinguisme et j'espère
que l'avancement des travaux au sein de l'ICANN d'ici là permettra d'y
faire état de progrès significatifs.
La transition institutionnelle, enfin
Vous le savez, la date du 30 Septembre 2009 marque l'échéance de l'
accord de projet commun (JPA) entre l'ICANN et le Département du
Commerce américain. Elle constitue un horizon temporel pour réaliser ce
qu'on appelle, depuis le White Paper de 1998, la "Transition de l'
ICANN".
Mais une "transition" n'est pas une conclusion. La transition de l'
ICANN ne se réduit donc pas à la fin du Joint Project Agreement. Il
doit s'agir au contraire du début d'une nouvelle phase institutionnelle
pour cette organisation pionnière de la gouvernance Internet.
Transition, donc, mais transition vers quoi ? Il s'agit à nos yeux de
placer l'ICANN sur sa trajectoire de viabilité à long terme ; il s'agit
de l'adapter à un environnement qui a considérablement évolué depuis sa
création ; il s'agit enfin de la rendre capable de traiter les
problèmes nouveaux liés au développement rapide de l'Internet et aux
transitions que je vient d'évoquer. Ceci demande des évolutions
substantielles et ne correspondra pas au seul achèvement de l'accord en
cours.
La réflexion sur la transition institutionnelle gagne toutefois à être
replacée dans une perspective plus large. L'ICANN est une expérience
originale, pionnière, l'un des tout premiers laboratoires de cette
gouvernance dite "multi-acteurs", mentionnée notamment à l'occasion du
Sommet Mondial sur la Société de l'Information (SMSI) à Tunis en 2005.
Au cours de ses dix premières années, l'ICANN a progressivement mis en
place plusieurs structures organisant la participation des diverses
catégories d'acteurs ; elle a élaboré et fait évoluer ses processus de
consultation et d'élaboration des politiques.
La transition envisagée pour la fin 2009 est en effet l'occasion de
franchir une nouvelle étape, de tirer les leçons des dix dernières
années, et de faire de l'ICANN un modèle encore plus accompli d'
organisation multi-acteurs, associant de manière appropriée la
communauté technique, les utilisateurs, le secteur privé mais aussi les
gouvernements, pour les questions de politiques publiques d'intérêt
général, aux diverses étapes de son fonctionnement.
L'évolution des modes de fonctionnement internes doit à nos yeux être
mieux prise en compte dans la réflexion sur la transition. Elle en
constituerait presque un fil conducteur. Mais cette nouvelle étape,
qu'un membre du Conseil qualifiait récemment de "moment
constitutionnel" pour l'organisation, ne pourra être franchie avec
succès que si l'architecture post-JPA est considérée par tous les
acteurs comme un progrès par rapport au cadre actuel et non comme la
victoire d'une communauté particulière sur une autre. Et c'est notre
responsabilité commune dans les consultations des prochains mois.
Un point donc pour finir sur la feuille de route proposée.
Je me réjouis que le processus de consultation qui sera lancé à Paris
s'annonce comme largement ouvert et inclusif, conformément à nos voeux.
Il est en outre de la plus haute importance qu'au-delà de la communauté
de l'ICANN, il touche aussi les acteurs qui n'en font actuellement pas
partie. Il importe enfin que les participants soient tenus
régulièrement informés de l'avancement des réflexions et de la prise en
compte de leurs commentaires.
L'organisation de consultations régionales multi-acteurs, mais aussi la
coopération avec d'autres organisations, contribueront grandement à la
réalisation de ces objectifs. Le groupe d'experts envisagé pourrait
utilement faciliter l'organisation de ces réunions.
Dans ce contexte, la France, qui assure vous le savez à partir du 1er
Juillet la Présidence de l'Union européenne, et qui accueille sur son
sol plusieurs organisations et structures internationales, est prête à
faciliter l'organisation d'une telle réunion pour les acteurs
européens, en liaison avec ses partenaires.
La France compte enfin profiter de sa Présidence de l'Union Européenne
pour lancer une réflexion européenne sur les évolutions de l'Internet,
en particulier sur sa gouvernance. C'est dans cette perspective, je l'
ai dit, que les Ministres européens en charge de la société de l'
information et des communications électroniques seront invités à
participer à une conférence les 6 et 7 octobre 2008, à Nice, portant
sur les enjeux politiques et technologiques de l'Internet du futur.
Cette conférence ministérielle permettra de nourrir des réflexions
communes qui seront reprises sous la forme d'un projet de conclusions
que la présidence française soumettra au Conseil de l'Union européenne
le 27 Novembre 2008.
Mesdames, Messieurs,
Le suivi des questions de gouvernance Internet fait partie du mandat
que m'ont confié le Président de la République et le Premier ministre,
et je suivrai avec attention l'évolution de vos travaux, notamment via
le représentant du gouvernement français et vice-Président du GAC,
notre délégué spécial pour la société de l'information, Bertrand de La
Chapelle.
La réunion de Paris est l'occasion pour moi de marquer l'importance que
nous attachons à ces enjeux et notre volonté de participer
constructivement aux débats à venir. Je félicite tous les acteurs
français (notamment l'AFNIC, les opérateurs, les bureaux d'
enregistrement et les diverses associations) qui participent depuis
plusieurs années à ces processus internationaux et je les encourage à
contribuer activement à ces discussions ainsi qu'à la réflexion engagée
au plan national.
Les mois qui viennent seront importants pour l'ICANN et j'espère que la
réunion de Paris donnera l'impulsion nécessaire pour franchir des
étapes significatives dans le traitement des quatre grands thèmes que
j'ai évoqués.
Je vous souhaite une excellente semaine de travaux et un très agréable
séjour à Paris.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 25 juin 2008
en France, à Paris, pour cette 32e réunion publique de l'ICANN.
Tous mes voeux de bienvenue aux membres du Conseil d'administration, et
particulièrement à son président, Peter Dengate Thrush ; à l'équipe de
l'ICANN, et en particulier son président et CEO, Paul Twomey, et à tous
les responsables des différents comités qui composent cette originale
organisation.
Bienvenue notamment au président du GAC, Janis Karkins, non par faveur
en tant que représentant gouvernemental, mais parce que nous avons le
plaisir de l'avoir comme ambassadeur de Lettonie à Paris. Je voudrais
également saluer chaleureusement les sponsors qui ont permis à cette
manifestation d'avoir lieu en France, dans les meilleures conditions.
Enfin, bienvenue à vous tous, venus du monde entier et appartenant à
une extrême diversité d'entités ou d'organisations publiques,
commerciales, du secteur technique ou de la société civile. Vous êtes
l'ICANN.
J'espère que cette semaine dense vous permettra de progresser sur les
différents sujets à votre agenda. Je remercie tous ceux qui apportent
leur concours à travers l'AGIFEM, cette association qui regroupe d'
importants acteurs français du secteur des technologies de l'
information comme l'Afnic, l'Internet Society France et le W3C.
C'est la première fois que l'ICANN vient à Paris et cet événement a
catalysé l'organisation de plusieurs autres réunions satellites sur des
sujets variés. Elles contribueront aux "Assises du numérique", un
processus lancé par le Premier ministre le 29 mai dernier et dont j'ai
la responsabilité. Cette large consultation aboutira cet été à un
ambitieux plan de développement de l'économie numérique en France.
Je me réjouis de la tenue de la réunion de l'ICANN à la veille de la
Présidence française de l'Union européenne. Ce rendez vous sera l'
occasion d'un engagement de la France et de l'Europe sur des sujets
cruciaux pour l'avenir de l'Internet dont la France fera l'une de ses
priorités.
Durant la présidence française, les ministres européens en charge de la
société de l'information seront invités à participer à une conférence
le 6 et 7 octobre 2008, à Nice portant sur le thème de l'Internet du
futur. Cette conférence ministérielle permettra de nourrir des
réflexions communes, reprises sous la forme d'un projet de conclusions
que la présidence française soumettra au Conseil de l'Union européenne
le 27 Novembre 2008.
Les sujets que vous traitez peuvent paraître techniques au profane ;
ils n'en ont pas moins, désormais, un impact direct sur le quotidien
d'un nombre croissant d'habitants de cette planète. Le fonctionnement
de l'Internet tel que nous le connaissons serait en effet impossible
sans le système actuel des noms de domaine : la valeur sociale et
économique exceptionnelle du Web est essentiellement due au caractère
universel de ce système de nommage et d'adressage. C'est dire l'
importance que revêt la coordination au niveau international de la
gestion de ces ressources communes ; et donc la responsabilité
considérable qui incombe à l'ICANN, en tant qu'organisme chargé de
cette mission d'intérêt public global.
Depuis bientôt dix ans que l'ICANN existe, l'Internet a connu une
transformation qualitative majeure. C'est désormais une infrastructure
vitale pour l'ensemble de la planète. Et les enjeux ont évolué en
conséquence.
Aujourd'hui, l'Internet est à un tournant de sont histoire : plus d'un
milliard de personnes sont connectées. Ce nombre aura doublé d'ici cinq
ans. Cette croissance ne sera possible et profitable à tous que si le
nombre d'adresses disponibles est largement accru et si d'autres
langues sont reconnues sur le Web.
Cette réunion de l'ICANN a de nombreux sujets à l'ordre du jour. Mais
j'en vois quatre principaux. Dans chaque cas, il s'agit d'adapter le
dispositif technique et institutionnel au développement fulgurant de
l'Internet, et de préparer son universalisation dans les décennies à
venir.
Ces quatre sujets sont respectivement :
- La migration entre IPv4 et IPv6
- La diversification des noms de domaine génériques (les nouveaux
gTLDs)
- L'évolution vers les noms de domaine en caractères non latins
- Et enfin, la transition institutionnelle, escomptée à l'échéance du
présent Joint Project Agreement à la fin 2009.
Sur chacun de ces sujets, je mettrai moins l'accent sur les aspects
techniques que sur les enjeux politiques et d'intérêt général. En
effet, les réponses apportées à ces quatre sujets structureront de
manière durable l'avenir de l'ICANN et du système de nommage dans son
ensemble.
La migration entre IPv4 et IPv6 (Internet Protocol version 6)
Je commencerai rapidement par le sujet en apparence le plus technique :
le passage à IPV6.
Les adresses IP constituent une ressource globale commune qui a pu
initialement apparaître comme pratiquement illimitée. Mais, victime de
son propre succès, l'Internet est aujourd'hui confronté à une
potentielle rareté d'adresses IPv4. La solution technique est la montée
en puissance d'IPv6.
IPV6 favorisera l'apparition d'applications Internet innovantes,
notamment celles qui nécessitent de mettre en réseau un très grand
nombre d'appareils simples. A titre d'exemple, la gestion de l'
éclairage public et des bâtiments intelligents pourrait en être
améliorée, et l'Internet pourrait servir à connecter entre eux, à peu
de frais et de manière fiable, des capteurs sans fil intégrés à des
appareils domestiques.
Mais pour de nombreuses raisons, l'adoption est plus lente que prévu
et, en tout état de cause, les deux protocoles coexisteront encore
longtemps.
Au-delà des aspects techniques, il s'agit d'un défi politique pour nous
tous. A court terme, les entreprises et les administrations publiques
peuvent être tentées de se contenter de l'ancien système, quitte à
limiter leur besoin, mais nous serions alors mal placés pour tirer
profit des dernières technologies de l'Internet et nous pourrions faire
face à une crise majeure une fois que les adresses du système IPV4
seront épuisées. Dès aujourd'hui il faut donc d'une part, optimiser la
gestion collective d'une ressource commune devenue rare et d'autre
part, introduire des mécanismes coopératifs pour encourager les acteurs
à agir dans un sens bénéfique pour l'ensemble de la communauté, même
s'ils n'en tirent pas un bénéfice direct immédiat.
Une allocation coordonnée, juste et équitable au niveau mondial du pool
restant d'adresses IPV4 est indispensable. Utiliser un mécanisme de
marché secondaire pénaliserait les pays en développement, et risquerait
de conférer une rente indue aux attributaires initiaux. De même, une
coopération plus étroite entre tous les acteurs concernés est
indispensable pour assurer une montée en puissance progressive et
coordonnée d'IPV6, en tenant compte de la coexistence prévisible de ces
deux systèmes pendant encore plusieurs années.
J'appelle donc à une action concertée afin que tous les acteurs soient
prêts pour la transition et que tous les internautes puissent utiliser
les dernières innovations internet.
L'objectif que se fixe la France est qu'en 2010, 25 % de l'
administration publique, des entreprises et des particuliers utilisent
IPV6. Je me réjouis donc que la transition vers l'IPV6 soit traitée
cette semaine dans plusieurs ateliers.
Second enjeu : La transition vers un espace de nommage plus diversifié
et l'introduction de nouveaux gTLDs
Le nombre de noms de domaines de premier niveau génériques (gTLDs)
était à l'origine réduit, comme chacun ici le sait. Depuis l'année 2000
l'ICANN a conduit plusieurs expériences pour introduire de nouveaux
gTLDs. Pourtant, la politique générale d'introduction de nouveaux gTLDs
a pris du retard en raison notamment de la complexité des enjeux : il
est très difficile en effet d'élaborer des règles uniques applicables à
des situations très diversifiées.
Des modalités d'introduction différentes pour les TLDs à vocation
purement commerciale et pour d'autres, plus communautaires ou d'intérêt
général, pourraient ainsi être envisagées.
Le message principal est le suivant : le développement de l'espace des
noms de domaine doit optimiser la création de valeur économique mais
aussi sociale pour l'ensemble de la communauté, et particulièrement les
utilisateurs finaux. L'introduction de nouveaux gTLDs doit ainsi être
mise en oeuvre de manière progressive, claire et différenciée dans l'
intérêt de tous. Le processus est en cours et j'espère que des progrès
seront réalisés cette semaine à Paris.
La transition vers un système de noms de domaines en caractères non
latins.
C'est la troisième transition et peut-être l'une des plus importantes.
L'internationalisation de l'Internet s'accélère et l'existence de noms
de domaine multilingues est essentielle pour permettre l'accès de
chacun aux contenus dans sa langue. En outre l'accès au réseau s'avère
un outil utile au développement dans les zones les plus pauvres de la
planète. Dans ce contexte, l'introduction rapide de noms de domaines en
caractères non latins devient une exigence morale, autant qu'une
nécessité politique et un bénéfice pratique pour les utilisateurs.
Cette évolution est cruciale pour préserver l'unicité des fonctions
essentielles de l'Internet tout en permettant la diversification
linguistique que réclament ses usagers.
Plus encore que le défi technique, il s'agit d'un enjeu symbolique
majeur. Il en va pour partie de la crédibilité de l'ICANN comme
organisme véritablement global. La Communauté mondiale attend beaucoup
de ce processus et observe l'ICANN.
Je ne vous surprendrai pas en vous disant que la France,
particulièrement attachée à la promotion de la diversité culturelle,
attache la plus grande importance à ce sujet. La réunion de Paris est
une occasion de réaffirmer cet objectif d'internationalisation.
Un accord cette semaine sur la procédure simplifiée envisagée pour l'
introduction des noms de domaines liés à des territoires (ccTLDs)
serait un pas significatif en ce sens. Ceci permettrait aux acteurs
concernés d'annoncer leur intention d'introduire des noms de domaines
liés à des territoires, et de valoriser le travail considérable qu'ils
ont souvent déjà accompli.
Je constate d'ailleurs avec intérêt que des coordinations et
concertations se sont informellement mises en place entre territoires
qui partagent le même système d'écriture. C'est le prélude à la
formation souhaitable de "communautés de script" qui permettront au
système de noms de domaine d'être géré de manière distribuée et selon
un principe de subsidiarité, au plus près des communautés concernées.
Ce sujet est l'un de ceux où la "coopération renforcée" devrait trouver
à s'exercer utilement, notamment avec l'OCDE, l'Unesco ou l'UIT. La
réunion de l'IGF à Hyderabad à la fin de l'année consacrera d'ailleurs
l'un de ses trois thèmes à cette question du multilinguisme et j'espère
que l'avancement des travaux au sein de l'ICANN d'ici là permettra d'y
faire état de progrès significatifs.
La transition institutionnelle, enfin
Vous le savez, la date du 30 Septembre 2009 marque l'échéance de l'
accord de projet commun (JPA) entre l'ICANN et le Département du
Commerce américain. Elle constitue un horizon temporel pour réaliser ce
qu'on appelle, depuis le White Paper de 1998, la "Transition de l'
ICANN".
Mais une "transition" n'est pas une conclusion. La transition de l'
ICANN ne se réduit donc pas à la fin du Joint Project Agreement. Il
doit s'agir au contraire du début d'une nouvelle phase institutionnelle
pour cette organisation pionnière de la gouvernance Internet.
Transition, donc, mais transition vers quoi ? Il s'agit à nos yeux de
placer l'ICANN sur sa trajectoire de viabilité à long terme ; il s'agit
de l'adapter à un environnement qui a considérablement évolué depuis sa
création ; il s'agit enfin de la rendre capable de traiter les
problèmes nouveaux liés au développement rapide de l'Internet et aux
transitions que je vient d'évoquer. Ceci demande des évolutions
substantielles et ne correspondra pas au seul achèvement de l'accord en
cours.
La réflexion sur la transition institutionnelle gagne toutefois à être
replacée dans une perspective plus large. L'ICANN est une expérience
originale, pionnière, l'un des tout premiers laboratoires de cette
gouvernance dite "multi-acteurs", mentionnée notamment à l'occasion du
Sommet Mondial sur la Société de l'Information (SMSI) à Tunis en 2005.
Au cours de ses dix premières années, l'ICANN a progressivement mis en
place plusieurs structures organisant la participation des diverses
catégories d'acteurs ; elle a élaboré et fait évoluer ses processus de
consultation et d'élaboration des politiques.
La transition envisagée pour la fin 2009 est en effet l'occasion de
franchir une nouvelle étape, de tirer les leçons des dix dernières
années, et de faire de l'ICANN un modèle encore plus accompli d'
organisation multi-acteurs, associant de manière appropriée la
communauté technique, les utilisateurs, le secteur privé mais aussi les
gouvernements, pour les questions de politiques publiques d'intérêt
général, aux diverses étapes de son fonctionnement.
L'évolution des modes de fonctionnement internes doit à nos yeux être
mieux prise en compte dans la réflexion sur la transition. Elle en
constituerait presque un fil conducteur. Mais cette nouvelle étape,
qu'un membre du Conseil qualifiait récemment de "moment
constitutionnel" pour l'organisation, ne pourra être franchie avec
succès que si l'architecture post-JPA est considérée par tous les
acteurs comme un progrès par rapport au cadre actuel et non comme la
victoire d'une communauté particulière sur une autre. Et c'est notre
responsabilité commune dans les consultations des prochains mois.
Un point donc pour finir sur la feuille de route proposée.
Je me réjouis que le processus de consultation qui sera lancé à Paris
s'annonce comme largement ouvert et inclusif, conformément à nos voeux.
Il est en outre de la plus haute importance qu'au-delà de la communauté
de l'ICANN, il touche aussi les acteurs qui n'en font actuellement pas
partie. Il importe enfin que les participants soient tenus
régulièrement informés de l'avancement des réflexions et de la prise en
compte de leurs commentaires.
L'organisation de consultations régionales multi-acteurs, mais aussi la
coopération avec d'autres organisations, contribueront grandement à la
réalisation de ces objectifs. Le groupe d'experts envisagé pourrait
utilement faciliter l'organisation de ces réunions.
Dans ce contexte, la France, qui assure vous le savez à partir du 1er
Juillet la Présidence de l'Union européenne, et qui accueille sur son
sol plusieurs organisations et structures internationales, est prête à
faciliter l'organisation d'une telle réunion pour les acteurs
européens, en liaison avec ses partenaires.
La France compte enfin profiter de sa Présidence de l'Union Européenne
pour lancer une réflexion européenne sur les évolutions de l'Internet,
en particulier sur sa gouvernance. C'est dans cette perspective, je l'
ai dit, que les Ministres européens en charge de la société de l'
information et des communications électroniques seront invités à
participer à une conférence les 6 et 7 octobre 2008, à Nice, portant
sur les enjeux politiques et technologiques de l'Internet du futur.
Cette conférence ministérielle permettra de nourrir des réflexions
communes qui seront reprises sous la forme d'un projet de conclusions
que la présidence française soumettra au Conseil de l'Union européenne
le 27 Novembre 2008.
Mesdames, Messieurs,
Le suivi des questions de gouvernance Internet fait partie du mandat
que m'ont confié le Président de la République et le Premier ministre,
et je suivrai avec attention l'évolution de vos travaux, notamment via
le représentant du gouvernement français et vice-Président du GAC,
notre délégué spécial pour la société de l'information, Bertrand de La
Chapelle.
La réunion de Paris est l'occasion pour moi de marquer l'importance que
nous attachons à ces enjeux et notre volonté de participer
constructivement aux débats à venir. Je félicite tous les acteurs
français (notamment l'AFNIC, les opérateurs, les bureaux d'
enregistrement et les diverses associations) qui participent depuis
plusieurs années à ces processus internationaux et je les encourage à
contribuer activement à ces discussions ainsi qu'à la réflexion engagée
au plan national.
Les mois qui viennent seront importants pour l'ICANN et j'espère que la
réunion de Paris donnera l'impulsion nécessaire pour franchir des
étapes significatives dans le traitement des quatre grands thèmes que
j'ai évoqués.
Je vous souhaite une excellente semaine de travaux et un très agréable
séjour à Paris.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 25 juin 2008