Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la solidarité et de la famille, sur le projet de loi sur la rénovation de la démocratie sociale et la réforme du temps de travail, Paris le 11 juin 2008.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Commission nationale de la négociation collective à Paris le 11 juin 2008

Texte intégral

Mesdames, Messieurs
La rénovation de la démocratie sociale est indispensable pour moderniser notre système de relations professionnelles et permettre la conduite des réformes dont notre pays a besoin. La vitalité de la démocratie sociale suppose de fonder le dialogue social sur des organisations renforcées. Elle suppose également de favoriser et d'élargir l'espace de la négociation collective notamment dans l'entreprise.
Dès le 18 juin 2007, le Gouvernement a transmis un document d'orientation invitant les partenaires sociaux à négocier sur les critères de la représentativité, les règles de validité des accords et la négociation collective dans les petites et moyennes entreprises. Ce document a été complété le 26 décembre 2007 par l'envoi d'un document additionnel leur demandant d'élargir leurs négociations d'une part à la question du financement des organisations syndicales et professionnelles, et d'autre part au sujet du temps de travail, leur soumettant notamment la question des domaines respectifs de la loi et de la négociation collective en la matière.
Le 10 avril dernier une position commune a été actée entre le MEDEF, la CGPME, la CGT et la CFDT sur ces questions.
Le projet de loi qui a été présenté traduit l'engagement pris de donner force obligatoire à l'esprit et à la lettre de cette position commune en matière de réforme des règles de notre démocratie sociale et de financement des syndicats. Il ouvre aussi des perspectives pour la négociation d'entreprise en matière de temps de travail avec des règles simples et rapidement applicables, dans la lignée des questions soulevées par le document d'orientation du 26 décembre 2007.
Il comporte trois axes. Une première partie refonde les règles de notre démocratie sociale autour de l'audience. Une deuxième partie pose des règles de transparence et de modernisation du financement des organisations syndicales. Une troisième partie simplifie de manière significative le droit du temps de travail et donne plus d'espace pour les heures supplémentaires et pour la négociation collective en matière d'aménagement du temps de travail.
1 - Pour renforcer la légitimité des acteurs de la négociation, il faut faire reposer celle-ci sur des critères rénovés et notamment l'audience électorale.
1. 1 Le principe fondamental de cette réforme de la représentativité des organisations syndicales, c'est que la légitimité ne s'acquiert plus d'en haut pour redescendre jusqu'au terrain dans le cadre d'une présomption irréfragable.
Conformément à la Position commune, le projet de texte prévoit que désormais la représentativité s'acquiert dans l'entreprise, le lieu où s'exprime le plus directement et le plus pratiquement possible les relations sociales, pour remonter jusqu'au niveau national.
Pour être représentatives, les organisations syndicales devront respecter les principes républicains, avoir une ancienneté de plus de deux ans, être indépendantes, rassembler des adhérents et recevoir des cotisations, garantir la transparence financière et exercer une influence. De plus, elles devront bénéficier d'une audience électorale appréciée selon des seuils à partir des résultats aux élections professionnelles. Désormais, ce sont les salariés et eux seuls qui décideront qui sera et ne sera pas habilité à négocier en leur nom dans les entreprises, dans les branches et au niveau national.
Le syndicat représentatif, qui pourra d'ailleurs être catégoriel s'il est affilié à une confédération syndicale national catégorielle interprofessionnelle, sera celui qui aura obtenu 10% des suffrages aux élections professionnelles dans l'entreprise et 8% aux niveaux des branches et interprofessionnel.
Le délégué syndical dans l'établissement représentera ce même syndicat et il devra lui-même avoir personnellement obtenu 10% des suffrages exprimés.
Le 1er tour des élections dans l'entreprise sera largement ouvert à tous les syndicats légalement constitués depuis au moins deux ans, indépendants et républicains.
Chaque syndicat existant depuis au moins deux ans pourra, avant de devenir représentatif si les salariés le souhaitent, nommer un représentant syndical dans l'établissement qui aura les mêmes attributions que le délégué syndical sauf le pouvoir de signer des accords collectifs ce qui ne sera acquis qu'avec la représentativité.
Cette réforme entrera en vigueur immédiatement dans les entreprises, dès les premières élections professionnelles, c'est-à-dire potentiellement dès 2008 ou 2009. Elle entrera en vigueur au moins 4 ans et au plus 5 ans plus tard pour les branches et le niveau interprofessionnel. La consolidation des résultats électoraux au niveau national nécessitera la mise en place d'un instrument de collecte incontestable et exhaustif qu'il nous faudra bâtir au plus vite, dans la transparence.
1.2 La démocratie sociale, ce sont aussi des accords plus légitimes et plus accessibles.
Désormais, tous les accords devront être fondés sur une légitimité d'adhésion de syndicats représentant au moins 30% des suffrages et sur l'absence de rejet de la part de syndicats représentant 50% au moins des voix.
Les possibilités de négocier seront également établies, y compris pour les 10 millions de salariés travaillant dans des entreprises dépourvues de délégués syndicaux. Le projet de loi laisse un délai d'un an pour que de nouveaux accords de branches, s'ajoutant aux 16 existants, puissent encadrer la négociation avec des élus du personnel ou des salariés mandatés par un syndicat, avant d'ouvrir plus largement cette possibilité de négocier.
C'est une avancée très importante pour l'accès à la négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux. Mais il y a aussi plus généralement une autre question : celle des 4 millions de salariés qui travaillent dans des entreprises de moins de 11 salariés.
La position commune a prévu un groupe de travail sur ces questions et j'ai bien noté l'intention des signataires de le réunir dès le mois de juin, sans attendre l'échéance de septembre qu'ils s'étaient fixés initialement.
Il me semble indispensable - et le projet de loi le prévoit - qu'une négociation nationale interprofessionnelle trouve très rapidement des solutions à l'ensemble des questions relatives au développement du dialogue social dans les TPE. Comment mesurer l'audience dans les branches où la majorité des salariés travaillent dans des très petites entreprises où il n'y a pas d'élections ? Comment assurer la représentation de ces salariés ? La réponse à ces interrogations est nécessaire pour que la réforme soit à la fois complète et opérationnelle.
Un Haut Conseil du dialogue social proposera les listes des organisations représentatives. Il pourra également proposer des évolutions des règles sur cette question du seuil de 8% au plan national, sur les modes de validation des accords et sur la question des organisations syndicales catégorielles. Ce Haut conseil sera composé sur une base très large afin d'impliquer tous les acteurs de la démocratie sociale.
2 - La deuxième partie du texte vise à garantir une meilleure transparence et du financement des organisations syndicales et des organisations professionnelles et à lui apporter une plus grande sécurité juridique
Un des critères de la représentativité sera désormais la transparence financière. Les ressources et les dépenses des organisations syndicales et professionnelles devront avoir un lien avec leur objet et être retracées dans des comptes annuels. Ces comptes devront être certifiés dès lors que les ressources dépasseront un certain montant.
Par ailleurs, le projet de loi sécurise les mises à disposition prévues par accord collectif d'entreprises vers des organisations syndicales de salariés ou d'employeurs.
Enfin, le projet de loi comporte une disposition encadrant le financement du dialogue social à travers une contribution des entreprises prévue par accord. Il s'agit des accords déclinant l'accord de décembre 2001 sur le financement du dialogue social dans l'artisanat. Ils ont déjà largement été étendus depuis leur signature, à l'exception de deux d'entre eux, mais j'ai entendu les critiques à leur sujet et j'ai voulu attendre la fin du contentieux judiciaire qui a conduit la Cour de cassation à les déclarer légaux en octobre 2007.
C'est la raison pour laquelle le projet de loi fixe un cadre posant un certain nombre de limites. Ces accords ont donc vocation à être étendus dans ces nouvelles limites légales après l'entrée en vigueur de la loi, dans le courant de l'année 2009.
3 - Enfin, la troisième partie du texte s'attache à offrir plus d'espace à la négociation d'entreprise ou de branche dans l'organisation et l'aménagement du temps de travail dans les entreprises.
L'efficacité de notre démocratie sociale suppose également que soit repensée l'articulation des rôles entre la loi et l'accord collectif, en élargissant le champ de la négociation collective. Il est en effet nécessaire de permettre aux accords d'entreprise de déterminer, au plus près du niveau où les décisions s'appliquent, l'organisation du travail la mieux adaptée au développement de l'entreprise comme aux attentes des salariés en matière de pouvoir d'achat et de gestion du temps.
Pour promouvoir le dialogue social sur le temps de travail, le document d'orientation du 26 décembre 2007 invitait donc les partenaires sociaux à repenser la définition des champs respectifs de la loi et de la négociation collective. La loi a en effet vocation à définir les règles nécessaires à la protection de la santé et de la sécurité de salariés, et la négociation collective peut voir ses prérogatives étendues, notamment en matière de contingent et de repos compensateur.
Les signataires de la Position commune ont négocié une disposition, à l'article 17 de cette Position, visant à permettre à certains accords d'entreprise de déroger, de manière expérimentale et sous condition, aux contingents conventionnels d'heures supplémentaires fixés par des accords de branche signés avant la loi du 4 mai 2004. Ils n'ont par ailleurs pas négocié de dispositions sur les autres questions soulevées par le document d'orientation du 26 décembre 2007.
Nous ne reprenons pas la réponse spécifique et expérimentale apportée par l'article 17, je l'assume. Mais nous nous inscrivons dans la logique de donner plus d'espace à la négociation d'entreprise, sur le sujet du contingent comme, plus généralement, sur celui de l'aménagement du temps de travail.
C'est un point de désaccord avec certains signataires de la Position commune, car il est clair depuis l'origine, et ceci a été dit en décembre 2007, que nous voulons réformer largement les règles issues des 35 heures pour favoriser une organisation du temps de travail adaptée à chaque entreprise.
Ce projet de texte vise à mettre en oeuvre une simplification et à donner une plus grande souplesse donnant toute sa place à la négociation collective, tout en maintenant dans la loi les principes fondamentaux du droit de la durée du travail. Les règles en matière de repos et de durées maximales demeurent ainsi inchangées, de même que la durée légale de 35 heures qui constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires et de leur taux de majoration et garantit donc le pouvoir d'achat des salariés.
Le projet fixe ainsi des règles simples : on pourra par accord d'entreprise fixer toutes les règles en matière de contingent et de repos compensateur. On pourra dépasser le contingent en consultant les institutions représentatives du personnel et faire faire plus facilement des heures supplémentaires.
Sur les forfaits, le projet pose des balises :
- accès uniquement à certains types de salariés cadres et autonomes dans la gestion de leur emploi du temps, aussi bien pour les forfaits jours que les forfaits heures,
- garantie en termes de pouvoir d'achat d'une rémunération majorée au-delà des seuils fixés par l'accord et de la durée légale,
- suivi de la charge de travail des salariés en forfaits en jours et nouvelle durée maximale de travail en jours. Enfin, le projet simplifie significativement la réglementation en matière de temps de travail en créant un nouveau mode unique d'aménagement négocié du temps de travail qui se substitue à quatre modes précédents avec des règles beaucoup plus souples. L'accord devra fixer les limites pour le déclenchement des heures supplémentaires, dans le respect de la durée légale. Il devra également fixer un délai de prévenance en cas de changement de durée ou d'horaires de travail qui sera d'au moins sept jours.
Ce projet de loi pose un nouveau cadre en matière de négociation collective et lui apporte de nouveaux espaces.
Il s'appuie en matière de démocratie sociale, comme cela a été le cas en matière de modernisation du marché du travail, sur un texte négocié dans le cadre de la loi du 31 janvier 2007.
Il traduit en matière de temps de travail les orientations politiques qui sont celles du gouvernement pour plus de souplesse au niveau de l'entreprise, dans la sécurité et en favorisant le pouvoir d'achat et le libre choix.
Ce sont maintenant les acteurs de l'entreprise, c'est donc à vous maintenant, de lui donner toute sa portée.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 16 juin 2008