Texte intégral
Monsieur le Président de la Commission, mon cher José Manuel,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les commissaires,
Mesdames et Messieurs,
La Présidence française du Conseil de l'Union européenne commence aujourd'hui. Et je veux vous dire que c'est avec beaucoup de plaisir que je reçois, à cette occasion, l'ensemble du Collège des commissaires et l'ensemble du Gouvernement français.
Je veux tout de suite te rassurer, mon cher José Manuel, nous abordons cette Présidence du Conseil de l'Union européenne avec beaucoup d'humilité et aussi beaucoup de gravité.
Beaucoup d'humilité, parce que nous mesurons la responsabilité qui est la nôtre de rassembler et d'entraîner 27 Etats membres, dont le moins que l'on puisse dire est que chacun a sa spécificité et son identité. Nous savons aussi qu'une Présidence de second semestre a peu de temps pour l'action. Le temps nous est donc compté, et c'est la raison pour laquelle nous avons tellement besoin de l'aide des Etats membres, de celle du Parlement européen et de celle de la Commission. Nous avons essayé de préparer cette Présidence française du mieux possible. Avec le président de la République, nous avons visité tous les Etats membres ; nous nous sommes rendus maintes fois au Parlement européen, et encore toute la semaine dernière, nous avons reçu, ici, à Paris, les groupes politiques du Parlement européen, et nous sommes heureux aujourd'hui d'accueillir la Commission au grand complet.
Mais nous abordons aussi cette Présidence avec gravité. Parce que la situation est difficile et que les défis s'accumulent :
- le processus de ratification du Traité de Lisbonne est retardé par la réponse négative du peuple irlandais ;
- la situation économique internationale se dégrade ;
- la crise financière n'a pas encore révélé toute son ampleur ;
- il y a une forte tension sur le marché des biens alimentaires ;
- la flambée des prix de l'énergie se poursuit ;
- le dérèglement climatique inquiète ;
- le défi des migrations est plus présent que jamais ;
- et enfin, le besoin de sécurité est fort en Europe.
Ces défis s'imposent à la Présidence française comme à la Commission. Ils doivent trouver une réponse.
Le Conseil européen nous a d'ailleurs donné un mandat clair pour les six mois à venir.
Il faut naturellement s'occuper de la question institutionnelle. Le processus de ratification se poursuit. Le dialogue avec l'Irlande sera permanent. Le Président de la République s'y rendra d'ailleurs au mois de juillet, et le Conseil européen d'octobre reviendra sur cette question pour examiner les voies à suivre.
Mais en attendant, l'Europe doit aller de l'avant.
Et comme le Conseil européen l'a souhaité, l'Union européenne doit prendre des décisions sur des questions concrètes, qui préoccupent et qui intéressent nos concitoyens. Elle doit montrer que, quels que soient les débats institutionnels, l'Europe fonctionne, l'Europe avance, l'Europe décide, l'Europe est capable d'apporter des réponses aux préoccupations de ses citoyens
C'est une nécessité pour regagner la confiance des peuples.
Je pense que, comme moi, vous sentez, vous constatez, que l'idéal européen s'est émoussé. Après le troisième « non » d'un peuple en quelques années, l'urgence, aujourd'hui, c'est de convaincre. Et pour convaincre, il faut agir dans les domaines qui concernent le plus directement nos concitoyens, ces domaines où chacun sait que le niveau européen est incontestable.
C'est bien sûr le cas pour le réchauffement climatique.
L'Europe doit prendre, dès cette année, les décisions internes qui rendront possible, en 2009, un accord mondial ambitieux, sans lequel nous savons que rien ne peut être fait pour assurer les équilibres naturels de la planète.
Ces décisions européennes sur le climat, nous savons qu'elles peuvent être prises !
La Commission a fait les propositions ambitieuses dont nous avions besoin. Nous devons préserver l'ambition et la cohérence de ces propositions. Nous devons aussi les adapter à la marge, pour mieux couvrir le risque de fuites de carbone, pour mieux inciter les pays en développement à participer à l'effort mondial, et enfin pour mieux dissuader certains Etats tiers qui seraient tentés d'échapper à leurs responsabilités.
La lutte contre le réchauffement climatique, c'est l'un des grands combats communs de la Présidence française et de la Commission. C'est un combat que nous relèverons et que nous gagnerons ensemble.
Nous devons aussi agir ensemble face à la flambée du prix du pétrole.
Le Conseil européen a confié à la Présidence française, en coopération avec la Commission, le mandat d'examiner rapidement toutes les mesures visant à limiter les effets de la flambée des prix du pétrole et du gaz. Ceci inclut notre proposition sur la TVA, mais aussi les autres propositions qui existent.
Nous allons très rapidement voir avec la Commission comment organiser les travaux et comment ensuite prendre les décisions qui s'imposent.
De même, c'est avec la Commission que nous voulons proposer à nos partenaires un plan ambitieux de sécurité énergétique avec, au premier rang, des mesures immédiates d'économies d'énergie. L'efficacité énergétique est la seule réponse structurelle possible à la hausse durable du prix de l'énergie.
Et c'est aussi une contribution indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique.
L'immigration est un sujet qui concerne tous les Etats membres, et encore plus peut-être ceux qui participent à l'espace de Schengen.
Avec la coopération de la Commission, nous pourrons, dès le mois d'octobre, adopter un Pacte européen sur l'immigration et sur l'asile, qui permettra de coordonner l'action des Etats membres et de l'Union européenne.
Ce pacte accompagnera l'adoption et la mise en oeuvre des directives ambitieuses que la Commission propose dans le domaine des migrations.
La crise alimentaire est une préoccupation croissante en Europe et dans le monde. Dans ce contexte, les propositions de la Commission sur le « bilan de santé » de la Politique agricole commune prendront toute leur importance. Nous avons l'ambition de conclure cette année le « bilan de santé » et de tracer la voie pour l'agriculture européenne de l'avenir.
Enfin, l'instabilité des marchés financiers et la conjoncture économique vont probablement rester un sujet de préoccupation majeur pendant notre Présidence.
La Commission et la Présidence doivent obtenir l'adoption dès cette année des mesures européennes indispensables pour la stabilité financière, que ce soit pour les agences de notation financière, pour les règles prudentielles des banques ou pour le secteur des assurances.
Nous devons également obtenir ensemble le renforcement de la coordination européenne en matière de supervision financière.
En ce qui concerne l'emploi, la Commission propose des mesures concrètes pour aider au développement des PME, PME qui sont la source principale des créations d'emploi en Europe.
Ces propositions ont été construites en étroite coopération avec la France. Il faut maintenant les traduire en décisions.
Un mot sur la politique sociale. Si elle appartient d'abord aux Etats membres - et les citoyens souhaitent majoritairement le maintien de cette compétence nationale ! - il est souhaitable d'établir des règles européennes minimales.
Elles sont indispensables dans une Europe de 500 millions d'habitants avec des niveaux de protection extrêmement différents. Ces règles permettent d'élever le niveau d'exigence sociale de certains Etats, tout en permettant aux autres de conserver leurs règles plus protectrices. On l'a bien vu avec l'accord au Conseil sur le temps de travail et sur la protection des travailleurs intérimaires.
La Commission, mon cher José Manuel, va proposer un « agenda social rénové ». Il traitera, entre autres, de la lutte contre les discriminations, du comité d'entreprise, du congé parental ou du droit à la santé.
Je veux te dire que la Présidence française fera tous ses efforts pour faire avancer ces propositions.
Enfin, notre Présidence entend enfin proposer des moyens pragmatiques pour remédier aux déficits de capacités civiles et militaires en Europe. C'est un sujet qui été identifié depuis longtemps, mais pour lesquels peu de chose ont été faites jusqu'à présent.
Je sais que c'est un enjeu complexe, c'est un enjeu sensible, mais j'ai la conviction qu'on ne peut pas tout à la fois vouloir l'Europe, et en même temps renoncer à la voir assumer clairement ses capacités diplomatiques et ses capacités militaires.
Cette démarche est d'ailleurs complémentaire des propositions de directives de la Commission sur les marchés publics de défense et sur la circulation intérieure des biens de défense. Ce sont deux textes européens importants, que nous ferons avancer et sur lesquels des décisions devront doivent être prises.
Monsieur le président de la Commission, Mesdames et messieurs,
Selon un sondage récent, seul 30% des Français considèrent que la construction européenne constitue une source d'avenir.
Naturellement, ce n'est qu'un sondage, mais nous savons bien, depuis 2005, qu'il est dangereux de négliger ces signaux d'alerte, comme il serait dangereux de mépriser le « non » irlandais.
Nous avons le devoir de démontrer aux Européens qui doutent que notre Union est utile. Il faut leur démontrer qu'elle est plus utile que jamais, qu'elle est plus indispensable que jamais.
Nous avons le devoir de démontrer que l'Union sait prendre les décisions nécessaires pour répondre à des défis d'ampleur continentale ou mondiale. Pour répondre à des défis pour lesquels aucun Etat membre n'a la taille suffisante, et le pouvoir, et les possibilités, et les moyens pour agir.
Eh bien ce devoir, je vous propose de l'assumer avec conviction et avec confiance. Je veux vous dire, Monsieur le président de la Commission, que mon gouvernement est tout entier mobilisé pour la réussite de l'Europe, pour cette magnifique aventure que le monde nous envie, et qu'il nous appartient de faire progresser.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 2 juillet 2008