Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, dans "Nice-Matin" le 7 juillet 2008, sur les coopérations policières européennes de lutte contre le terrorisme, la cybercriminalité, le trafic de drogue et la protection civile.

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Média : Le Var Nice matin - Nice matin

Texte intégral

Q - Un sondage récent indiquait que la préoccupation essentielle des Français s'agissant de l'Europe, concerne la lutte contre le terrorisme : que proposez-vous ?
R - Le terrorisme, c'est l'exemple le plus flagrant d'une menace intérieure venant de l'extérieur. Il y a de moins en moins de frontières entre sécurités intérieure et extérieure, d'où la nécessité à la fois d'anticiper les risques dans les pays où des actes terroristes peuvent se préparer et de coordonner, ici en Europe, une réponse appropriée.
Q - Comment ?
R - A l'extérieur de nos frontières, il s'agit d'identifier et de surveiller les réseaux. A l'intérieur, il faut organiser notre réponse au cas où un attentat se produirait. Le terrorisme recherche une médiatisation maximale pour désorganiser nos sociétés. Un événement sportif, un sommet international type G8, très médiatisés, nous obligent à une grande vigilance. Il faut aussi être prêts à intervenir. Je vais donc proposer à tous les services européens concernés, un exercice commun de simulation d'attaque.
Q - Avec, pour les terroristes, mais pas seulement, un outil de plus en plus utilisé : Internet. Quelle parade à la cybercriminalité ?
R - Internet est utilisé pour recruter des agents, envoyer des messages de propagande, apprendre à fabriquer des explosifs, mais aussi pour commettre des escroqueries. Je vais doubler le nombre de cyber enquêteurs et proposer des actions européennes.
Q - Y compris en matière de lutte contre la pédopornographie ?
R - La France dispose déjà d'une plate-forme de signalement de ces sites. Je vais proposer à mes homologues la création d'une plate-forme européenne de signalement des sites pédopornographiques, qui pourrait être confiée à Europol.
Q - Quand le trafic de la drogue, lui, ne faiblit pas mais connaît d'autres cheminements ?
R - Le trafic de drogue, n'a pas de conséquences qu'en matière de santé publique. Des quartiers entiers sont déstabilisés par l'économie souterraine qu'il génère. Il sert aussi souvent à financer le terrorisme.
Q - Obtient-on de meilleurs résultats dans la lutte contre ces réseaux souvent mafieux ?
R - Les saisies de drogue, depuis le début de l'année, ont été multipliées par trois par rapport à la même période pour 2007, notamment grâce à la relance des GIR. Le centre européen de renseignements de Lisbonne, tourné vers les trafics dans l'Atlantique, a aussi permis d'effectuer de grosses prises.
Q - La Méditerranée, aujourd'hui, n'est-elle pas concernée ?
R - Au-delà du trafic de cannabis, l'action de police menée dans l'Atlantique conduit les trafiquants vers la Méditerranée. C'est pourquoi je vais proposer la création d'un centre européen en méditerranée, et je soutiendrai la candidature de Toulon.
Q - Des rivages méditerranéens par ailleurs très touchés, l'été surtout, par des incendies souvent terribles. Faut-il créer une protection civile européenne ?
R - Oui, en rapprochant les savoir-faire et les formations, en faisant mieux travailler ensemble les forces dont nous disposons, en rendant compatibles nos matériels. Je souhaite multiplier exercices en commun et stages. Il faut tirer aussi les enseignements de l'été dernier, où en Grèce les canadairs des pays différents ne pouvaient pas communiquer entre eux. L'efficacité exige des matériels inter-opérables.
Q - Tout cela a-t-il un gros coût ?
R - Non, il s'agit avant tout de faire converger les outils, les moyens, les procédures. S'il manque certains matériels nous y travaillerons ensemble.
Q - La solidarité européenne pour laquelle vous plaidez doit-elle passer par des structures communautaires bien définies ?
R - Je propose que les pays se regroupent par trois, quatre ou cinq en modules, sur une base de volontariat. Ces modules pourraient être soit polyvalents pour les incendies, inondations, séismes, accidents industriels, et alternativement en alerte, soit composés en raison des spécialités d'intervention des pays. Un Etat serait à chaque fois responsable du groupe et garant de la réactivité.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juillet 2008