Conférence de presse de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur le projet de loi sur les réserves, Paris le 27 janvier 1999.

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Circonstance : Présentation en Conseil des ministres du projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, le 27 janvier 1999

Texte intégral

Mesdames et messieurs,
Comme vous le savez, nous avons adopté aujourdhui au Conseil des ministres le projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de défense. Cest un événement de grande importance car ce projet de loi est le dernier élément de nature législative nécessaire à la mise en oeuvre de larmée professionnelle.
Je ne vais pas détailler lensemble des aspects techniques de ce projet. Vous avez dailleurs un dossier de presse très complet. Je souhaite plutôt développer la cohérence de ce projet avec les réformes en cours, la méthode de concertation que nous avons menée, et certains éléments clés qui aident à la compréhension des nouvelles réserves.
Cest la volonté constante du gouvernement de renouveler le lien armées-nation, dans le contexte de professionnalisation des armées, qui a guidé nos travaux. La loi portant réforme du service national en a été une des premières expressions concrètes : elle a instauré un parcours de citoyenneté pour toutes les jeunes Françaises et tous les jeunes Français avec, comme cur, lappel de préparation à la défense. Ce parcours permet justement à nos concitoyens qui le souhaitent de pouvoir servir sous les drapeaux sans expérience préalable et sans en faire leur métier, notamment par un engagement à servir dans la réserve. Ainsi, à une ancienne réserve constituée pour une large part danciens du service militaire, maintenus dans cette obligation, se substitue une réserve ouverte à tous, hommes et femmes, dont leffectif proviendra à terme de concitoyens volontaires pour y servir. La collectivité nationale sassure par ce mécanisme un relais particulièrement efficace entre les milieux civils et militaires.
Vous voyez que nous avons là un défi particulier à relever : il nous faut nous donner les moyens dintéresser nos jeunes concitoyens à la réserve, et leur donner concrètement la possibilité de sy engager de manière compatible avec leur vie professionnelle ou sociale.
Sur le premier point, les premiers résultats de lappel de préparation à la défense sont encourageants :
sur les 140 000 jeunes hommes qui ont participé à cette journée depuis le 3 octobre 1998, environ 24% se sont déclarés intéressés par un nouveau contact avec les armées, et notamment par le dispositif des préparations militaires, les réserves ou le volontariat. Il y a évidemment ceux qui sont intéressés par un engagement professionnel, ce qui ménage une marge supérieure à 10% de la classe dâge intéressée. LAPD fut en partie créé pour permettre à des jeunes de découvrir la vie militaire par le dispositif des préparations militaires et des réserves. Les préparations militaires, qui permettent aux jeunes intéressés de découvrir la vie militaire et de sinitier à celle-ci, joueront dailleurs un rôle particulièrement utile en leur permettant de faire un choix reposant sur une première expérience concrète et daccéder à la réserve.
Quant au deuxième point, cest justement le projet de loi qui y répond, en établissant des dispositions qui garantissent les intérêts des uns et des autres, réservistes et employeurs.
Lautre raison majeure de cette réforme est de nature opérationnelle. Notre réserve de masse, nombreuse, qui répondait aux besoins dun conflit majeur en Europe, nétait plus, avec la fin de la guerre froide, adaptée aux missions de larmée professionnelle. Ce point est essentiel pour comprendre cette réforme. Désormais, la réserve est une réserve au format certes resserré, 100 000 postes de réservistes, mais totalement intégrée aux forces dactive et à la gendarmerie nationale. Il ny a plus de concept demploi spécifique aux réserves. Toutes les forces, dactive comme de réserve, peuvent concourir à la réalisation de la totalité des missions que lautorité publique peut assigner aux armées, que ce soit pour les opérations extérieures, pour la défense du territoire ou pour le secours et la sécurité des populations. Cette exigence nécessite que le recours aux réservistes, recours individuel ou collectif, puisse se faire, dans les meilleures conditions, y compris rapidement, ce qui impose également détablir une disponibilité adaptée.
Par ailleurs, léquipement de ces réserves sera identique à celui des unités dactive, ce qui change des pratiques anciennes et souvent critiquées pour leur côté parfois obsolète. Je reviendrai sur les dispositions de la loi qui garantissent les intérêts de tous. Mais avant, je souhaite illustrer concrètement par des exemples lemploi des réservistes.
Sur les 100 000 postes de réservistes, 50 000 seront dans la gendarmerie nationale. Je rappelle quainsi, aux côtés des gendarmes adjoints dont le recrutement en cours donne pleinement satisfaction, nous disposons là dun renfort de qualité qui sinscrit dans la volonté du gouvernement de placer la sécurité publique au coeur de ses priorités. Les réservistes de la gendarmerie pourront directement renforcer les capacités des unités territoriales, brigades et PSIG [Peloton de Surveillance et dIntervention de la Gendarmerie], ou les structures de commandements. Le recours pourra avoir lieu de manière déconcentrée, au niveau du département, lors dévénements prévisibles de grande ampleur, de calamités... Il pourra également être envisagé à titre individuel, dans des actions de prévention, sécurisation de transports publics, prévention routière, ou au profit du lien armées-nation, présence sur des stands dinformation, participation à lencadrement de lAPD et des préparations militaires. Par ailleurs, des escadrons et des pelotons de gendarmerie mobile seront constitués, susceptibles dêtre engagés en tout point du territoire en renfort de lactive, par exemple dans des missions de sécurisation des zones sensibles. Larmée de terre disposera pour sa part de 30 000 réservistes. Par exemple, chaque régiment dactive comprend une Unité de Réserve de Régiment Professionnalisé, lURRP, présentant un effectif de 130 personnes. Ce sont des unités de combat, entraînées, disposant du même équipement que les unités dactive, susceptibles de participer à toutes les missions du régiment, y compris à lextérieur. Ainsi, chaque régiment de combat comprendra 5 compagnies dont une de réservistes.
Sans être exhaustif, et pour continuer à citer des exemples, pour la marine, nous aurons 6 500 réservistes, qui apporteront leur concours dans le domaine des renforts détat-major, ou de la protection-défense. Larmée de lair utilisera ses 8 000 réservistes dans des missions de nature identique, dans les unités de protection des bases ou dans les fonctions de soutien des bases. Le service de santé utilisera 7 000 réservistes, pour assurer le remplacement ou le renfort des personnels techniques dactive de ses propres hôpitaux et également la constitution des formations sanitaires de chaque armée. Enfin, les 500 réservistes du service des essences renforceront les tâches de soutien pétrolier des unités. Ces exemples illustrent bien que les réservistes sont là dès le temps de paix pour permettre à lensemble des forces et à la gendarmerie nationale de remplir la totalité de leurs missions.
Je voudrais citer un dernier exemple. Il sagit du besoin en spécialistes, dans des domaines spécifiques, je pense aux actions civilo-militaires. La réserve constitue un cadre parfait dans lequel ce type de compétence est indispensable et peut être recruté et utilisé efficacement. La loi contient une disposition un peu comparable à celle qui figure dans lorganisation de lactive avec le rôle de la filière dexpertise : nous avons prévu de conférer des grades aux détenteurs dun certain nombre de spécialités dans la réserve.
Jajoute simplement que jentends consacrer aux réserves les moyens nécessaires. Ainsi, le budget 1999 présente une augmentation de 40 millions de francs des crédits affectés aux réserves par rapport à 1998. Cette progression se poursuit sur la période de programmation : en 2002, les crédits sélèveront à 584 MF en francs 1995 [600 MF environ en 2002], soit une progression de 140% par rapport à 1997.
Je vous lai dit tout à lheure, pour permettre aux hommes et aux femmes désireux de sengager dans la réserve, pour assurer la disponibilité dont nous avons besoin, il fallait garantir les intérêts des parties prenantes, réservistes, employeurs et Etat.
Tout dabord les réservistes. En terme de statut, cest un des points clés, les réservistes seront certes des militaires à temps partiel, mais des militaires égaux en tous points aux autres militaires pendant leurs périodes dactivité : ils bénéficient par exemple des dispositions du code des pensions civiles et militaires, dun régime de rémunération correspondant à celui de leurs camarades dactive, des soins du service de santé des armées ... Ils sont tenus également aux mêmes devoirs et, de ce fait, bénéficient de la même reconnaissance de la Nation. Leur engagement pour servir dans la réserve seffectue dans un cadre contractuel formalisé qui est lESR. Par une modification du code du travail, le réserviste bénéficie de la garantie de réintégration dans lemploi civil à lissue de la période dactivité et du maintien dans son régime de protection sociale habituel.
Pour ce qui concerne lemployeur, la loi établit clairement le préavis dun mois que le réserviste doit donner à son employeur pour linformer de ses périodes dactivité à venir. Ce préavis permet concrètement à lentreprise dadapter, si nécessaire, lorganisation de son activité. Mais si la période est plus longue, le préavis sera de deux mois et lemployeur pourra sy opposer. Les intérêts économiques et la volonté de maintenir un contrat fiable entre le salarié réserviste et son entreprise ont la priorité. Lactivité réelle ne doit pas être limitée à des gens qui auraient une totale liberté professionnelle ou qui seraient en marge du monde professionnel. Mais au delà de ces dispositions législatives, cest dans la réalisation dun véritable partenariat entre IEtat et lentreprise que réside lune des clés du succès. La loi permet que, désormais, nous puissions rechercher avec lentreprise au cas par cas, de manière personnalisée, des dispositions de nature conventionnelle plus favorables. Ces entreprises pourront se voir ainsi attribuer la qualité de « partenaire de la défense ». Pour la mise en oeuvre concrète, le conseil supérieur détude des réserves, que jai créé en mai 1998, est en train de définir le cadre général de ces futures conventions. Il sagira ensuite, pour nous et chaque employeur, de les adapter afin de disposer constamment dun cadre conventionnel adapté.
Je voudrais maintenant vous parler de la méthode. Jai engagé un travail de concertation méthodique avec lensemble des partenaires, pour dégager le plus large consensus. Un tel projet ne réussira que sil crée les véritables conditions dun intérêt mutuel de tous. Le conseil supérieur détude des réserves, qui regroupe les plus hautes autorités du ministère de la Défense et les douze associations de réservistes les plus représentatives au niveau national, a servi de cadre pour la concertation avec les réservistes. Ceux-ci ont été une force de propositions particulièrement riche et dynamique.
Les grandes organisations demployeurs ont pu faire valoir leur contraintes propres à loccasion de travaux approfondis avec le ministère de la Défense et tout particulièrement le MEDEF et la CGPME. Jai reçu personnellement Monsieur Sellières sur ce sujet, et nous avons pu constater une convergence sur lessentiel des questions.
Jai souhaité également me placer au-delà des clivages politiques traditionnels, en recueillant les réflexions de certains parlementaires des deux chambres qui marquent pour cette question un vif intérêt personnel.
Il me semble ainsi, sans préjuger du débat démocratique que nous tiendrons au Parlement, que la qualité des travaux préparatoires que nous avons réalisés nous permettra de nous recentrer sur les questions essentielles. Ceux qui voient le débat sur les réserves comme une occasion de revenir sur le principe de la professionnalisation se heurteront à la cohérence de la réforme en cours. Le rôle des réservistes est dêtre des citoyens prenant leurs responsabilités dans le cadre dune armée professionnalisée. Sil devait y avoir une démarche de remontée en puissance à la suite dun changement complet doptions de défense, lié à une nouvelle analyse de la situation stratégique, le dispositif de réserve serait à revoir complètement.
Enfin, le deuxième volet de ce projet de loi, relatif au service de défense, prolonge bien notre volonté de traduire dans les faits que cest bien la Nation toute entière qui est impliquée dans la Défense nationale. En effet, il nous a paru essentiel de redonner au service de défense, qui trouve son fondement dans lordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense, des bases législatives modernisées. En tout état de cause, lorganisation actuelle du service de défense est définie par le code du service national, dont les dispositions sont suspendues au 1er janvier 2003. Le nouveau texte donne au Gouvernement la possibilité dutiliser une procédure cohérente de mise à disposition collective. En cas de menace grave ou de crise majeure, des personnels de la fonction publique, ainsi que des entreprises publiques ou privées qui assurent des fonctions vitales pourront être maintenus à leur poste. Là encore, cest par le biais dun travail méthodique de concertation interministérielle menée sous légide du SGDN, et je remercie Jean-Claude MALLET pour sa contribution personnelle, que ces dispositions ont pu être mises au point. Pour conclure, je dirai simplement que le gouvernement dispose maintenant dun texte cohérent, équilibré, qui prend en compte les éléments issus de notre phase de concertation, exemplaire à maints égards. Nous connaissons les enjeux. Nous sommes en passe de nous donner les moyens de réussir.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
PIERRE-MARIE GIRAUD (AFP)
Quand souhaitez-vous entamer la discussion de votre projet de loi à lAssemblée Nationale ?
ALAIN RICHARD
Sous peu. Lobjectif auquel nous travaillons, Daniel VAILLANT et moi, avec lassentiment du Premier Ministre, est une première lecture du texte au Sénat, au premier semestre, pour permettre une première lecture à lAssemblée Nationale également dans cette session, avant fin juin. Notre calendrier est donc assez serré pour ladoption du projet de loi de sorte que, dans les cinq mois qui restent, les deux Assemblées aient pu faire la première lecture. La Commission des Affaires Etrangères et de la Défense du Sénat a lintention de procéder à des auditions et un travail denvironnement sur ce projet. Il est vraisemblable que jirai devant la Commission début février, sans compter les auditions de fin février ou début mars. La Commission du Sénat sera en mesure de rapporter à la mi-mars.
JEAN-PIERRE BIOT (PARIS-MATCH)
Les réservistes dans la Gendarmerie pourront-ils être OPJ [Officier de Police Judiciaire] ? Comment est-il possible de prévoir une crise grave avec un mois de préavis ?
ALAIN RICHARD
Ces réservistes pourront être OPJ. Il y a 50 000 mille réservistes dans la gendarmerie : il y aura des contacts réguliers entre les réservistes et lorganisation dactive ce qui favorisera la mobilisation. Mais, en un mois, les participations sont déjà très importantes.
PATRICE DESAUBLIAUX (LE FIGARO)
On estime quil y aurait environ seulement 20 000 réservistes entraînés. On est loin des 100 000. Le nouveau système se mettra progressivement en place dici la fin de 2002. Quelles sont les priorités que vous allez avoir en ce qui concerne le remplissage de ces réserves ? La lutte contre la délinquance dans les secteurs périurbains est-elle une priorité où pourraient intervenir non seulement des réservistes de la gendarmerie mais éventuellement ceux de larmée de Terre ?
ALAIN RICHARD
La base de départ est certes nettement plus limitée que lobjectif fixé. Chaque armée a sa composante de réserve dont le rôle complémentaire est bien identifié : il faut quannée après année, y compris cette année 99, les différentes formations de réserve se structurent et sincorporent aux forces. Dans larmée de Terre, chaque régiment aura progressivement son unité de réserve rattachée. Mais on ne va pas définir, notamment cette année, une mission exclusive pour une force de réserve qui serait structurée avant les autres. Les réponses aux impératifs de sécurité intérieure sappuieront sur une palette de moyens mais pas particulièrement sur le développement dune réserve mono-fonctionnelle. Il y a aussi les considérations de structuration des forces : cest un des thèmes de travail des Etats-majors.
PHILIPPE DELAUNES (AEROSPATIALE WORLD NEWS)
Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur la possibilité de postes offerts aux officiers honoraires ?
ALAIN RICHARD
Nous tenons au principe de lhonorariat parce quil assure la durée de contact entre les réservistes et le monde de la Défense. Le principe de première réserve et de deuxième réserve se décline dans le temps. La première réserve sadressera évidemment en priorité à des éléments relativement jeunes, aux classes immédiatement postérieures aux limites dâges de chaque grade dans lactive. Si des gens quittent la première réserve à 40 ou 45 ans, ce serait un gaspillage que ces hommes et femmes ne soient plus jamais sollicités dans les activités de la Défense. La seconde réserve est donc le maillon qui permet de maintenir ce contact. Les activités dans lesquelles seront sollicités les honoraires qui le souhaiteront, relèvent essentiellement de la communication, de lintégration et de la formation dans le cadre du maintien du lien armées/Nation : toutes les activités dinformation extérieure du public, lencadrement de lAPD et dactivités complémentaires pour les jeunes, ce sera aussi le rôle des associations de réservistes. Le choix législatif est dassimiler les honoraires, qui rendraient un service sans être placés en position dactive, à la catégorie des collaborateurs bénévoles de service public. Sils commettent une faute qui déclenche une responsabilité de la puissance publique ou sils subissent un dommage, ils sont couverts par les règles de responsabilité des collaborateurs bénévoles.
BERNARD EDINGER (REUTER)
Monsieur le Ministre, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, la motivation est la « prime de la troupe de réserve », le complément de salaire. Les experts ont-ils fait une étude de marché sur la réserve française qui sera en concurrence avec larmée dactive ? Le réservoir existe-t-il en France pour avoir un tel nombre de jeunes engagés et réservistes par an ?
ALAIN RICHARD
La réponse réside dans la place des périodes de réserve à lintérieur de la vie professionnelle. Le schéma de base est une période de trente jours, soit chaque année, soit une année sur deux par exemple. Le système de référence consiste à ce quun jeune professionnel soit dabord un salarié ou un chef dentreprise, qui consente une certaine disponibilité prise sur sa vie professionnelle pour la période de réserve. Les questions dindemnisation ne sont pas négligeables, doù le principe que chacun aura les rémunérations du personnel dactive selon son grade et sa fonction. Mais lessentiel de lengagement de servir dans la réserve consiste à prélever sur son temps de travail une certaine disponibilité. Il y a aujourdhui des entreprises qui acceptent de maintenir leur salaire aux réservistes qui font une période. Et notre intérêt est que les entreprises acceptent que les réservistes en période gardent leur salaire. Dans le cas de la Fonction Publique, nous cherchons également une solution de conciliation du même type. Il existe aussi le cas des périodes de cent vingt jours, dans lhypothèse du renforcement dune unité concernée par une opération extérieure. Il y a deux cas dextension de la période normale de trente jours par an : lencadrement de lAPD et les réservistes qui serviront en opérations ou assureront un remplacement de longue durée dans une unité en opération extérieure. Pour des spécialités pointues, on peut aussi avoir recours à des ingénieurs, des techniciens du domaine humanitaire, des juristes ou des administratifs : on peut utiliser, pour la période de cent vingt jours de réserve, des professionnels à temps partiel et avoir peut-être des niveaux de rémunération autres que ceux des militaires de même grade.
ANNE-CATHERINE SOUCHON (INDEPENDANTE)
Monsieur le Ministre, vous allez embaucher à temps partiel des professionnels qui seront des réservistes. Nauront-ils pas de formation militaire proprement dite, se contentant dapporter leur savoir-faire ?
ALAIN RICHARD
Ce cas est une exception. Le texte prévoit que chaque cas fera lobjet dun arrêté ministériel. La grande majorité des réservistes auront une formation militaire. On a simplement prévu que des gens qui ont une expertise particulière pourraient se voir attribuer un grade sans formation militaire.
ANNE-CATHERINE SOUCHON
Quelle sera la durée de la période de formation militaire ?
ALAIN RICHARD
Le mois annuel sera en grande partie consacré à des activités complémentaires dentraînement et de formation. A partir du moment où vous avez signé lengagement de servir dans la réserve les cinq jours sur la période de travail, une partie des activités des réservistes se déroulera en fin de semaine. Mais dans la période annuelle dengagement dun mois, il y aura une partie importante de perfectionnement. Sur la seconde année, un réserviste ne retrouvera pas forcément les mêmes matériels et devra shabituer aux nouveaux.
NICOLAS GROS-VERHEYDE (MAIRES DE FRANCE)
Le texte ne se trouve pas en codification dans la législation du service national. Cela ne va-t-il pas à lencontre du souci de consolidation des textes existants ?
ALAIN RICHARD
Il doit être codifié bientôt.
NICOLAS GROS-VERHEYDE
Où en est le projet de loi concernant les volontariats civils, même sil nest pas directement sous votre égide ?
ALAIN RICHARD
Je crois que mes collègues des Affaires Etrangères et de la Coopération sont prêts. Ils attendent une niche parlementaire.
JEAN-PIERRE FEREY (TF1)
Quel serait lintérêt pour une personne dont la rémunération est très élevée dêtre volontaire réserviste
?
ALAIN RICHARD
Lintérêt de la réserve nest pas financier. La réserve crée un rapport civique et présente un intérêt technique. Lidée de définir un supplément de rémunération ou de compensation économique pour certains réservistes par rapport à dautres serait contraire au principe dégalité et renvoie à des questions transversales du type des indemnités journalières en cas dindisponibilité pour les professions libérales. Un cadre du BTP, sil fait des périodes de réserve dans le Génie, ne perdra pas son temps parce quil sera maintenu au contact de techniques différentes de celles de son entreprise. Il y a beaucoup de médecins qui acceptent de prendre sur leur temps dexercice pour faire des activités de formation permanente parce quil y a un intérêt humain et professionnel. Ils se mettent au contact dune autre pratique de leur profession.
PATRICE-HENRY DESAUBLIAUX (LE FIGARO)
Monsieur le Ministre, il est question dune façon un peu confuse dune deuxième réserve. Pouvez-vous nous préciser son ampleur ?
ALAIN RICHARD
La mission de ce projet concerne lensemble des activités du lien armée/Nation. Cela correspond à des activités concrètes dans lesquelles les réservistes actifs sinvestissent beaucoup. Le principe de la deuxième réserve est de donner une existence légale à cet ensemble dactivités. Quant à leffectif, il sera sans doute variable dans le temps mais notre objectif est que le maximum des anciens volontaires de la première réserve restent dans la deuxième et que des gens qui ont fait une préparation militaire sans engagement personnel dans la première réserve, acceptent dêtre inscrits dans la deuxième réserve.
PATRICE-HENRY DESAUBLIAUX
Cest une citoyenneté améliorée ?
ALAIN RICHARD
Oui, avec la volonté insistante des pouvoirs publics de procéder pour les armées à une professionnalisation ouverte avec le maximum de passerelles. La masse des réservistes est un support absolument vital de cette relation.
BERNARD EDINGER
100 000 réservistes sont recherchés jusquà la professionnalisation des armées, larmée de Terre cherchant à recruter seule, chaque année, 4 500 hommes. Ils sont passés à une demande de 10 000 par an, pour trois ans...
ALAIN RICHARD
... Ce doit même être davantage si on ajoute les volontaires.
BERNARD EDINGER
... 90% des réservistes seront des jeunes gens qui nont pas ou peu de qualifications. Or, ce jeune homme, sil a la fibre militaire, va sengager. Quest-ce qui le poussera à être réserviste un mois par an ? Où allez vous les chercher ?
ALAIN RICHARD
Une partie des jeunes regrettent la disparition du service national. Ce nest pas la majorité mais il y a cette demande. Notre dispositif se fonde sur le postulat quil y a une fraction suffisante dans la population française, et notamment parmi les gens de 18 à 35 ans : on cherche 100 000 personnes, la population cible étant une quinzaine de tranches dâges de 700 000 personnes chacune, soit 10 millions de personnes. La préparation militaire touche entre 5 et 8% dune classe dâge par an. Il sera facile de motiver le quart ou le cinquième de ceux qui ont cette volonté de contact pour garder un lien technique et humain avec le monde de la Défense et sengager dans une période qui serait de cinq jours établis et trente jours volontaires par an. Le nombre de gens volontaires pour servir dans la sécurité civile ou chez les sapeurs-pompiers volontaires est encourageant. Par ailleurs, la loi inscrit un principe de disponibilité des anciens militaires pour une période de un à cinq ans en fonction de leur durée de service en tant que professionnels, afin dassurer une sorte de socle de sécurité et de pourvoir aux besoins deffectifs.
(Source http://www.defense.gouv.fr, février 1999)