Déclaration de Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales, sur l'organisation territoriale des services de l'Etat, notamment des sous-préfectures, et sur la sécurité, Paris le 17 avril 2008.

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Circonstance : Réunion des préfets à l'hôtel Beauvau, à Paris le 17 avril 2008

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Préfets,
Madame la Secrétaire générale,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Les mois qui viennent seront denses.
Je ferai d'abord le point sur la mise en oeuvre des priorités déjà fixées avant d'évoquer la Présidence Française de l'Union Européenne.
Plusieurs chantiers d'importance ont été lancés lors de nos dernières réunions.
L'action territoriale
L'organisation territoriale des services de l'Etat autour du réseau préfectoral a pour objectifs de regrouper les services départementaux pour renforcer la cohérence de l'Etat vis-à-vis du citoyen, des élus locaux, de l'ensemble de ses partenaires, sa lisibilité, l'interministérialité, et de mutualiser les ressources humaines et les moyens logistiques.
Nous avons décider de procéder par étapes.
L'expérimentation d'une nouvelle organisation des services de l'Etat dans le Lot, dite "OSE", a été présentée au Président de la République lors de son déplacement à Cahors.
Le Président de la République a annoncé que l'expérimentation sera étendue aux sept autres départements de la région Midi-Pyrénées.
Je confierai au nouveau préfet de région la mission d'animer et de coordonner l'extension du dispositif. Sa mise en oeuvre commencera au 1er janvier 2009.
Parallèlement, nous poursuivrons au niveau central nos réflexions et propositions pour faire avancer nos priorités, notamment sur celle de la mutualisation des moyens sous l'égide des préfets.
Je n'insisterai pas sur l'importance de réussir ces démarches. Elles sont essentielles pour que nous allions au bout de ce que nous voulons.
En ce qui concerne la carte territoriale des sous-préfectures, j'ai demandé à Mme la Secrétaire Générale de me faire des propositions en lien avec vous, préfets de région et de département, suivant les principes suivants.
Il n'est pas question de fermer plusieurs dizaines de sous-préfectures pour mettre en oeuvre un quelconque plan d'économie fondé sur des critères technocratiques.
La répartition des sous-préfectures doit s'apprécier en fonction des services rendus à la population et aux élus et en fonction de la nécessaire présence de l'Etat dans chacun des territoires.
Il y a une attente des Français de présence et d'autorité de l'Etat.
Un relais de proximité s'impose dans les zones où l'accès de chacun aux services de l'Etat est plus difficile à garantir en raison de la distance et de l'isolement.
Inversement, dans certaines zones urbaines très denses et qui ne connaissent pas de difficultés particulières, il peut y avoir des présences de l'Etat aujourd'hui redondantes. Elles peuvent être remises en causes sans pénaliser le service public tout en apportant des économies. Ce que l'on vise, c'est la rationalisation.
Alain MARLEIX évoquera devant vous les sujets des finances locales, de l'intercommunalité et du statut de l'élu local. Je m'en tiendrai à deux thèmes.
Pour les finances locales, le temps est venu d'un partenariat responsable entre l'Etat et les collectivités.
Dans la continuité du contrat de stabilité de 2008, une relation de confiance doit s'établir pour associer les collectivités à l'effort indispensable de maîtrise des finances publiques. Votre sens de la pédagogie devra y contribuer.
En ce qui concerne l'intercommunalité, les solutions autoritaires ont toujours montré leurs limites. C'est le pragmatisme et le sens des réalités locales qui doivent guider vos appréciations. Ayez toujours à l'esprit également les enjeux financiers de certains projets. L'effet d'aubaine ne saurait tenir lieu d'ambition intercommunale réellement partagée.
Le domaine de la sécurité m'avait donné l'occasion de vous fixer un certain nombre de priorités. Vous avez reçu une circulaire fixant les objectifs pour 2008.
La persistance de la menace terroriste nous oblige à rester vigilants. La France, comme l'ensemble des pays européens, demeure une cible privilégiée.
La France est dans l'oeil du cyclone, pas plus que les autres pays, pas moins non plus.
Je rappelle l'importance que vous devez accorder à l'application réelle des consignes. N'hésitez pas à :
- renouveler les instructions aux chefs des services de l'Etat.
- rappeler leurs obligations aux responsables des principaux sites sensibles. Faites application de la loi anti-terroriste de 2006 qui vous permet d'imposer la mise en place de la vidéoprotection.
Je vous avais par ailleurs demandé une mobilisation contre la drogue et la toxicomanie.
La drogue et l'économie souterraine sont de véritables facteurs de déstabilisation.
Un plan national d'action sera prochainement présenté. Je compte sur votre mobilisation. Vous entendrez cet après-midi Etienne APAIRE, président de la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie.
L'intervention des GIR doit être recentrée sur la lutte contre la drogue. J'ai réuni en janvier dernier les 30 chefs de GIR, en présence des Directeurs Généraux des Douanes, des Impôts et de la délégation de lutte contre la fraude.
Les priorités que j'ai fixées sont les suivantes :
- Recentrer l'activité des GIR sur le coeur de leur mission : la lutte contre l'économie souterraine.
- Solliciter les GIR davantage en amont, en créant un "réflexe GIR" au sein des forces locales de police et de gendarmerie.
- Favoriser la dimension partenariale des GIR en travaillant avec les services fiscaux, les CPAM et les URSSAF.
Vous avez reçu une circulaire à ce sujet. Je vous demande de la mettre en application.
Je réunirai de nouveau les chefs de GIR avant la fin du trimestre.
Je vous demande de nouveau de vous impliquer dans la lutte contre l'insécurité dans les quartiers sensibles.
Les unités territoriales de quartier (UTeQ) sont opérationnelles depuis le 14 avril en Seine Saint-Denis.
Ces unités viennent à l'appui des moyens existants. Il ne s'agit ni d'ouvrir des bureaux qui les figeraient, ni de faire du partenariat social.
Le dispositif sera mis en place dans d'autres départements cette année. Au 1er janvier 2009, 19 UTeQ seront déployées dans 9 départements, pour atteindre un total de 100 UTeQ en 3 ans.
Une vingtaine de compagnies de sécurisation spécialisées dans la lutte contre les violences urbaines seront affectées dans les départements et agglomérations prioritaires.
La première sera mise en place dès juillet en Seine Saint-Denis. D'autres seront mises en place à Toulouse et Marseille avant la fin de l'année.
Ces deux mesures mobiliseront 4000 fonctionnaires : 2000 pour les compagnies de sécurisation spécialisées, 2000 pour les unités territoriales de quartier.
Pour renforcer les liens entre la police et la population, vous devez mobiliser vos équipes. Vous pouvez faire appel aux réservistes, de la police ou de la gendarmerie, comme cela vient d'être mis en place en Seine-Saint-Denis avec les délégués à la cohésion police-population.
Dans le domaine de la sécurité routière, je vous demande une mobilisation renouvelée.
Le mois de mars n'a pas été bon. Si les tendances se maintiennent, nous ne seront pas en mesure d'atteindre l'objectif fixé par le président de la République : passer sous la barre des 3000 morts en 2012.
Je sais que le mois de mars cumulait les inconvénients : 5 week-ends complets, dont le week-end de Pâques. On trouve toujours de bonnes raisons pour expliquer les mauvais bilans.
Une nouvelle augmentation du nombre des victimes, comme en mars, serait inacceptable.
Je viens de vous adresser mes directives pour rappeler l'engagement que j'attends de vous.
La baisse de 7 % du nombre des tués, soit 330 vies sauvées, est l'un de vos objectifs. Elle devra s'accompagner d'une diminution significative du nombre des blessés.
Je vous demande de conduire une nouvelle analyse de la situation dans chacun de vos départements pour repartir sur de nouvelles bases.
Il faut inverser la tendance partout où elle est défavorable depuis plusieurs mois. Il faut aussi gagner de nouvelles marges de progrès là où l'évolution est plus favorable.
Vous devez également mettre en oeuvre l'évaluation des actions conduites.
Je vous demande de mettre en oeuvre des dispositifs renforcés dans la perspective des ponts du mois de mai.
Je compte sur votre implication personnelle. Je vous demanderai de m'adresser le bilan des mesures prises et des résultats obtenus.
Concernant la lutte contre les dérives sectaires, je vous renvoie à la circulaire que je vous ai adressée.
Notre action, pour être efficace, doit être rigoureuse. Elle doit se fonder sur des faits susceptibles de tomber sous le coup de la loi, et non se contenter d'approximations ou de rumeurs. Il en va de la crédibilité de nos efforts.
J'ai demandé à chacun d'entre vous de réunir un groupe de travail composé uniquement des membres des services de l'Etat en charge de la sécurité des citoyens.
L'action des partenaires associatifs est essentielle, mais elle est indépendante de l'action de l'Etat. Ils ne peuvent pas être tenus à la confidentialité des échanges.
Une attention excessive est parfois portée à certains mouvements en l'absence de faits précis. D'autres, moins connus mais plus habiles, sous des artifices de développement de la personne ou de conseils en ressources humaines, sont trop souvent négligés.
Vos appréciations et votre action doivent se fonder sur l'ordre public et non sur une opinion personnelle.
Je vous demande donc de vous reporter à la circulaire du 25 février et d'agir en fonction des instructions qui vous ont été données.
Je veux maintenant évoquer les priorités retenues par le Ministère de l'Intérieur pour la Présidence française de l'Union Européenne.
Trois thèmes correspondront à trois objectifs.
Premièrement, structurer l'Europe de la sécurité.
Je veux favoriser des projets concrets pour convaincre nos concitoyens que l'Europe peut renforcer leur protection :
- sur le terrorisme, l'accent sera mis sur la lutte contre le recrutement et la radicalisation, avec notamment la surveillance des sites Internet jugés sensible.
La lutte contre les menaces NRBC donnera lieu à la mise en place d'une base de données spécifiquement consacrée à ce problème
- sur la lutte contre le trafic de stupéfiants, une coopération renforcée, au travers, notamment, de la mise sur pied d'une plateforme de lutte en Méditerranée, appelée CECLAD, permettra de lutter contre les flux entre les deux rives de la Méditerranée.
- contre la cybercriminalité, la lutte passera par la mise en place d'une plateforme européenne de signalement
- la sécurité routière : je propose de promouvoir une capacité de poursuite des contrevenants, sur l'ensemble du territoire de l'Union, quelle que soit leur nationalité.
Ce ne sont là que quelques exemples.
Ma deuxième priorité est de renforcer la capacité européenne de secours aux populations.
Nous pourrons en nous appuyant sur ce qui existe déjà agir pour la convergence entre les équipes de sécurité civile des 27.
J'ai demandé à chacun des Etats membres de m'indiquer quels sont leurs besoins et lacunes.
13 modules de protection civile seront expérimentés. Un exercice NRBC sera mis en oeuvre pour tester la capacité de l'Union à faire face à des attaques multiples dans le cadre d'actes de terrorisme majeurs.
La coopération dans le domaine de la recherche et du renseignement sera renforcée.
Je proposerai la création d'un collège européen de protection civile, constitué du réseau des écoles et des instituts nationaux de protection civile.
Ma troisième priorité sera de valoriser les spécificités territoriales de l'Union.
La Présidence française sera l'occasion de procéder à des échanges d'expérience sur l'organisation territoriale des Etats membres, et leur articulation avec Bruxelles.
Un séminaire, organisé par la DGCL, valorisera le rôle joué par les services locaux au regard de la transposition de la directive services, qui sera menée sous la présidence française.
Un second séminaire, organisé par la Délégation à la prospective et à la stratégie, prendra la forme d'un Forum de prospective sur l'organisation des territoires en Europe.
Je souhaite également mettre à profit la Présidence française pour démontrer que l'Outre mer européen est une chance pour l'Union. Des manifestations seront organisées à la Réunion, en Guyane, à Bruxelles pour promouvoir ses atouts.
Votre mobilisation est indispensable à la réussite de la Présidence française de l'Union Européenne.
Vous devez profitez de toutes les occasions pour communiquer sur ces sujets. Je tiens notamment à ce que les 8 "Grands Débats pour les Européens" tenus en région mobilisent l'ensemble des partenaires locaux.
J'ai demandé à M. l'Ambassadeur Claude BLANCHEMAISON, secrétaire général pour la Présidence Française de l'Union Européenne, de vous présenter cet après-midi l'organisation générale de la Présidence Française de l'Union Européenne.
Mesdames, Messieurs, notre feuille de route est chargée. L'intérêt général exige de nous une action sans relâche et sur tous les fronts.
Je vous remercie.
Source http://www.acphfmi.interieur.gouv.fr, le 19 août 2008