Déclaration de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des PME, du tourisme et des services, sur les mesures de soutien nécessaires au développement des PME européennes, notamment le SBA (Small Business Act), la réforme du système des brevets ou la lutte contre la contrefaçon, Bruxelles le 10 juillet 2008.

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Circonstance : Intervention devant la Commission IMCO (marché intérieur et protection des consommateurs) du Parlement européen, à Bruxelles le 10 juillet 2008

Texte intégral

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
C'est pour moi, un très grand honneur de m'exprimer aujourd'hui devant vous en tant que Président du Conseil compétitivité alors qu'il n'y a pas si longtemps encore, j'étais dans vos rangs.
Je tiens en amont de mon propos à souligner l'importance de cet échange avec les Membres de la Commission IMCO. Les présidences précédentes ont établi d'excellentes coopérations avec le Parlement européen, et avec cette commission en particulier. La France a aussi la volonté de travailler tout au long de sa présidence en liaison étroite avec le Parlement, acteur majeur du processus de décision européen. Une coopération étroite entre le Conseil et le Parlement européen est une condition "sine qua non" pour le succès de notre agenda.
Je tiens aussi à saluer devant vous l'excellent travail accompli sur les sujets qui nous concernent aujourd'hui par les présidences slovène, portugaise et allemande. La France a l'intention de continuer pendant ce semestre les travaux engagés sur la base des progrès accomplis par les Présidences précédentes.
La première priorité de la Présidence du Conseil compétitivité concerne la mise en place de mesures de soutien aux Petites et Moyennes Entreprises européennes afin de donner corps à un plan d'action européen à savoir le « Small business Act » pour l'Europe. D'autres dossiers suivis par la Commission IMCO concourent aussi au développement des PME. Je pense en particulier à l'initiative mieux légiférer, au brevet communautaire et à la lutte contre la contrefaçon. Je souhaite aussi mentionner notre objectif sur le paquet Défense.
Je voudrais donc tout d'abord attirer votre attention sur la principale priorité dont j'ai la responsabilité, c'est-à-dire celle d'accroître la compétitivité et la croissance des PME européennes face au défi que représentent les économies émergentes.
Les PME représentent environ 55% du PIB et 65% de l'emploi européen. Elles constituent la clé de voûte de l'économie européenne et ont le potentiel nécessaire pour contribuer significativement au renforcement souhaité de la croissance et de l'emploi dans l'Union. De plus, elles se positionnent fréquemment à la pointe de l'innovation. Il est donc crucial pour la prospérité économique de l'Union Européenne de dynamiser leur développement.
La Présidence française soutient donc l'objectif de la Commission, qui a adopté le 25 juin une communication sur le SBA. Nous comptons faire avancer ce dossier pendant le semestre en cours. Ce point sera déjà à l'ordre du jour de la réunion informelle des ministres en charge de la Compétitivité, qui aura lieu ces jeudi et vendredi à Versailles.
Le Small Business Act proposé par la Commission comprend tout d'abord 5 textes de portée législative : la proposition de règlement établissant un statut de la Société Privée Européenne, le règlement général d'exemption par catégorie en matière d'aides d'Etat adopté début juillet, la proposition de directive relative aux taux réduits de TVA, visant notamment les services rendus localement, une directive sur la modernisation des règles de facturation de la TVA et la modification de la directive sur les délais de paiement. Mais le Small Business Act proposé par la Commission est aussi composé de 10 principes à mettre en oeuvre conjointement par la Commission et les Etats membres. Dans le cadre du principe de subsidiarité et de la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne, le SBA fera donc l'objet de mesures communautaires et de mesures prises au niveau national, voire au niveau local. La réussite du SBA dépendra donc de l'engagement coordonné de l'ensemble des autorités publiques au sein de l'Union européenne sur le sujet.
Je vous épargnerai la lecture des 10 principes et n'évoquerai que ceux qui me paraissent les plus saillants : la conception de la législation en tenant en compte des intérêts des PME, c'est le « think small first », la promotion de l'entrepreunariat, un meilleur accès au financement et aux marchés publics, le soutien à l'innovation et à l'internationalisation.
La France a pour objectif que des conclusions déterminantes soient adoptées à l'issue de sa présidence du Conseil de l'Union européenne afin de donner corps à un plan européen d'action répondant aux ambitions suivantes :
- Accroître la compétitivité des PME au travers d'initiatives européennes concertées qui encouragent leur modernisation, une meilleure qualification de leur main d'oeuvre et un plus large accès aux programmes européens d'aide à l'innovation. En termes de qualification, je mentionnerai que j'attache une très grande importance à la mobilité des apprentis au sein de l'Union européenne. Comme pour les étudiants, le parcours de formation des apprentis doit pouvoir intégrer un échange dans d'autres Etats membres. La Présidence française organise à ce titre une manifestation à Paris les 2 et 3 octobre prochains où 10 000 d'apprentis venant de l'ensemble des Etats membres se réuniront.
Il s'agit aussi de pallier le déficit marqué des entreprises de taille intermédiaire. A l'heure de la mondialisation, les échelles s'étirent et les entreprises qui ont une taille intermédiaire, c'est-à-dire qui ne sont pas strictement des PME au sens communautaire et qui ne sont pas non plus des multinationales, et bien ces entreprises de taille intermédiaire méritent une attention particulière. En effet, elles constituent un tissu économique ancré sur nos territoires, capables de répondre aux défis de la mondialisation.
- Améliorer le financement des PME en s'appuyant sur de nouveaux outils financiers développés par la Banque européenne d'investissement et sur une meilleure intégration du marché du capital-risque. Malheureusement, le marché lorsqu'il est livré à lui même, ne facilite pas l'attribution de prêts commerciaux et de capital risque aux PME. En particulier, le marché n'offre pas, à lui seul, les financements suffisants pour la création ou le développement d'entreprises innovantes à fort taux de croissance. En outre, les turbulences actuelles des marchés financiers créent davantage de difficultés pour l'obtention de prêts commerciaux.
- Renforcer l'intégration du marché intérieur, notamment par l'adoption du statut de la « société privée européenne » et du brevet communautaire dont je parlerai dans un instant. Trop souvent, les PME ne s'orientent pas assez vers des activités transfrontalières : nous devons être conscients qu'aujourd'hui seulement 8% des PME déclarent réaliser des exportations en dehors de leurs pays. Grâce au statut de la « société privée européenne », l'accès des PME au marché unique se trouvera facilité. Les PME se heurtent à des obstacles lorsqu'elles tentent de sortir de leur marché domestique pour s'adresser aux 490 millions de consommateurs du Marché unique. Nous devons lever les obstacles qui limitent aujourd'hui les exportations des PME européennes. À cet égard, nous avons d'ores et déjà engagé les travaux sur la proposition de texte définissant un statut de « société privée européenne ». Il faut réduire les coûts d'adaptation liés aux 27 droits nationaux des sociétés au sein de l'UE. La Présidence fera tout pour aboutir, à l'issue des travaux législatifs, à un statut de la « société privée européenne » réellement européen, qui évitera l'écueil de renvoyer excessivement aux multiples droits nationaux.
Par ailleurs, la réduction des délais de paiement applicable dans toute l'Union permettra de soulager la trésorerie de ces PME qui exportent au sein du marché unique. Il est aussi proposé de faciliter la vie des PME, notamment par le biais de l'adoption de dates fixes communes d'entrée en vigueur de la législation.
- Simplifier la réglementation au regard de l'incidence parfois disproportionnée qu'elle fait peser sur les PME. Cet axe de travail est aussi un écho donné au programme « Mieux légiférer »
Le Conseil, tout comme le Parlement, considère que ce programme « Mieux légiférer » est une priorité, comme souligné dans les conclusions du Conseil européen de mars 2008 et le Conseil compétitivité du 29 mai dernier. C'est dans cet esprit que le Conseil a accueilli favorablement la présentation par la Commission de la deuxième révision stratégique de ce dossier. La présidence française accordera une attention toute particulière à l'aspect de l'accès au droit. Nous considérons qu'il faut rendre le droit matériellement plus accessible, notamment par les biais de procédures électroniques. Nous avons l'intention de soumettre au Conseil Compétitivité de septembre un projet de conclusions sur « mieux légiférer » qui traitera de cet aspect, de façon pragmatique, tout en s'inscrivant dans la continuité des autres volets de la stratégie. En outre, la révision de l'approche interinstitutionnelle sur les évaluations d'impact devrait en principe se produire cette année. Nous sommes préparés pour coopérer avec le Parlement et la Commission afin d'accomplir cette tâche.
- Le dernier aspect du SBA que je souhaite mentionner aujourd'hui est celui de l'accès des PME aux marchés publics. Les marchés publics représentent environ un sixième du PIB de l'UE et peuvent offrir d'importants débouchés aux PME. La Commission propose un code de bonne conduite pour faciliter l'accès des PME aux marchés publics, sans renoncer pour autant aux principes d'efficacité économique. La Présidence française se rapprochera des autres Etats membres pour examiner dans quelle mesure la proposition de la Commission en la matière peut encore être enrichie.
Après le SBA, la deuxième priorité qui intéresse la Commission IMCO est l'amélioration du système des brevets en Europe, qui consiste en la création du brevet communautaire d'une part et à la mise en place d'une juridiction européenne unique en matière de litiges concernant les brevets européens et communautaires d'autre part.
En ce qui concerne le brevet communautaire, la proposition de la Commission date de 2000. Cela fait 8 ans que cet important dossier piétine alors qu'il est reconnu par tous comme une mesure essentielle pour le fonctionnement du marché intérieur et pour le soutien de l'activité des entreprises européennes, notamment des PME, sur les marchés mondiaux. Deux questions épineuses restent ouvertes : le régime linguistique et la clé de répartition des revenus émanant des taxes qui seront payées pour le maintien des futurs brevets communautaires. La présidence française poursuivra les travaux techniques sur le règlement sur le brevet communautaire sur la base des propositions avancées sous présidence slovène.
En ce qui concerne la nouvelle juridiction concernant l'actuel brevet européen et le futur brevet communautaire, les négociations sous présidence portugaise et slovène ont permis d'élaborer les principales caractéristiques du futur système juridictionnel des brevets, dont la création reposerait sur un traité international conclu entre la Communauté européenne et ses Etats membres, ouvert à des Etats tiers, membres de l'OEB. La présidence française est attachée à travailler, en lien avec la Commission, à la recherche de lignes de convergence sur les sujets restant en discussion.
Sur ces deux dossiers, la France poursuivra, au cours de sa présidence, les travaux et la dynamique des présidences slovènes et portugaises dans la recherche de solutions acceptables par l'ensemble des Etats membres tout en correspondant aux besoins des utilisateurs du système des brevets.
La protection de la propriété intellectuelle c'est aussi la lutte contre la contrefaçon. La mondialisation offre de nombreuses perspectives de débouchés économiques aux entreprises européennes, qui se distinguent sur la scène mondiale par une offre de biens à haute valeur ajoutée. Dans une économie mondialisée, les droits de propriété intellectuelle représentent dès lors un avantage compétitif clef de nos entreprises, qui doivent valoriser leurs atouts en matière de recherche et d'innovation. L'Europe doit leur apporter un cadre qui les protège en les aidant à faire respecter leurs droits de propriété intellectuelle et à lutter contre la contrefaçon de manière efficace.
La lutte contre la contrefaçon ne peut être efficace que si l'Europe apporte des réponses concrètes à ce fléau grandissant. Cette volonté politique s'est déjà traduite dans les faits, comme le montrent l'adoption de la directive 2004/48/CE relative au respect des droits de propriété intellectuelle et le règlement douanier n°1383/2003 . Des mesures opérationnelles ont également été développées dans le plan d'action douanier lancé en 2005, dont le bilan est en train d'être réalisé.
Au regard des enjeux pour la compétitivité de l'économie européenne sur la scène mondiale, il est nécessaire d'encore renforcer la réponse européenne dans le domaine de la lutte contre la contrefaçon et le piratage. Dans cette perspective, il serait utile d'activer les synergies entre les différents domaines d'actions de l'Union européenne, telles la propriété intellectuelle, la politique commerciale et la coopération douanière, et de renforcer les instruments de lutte contre ce phénomène. Il apparaît indispensable pour nos entreprises que nous luttions ensemble contre ce fléau, en coopérant efficacement, en mutualisant nos forces et en promouvant avec nos partenaires économiques mondiaux un cadre adapté à la compétitivité de nos entreprises.
En ce sens, plusieurs voies semblent devoir être explorées :
- renforcer la coopération entre l'ensemble des acteurs, publics et privés, notamment entre les autorités chargées de la lutte contre la contrefaçon ;
- améliorer la connaissance précise du phénomène afin de le combattre plus efficacement, avec la création d'un observatoire de la contrefaçon, qui serait conçu comme un lieu d'échanges entre les secteurs privé et public ;
- développer les actions douanières communes, notamment pour lutter contre la contrefaçon de produits dangereux pour la santé et la sécurité ;
- renforcer et protéger la position des entreprises européennes sur le plan international par la négociation d'accords bilatéraux et multilatéraux, tel le projet de traité international visant à lutter contre la contrefaçon et le piratage, par la promotion de cette question dans les dialogues avec des pays tiers et par le renforcement d'actions de coopération avec les pays tiers.
Je sais que la nécessité d'assurer efficacement le respect des droits de propriété intellectuelle, déjà exprimée dans les conclusions du Conseil européen adoptées le 14 mars 2008, est également partagée par le Parlement européen. A cet égard, la communication de la Commission sur la stratégie pour les droits de propriété industrielle en Europe, attendue pour le 16 juillet, suscite une grande attente et sera un élément important pour alimenter nos réflexions sur ce sujet fondamental pour nos entreprises. Nos citoyens ont besoin de voir que l'Europe les protège notamment sur la scène internationale et attendent des réponses concrètes de notre part.
Enfin et pour conclure, je mentionnerai le Paquet Défense. Le Conseil souhaite un accord rapide avec le Parlement sur ce dossier très important, qui représente une priorité de la Présidence, ainsi que je l'ai indiqué lors du Conseil Compétitivité du 29 mai dernier. Le nouveau cadre juridique créé par la directive sur les marchés publics et par la directive sur les transferts clarifiera les procédures et permettra la consolidation et la compétitivité de l'industrie européenne de défense. Il consolidera par là les capacités européennes de défense, tout en renforçant les moyens des contrôles. La Présidence française poursuivra les travaux au sein du Conseil et engagera une coopération active avec le Parlement en vue d'un accord.
Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
J'espère que je n'aurai pas été trop long. Le Small Business Act, l'initiative mieux légiférer, le brevet communautaire, la lutte contre la contrefaçon et le paquet Défense sont nos priorités que je souhaitais vous présenter ce matin. Nous avons besoin de vous pour les faire progresser et aboutir pendant la Présidence française.
Avec Luc Chatel, nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
Source http://www.ue2008.fr, le 5 août 2008