Texte intégral
Monsieur le Président du Parlement européen, Mon cher Hans Gert,
Oui, l'Europe est certainement la région du monde où l'on vit le mieux. Et oui, mon cher Hans Gert, au milieu de l'Europe, il y a un paradis, ce paradis nous y sommes, c'est l'Italie. Ce n'est pas un propos de circonstance, car dès que j'ai quelques jours de libre devant moi, je n'en ai pas très souvent en ce moment, je m'échappe pour venir ici en Italie, et je voudrais remercier nos hôtes italiens et leur dire toute la fierté qui est la nôtre de voir notre famille politique diriger désormais les destinées de l'Italie ; j'aurai l'occasion demain de rencontrer Silvio Berlusconi. Je constate quelles que soient les critiques qui aient pu êtres émises ici où là, que en Italie, aujourd'hui, il est populaire, et il conduit avec beaucoup de détermination une politique qui est conforme aux valeurs qu'ensemble nous défendons.
Monsieur le président de la Commission qui vient de nous quitter et que j'ai croisé tout à l'heure, monsieur le président du PPE, mon cher Wilfried Martens, cher Joseph Daul, c'est un grand plaisir pour Michel Barnier, vice-président du PPE et moi-même, de venir cet après midi nous exprimer, à la fois au sein de notre famille politique, mais aussi pour vous faire au fond, le compte rendu de la présidence française, alors que nous sommes à peu près à mi-chemin.
Nous avons, avec le président de la République et les membres du Gouvernement, entamés cette présidence du Conseil de l'Union européenne avec beaucoup de gravité, j'avais eu l'occasion de le dire le jour ou j'ai reçu les représentants du groupe du PPE à Paris, avec beaucoup de gravité et avec le souci d'obtenir des avancées concrètes.
Nous avions un programme de travail très ambitieux, certains disaient même trop ambitieux,
- nous voulions adopter dès cette année les mesures européennes de baisse des émissions de CO2, pour que l'engagement européen entraîne le monde entier, à sa suite, dans la lutte contre le changement climatique.
- nous voulions bâtir une stratégie européenne globale sur l'immigration et sur l'asile.
- nous voulions trouver les moyens de mettre en oeuvre le traité de Lisbonne après le « non » irlandais.
- nous voulions relancer l'Europe de la défense.
- et nous voulions préparer la PAC de l'avenir.
Tous ces objectifs naturellement restent au centre de notre action.
Mais deux développements majeurs leur ont cependant ravi la priorité :
- ce sont les suites du conflit dans le Caucase ;
- et ce sont les conséquences préoccupantes du ralentissement économique et de l'instabilité financière.
Ces deux crises sont, je crois, des crises exemplaires. Elles sont exemplaires, parce qu'elles démontrent que lorsqu'un choc de cette importance survient, seule une implication forte de l'Europe unie permet de l'affronter. Elles sont exemplaires, parce qu'elles révèlent qu'au-delà des débats institutionnels, la vraie question, la seule vraie question pour l'Europe, c'est celle de la volonté d'agir.
L'Europe est nécessaire, l'Europe est indispensable, et, je voudrais dire que trop souvent, j'ai l'impression qu'elle l'ignore ! Elle se croit impuissante, quand elle est simplement indécise. Elle se croit faible, quand elle a le pouvoir d'être forte.
Et pourtant, il suffit que sa volonté prenne corps, pour qu'elle déploie une aura, une autorité, de vrais moyens d'action, à la hauteur de son statut de première puissance économique et de troisième puissance démographique mondiale.
Prenons l'exemple de la Géorgie.
A l'instant où le conflit éclate, nous sommes en plein mois d'août, le monde entier semble avoir les mains liées. Les Etats-Unis sont en pleine campagne électorale. Les Nations unies sont paralysées par la menace d'un veto russe. Et rien ne semble devoir arrêter une spirale de violence susceptible de déboucher sur la prise de la capitale géorgienne.
A cette date, je pense que personne ne pariait un euro sur une intervention européenne efficace.
C'est pourtant bien l'Union européenne, à l'initiative du Président du Conseil européen, Nicolas Sarkozy, qui obtient à l'arraché, après une navette entre Moscou et Tbilissi, l'accord en six points du 12 août. C'est l'Union Européenne qui permet d'arrêter les hostilités, sans rien céder, je veux le redire solennellement devant vous, sans rien céder sur le principe de l'intégrité territoriale géorgienne. Et c'est encore l'Union européenne qui obtient, le 8 septembre, représenté par le Président du Conseil, Nicolas Sarkozy, mais aussi par José Manuel Barroso, et Javier Solana la clarification du calendrier du retrait des forces russes. Retrait qui est bel et bien en train de se dérouler, conformément au plan.
Pourquoi ce succès ? Parce que l'Europe s'est soudainement dressée. Parce qu'il y a eu la volonté d'agir de la Présidence. Parce que cette volonté rejoignait celle des États membres, qui ne pouvaient pas accepter que la cause européenne se discrédite dans l'indifférence. Parce que l'Europe s'est trouvée unie pour approuver les plans de la Présidence et pour lui donner mandat de poursuivre sa démarche. Je veux le rappeler, c'était loin d'être acquis, si l'on veut bien considérer les divergences que le sujet des relations avec la Russie suscite entre les États membres. Et pourtant, chacun a fait un pas vers l'autre, nous avons pris ensemble nos responsabilités.
Lors du Conseil européen extraordinaire du 1er septembre, l'Union européenne s'est révélée telle qu'elle doit être, c'est-à-dire rassemblée et déterminée à agir.
Songeons un instant, mes chers amis, à ce que représente, pour la Russie, la nouvelle Europe ; cette Europe où figurent, aux côtés de l'Italie, aux côtés de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne, de la France, de tous les membres fondateurs de l'Union européenne et de ceux qui l'on rejointe ensuite, d'anciennes Républiques soviétiques, comme les États baltes, et d'anciens États satellites, comme la Pologne.
Songeons à la force politique et symbolique qu'acquiert cette Europe, lorsque justement elle se montre capable d'agir, de bâtir un plan d'action, de se fixer un mandat précis de négociation.
Je pense que sans cette démonstration d'unité et de volonté, la clarification du 8 septembre n'aurait pas été obtenue des Russes. Et donc, on peut dire que sans l'Europe, la guerre se serait poursuivie.
La Russie et l'Europe, Mesdames et messieurs, sont étroitement liées.
La Russie, nous le savons bien, est un partenaire vital pour l'Union européenne, en particulier pour l'énergie. Ce qui ne signifie pas que notre dépendance énergétique soit une raison pour rester immobiles, comme l'ont cru certains ! J'ajoute que la dépendance qui est la nôtre à l'égard de la Russie vaut celle de la Russie à notre égard, puisque nous sommes quasiment son seul client, s'agissant notamment de sa production d'énergie.
Et donc, la réciproque est vraie pour la Russie, qui a dans l'Union européenne un interlocuteur essentiel. Nous sommes les principaux clients de ses exportations, nous sommes les fournisseurs indispensables de sa coopération technologique et financière, et nous sommes les partenaires majeurs de ses investissements.
C'est dans ce contexte très particulier que j'irai demain soir rencontrer Vladimir Poutine à Sotchi. La reconnaissance du caractère mutuellement stratégique de la relation entre la Russie et l'Union européenne implique une obligation d'exigence face aux partenaires, et non pas de complaisance !
La Russie est une grande nation ; eh bien il lui revient, dans les faits, de se montrer à la hauteur de ses responsabilités.
Je me rendrai, dans le courant du mois d'octobre, en Géorgie avec la commissaire européenne chargée des relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner, pour préparer la Conférence internationale de reconstruction, parce qu'il faut, là aussi, que nos engagements soient tenus.
Mesdames et messieurs, Le ralentissement économique et la crise financière, c'est le deuxième évènement qui est venu, j'allais dire "s'ajouter" au programme déjà chargé de la présidence française, nous commandent, aussi, d'être en initiative.
En Europe, nous avons maintenu des outils de régulation qui ont été critiqués en leur temps pour leur sévérité, mais qui nous ont, je crois, permis d'éviter de développer des subprimes européens.
Mais cette prudence sur nos propres marchés ne nous met malheureusement pas à l'abri du risque global.
Comme on pouvait le redouter, la crise financière, l'évolution des taux de change, la hausse du prix de l'énergie et des matières premières ont eu des conséquences graves sur l'activité économique européenne.
Le ralentissement, aujourd'hui, est quasi général, même si la légère amélioration de la parité entre l'euro et le dollar et la décrue sensible des prix de l'énergie constituent des éléments encourageants.
Ce ralentissement se produit alors que l'instabilité financière n'est toujours pas maîtrisée. La crise dure. La crise gagne en profondeur. La « purge » de l'excès d'endettement précipite la chute d'institutions financières de tout premier plan, ou les contraint à l'adossement. Des nuages sombres se sont accumulés sur l'économie et la finance, et les orages ont fini par crever en plusieurs endroits du monde.
Eh bien dans ce contexte, nous, Européens, nous devons redoubler d'efforts pour éviter qu'un effet « domino » n'emporte, à leur tour, des acteurs qui ont été moins imprudents.
Nous devons tout faire pour que nos économies retrouvent rapidement des mécanismes de financement qui soient efficaces et qui soient sains. Et, je crois qu'il est temps de mettre de la clarté et du bon sens dans le système financier.
Aux Etats-Unis, les acteurs financiers ont une sérieuse responsabilité dans ce qu'il faut bien appeler un dévoiement du capitalisme, qui nous touche aujourd'hui tous. Certains se sont laissés totalement emporter par les performances extravagantes de produits financiers complexes et totalement opaques. La maîtrise du risque et le souci de la transparence, qui auraient dû imprégner le système bancaire, ne doivent plus jamais être perdus de vue.
L'Europe attend des autorités américaines qu'elles prennent leurs responsabilités, comme l'Europe prendra les siennes. Nous ne pouvons pas accepter de payer les pots cassés d'une régulation défaillante. Dans ce contexte, je crois que l'on peut dire que la réaction coordonnée des banques centrales des principales places financières ce matin est une bonne nouvelle.
L'Europe doit faire valoir ses intérêts d'égal à égal. Le ministre en charge de l'Economie et des Finances, Christine LAGARDE, est en contact avec ses homologues européens et américains pour faire valoir ces exigences européennes.
Et d'ailleurs l'Europe n'est pas restée inerte, elle n'est pas restée sans réaction depuis le début même de la crise financière. La Banque centrale européenne a pris, depuis le début de la crise, l'initiative de fournir aux banques, dans des proportions considérables, les liquidités en euro dont elles avaient le plus grand besoin. Et je crois que l'on peut dire que dans ce domaine, notre Banque centrale s'est montrée à la hauteur de la gravité de la situation.
Les ministres des Finances des 27, à leur tour, ont rapidement adopté une feuille de route pour faciliter le retour à la stabilité financière. Et la Commission prépare en ce moment même des propositions ambitieuses sur le contrôle européen des Agences de notation financière.
Agences de notation, dont il faut bien reconnaître qu'elles ont eu une grande responsabilité dans la situation que nous connaissons aujourd'hui. Voilà des Agences de notation qui, du jour au lendemain, ont changé parce que la crise s'est manifestée, la notation d'un certain nombre de produits dont elles assuraient quelques heures auparavant qu'ils étaient sans risque. Eh bien ces agences doivent rendre des comptes. Et en particulier ces agences doivent rendre des comptes aux Européens, je note qu'il n'y a aujourd'hui quasiment pas d'agence de notation européenne, il y a des agences de notation en Europe, ce n'est pas pour autant qu'elles doivent échapper aux réglementations que nous souhaitons mettre en place.
La Commission travaille aussi à une meilleure prise en compte du risque de liquidité des banques. Des recommandations de transparence ont été faites à ces dernières pour la publication de leurs résultats trimestriels ; et il semble pour le moment que ces recommandations aient été bien suivies.
Il y a donc une réponse européenne en matière de stabilité financière, même s'il reste encore beaucoup à faire, y compris en faveur d'une meilleure coordination des superviseurs européens.
Je crois que le défi qui nous est lancé ne concerne pas uniquement le terrain financier. Nous devons aussi trouver une réponse commune, coordonnée et coopérative, au ralentissement économique qui frappe l'ensemble de la zone Euro.
C'est là, depuis la création de la monnaie unique, le premier vrai test auquel sont confrontés les dirigeants européens. C'est la première fois que nous sortons d'un débat monétaire, qui est certes passionnant mais qui est perçu par nos concitoyens comme très théorique, pour rentrer de plain-pied dans l'économie réelle et dans la vie concrète des Européens.
Face au constat partagé d'une croissance faible, je veux croire qu'il existe de vrais espoirs de voir cette réponse coordonnée adoptée par l'Europe.
Lors de la réunion informelle des ministres des Finances, qui s'est tenue à Nice la semaine dernière, nos partenaires ont répondu positivement à la proposition française d'apporter à la crise actuelle une réponse qui soit fondée sur un diagnostic et sur des obligations communes.
Le diagnostic, c'est celui d'un choc qui nous affecte de façon globale. La nécessité, c'est - pour reprendre les termes du communiqué du Conseil -« d'agir fermement pour mettre en oeuvre une réponse cohérente et coordonnée au niveau européen ».
Pour cela, nous avons choisi de nous appuyer sur quatre piliers :
- D'abord, le soutien de la BEI au financement des PME. 15 milliards d'euros en 2008-2009 et 30 milliards d'euros en 2011, seront mis à disposition des banques pour qu'elles puissent prêter davantage aux PME ; c'est aujourd'hui la priorité absolue, puisque, au fond, le risque majeur qui pèse sur la croissance européenne, c'est le risque que ferait courir des conditions de crédit de plus en plus difficiles empêchant les entreprises, et en particulier les PME européennes, d'investir et de se développer.
- Ensuite nous avons décidé d'appuyer sur le pilier de l'accélération de l'adoption de mesures européennes de stabilité financière, avec plus de transparence pour les acteurs financiers, plus de coordination entre les régulateurs européens, et plus de contrôle- je le disais - sur les agences de notation financière ;
- le troisième pilier c'est le maintien de la priorité aux réformes structurelles dans les Etats membres ;
- Et enfin, le quatrième c'est l'utilisation maximale des souplesses que nous offre le Pacte de stabilité dans la conduite de nos politiques budgétaires. Dans la limite de la ligne rouge des 3 %, les stabilisateurs automatiques pourront jouer à pleine puissance.
La France, vous le savez, souhaite un dialogue renforcé avec la Banque centrale européenne sur les instruments de politique économique.
Au cours de l'année écoulée, devant la flambée des prix et devant l'inquiétude que cette flambée des prix a provoquée chez nos concitoyens pour leur pouvoir d'achat, nous avons clairement perçu la pertinence de la lutte contre l'inflation comme objectif politique prioritaire.
Personne ne veut retrouver l'inflation des années 80, dont la spirale a déstabilisé de façon durable nos économies et nous a obligés à une longue période d'austérité.
Et je crois que sans jamais trahir l'objectif qu'est la lutte contre l'inflation, nous avons aussi le devoir d'afficher une seconde priorité qui est le retour de la croissance et la poursuite de la baisse du chômage.
Nous avons pour cela à notre disposition des instruments économiques.
Leur usage introduit inévitablement des tensions entre les objectifs que nous, autorités politiques, autorités monétaires et budgétaires, et représentants nationaux et européens, nous avons le devoir de concilier. C'est à nous de gérer ces tensions avec pragmatisme.
C'est d'ailleurs le raisonnement qu'a tenu Jean-Claude JUNCKER, lorsqu'il a mis l'accent sur la nécessité de lutter contre les effets de second tour de l'inflation, ou encore sur l'efficacité contra-cyclique des stabilisateurs économiques.
C'est aussi ce qu'ont affirmé les ministres de l'Économie, en appuyant les réformes structurelles.
Je pense qu'en s'engageant ainsi sur une discipline collective, les Etats membres s'autorisent un dialogue efficace avec la BCE.
Je pense, mes chers amis - qu'aucun de nos concitoyens et je vous demande de réfléchir à cette question au moment où s'approchent les échéances pour le Parlement européen -, aucun de nos concitoyens ne comprendrait que l'Europe se désintéresse de la situation économique, alors même qu'elle jouit de moyens d'action qui méritent d'être coordonnées. Ce débat était porté notamment par la France. Le fait que nos partenaires l'aient reçu avec intérêt est pour moi le signe de son urgence. Le Conseil européen d'octobre aura à débattre de ce sujet majeur. Et je pense que l'on peut dire que Georgie et crise financière mondiale, sont deux exemples qui montrent que l'Europe a beaucoup plus de ressources qu'elle ne le pense. Ce qui lui manque trop souvent, c'est la volonté politique de mettre ses moyens en oeuvre. Et c'est l'unité, pour soutenir cette volonté. L'Europe ne doit pas attendre pour agir. Elle ne doit pas attendre pour ouvrir la voie de la lutte contre le changement climatique. J'en appelle, sur ce sujet, à de réels progrès, dès les prochaines semaines, pour que nous parvenions à définir une position des États membres sur les principaux éléments des propositions de la Commission. Je crois qu'il faut respecter l'ambition de ces propositions, qui d'ailleurs s'inscrivent dans le succès de la présidence allemande qui avait permis leur émergence. C'est vrai qu'il y a des points durs qu'il faut maintenant que nous tranchions. Il faut anticiper les échéances pour un traitement efficace des fuites de carbone, qui inquiètent légitimement l'industrie européenne, et il faut préciser rapidement les moyens de cette lutte ainsi que les industries qui sont concernées. Il faut analyser les critiques provenant de certains Etats membres sur le partage du fardeau sans toutefois bouleverser l'équilibre des propositions de la Commission et surtout sans réduire l'ambition, les efforts, de lutte contre le réchauffement climatique. Il faut trouver le moyen de financer les grands projets communs indispensables, tels que la recapture du carbone, et pour cela il faut que nous soyons capables de nous entendre sur la pré-affectation d'une partie du produit financier des enchères de carbone. Il faut enfin prévoir les flexibilités nécessaires en matière d'énergies renouvelables, sans remettre en cause l'objectif principal agréé par le Conseil européen.
De la même façon, mes chers amis, je voudrais vous dire qu'il ne faut pas attendre pour renforcer l'Europe de la défense. Je crois que la crise du Caucase a montré, s'il en était besoin, que l'histoire ne s'est pas arrêtée avec la chute du « rideau de fer », que nous vivons dans un monde qui est dangereux, et que seule l'Europe unie pouvait peser sur certaines crises majeures. Des moyens civils et militaires sont indispensables pour crédibiliser l'action européenne. Avec un budget militaire cumulé qui plafonne aujourd'hui à 40 % des dépenses américaines, nos capacités de défense sont condamnées à rester très en deçà de notre volonté politique et des enjeux que je viens d'évoquer. Eh bien, je crois que se satisfaire de cette situation, ce serait désastreux pour l'influence de l'Europe dans le monde. Il faut accroître nos capacités collectives de défense. On ne peut pas à la fois prétendre que l'Europe a vocation à être une puissance respectée, et en même temps s'en remettre totalement à nos amis américains à chaque fois qu'un problème se présente, et notamment lorsque ce problème se présente immédiatement à proximité de nos frontières. La Présidence française a mis des propositions précises sur la table : je crois qu'il est temps que sur cette question chacun prenne ses responsabilités. Je veux dire qu'il ne faut pas attendre non plus, pour préparer, et c'est Michel Barnier qui en a la responsabilité, la PAC de l'avenir. Bien entendu, l'heure n'est pas encore aux grands débats budgétaires européens ; elle viendra cette heure là, mais le bilan de santé de la PAC doit être l'occasion de définir des règles plus efficaces, plus souples, et surtout plus adaptées aux défis alimentaires, aux défis sanitaires et aux défis environnementaux d'aujourd'hui. Enfin, il ne faut pas attendre, pour adopter ensemble un pacte européen sur l'immigration et sur l'asile. Nous avons dit que nous ne voulions pas d'Europe passoire, et que nous ne voulions pas non plus d'Europe forteresse. Eh bien, c'est tout l'esprit du pacte que nous avons proposé. Ce pacte est fondé sur une immigration choisie, sur le partenariat avec les pays d'origine. Je crois que la négociation qui a été conduite progresse remarquablement, si bien que le Conseil européen d'octobre devrait être en mesure de l'adopter. Monsieur le Président du Parlement européen, Mesdames et Messieurs, Mes chers amis,
Je le disais tout à l'heure, mais je pense que personne n'a oublié cette échéance, l'année prochaine, ce sera les élections européennes.
Et je crois que à l'occasion de ces élections européennes et après toutes les crises que nous avons connues, l'Europe sera jugée d'abord sur sa capacité à répondre aux défis qui préoccupent le plus nos citoyens.
L'Europe sera jugée sur sa capacité à porter des valeurs et à porter des projets communs.
Et ce jour-là, je veux vous dire que nous ne pourrons pas expliquer que nous avons préféré attendre, plutôt que d'utiliser tous les instruments dont nous disposons. Et le PPE doit porter ce message, et être au coeur de l'action, s'il veut entraîner derrière lui la majorité des Européens.
Alors, c'est vrai, il y a des faiblesses institutionnelles dans notre organisation ; et c'est la raison pour laquelle il est absolument indispensable que tous les États membres ratifient rapidement le traité de Lisbonne.
Et je veux vous dire que la Présidence française est décidée à tout faire pour faciliter la résolution des difficultés qui ont été créées par le « non » irlandais. J'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, trouver une voie de ratification ne sera pas facile mais ne pas en trouver, c'est impossible.
Ce sujet sera débattu à l'occasion du Conseil européen des 15 et 16 octobre prochains, parce que nous avons besoin de nouvelles institutions. Et en liaison étroite avec la Commission, nous allons proposer des solutions qui devraient permettre, je l'espère, je l'espère de tout coeur, de sortir de cette crise.
Mais je veux terminer sur cette question, et c'est pour moi vraiment le message essentiel au fond, que je voudrais vous faire passer : aucune lacune institutionnelle ne peut excuser l'absence de volonté politique.
Et encore une fois, je crois qu'une telle absence, les citoyens ne nous le pardonneraient pas. Et je veux même ajouter qu'ils auraient raison de ne pas nous le pardonner.
La volonté, c'est le résultat d'une certaine idée de l'Europe, celle que nous partageons ensemble c'est le résultat d'une certaine conception de notre rôle et de notre responsabilité devant l'Histoire.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 22 septembre 2008
Oui, l'Europe est certainement la région du monde où l'on vit le mieux. Et oui, mon cher Hans Gert, au milieu de l'Europe, il y a un paradis, ce paradis nous y sommes, c'est l'Italie. Ce n'est pas un propos de circonstance, car dès que j'ai quelques jours de libre devant moi, je n'en ai pas très souvent en ce moment, je m'échappe pour venir ici en Italie, et je voudrais remercier nos hôtes italiens et leur dire toute la fierté qui est la nôtre de voir notre famille politique diriger désormais les destinées de l'Italie ; j'aurai l'occasion demain de rencontrer Silvio Berlusconi. Je constate quelles que soient les critiques qui aient pu êtres émises ici où là, que en Italie, aujourd'hui, il est populaire, et il conduit avec beaucoup de détermination une politique qui est conforme aux valeurs qu'ensemble nous défendons.
Monsieur le président de la Commission qui vient de nous quitter et que j'ai croisé tout à l'heure, monsieur le président du PPE, mon cher Wilfried Martens, cher Joseph Daul, c'est un grand plaisir pour Michel Barnier, vice-président du PPE et moi-même, de venir cet après midi nous exprimer, à la fois au sein de notre famille politique, mais aussi pour vous faire au fond, le compte rendu de la présidence française, alors que nous sommes à peu près à mi-chemin.
Nous avons, avec le président de la République et les membres du Gouvernement, entamés cette présidence du Conseil de l'Union européenne avec beaucoup de gravité, j'avais eu l'occasion de le dire le jour ou j'ai reçu les représentants du groupe du PPE à Paris, avec beaucoup de gravité et avec le souci d'obtenir des avancées concrètes.
Nous avions un programme de travail très ambitieux, certains disaient même trop ambitieux,
- nous voulions adopter dès cette année les mesures européennes de baisse des émissions de CO2, pour que l'engagement européen entraîne le monde entier, à sa suite, dans la lutte contre le changement climatique.
- nous voulions bâtir une stratégie européenne globale sur l'immigration et sur l'asile.
- nous voulions trouver les moyens de mettre en oeuvre le traité de Lisbonne après le « non » irlandais.
- nous voulions relancer l'Europe de la défense.
- et nous voulions préparer la PAC de l'avenir.
Tous ces objectifs naturellement restent au centre de notre action.
Mais deux développements majeurs leur ont cependant ravi la priorité :
- ce sont les suites du conflit dans le Caucase ;
- et ce sont les conséquences préoccupantes du ralentissement économique et de l'instabilité financière.
Ces deux crises sont, je crois, des crises exemplaires. Elles sont exemplaires, parce qu'elles démontrent que lorsqu'un choc de cette importance survient, seule une implication forte de l'Europe unie permet de l'affronter. Elles sont exemplaires, parce qu'elles révèlent qu'au-delà des débats institutionnels, la vraie question, la seule vraie question pour l'Europe, c'est celle de la volonté d'agir.
L'Europe est nécessaire, l'Europe est indispensable, et, je voudrais dire que trop souvent, j'ai l'impression qu'elle l'ignore ! Elle se croit impuissante, quand elle est simplement indécise. Elle se croit faible, quand elle a le pouvoir d'être forte.
Et pourtant, il suffit que sa volonté prenne corps, pour qu'elle déploie une aura, une autorité, de vrais moyens d'action, à la hauteur de son statut de première puissance économique et de troisième puissance démographique mondiale.
Prenons l'exemple de la Géorgie.
A l'instant où le conflit éclate, nous sommes en plein mois d'août, le monde entier semble avoir les mains liées. Les Etats-Unis sont en pleine campagne électorale. Les Nations unies sont paralysées par la menace d'un veto russe. Et rien ne semble devoir arrêter une spirale de violence susceptible de déboucher sur la prise de la capitale géorgienne.
A cette date, je pense que personne ne pariait un euro sur une intervention européenne efficace.
C'est pourtant bien l'Union européenne, à l'initiative du Président du Conseil européen, Nicolas Sarkozy, qui obtient à l'arraché, après une navette entre Moscou et Tbilissi, l'accord en six points du 12 août. C'est l'Union Européenne qui permet d'arrêter les hostilités, sans rien céder, je veux le redire solennellement devant vous, sans rien céder sur le principe de l'intégrité territoriale géorgienne. Et c'est encore l'Union européenne qui obtient, le 8 septembre, représenté par le Président du Conseil, Nicolas Sarkozy, mais aussi par José Manuel Barroso, et Javier Solana la clarification du calendrier du retrait des forces russes. Retrait qui est bel et bien en train de se dérouler, conformément au plan.
Pourquoi ce succès ? Parce que l'Europe s'est soudainement dressée. Parce qu'il y a eu la volonté d'agir de la Présidence. Parce que cette volonté rejoignait celle des États membres, qui ne pouvaient pas accepter que la cause européenne se discrédite dans l'indifférence. Parce que l'Europe s'est trouvée unie pour approuver les plans de la Présidence et pour lui donner mandat de poursuivre sa démarche. Je veux le rappeler, c'était loin d'être acquis, si l'on veut bien considérer les divergences que le sujet des relations avec la Russie suscite entre les États membres. Et pourtant, chacun a fait un pas vers l'autre, nous avons pris ensemble nos responsabilités.
Lors du Conseil européen extraordinaire du 1er septembre, l'Union européenne s'est révélée telle qu'elle doit être, c'est-à-dire rassemblée et déterminée à agir.
Songeons un instant, mes chers amis, à ce que représente, pour la Russie, la nouvelle Europe ; cette Europe où figurent, aux côtés de l'Italie, aux côtés de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne, de la France, de tous les membres fondateurs de l'Union européenne et de ceux qui l'on rejointe ensuite, d'anciennes Républiques soviétiques, comme les États baltes, et d'anciens États satellites, comme la Pologne.
Songeons à la force politique et symbolique qu'acquiert cette Europe, lorsque justement elle se montre capable d'agir, de bâtir un plan d'action, de se fixer un mandat précis de négociation.
Je pense que sans cette démonstration d'unité et de volonté, la clarification du 8 septembre n'aurait pas été obtenue des Russes. Et donc, on peut dire que sans l'Europe, la guerre se serait poursuivie.
La Russie et l'Europe, Mesdames et messieurs, sont étroitement liées.
La Russie, nous le savons bien, est un partenaire vital pour l'Union européenne, en particulier pour l'énergie. Ce qui ne signifie pas que notre dépendance énergétique soit une raison pour rester immobiles, comme l'ont cru certains ! J'ajoute que la dépendance qui est la nôtre à l'égard de la Russie vaut celle de la Russie à notre égard, puisque nous sommes quasiment son seul client, s'agissant notamment de sa production d'énergie.
Et donc, la réciproque est vraie pour la Russie, qui a dans l'Union européenne un interlocuteur essentiel. Nous sommes les principaux clients de ses exportations, nous sommes les fournisseurs indispensables de sa coopération technologique et financière, et nous sommes les partenaires majeurs de ses investissements.
C'est dans ce contexte très particulier que j'irai demain soir rencontrer Vladimir Poutine à Sotchi. La reconnaissance du caractère mutuellement stratégique de la relation entre la Russie et l'Union européenne implique une obligation d'exigence face aux partenaires, et non pas de complaisance !
La Russie est une grande nation ; eh bien il lui revient, dans les faits, de se montrer à la hauteur de ses responsabilités.
Je me rendrai, dans le courant du mois d'octobre, en Géorgie avec la commissaire européenne chargée des relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner, pour préparer la Conférence internationale de reconstruction, parce qu'il faut, là aussi, que nos engagements soient tenus.
Mesdames et messieurs, Le ralentissement économique et la crise financière, c'est le deuxième évènement qui est venu, j'allais dire "s'ajouter" au programme déjà chargé de la présidence française, nous commandent, aussi, d'être en initiative.
En Europe, nous avons maintenu des outils de régulation qui ont été critiqués en leur temps pour leur sévérité, mais qui nous ont, je crois, permis d'éviter de développer des subprimes européens.
Mais cette prudence sur nos propres marchés ne nous met malheureusement pas à l'abri du risque global.
Comme on pouvait le redouter, la crise financière, l'évolution des taux de change, la hausse du prix de l'énergie et des matières premières ont eu des conséquences graves sur l'activité économique européenne.
Le ralentissement, aujourd'hui, est quasi général, même si la légère amélioration de la parité entre l'euro et le dollar et la décrue sensible des prix de l'énergie constituent des éléments encourageants.
Ce ralentissement se produit alors que l'instabilité financière n'est toujours pas maîtrisée. La crise dure. La crise gagne en profondeur. La « purge » de l'excès d'endettement précipite la chute d'institutions financières de tout premier plan, ou les contraint à l'adossement. Des nuages sombres se sont accumulés sur l'économie et la finance, et les orages ont fini par crever en plusieurs endroits du monde.
Eh bien dans ce contexte, nous, Européens, nous devons redoubler d'efforts pour éviter qu'un effet « domino » n'emporte, à leur tour, des acteurs qui ont été moins imprudents.
Nous devons tout faire pour que nos économies retrouvent rapidement des mécanismes de financement qui soient efficaces et qui soient sains. Et, je crois qu'il est temps de mettre de la clarté et du bon sens dans le système financier.
Aux Etats-Unis, les acteurs financiers ont une sérieuse responsabilité dans ce qu'il faut bien appeler un dévoiement du capitalisme, qui nous touche aujourd'hui tous. Certains se sont laissés totalement emporter par les performances extravagantes de produits financiers complexes et totalement opaques. La maîtrise du risque et le souci de la transparence, qui auraient dû imprégner le système bancaire, ne doivent plus jamais être perdus de vue.
L'Europe attend des autorités américaines qu'elles prennent leurs responsabilités, comme l'Europe prendra les siennes. Nous ne pouvons pas accepter de payer les pots cassés d'une régulation défaillante. Dans ce contexte, je crois que l'on peut dire que la réaction coordonnée des banques centrales des principales places financières ce matin est une bonne nouvelle.
L'Europe doit faire valoir ses intérêts d'égal à égal. Le ministre en charge de l'Economie et des Finances, Christine LAGARDE, est en contact avec ses homologues européens et américains pour faire valoir ces exigences européennes.
Et d'ailleurs l'Europe n'est pas restée inerte, elle n'est pas restée sans réaction depuis le début même de la crise financière. La Banque centrale européenne a pris, depuis le début de la crise, l'initiative de fournir aux banques, dans des proportions considérables, les liquidités en euro dont elles avaient le plus grand besoin. Et je crois que l'on peut dire que dans ce domaine, notre Banque centrale s'est montrée à la hauteur de la gravité de la situation.
Les ministres des Finances des 27, à leur tour, ont rapidement adopté une feuille de route pour faciliter le retour à la stabilité financière. Et la Commission prépare en ce moment même des propositions ambitieuses sur le contrôle européen des Agences de notation financière.
Agences de notation, dont il faut bien reconnaître qu'elles ont eu une grande responsabilité dans la situation que nous connaissons aujourd'hui. Voilà des Agences de notation qui, du jour au lendemain, ont changé parce que la crise s'est manifestée, la notation d'un certain nombre de produits dont elles assuraient quelques heures auparavant qu'ils étaient sans risque. Eh bien ces agences doivent rendre des comptes. Et en particulier ces agences doivent rendre des comptes aux Européens, je note qu'il n'y a aujourd'hui quasiment pas d'agence de notation européenne, il y a des agences de notation en Europe, ce n'est pas pour autant qu'elles doivent échapper aux réglementations que nous souhaitons mettre en place.
La Commission travaille aussi à une meilleure prise en compte du risque de liquidité des banques. Des recommandations de transparence ont été faites à ces dernières pour la publication de leurs résultats trimestriels ; et il semble pour le moment que ces recommandations aient été bien suivies.
Il y a donc une réponse européenne en matière de stabilité financière, même s'il reste encore beaucoup à faire, y compris en faveur d'une meilleure coordination des superviseurs européens.
Je crois que le défi qui nous est lancé ne concerne pas uniquement le terrain financier. Nous devons aussi trouver une réponse commune, coordonnée et coopérative, au ralentissement économique qui frappe l'ensemble de la zone Euro.
C'est là, depuis la création de la monnaie unique, le premier vrai test auquel sont confrontés les dirigeants européens. C'est la première fois que nous sortons d'un débat monétaire, qui est certes passionnant mais qui est perçu par nos concitoyens comme très théorique, pour rentrer de plain-pied dans l'économie réelle et dans la vie concrète des Européens.
Face au constat partagé d'une croissance faible, je veux croire qu'il existe de vrais espoirs de voir cette réponse coordonnée adoptée par l'Europe.
Lors de la réunion informelle des ministres des Finances, qui s'est tenue à Nice la semaine dernière, nos partenaires ont répondu positivement à la proposition française d'apporter à la crise actuelle une réponse qui soit fondée sur un diagnostic et sur des obligations communes.
Le diagnostic, c'est celui d'un choc qui nous affecte de façon globale. La nécessité, c'est - pour reprendre les termes du communiqué du Conseil -« d'agir fermement pour mettre en oeuvre une réponse cohérente et coordonnée au niveau européen ».
Pour cela, nous avons choisi de nous appuyer sur quatre piliers :
- D'abord, le soutien de la BEI au financement des PME. 15 milliards d'euros en 2008-2009 et 30 milliards d'euros en 2011, seront mis à disposition des banques pour qu'elles puissent prêter davantage aux PME ; c'est aujourd'hui la priorité absolue, puisque, au fond, le risque majeur qui pèse sur la croissance européenne, c'est le risque que ferait courir des conditions de crédit de plus en plus difficiles empêchant les entreprises, et en particulier les PME européennes, d'investir et de se développer.
- Ensuite nous avons décidé d'appuyer sur le pilier de l'accélération de l'adoption de mesures européennes de stabilité financière, avec plus de transparence pour les acteurs financiers, plus de coordination entre les régulateurs européens, et plus de contrôle- je le disais - sur les agences de notation financière ;
- le troisième pilier c'est le maintien de la priorité aux réformes structurelles dans les Etats membres ;
- Et enfin, le quatrième c'est l'utilisation maximale des souplesses que nous offre le Pacte de stabilité dans la conduite de nos politiques budgétaires. Dans la limite de la ligne rouge des 3 %, les stabilisateurs automatiques pourront jouer à pleine puissance.
La France, vous le savez, souhaite un dialogue renforcé avec la Banque centrale européenne sur les instruments de politique économique.
Au cours de l'année écoulée, devant la flambée des prix et devant l'inquiétude que cette flambée des prix a provoquée chez nos concitoyens pour leur pouvoir d'achat, nous avons clairement perçu la pertinence de la lutte contre l'inflation comme objectif politique prioritaire.
Personne ne veut retrouver l'inflation des années 80, dont la spirale a déstabilisé de façon durable nos économies et nous a obligés à une longue période d'austérité.
Et je crois que sans jamais trahir l'objectif qu'est la lutte contre l'inflation, nous avons aussi le devoir d'afficher une seconde priorité qui est le retour de la croissance et la poursuite de la baisse du chômage.
Nous avons pour cela à notre disposition des instruments économiques.
Leur usage introduit inévitablement des tensions entre les objectifs que nous, autorités politiques, autorités monétaires et budgétaires, et représentants nationaux et européens, nous avons le devoir de concilier. C'est à nous de gérer ces tensions avec pragmatisme.
C'est d'ailleurs le raisonnement qu'a tenu Jean-Claude JUNCKER, lorsqu'il a mis l'accent sur la nécessité de lutter contre les effets de second tour de l'inflation, ou encore sur l'efficacité contra-cyclique des stabilisateurs économiques.
C'est aussi ce qu'ont affirmé les ministres de l'Économie, en appuyant les réformes structurelles.
Je pense qu'en s'engageant ainsi sur une discipline collective, les Etats membres s'autorisent un dialogue efficace avec la BCE.
Je pense, mes chers amis - qu'aucun de nos concitoyens et je vous demande de réfléchir à cette question au moment où s'approchent les échéances pour le Parlement européen -, aucun de nos concitoyens ne comprendrait que l'Europe se désintéresse de la situation économique, alors même qu'elle jouit de moyens d'action qui méritent d'être coordonnées. Ce débat était porté notamment par la France. Le fait que nos partenaires l'aient reçu avec intérêt est pour moi le signe de son urgence. Le Conseil européen d'octobre aura à débattre de ce sujet majeur. Et je pense que l'on peut dire que Georgie et crise financière mondiale, sont deux exemples qui montrent que l'Europe a beaucoup plus de ressources qu'elle ne le pense. Ce qui lui manque trop souvent, c'est la volonté politique de mettre ses moyens en oeuvre. Et c'est l'unité, pour soutenir cette volonté. L'Europe ne doit pas attendre pour agir. Elle ne doit pas attendre pour ouvrir la voie de la lutte contre le changement climatique. J'en appelle, sur ce sujet, à de réels progrès, dès les prochaines semaines, pour que nous parvenions à définir une position des États membres sur les principaux éléments des propositions de la Commission. Je crois qu'il faut respecter l'ambition de ces propositions, qui d'ailleurs s'inscrivent dans le succès de la présidence allemande qui avait permis leur émergence. C'est vrai qu'il y a des points durs qu'il faut maintenant que nous tranchions. Il faut anticiper les échéances pour un traitement efficace des fuites de carbone, qui inquiètent légitimement l'industrie européenne, et il faut préciser rapidement les moyens de cette lutte ainsi que les industries qui sont concernées. Il faut analyser les critiques provenant de certains Etats membres sur le partage du fardeau sans toutefois bouleverser l'équilibre des propositions de la Commission et surtout sans réduire l'ambition, les efforts, de lutte contre le réchauffement climatique. Il faut trouver le moyen de financer les grands projets communs indispensables, tels que la recapture du carbone, et pour cela il faut que nous soyons capables de nous entendre sur la pré-affectation d'une partie du produit financier des enchères de carbone. Il faut enfin prévoir les flexibilités nécessaires en matière d'énergies renouvelables, sans remettre en cause l'objectif principal agréé par le Conseil européen.
De la même façon, mes chers amis, je voudrais vous dire qu'il ne faut pas attendre pour renforcer l'Europe de la défense. Je crois que la crise du Caucase a montré, s'il en était besoin, que l'histoire ne s'est pas arrêtée avec la chute du « rideau de fer », que nous vivons dans un monde qui est dangereux, et que seule l'Europe unie pouvait peser sur certaines crises majeures. Des moyens civils et militaires sont indispensables pour crédibiliser l'action européenne. Avec un budget militaire cumulé qui plafonne aujourd'hui à 40 % des dépenses américaines, nos capacités de défense sont condamnées à rester très en deçà de notre volonté politique et des enjeux que je viens d'évoquer. Eh bien, je crois que se satisfaire de cette situation, ce serait désastreux pour l'influence de l'Europe dans le monde. Il faut accroître nos capacités collectives de défense. On ne peut pas à la fois prétendre que l'Europe a vocation à être une puissance respectée, et en même temps s'en remettre totalement à nos amis américains à chaque fois qu'un problème se présente, et notamment lorsque ce problème se présente immédiatement à proximité de nos frontières. La Présidence française a mis des propositions précises sur la table : je crois qu'il est temps que sur cette question chacun prenne ses responsabilités. Je veux dire qu'il ne faut pas attendre non plus, pour préparer, et c'est Michel Barnier qui en a la responsabilité, la PAC de l'avenir. Bien entendu, l'heure n'est pas encore aux grands débats budgétaires européens ; elle viendra cette heure là, mais le bilan de santé de la PAC doit être l'occasion de définir des règles plus efficaces, plus souples, et surtout plus adaptées aux défis alimentaires, aux défis sanitaires et aux défis environnementaux d'aujourd'hui. Enfin, il ne faut pas attendre, pour adopter ensemble un pacte européen sur l'immigration et sur l'asile. Nous avons dit que nous ne voulions pas d'Europe passoire, et que nous ne voulions pas non plus d'Europe forteresse. Eh bien, c'est tout l'esprit du pacte que nous avons proposé. Ce pacte est fondé sur une immigration choisie, sur le partenariat avec les pays d'origine. Je crois que la négociation qui a été conduite progresse remarquablement, si bien que le Conseil européen d'octobre devrait être en mesure de l'adopter. Monsieur le Président du Parlement européen, Mesdames et Messieurs, Mes chers amis,
Je le disais tout à l'heure, mais je pense que personne n'a oublié cette échéance, l'année prochaine, ce sera les élections européennes.
Et je crois que à l'occasion de ces élections européennes et après toutes les crises que nous avons connues, l'Europe sera jugée d'abord sur sa capacité à répondre aux défis qui préoccupent le plus nos citoyens.
L'Europe sera jugée sur sa capacité à porter des valeurs et à porter des projets communs.
Et ce jour-là, je veux vous dire que nous ne pourrons pas expliquer que nous avons préféré attendre, plutôt que d'utiliser tous les instruments dont nous disposons. Et le PPE doit porter ce message, et être au coeur de l'action, s'il veut entraîner derrière lui la majorité des Européens.
Alors, c'est vrai, il y a des faiblesses institutionnelles dans notre organisation ; et c'est la raison pour laquelle il est absolument indispensable que tous les États membres ratifient rapidement le traité de Lisbonne.
Et je veux vous dire que la Présidence française est décidée à tout faire pour faciliter la résolution des difficultés qui ont été créées par le « non » irlandais. J'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, trouver une voie de ratification ne sera pas facile mais ne pas en trouver, c'est impossible.
Ce sujet sera débattu à l'occasion du Conseil européen des 15 et 16 octobre prochains, parce que nous avons besoin de nouvelles institutions. Et en liaison étroite avec la Commission, nous allons proposer des solutions qui devraient permettre, je l'espère, je l'espère de tout coeur, de sortir de cette crise.
Mais je veux terminer sur cette question, et c'est pour moi vraiment le message essentiel au fond, que je voudrais vous faire passer : aucune lacune institutionnelle ne peut excuser l'absence de volonté politique.
Et encore une fois, je crois qu'une telle absence, les citoyens ne nous le pardonneraient pas. Et je veux même ajouter qu'ils auraient raison de ne pas nous le pardonner.
La volonté, c'est le résultat d'une certaine idée de l'Europe, celle que nous partageons ensemble c'est le résultat d'une certaine conception de notre rôle et de notre responsabilité devant l'Histoire.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 22 septembre 2008