Interview de M. Jean-François Copé, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à Canal Plus le 19 septembre 2008, sur la fiscalité écologique, la méthode du "bonus-malus" et le financement des réformes, le "bouclier fiscal", le plafonnement des "niches fiscales" et le financement du RSA.

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Texte intégral

M. Biraben et C. Roux C. Roux : J.-F. Copé, comme l'opposition s'exprime désormais au sein même de la majorité, on peut considérer qu'il est devenu le premier opposant à N. Sarkozy. J.-F. Copé doit gérer aujourd'hui la cacophonie autour de la fiscalité verte. Hier, F. Fillon a tranché : pas de bonus, pas de malus, pas une taxe supplémentaire ; il semble que la grogne des députés ait eu raison du volontarisme de J.-L. Borloo. Bonjour. M. Biraben : Rebonjour donc J.-F. Copé, soyez le bienvenu. Bercy et la majorité ont obtenu la peau des taxes écolos ?
 
Je ne suis pas sûr que je présenterais les choses comme ça. En fait, je crois que c'est très bien de mettre sur pause, mais pas du tout, par rapport au Grenelle lui-même. Par rapport à la méthode. Vous savez, je vais vous dire une chose, nous, on est en tant que député de l'UMP, on est très, très engagé sur le Grenelle. Moi, par exemple depuis des années, je pense que la droite avait un retard énorme sur les sujets de l'écologie. Et donc on a fait campagne là-dessus, il faut absolument le mettre en oeuvre. Il y a juste un problème, c'est que moi, je pense que c'est d'abord la question de l'environnement, c'est un problème de mobilisation des Français, de sensibilisation. Et ça ne peut pas se traduire uniquement par l'image de sanctions et de taxes, ça doit être d'abord des incitations. Et c'est ce qu'on a voulu...
 
C. Roux : Le problème, c'est qu'on n'a pas les moyens... ce n'est pas possible de faire des incitations fiscales. Le gouvernement n'a pas de marge de manoeuvre nécessaire, donc comment on fait ?
 
C'est pour ça que tant qu'à faire ce genre de chose, il faut l'organiser dans le temps et que ce soit à la fois neutre pour les finances publiques, ça je suis bien d'accord, mais que ça ne soit pas non plus malus, malus. Je vais vous prendre un exemple, très concret, qui d'ailleurs a suscité chez un certain nombre d'entre nous, députés, vraiment une inquiétude. C'est quand on a commencé à nous dire qu'on allait multiplier les bonus-malus, sur un certain nombre de choses, sur lesquelles les gens sont obligés... Je prends l'exemple du courant, l'électricité ; il y a des gens qui sont malheureusement obligés, parce que par exemple, ils sont locataires, et chauffés à l'électricité. Si on leur colle un malus, je ne sais pas comment ils s'en sortent. Ce n'est pas qu'ils sont contre l'environnement et ainsi de suite. Donc ce que je veux simplement dire, c'est que moi, je me réjouis de voir qu'effectivement, et le président de la République qui reçoit un certain nombre d'entre nous tout à l'heure, et le Premier ministre sont dans la logique de dire : attendez, on appuie sur pause, un instant pour refaire de la méthode. Quand ? Comment ? Et comment on le fait ?
 
C. Roux : Ça veut dire quoi « on appuie sur pause » ? C'est-à-dire que les taxes, mais plus tard ?
 
La question ce n'est pas tellement de savoir si c'est plus tard, ou pas plus tard.
 
C. Roux : Bah ! Si. Mettre sur pause, il y a un moment où logiquement on est censé rappuyer sur « play. » !
 
Non, mais quand je dis pause, ce n'est pas... Oui, je suis d'accord, non mais je suis bien d'accord avec vous. Mais c'est une pause de quelques heures ou quelques journées.
 
C. Roux : Ah ! D'accord !
 
Simplement pour dire, on va s'organiser en terme de méthode de travail. C'est-à-dire que....
 
C. Roux : Pourquoi ? Il n'y a pas eu de méthode là ?
 
Mais j'arrive, tous les jours, depuis ces derniers jours, on entendait à la radio, à la télé, dans tous les journaux, une nouvelle annonce de taxes ou de malus. Il y a eu un moment où on s'est dit : mais attendez, est-ce qu'on peut juste remettre ça dans le bon ordre ? Pourquoi on fait tout ça ? C'était bien qu'on en débatte avec les Français. Et puis même, si je peux me permettre, qu'on en débatte avec les députés. Parce que moi, j'aime bien... maintenant, que chacun comprenne qu'il y a une nouvelle Constitution et donc dans cette nouvelle Constitution on coproduit les réformes ensemble, Gouvernement et députés. Donc je trouve très bien que F. Fillon, hier, ait dit : attendez, stop ! On va voir comment on organise tout ça. L'objectif demeure, maintenant, on va l'organiser dans le temps, voilà !
 
C. Roux : Est-ce que la priorité reste l'équilibre du budget ? Ou est-ce que vous dites, il ne faut pas sacrifier le Grenelle ? De quel côté êtes-vous ? On sait bien qu'en ce moment, il y a une ligne de fracture entre ceux qui défendent les arbitrages du Grenelle et les autres qui sont du côté de Bercy. De quel côté êtes-vous ?
 
Je crois que de toute façon, le problème du budget ne se réduit pas au problème du Grenelle. Le problème du budget, il est global ou l'inverse ; on a une situation économique aujourd'hui qui est extrêmement tendue du fait de la conjoncture internationale que vous connaissez. Il y a donc forcément un certain nombre de décisions qu'il nous faudra prendre, si on veut continuer de réduire les déficits, parce qu'on a une année qui, là, est horriblement difficile de ce point de vue.
 
M. Biraben : Donc vous êtes plutôt du côté des finances ? C'est plutôt la priorité ?
 
C. Roux : Ca c'est l'ancien ministre du Budget qui parle ?
 
Oui et non, ce que je veux vous dire simplement, c'est qu'il ne faut pas, il faut bien voir que quand on lance un certain nombre de réformes, on doit s'assurer qu'on les finance. Sinon, il y en a certaines qu'on peut décaler un peu, ce n'est pas dramatique. Mais ce n'est pas spécialement sur le Grenelle, parce que vous le voyez le Grenelle, l'idée c'est que ce soit neutre, pour les finances publiques. Si on dit bonus, malus, ça veut dire qu'il y a des gens qui paient, il y a des gens qui reçoivent. Donc en fait, ça va bien au-delà, c'est le problème plus global, d'être capable de faire diminuer les dépenses de l'Etat, et aussi, et c'est un des combats que nous allons mener, des collectivités locales. C'est pour ça que désormais comme les députés ont le pouvoir par la Constitution de faire eux-mêmes des réformes, d'écrire des lois...
 
C. Roux : Ca veut dire que vous allez aller plus loin que le Gouvernement dans le domaine des économies ? C'est ça, vous considérez que le Gouvernement n'a pas fait assez d'économies, c'est ce que vous dites dans L'Express, cette semaine ?
 
Je prends surtout l'exemple, que j'allais citer avant que vous me preniez dans mon élan, qui est celui des collectivités locales. Je vois par exemple, les départements et les régions, je pense qu'on pourrait réfléchir à la manière de les regrouper. Peut-être de faire en sorte que les conseillers généraux qui sont dans les départements et les conseillers régionaux qui sont dans les régions, peut-être à terme, ça ne fasse plus qu'un. Et que peut-être, on pourrait imaginer d'organiser ça autrement. Parce que si on ne le fait pas, effectivement, on continuera de voir les dépenses filer de partout. Et on ne peut plus se le permettre, parce qu'on a des vraies dépenses utiles à faire, donc je propose qu'on regarde de près, celles qui sont moins utiles.
 
M. Biraben : J.-C. Lagarde était notre invité hier, J.-C. Lagarde Nouveau Centre, maire de Drancy. Il vous pose la question suivante. C. Roux : Oui, c'est à propos du RSA. Si on créait une taxe de 1,1 % pour financer le RSA, trouvez-vous juste que les classes moyennes les paient et que les plus riches en soient dispensés grâce au bouclier fiscal ?
 
Alors je pense qu'il a un petit métro de retard, ce qui peut arriver, parce que la vie va vite, et qu'à l'UMP on bouge beaucoup, on fait beaucoup de choses. Donc là, on a trouvé une autre solution, qui nous semble meilleure, c'est qu'on a décidé de plafonner les niches fiscales. C'est-à-dire...
 
C. Roux : Il le savait ça, il n'a pas un train de retard. Ça reste un problème pour une certaine partie de la majorité, vous le savez...
 
Ah bon ? Donc à ce moment-là, je comprends que ça devient pour lui une posture politique. C'est une autre histoire, je respecte, mais c'est une autre histoire. Donc simplement ce que je veux dire, c'est qu'on a plafonné les niches fiscales de sorte que ceux qui sont les plus favorisés ne pourront plus utiliser au-delà d'un certain seuil, les aides fiscales pour ne plus payer d'impôts. Voilà ! Alors...
 
C. Roux : D. Migaud dit que les plus riches y échapperont.
 
Vous voulez que je finisse ?
 
C. Roux : Oui.
 
Le bouclier fiscal, je vois que monsieur Lagarde s'acharne là-dessus. Moi, je dis qu'à un moment, il faut assumer les choses ; le bouclier fiscal, je suis l'un de ses initiateurs, quand j'étais ministre du Budget, il a été baissé depuis à 50 %, ça vise à dire : il ne faut plus que l'impôt soit confiscatoire, on ne doit plus payer en France plus de 50 % de ce qu'on gagne. Alors vous aurez toujours des gens, pour dire en France, ayant le bon vieux souvenir de la Révolution française : décapitons les plus riches ! Le problème c'est qu'à force de dire ça, les plus riches, qu'est-ce qu'ils font ? Ils s'en vont. Donc comme ça, ils ne paient plus du tout d'impôt en France. Et donc quand on s'appelle monsieur Lagarde et qu'on regarde tout ça avec modernité, parce que je le connais bien, c'est un type moderne, on se dit peut-être on a le droit de regarder ça avec lucidité et de l'expliquer aux gens. Ce que j'essaie de faire.
 
C. Roux : Donc ça veut dire que vous confirmez, vous confirmez, donc vous expliquez aux gens ce matin, que les plus riches ne participeront pas à l'effort sur le RSA...
 
Non !
 
C. Roux : Et vous l'assumez ?
 
Non, pas du tout, et vous avez parfaitement compris ce que j'ai dit, puisque vous êtes journaliste, vous êtes précise. Donc vous avez bien compris ce que j'ai dit : nous avons décidé de le faire en plafonnant les niches, c'est-à-dire cette espèce de système qui permet aux plus riches de défiscaliser tellement qu'ils peuvent ne plus payer d'impôts du tout. Mais je maintiens le bouclier parce que je pense qu'aucun Français ne doit payer plus de 50 % de ce qu'ils gagnent. Sinon, qu'est-ce qu'il fait ? Il s'en va dans les autres pays et là on a tout perdu. Et on a l'air malin. Alors on s'est fait plaisir comme sous la Révolution française, on a voulu décapiter les têtes, mais les gens sont partis.
 
C. Roux : Est-ce que vous nous diriez ce matin que le financement du RSA est bouclé ?
 
Je crois qu'il est bouclé, oui, je crois qu'il est bouclé. Là, on a bien avancé et je crois que l'amendement que nous avons adopté en commission va dans ce sens. Et moi, j'ai souhaité en plus, qu'on mette en place un système d'évaluation. C'est-à-dire que le Parlement, nouvelle formule, non seulement il vote des lois, mais il en écrit et puis en plus, maintenant, il contrôle le Gouvernement. C'est vraiment un métier qui devient vraiment très nouveau et passionnant.
 
C. Roux : Le vôtre en particulier ça vous donne plus de pouvoir ?
 
Et passionnant. Vous savez, on ne cherche pas ça forcément à chaque fois. Ce qui est sûr, c'est qu'au moins désormais, on n'est pas simplement invité à fermer les yeux et à voter sans regarder. Maintenant on est comme dans tous les Parlements modernes en première ligne pour coproduire les réformes. Donc l'idée, c'est que sur le RSA, on évalue et que si ça marche on continue, si ça ne marche un peu moins bien, on adapte, bref quelque chose de très interactif. Vous savez, comme à Canal, finalement : quand ça marche, vous gardez, quand ça ne marche pas, vous ne gardez pas. On va faire pareil à l'Assemblée.
 
C. Roux : En gros, vous dites ce matin : il faudra compter avec J.-F. Copé ?
 
Non, ça c'est vous qui l'avez dit, mais c'est...
 
C. Roux : C'est ce qu'on a compris. Alors la crise financière...
 
Ce n'est pas depuis aujourd'hui, ça c'est la vie de tous les jours, mais même vous, dans votre métier, vous faites pareil. Personne ne pense être là simplement pour regarder passer les courants d'air.
 
C. Roux : Alors la crise financière, N. Sarkozy va s'exprimer la semaine prochaine, qu'est-ce que vous attendez de l'intervention du président de la République ?
 
D'abord je crois que nous avons lancé beaucoup de réformes. Et elles sont absolument indispensables. Il faut bien comprendre que c'est grâce à tout ce que nous avons commencé à faire, que nous avons commencé à mettre les éléments pour nous protéger de cette crise. Vous savez, quand vous réorganisez les conditions de travail, comme on l'a fait en assouplissant énormément les 35 heures, quand vous réorganisez l'Etat, ce qu'on a commencé à faire, quand vous commencez à lancer des réformes, sur la Sécurité sociale, le budget etc. c'est vraiment pour se préparer face à ce choc économique international. Donc qu'est-ce qu'il est important de faire maintenant ? Premièrement, il est de rendre sensible les Français aux raisons de cette crise. Parce que je crois que ce qui manque beaucoup, dans le débat public français, c'est qu'on ne regarde pas ce qui se passe dans le reste du monde. On n'est pas assez sensibilisé aux questions économiques et aux questions financières, donc c'est très important, que le président de la République donne son interprétation de cette crise pour commencer à anticiper la manière dont on va en sortir et en France et en Europe. Parce qu'il y a aussi des chances, parmi ces chances, il y a le fait que l'essentiel de cette crise, elle est issue des Etats-Unis d'une part et d'autre part de l'Asie, avec la pression sur les matières premières et que l'Europe, elle, est suffisamment forte pour se protéger.
 
C. Roux : Alors justement, ce qu'on ne comprend pas, c'est qu'on regarde les informations et on entend L. Chatel, le Gouvernement qui disent : ne vous inquiétez pas, la situation des banques est très saine. Est-ce qu'il faut croire le porte-parole du Gouvernement ? N. Baverez souligne dans une interview qu'il y a des groupes français comme Natixis et Dexia qui sont menacés. Est-ce que la situation est si tranquille que le Gouvernement veut bien le dire ?
 
Les deux, non mais les deux ont raison, les deux ont raison. Il est vrai qu'il y a des établissements financiers qui sont plus fragilisés que d'autres parce qu'ils ont mené ces politiques d'investissement d'actifs qui sont plus fragiles avec les subprimes aux Etats-Unis. Mais c'est vrai que l'ensemble du secteur économique français est plutôt mieux protégé que celui par exemple des Etats-Unis, parce que c'est vrai, certains investissements erratiques ont été faits de l'autre côté de l'Atlantique et pas faits chez nous, heureusement.
 
M. Biraben : De la même manière que J.-C. Lagarde vous a posé une question, vous aurez la gentillesse de poser votre question au suivant, qui est une suivante, qui sera là lundi, N. Kosciusko- Morizet.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 19 septembre 2008