Déclaration de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme et aux services, sur la progression du projet de création d'une juridiction communautaire des brevets, Bordeaux le 18 septembre 2008.

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Circonstance : 14ème Colloque des juges européens de brevets à l'2cole nationale de la magistrature, Bordeaux le 18 septembre 2008

Texte intégral

Monsieur le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle,
Monsieur le directeur général de l'École nationale de la magistrature,
Mesdames, Messieurs les magistrats,
Je suis particulièrement heureux d'intervenir aujourd'hui dans le cadre du 14e colloque des juges européens de brevets organisé par l'Office européen des brevets et, pour la première fois par la France depuis près de 25 ans, représentée par l'Institut national de la propriété industrielle. Ce colloque se tient alors même que la France préside le Conseil de l'Union européenne, signe que son engagement pour l'innovation et la compétitivité des entreprises européennes est un enjeu majeur.
Dans l'économie mondialisée, le facteur clé de prospérité est l'innovation. L'innovation complète encore plus aujourd'hui qu'hier les deux autres facteurs économiques que sont le travail et le capital. La croissance a longtemps reposé sur le travail et le capital qui conditionnaient la compétitivité de notre économie. Ces deux facteurs restent importants, mais ils ne permettent pas de créer la différenciation dont l'Europe a désormais besoin dans une économie mondialisée. Ce qui fait la différence aujourd'hui, c'est l'innovation. La compétitivité des entreprises, mais aussi celle des pays, se fait par la capacité à renouveler leurs portefeuilles d'activités et de savoir-faire. Et cette capacité repose sur l'innovation. C'est pourquoi l'Europe doit s'engager fortement à concevoir et à produire les biens et services de demain.
Dans ce cadre, la propriété industrielle est évidemment un outil incontournable. C'est un facteur déterminant du développement des entreprises. La propriété intellectuelle est essentielle : elle permet de protéger et de valoriser les avantages compétitifs des entreprises innovantes et elle représente la plus grande partie des actifs immatériels des entreprises.
En sens inverse, la contrefaçon détruit l'innovation et prive les entreprises de la possibilité de valoriser leur créativité. Les atteintes portées aux titulaires de droits de propriété intellectuelle réduisent leurs capacités de croissance, leurs moyens d'investissement, elles limitent les créations d'emplois par les entreprises.
On cite souvent le Chine comme pays source de contrefaçon. La Chine est une parfaite illustration de mon propos. La Chine est aujourd'hui le 2e investisseur mondial en termes de recherche-développement derrière les États-Unis. Toutefois la qualité de la recherche menée en Chine reste médiocre puisqu'elle n'est classée qu'à la 13e place mondiale. Pourquoi ? Parce que les inventeurs chinois ne sont pas récompensés pour leur invention. Dans un pays où la contrefaçon est la règle on n'incite pas les entreprises à innover, on les incite à copier.
Mais je quitte la Chine pour revenir à la France. Je précise que, contrairement aux idées reçues, les entreprises françaises ont de plus en plus le réflexe du brevet. Pour preuve, sur les trois dernières années, le nombre de demandes de brevets qu'elles ont effectué, a augmenté de plus de 10 %.
Cela n'est pas sans lien avec les actions que le Gouvernement français mène, aux côtés de l'Inpi, afin de favoriser l'utilisation de la propriété industrielle par les entreprises, notamment les PME.
Avant de faire le point avec vous sur le projet de juridiction européenne du brevet et sur le projet de brevet communautaire, je souhaite revenir brièvement sur deux événements qui ont marqué l'année 2008 en France et qui sont de nature à favoriser l'utilisation de la propriété industrielle : je veux parler de l'application du Protocole de Londres et de la loi sur la contrefaçon.
Vous le savez, le Protocole de Londres instaure un système simplifié de traduction des brevets européens, induisant une réduction significative des coûts de dépôts européens. Le coût du brevet européen ne pourra donc plus être considéré comme un obstacle au dépôt de brevets. Je me réjouis de la ratification de l'accord de Londres.
J'ai aussi défendu la loi sur la contrefaçon qui a été votée le 29 octobre 2007. Cette loi assure la transposition de la directive européenne de 2004 sur le respect des droits de propriété intellectuelle. La répression de la contrefaçon commence désormais au « premier euro ». La loi renforce les moyens juridiques à la disposition des titulaires de droits de propriété intellectuelle. Elle autorise une meilleure indemnisation pour les victimes de la contrefaçon. Elle prévoit de sanctionner plus sévèrement les contrefaçons dangereuses pour la santé et la sécurité des personnes.
À cela, il convient d'ajouter la baisse des tarifs de 50 % pour les PME, de dépôt de brevets à l'Inpi. L'Inpi propose aussi 000 pré-diagnostics pour sensibiliser les PME et les aider à mieux intégrer la propriété industrielle dans leurs démarches d'innovation.
Toutes ces mesures ont pour objectif commun de favoriser la croissance par l'innovation, au niveau national mais également européen et international.
Si j'ai souhaité vous parler d'innovation et de compétitivité, c'est parce que cette dimension est absolument indissociable du cadre législatif qui régit la propriété industrielle.
Nous avons tous à gagner à ce que les entreprises européennes soient performantes, innovantes, et dotées des meilleurs outils à la fois pour protéger leurs innovations et pour défendre leurs droits de propriété industrielle. C'est pourquoi je souhaite un aboutissement rapide du projet de juridiction européenne du brevet et de brevet communautaire. Et je sais pouvoir compter sur les compétences et la motivation de chacun, autour de cet objectif commun.
Vous le savez, l'Europe a construit un système des brevets dont les fondements reposent sur le rôle central de l'Office européen des brevets, considéré dans le monde entier comme un office délivrant des brevets de très grande qualité, ce dont nous sommes fiers.
Mais l'Europe, au sens de l'Union européenne, ne connaît pas encore de système juridictionnel intégré pour le contentieux des brevets. Elle ne connaît pas non plus de titre uniforme de brevet pour le marché intérieur, le brevet communautaire. Or, on voit bien l'intérêt de pouvoir disposer d'une juridiction unifiée pour le contentieux des brevets en Europe, afin de réduire le coût des procédures judiciaires multiples pour les entreprises, afin de remédier à l'insécurité juridique des titulaires de droits et des tiers, afin de remédier aux divergences de jurisprudences nationales.
L'Europe a besoin de cette juridiction et de cette jurisprudence unifiées afin de pouvoir compter et peser sur la scène internationale, comme elle le fait aujourd'hui avec l'OEB dans la délivrance des brevets.
L'Europe a besoin d'une juridiction des brevets efficace, qui prononce des décisions de qualité et dans un délai rapide. Une juridiction accessible, qui offre aux entreprises, notamment aux PME innovantes, les moyens de lutter efficacement contre la contrefaçon. Donc, une juridiction qui soit adaptée au contentieux spécifique des brevets.
Quelques points fondamentaux me semblent devoir être abordés aujourd'hui.
En 2006, la France a proposé à ses partenaires européens la création d'une juridiction communautaire des brevets. Je tiens à souligner l'avancée des travaux conduits depuis par les présidences allemande, portugaise et slovène.
Les acteurs se sont attachés à définir un schéma répondant au mieux aux besoins de l'ensemble des différentes parties intéressées. Ainsi, la structure retenue, basée sur une chambre centrale et un réseau de chambres locales, permettra de garantir la proximité pour les utilisateurs, la qualité et la cohérence de la jurisprudence.
Afin de ne pas connaître à nouveau les échecs du passé, les débats doivent être menés dans le respect d'objectifs essentiels :
- la juridiction doit être composée de magistrats hautement qualifiés tant sur un plan juridique que technique, et répondant à la spécificité du contentieux des brevets ;
- la procédure doit être d'un coût accessible pour les entreprises ;
- le système doit apporter toute la garantie en terme de sécurité juridique grâce à un corpus de règles uniques ;
- et enfin, il doit faciliter la construction d'une jurisprudence des brevets uniforme dans l'Union européenne.
Si les discussions doivent se poursuivre à propos d'un certain nombre de points techniques, il semble que le projet de juridiction soit parvenu à un équilibre sur ses principaux traits, de nature à permettre la conclusion d'un accord. En effet, ce projet contient des éléments de flexibilité importants, notamment sur le plan linguistique, et tient également compte de la diversité des traditions juridiques européennes, telle la séparation entre les actions en nullité ou en contrefaçon des brevets qui pourra être modulée.
Le dispositif ne serait pas complet sans l'adoption d'un brevet communautaire. En effet, les entreprises européennes, et en particulier les PME, pâtissent de l'absence d'un titre communautaire uniforme susceptible de protéger leurs inventions sur l'ensemble du territoire de l'UE à un coût abordable. En conséquence, depuis plus d'un an, le Conseil a repris ses travaux relatifs au projet de brevet communautaire et étudie le recours à de nouvelles solutions technologiques concernant la traduction des brevets, permettant de rendre ce titre accessible tout en garantissant une large diffusion de l'information technique contenue dans les brevets.
Mesdames et messieurs, la compétitivité des entreprises, notamment des PME, est fortement liée à leur capacité à innover, l'innovation étant étroitement liée à la propriété industrielle. Soyez assurés que nous mettons tout en oeuvre pour créer aux niveaux national et européen un cadre favorable, afin de soutenir et accompagner les entreprises qui font le pari de l'innovation. Et je sais pouvoir compter sur vous pour aboutir au système dont les entreprises ont besoin, dont l'Europe a besoin.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 19 septembre 2008