Interview de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi, à "RMC" le 26 septembre 2008, sur l'avenir des départements et sur le plan social de l'usine Renault.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- L. Wauquiez, bonjour, merci d'être avec nous. Si j'ai bien compris N. Sarkozy, hier soir, en 2009, on va se serrer la ceinture ?

Non.

Non ?

Ce qu'il a dit, c'est qu'en 2009 ce sera dur, sur le plan économique, sur le plan de l'emploi...

On ne va se serrer la ceinture ?

Non, pourquoi ?

Ah bon !

Parce que si on se serre la ceinture, ça va aboutir à quoi ? Ça va aboutir à juste renforcer la crise. Si au niveau du Gouvernement, on fait un budget dans lequel on coupe toutes les dépenses, n'importe comment, ça aboutira juste à faire un effet encore pire sur la crise. Donc, le but notamment - et c'est tout notre travail sur le budget - c'est à la fois de soutenir les dépenses qui sont les dépenses qui servent aux Français, qui peuvent servir à conforter l'emploi et, à l'inverse, à faire des économies sur toutes les dépenses inutiles. Le Président en a donné un exemple hier. En France, on empile les structures d'administration locale : on a les communes, on a les communautés de communes, on a les pays, on a les départements, on a les régions, tout ça, ça coûte cher. Est-ce que c'est vraiment utile ? Est-ce qu'il n'y a pas moyen de fonctionner de façon un peu plus intelligente ?

Donc, on va supprimer les départements ?

Non, on a juste posé la question de dire aux élus locaux : écoutez, on a besoin de faire des économies, partout, l'Etat en fait.

Mais alors, comment ? On supprime les départements, on supprime les communes ? Je ne sais pas... Comment ? On transforme les conseillers généraux en conseillers régionaux, on supprime les cantons ? Comment ? Vous êtes un élu local.

Oui. Je pense que, par exemple, on peut avoir un lien qui soit fait entre département et région, on n'a pas forcément besoin d'avoir des administrations qui se dédoublent...

Mais il y a déjà un lien, non ?

... les élus qui se redoublent. Par exemple, on peut décider, qu'on élit en même temps celui qui sera votre conseiller au niveau du département et de la région. Cela peut permettre de faire une économie, c'est une proposition.

C'est-à-dire que le conseiller général devient conseiller régional ?

Voilà, il fait les deux en même temps...

On supprime les cantons ?

...Et on fait du coup une économie. C'est une hypothèse.

Mais ça revient à supprimer les départements, pardonnez-moi ! Disons-le ! Pourquoi ne le dites-vous pas ? On veut supprimer les départements !

Non, parce que je pense que vous avez besoin d'avoir un représentant qui soit... moi j'ai besoin d'avoir un représentant Haute-Loire. Mais ce représentant Haute-Loire, je peux pour la même rémunération, avec la même administration, lui faire faire le job du département et de la région. Ce que je voudrais essayer d'expliquer...

Alors, on regroupe aussi les compétences du département et de la région, franchement ?

Attention ! Cela fait partie des hypothèses qu'on va mettre sur la table et qu'on va discuter.

Non, mais je vous pose la question : est-ce qu'on regroupe les compétences du département et de la région ?

Je pense qu'il faut regrouper. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui...

Donc, on supprime les départements, si on regroupe les compétences, pardonnez-moi !

Je voudrais essayer de donner un exemple clair, concret. Par exemple, au niveau de ma commune, Le Puy-en-Velay, je vais essayer de faire quelque chose au niveau de l'emploi ; je vais devoir aller voir le département, qui va me faire un petit bout d'insertion, la région, qui va me faire un petit bout d'action sur l'emploi, l'agglomération, qui va me faire un petit bout de zone d'activité. Tout ça est dispersé, ce n'est pas clair et on dépense de l'argent inutilement. La réponse à votre question sur le budget de rigueur c'est que, non, il ne faut pas demander aux Français de se serrer la ceinture parce que ce serait plus juste catastrophique sur la crise. Par contre, il faut qu'on traque les dépenses qui sont les dépenses inutiles, et ça vaut aussi pour mon budget.

Mais je voudrais quand même revenir, là-dessus, sur l'histoire des départements, quand même, L. Wauquiez, et puis on passera à autre chose. Si le conseiller général devient conseiller régional, si les compétences du département rejoignent la région, le département n'existe plus, on est bien d'accord ?

Non. Par exemple, ça veut dire que, celui qui est élu, et qui est à la fois élu au département et à la région, au niveau du département par exemple, il s'occupera de ses tâches de personnes âgées, de l'accompagnement des personnes âgées, de l'insertion sociale, ce type de questions. Quand il ira à la région, il s'occupera des tâches, par exemple, de développement économique. Le but, c'est quoi ? C'est que toutes ces structures, c'est à chaque fois des dépenses immobilières...

On est bien d'accord...

...c'est à chaque fois des dépenses de fonctionnement. Les coûts de communication et de pub qui sont astronomiques. Tout ça, ce sont des dépenses inutiles. Je préfère qu'on arrive à concentrer tout ça, plus d'efficacité, et que cet argent, je préfère avoir plus de monde dans les hôpitaux ou dans les écoles, que de la dépense sur de la structure administrative.

Bien, L. Wauquiez. J'écoutais le discours de N. Sarkozy, non pas hier soir, mais à Agen, en juin 2006, je lis : "Je m'adresse à la France qui souffre, je condamne les dérives du capitalisme et les parachutes en or !". Juin 2006 ! J'ai retrouvé exactement le même discours hier soir. Et il ajoute : "Attention à la crise qui arrive - qui arrive - et qui va entraîner une montée du chômage, qui va entraîner... enfin, tout un tas de difficultés pour nous, Français". Parlons du chômage, tiens !

Je vais d'abord répondre peut-être à ça...

Répondez, répondez, oui...

La première chose, et c'est vrai, c'est que le Président a depuis longtemps tirée la sonnette d'alarme, et vous avez raison, avant même qu'on ait la crise financière qui est arrivée aux Etats-Unis, ça a été un des premiers, notamment à droite, à dire : attention aux dérives d'un système ultra financier.

Il est devenu Président, il a dépensé de l'argent !

Non ! Alors, maintenant, qu'est-ce qu'on a essayé de faire dans le domaine ? D'abord, je voudrais juste, pour bien essayer d'expliquer avec un exemple encore simple. J'ai sur mon département deux entreprises qui faisaient le même job ; une, qui était dans le secteur plastique emballage pur, et l'autre, qui faisait un peu de moulage. La première était détenue par des capitaux qui étaient des capitaux familiaux, qui ont réinvesti la plupart du temps leur argent, et du coup, cette entreprise s'est développée et a conforté l'emploi localement. L'autre, était détenue par des fonds de pension, notamment américaines, qui ont exigé des taux de rentabilité astronomiques, et qui ont épuisé l'entreprise et du coup tué l'emploi. Le discours du Président d'hier c'est quoi ? C'est de dire, on ne peut pas laisser se développer le capitalisme sur des perspectives de court terme ; vous avez des fonds de pension qui pompent tout l'argent d'une entreprise et qui les laissent exsangues. Notre but, c'est de conforter la partie qui nous permet de garder de l'emploi durablement, avec une vision de long terme. Avant, votre question c'est : d'accord, mais il a déjà fait le discours il y a trois ans, qu'est-ce qui a changé ? Il y a des choses déjà qu'on a fait bouger. D'abord, les stock-option qui avant ne servaient pas à financer la protection sociale, on adopté une mesure : aujourd'hui, les stock-option en France servent à financer la protection sociale.

Donc, on a déjà moralisé le capitalisme, si j'ai bien compris ? Pour l'instant, les résultats...

Pas suffisants, je suis d'accord. Deux, sur les agences de notation, les agences de notation financière, là, tout ce qui est autour de Wall Street, de la Bourse, et qui a fait n'importe quoi pendant cette crise. Un décret est en cours, avec un projet, pour aboutir à mieux réglementer et réguler ces agences de notation. Troisièmement, pendant la semaine, là, on a adopté un projet de loi qui s'appelle "intéressement, participation". Derrière le mot, ça veut dire quoi ? Cela veut dire que, quand une entreprise fait des bénéfices, le but c'est que ça n'aille pas seulement sous forme de parachutes dorés à certains patrons, mais que ça puisse se décliner sur l'ensemble des salariés, et qu'il puisse y avoir une bonne rémunération au bénéfice aussi de tous les salariés. Quatre, le président de la République, notamment dans le cadre de sa responsabilité de président de l'Union européenne, a déjà porté une initiative conjointe avec A. Merkel sur les questions de la monnaie. On a aujourd'hui un désordre international sur la monnaie. Quand vous avez une entreprise qui, par exemple, dans le domaine...

Non, mais L. Wauquiez, oui je suis d'accord ! Mais, bon, il a demandé une réunion du G8 - pour l'instant personne n'a répondu, mais on attend, il faut laisser le temps au temps... L. Wauquiez, puisque vous me parliez des entreprises, je voudrais prendre un exemple, moi aussi : celui de Renault, qui a fait 1,5 milliard et demi de bénéfices depuis le début de l'année 2008, et qui continue à annoncer des suppressions d'emplois ! Pourquoi ? Parce que, peut-être que la direction de Renault ne fait pas son travail, et pense plus à la finance qu'à l'avenir de l'entreprise. Non ? Oui ou non ?

J'ai été un des premiers à dénoncer ce plan de Renault, et j'ai été un des premiers à dire...

Vous le dénoncez aujourd'hui le plan de Renault ? Vous dites à Renault, à la direction de Renault : "ce plan est un mauvais plan !"

Je l'ai dit et redit...

Vous le dites ça ?

Parfaitement, je dis que le plan de Renault, tel qu'il est présenté aujourd'hui n'est pas acceptable ! Et je suis parfaitement conscient, je pèse les mots de ma déclaration. Pourquoi ? D'abord, parce que Renault décide alors même qu'ils font des bénéfices, de déplacer toute une partie de leur production à l'étranger. Moi je ne peux pas accepter qu'on ait un groupe qui laisse une terre brûlée derrière eux, sans s'occuper de ce qui se passe pour des emplois qu'ils ont détruits.

Il y a souvent des plus de 50 ans, pardonnez-moi, qui vont partir ! Exactement. Et on veut encourager l'emploi des plus de 50 ans !

Exactement, et on nous dit : le plan, ce plan de départ est un plan de départ volontaire. La réalité, c'est qu'on pousse les seniors vers la porte, et que derrière, on sait très bien qu'ils auront du mal à retrouver un job. Alors, mon travail en temps que ministre de l'emploi, ce n'est pas seulement de dénoncer, c'est d'essayer de voir qu'est-ce qu'on peut faire.

Vous allez convoquer C. Ghosn ?

Non, mais C. Lagarde, elle, est en négociation très serrée avec C. Ghosn. Mon travail se fait sur deux domaines : le premier, d'abord : d'accord, Renault prend cette décision, mais ils ont des bénéfices aussi, et donc, on va leur demander de participer à la revitalisation des territoires qu'ils abandonnent. En concret, ça veut dire quoi ? Il y a des PME aussi qui sont sur ces territoires, qui étaient des sous-traitants de Renault, pour lesquelles ça représente un choc énorme ce départ ; on va leur demander de pouvoir aider à financer ces PME pour qu'elles se reconvertissent, pour que, peut-être, si c'étaient des sous-traitants de l'automobile, on puisse les réorienter vers d'autres domaines : TGV, Airbus, l'aéronautique, ce type de chose. Pour que ce ne soit pas la terre brûlée : juste Renault part, et laisse un champ de ruines derrière lui. Cela, je ne peux pas accepter. La deuxième chose, c'est qu'il faut qu'on demande d'explorer toutes les possibilités. D'accord, peut-être qu'on ne peut plus fabriquer de Clio en France, mais par contre, on peut, peut-être, se développer sur des véhicules électriques, essayer de se développer sur des nouvelles technologies de développement durable. Et c'était aussi le sens de l'intervention du Président hier. Il ne faut pas qu'on se contente d'être dans une posture défensive, on agite les mains, il faut aussi qu'on ailler chercher ce que sont les emplois de demain. Et notamment ces emplois qui sont liés à la croissance verte, au développement durable, à l'écologie. [...]

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 26 septembre 2008