Déclaration de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale dans le contexte de crise économique (maîtrise des dépenses de l'assurance maladie et des difficultés de gestion de l'hôpital), Paris le 29 septembre 2008.

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Circonstance : Intervention devant la Commission des comptes de la Sécurité sociale, à Paris le 29 septembre 2008

Texte intégral

Madame la ministre, Monsieur le ministre,
Mesdames les secrétaires d'État,
Messieurs les parlementaires,
Monsieur le secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs.
Je voudrais tout d'abord remercier le secrétaire général de la Commission des Comptes, Monsieur Francois Monier, pour cette présentation comme toujours très claire de la situation du régime général.
Je souhaite également remercier le Directeur de la sécurité sociale, Dominique Libault, et l'ensemble de ses équipes pour le travail accompli. Je pense que je peux associer à ces remerciements Roselyne BACHELOT, Xavier BERTRAND, Valérie LETARD et Nadine MORANO.
Je vais vous présenter notre projet pour le financement de la sécurité sociale en 2009. Et je veux vous parler en toute lucidité et transparence, comme je l'ai fait vendredi dernier en présentant le projet de loi de programmation de nos finances publiques pour 2009-2012.
Ne croyez pas que la crise économique n'ait pas d'impact sur nos finances sociales. Il faut bien mesurer ces effets extérieurs pour prendre conscience de la difficulté de l'exercice. Je voudrais vous rappeler que l'effet de la dégradation de la conjoncture c'est plus de 3 milliards d'euros qui pèsent sur le régime général en 2009 :
- 1 point de masse salariale en moins en 2009 par rapport à 2008 c'est deux milliards de recettes en moins pour le régime général ;
- l'inflation plus forte que prévu en 2008 conduit en 2009 à un surcroît de dépenses de prestations familiales et de retraites de 1,4 milliards d'euros.
Les choix que nous faisons, les objectifs que nous nous fixons doivent se mesurer à l'aune de cette situation nouvelle. Deux objectifs et un principe guident notre action :
Le 1er objectif c'est de poursuivre le redressement de l'assurance maladie et parvenir à l'équilibre du régime général en 2012 ; le déficit de la sécurité sociale se réduit cette année, il faut consolider et poursuivre cette tendance ; il est hors de question de reporter nos efforts d'ajustement à plus tard.
Le 2e objectif, dans ce contexte de crise économique, c'est de ne pas pénaliser les ménages et de limiter les prélèvements nouveaux sur les entreprises. Aucune mesure ne pèsera sur le pouvoir d'achat des ménages et nous tiendrons au contraire nos engagements en faveur des retraités les plus modestes. Et ce n'est pas non plus en période de crise que nous devons remettre en cause les exonérations de cotisations qui soutiennent l'emploi.
Vous le voyez bien, la voie est étroite. Le principe de notre action est celui de la responsabilité : il faut que chacun assume les siennes, que les efforts soient partagés pour que nous puissions sortir de cette situation de déficit permanent depuis 20 ans. Je rappelle que la dernière fois que l'assurance maladie a été en excédent, c'était en 1988. C'est sur ce principe de responsabilité, avec un devoir de transparence et de vérité, que nous avons construit ce projet de loi de financement.
Assumer ses responsabilités, c'est d'abord rendre des comptes sur 2008 et le respect des objectifs que nous nous étions fixés. Et nous sommes au rendez-vous, en dépit d'une progression moins forte que prévu de la masse salariale de 4,8 % à 4,5 %.
En 2008, le déficit du régime général serait de -8,9 milliards d'euros ce qui est en phase avec le vote du Parlement dans la LFSS et les prévisions de juin. Le déficit se réduit par rapport à l'année précédente où il était de 9,5 Md euros ; le déficit de la CNAMTS sera de -4 Md euros, ce qui est le meilleur niveau atteint depuis 2001. Rappelez-vous, il était de -11,6 Md euros en 2004 : on a divisé le déficit par 3 en 4 ans.
L'ONDAM serait dépassé de 750 M euros : ce dépassement représente 0,5 % de l'objectif et c'est la meilleure performance depuis 1999 en termes de respect de l'ONDAM. C'est encore trop. Je l'ai dit en juin et le répète : l'ONDAM, ce n'est pas l'objectif augmenté du seuil d'alerte ; il faut que nous soyons en situation d'agir au plus tôt pour corriger tout dérapage.
Et nos responsabilités, nous les avons prises, avec Roselyne BACHELOT en décidant dès juin d'un renforcement des mesures de maîtrise médicalisée, de baisse de prix de médicaments et d'un gel de fonds pour un montant total de 170 M euros ; nous allons aussi geler 100 M euros de crédits non utilisés sur le FMESPP sans que cela nuise aux projets de modernisation des hôpitaux, c'est un principe de bonne gestion. Sans ces mesures, le dépassement de l'ONDAM aurait été de 1,2 milliards d'euros.
Le retour à l'équilibre, ce n'est pas une seule mesure : c'est un ensemble d'actions fortes, déterminées et durables dans le système qui est le notre aujourd'hui. Il faut que chacun prenne sa part de responsabilité et assume les mesures nécessaires au rétablissement de nos équilibres. C'est ce que nous mettrons en oeuvre dans ce projet de loi pour 2009.
Quelle est la tendance ?
- En 2008, le déficit avant mesure aurait été de -12,7 milliards d'euros, nous avons fait un effort de 4 milliards d'euros.
- En 2009, le déficit tendanciel se creuse encore plus à cause du ralentissement de la masse salariale et de l'effet de l'inflation : il serait, avant mesure, de 15 milliards d'euros, nous faisons donc un effort encore plus vigoureux de redressement à hauteur de 6 milliards d'euros.
C'est un effort équilibré avec des économies de plus de 3 milliards d'euros, dont 1 milliard au titre des frais financiers, des transferts au sein de la protection sociale pour 1,7 milliard d'euros et des recettes nouvelles pour 1,4 milliard d'euros.
Ce projet de loi permettra de ramener le déficit du régime général à -8,6 milliard d'euros et de poursuivre la baisse du déficit.
Notre stratégie repose sur quatre piliers sur lesquels je vais revenir :
- le règlement des dettes du passé,
- une maîtrise constante de la dépense,
- une adaptation des ressources au sein de la protection sociale, sans hausse de prélèvement
- une sécurisation des recettes par un meilleur encadrement des niches sociales.
1) Assumer ses responsabilités, cela vaut d'abord pour l'État. Et nous le faisons. Je m'étais engagé l'année dernière à régler la question du déficit du FFIPSA, ce sera fait dans le projet de loi de finances et de financement de cette année.
L'intégralité de la dette de 7,5 Md euros à fin 2008 sera reprise par l'État. En outre, l'État affectera au financement des prestations maladie des non salariés agricoles la totalité de la taxe sur les véhicules de société (1,2 milliards d'euros), ce qui permet d'équilibrer cette branche en 2009. Le régime d'assurance maladie des agriculteurs sera intégré financièrement à la CNAMTS, comme c'est déjà le cas pour les salariés agricoles. L'opération sera neutre financièrement pour la CNAMTS.
Pour la branche vieillesse, la situation des finances publiques ne permet pas de résoudre dès 2009 l'intégralité des difficultés de financement. La reprise de la dette permet déjà d'alléger les charges de 200 millions d'euros.
Des recettes nouvelles ponctuelles pourront être affectées mais cela ne suffira pas : le gouvernement s'engage, dans le cadre d'un point d'étape sur les retraites en 2010, à étudier la question du financement du régime d'assurance vieillesse des non salariés agricoles. À court terme, le versement des prestations sera garanti grâce à l'autorisation d'emprunt donnée à la MSA par la loi de financement de la sécurité sociale. La gestion des prestations continuera d'être assurée par la MSA. Le FFIPSA sera supprimé mais nous avons bien entendu le souci d'avoir une instance de concertation sur la protection sociale agricole, peut-être à partir du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles, nous y travaillons avec Michel BARNIER.
Prendre ses responsabilités, c'est aussi régler la question de la reprise de dette de la Sécurité sociale. Je m'y étais engagé, le projet de loi prévoira un transfert à la CADES des déficits cumulés du régime général et du FSV, soit près de 27 milliards d'euros à fin 2008, sans hausse de CRDS ni d'aucun prélèvement et sans report sur les générations futures. Nous affecterons à la CADES une fraction de la CSG dont bénéficie aujourd'hui le FSV (0,2 point soit 2,3 milliards d'euros). Il y avait d'autres solutions : la hausse de la CRDS, l'utilisation d'une partie des recettes voire des actifs du Fonds de réserve des retraite. Nous les avons écartées, pour ne pas augmenter les prélèvements sur les ménages ou parce que les partenaires sociaux nous ont fait part de leurs vives réserves. J'ai tenu à maintenir l'objectif de reprendre l'intégralité de la dette, et pas seulement une partie ; c'est essentiel pour assurer un financement optimal de la trésorerie de la sécurité sociale et permet au régime général d'économiser 1,1 milliard d'euros de frais financiers en 2009. Notre solution a un mérite essentiel : tout le monde est gagnant. Il n'y a pas de hausse des prélèvements, pas d'allongement de la durée de la CADES, le régime général économise des frais financiers ; le FSV lui-même améliore sa situation financière grâce à la reprise de sa propre dette : il passera d'une situation financière négative de -3,9 milliards d'euros à fin 2008 à une situation négative de -0,8 milliards d'euros en 2009. Le déficit du FSV qui sera recréé avec ce transfert de recettes sera limité et temporaire : limité, car il devrait être de 800 millions d'euros en 2009 et de 500 millions d'euros en 2011 ; temporaire, car le fonds retrouve l'équilibre dès 2012.
Pour tous ceux qui connaissent un peu les enjeux de sécurité sociale - et je sais que vous en êtes familiers - ces deux mesures sont des points majeurs : y répondre en temps de crise était d'autant plus difficile. Je tiens à souligner que nous réglons ces deux questions - la reprise de la dette sociale et le FFIPSA - sans passer par l'augmentation des prélèvements. Par ces mesures, nous assainissons les comptes, réglons les situations passées pour mieux aller de l'avant.
2) La clé du redressement passe par la maîtrise de la dépense et notamment la dépense d'assurance maladie. Nous avons décidé de fixer l'ONDAM à 3,3 % en 2009 et les années suivantes. 3,3 % en 2009, c'est un objectif ambitieux mais réaliste : c'est le taux de croissance constaté en 2008.
Nous avons également veillé à ce que l'effort soit équitablement réparti entre tous les acteurs : industrie des produits de santé, professionnels libéraux, établissements de santé et assurés.
L'effort nous concerne tous car, dans le domaine de la santé, les responsabilités sont éclatées et chacun a sa part de responsabilité : citoyens, professionnels de santé et gestionnaires du système. Ma conviction, c'est qu'il faut une évolution profonde des comportements et une action forte et sans relâche des gestionnaires pour vaincre les déficits de l'assurance maladie. Les gestionnaires n'assument pas toujours pleinement leurs responsabilités. Après tout, 20 ans de déficit, c'est un peu comme 20 ans de mariage, on prend des habitudes et il faut faire attention à ne pas tomber dans la routine ! J'en appelle donc à la mobilisation générale pour vaincre les déficits !
En premier lieu, il est urgent de s'attaquer résolument aux difficultés de l'hôpital. Le président de la République l'a rappelé dans son discours de Bletterans : l'hôpital c'est 64 % des dépenses de soins en France, contre moins de 50 % dans la moyenne de l'OCDE. La France est également le pays au monde où le nombre d'établissements de soins publics et privés rapporté à la population est le plus élevé. Il est indispensable que les ARH,- et demain les ARS- , favorisent les regroupements d'établissements. Les « communautés hospitalières de territoire » que va créer la réforme de l'hôpital de Roselyne Bachelot devraient leur permettre de passer à la vitesse supérieure. Encore faut-il que les acteurs utilisent les nouveaux outils qui seront mis à leur disposition !
Les gestionnaires d'hôpitaux doivent également mobiliser toutes les marges de productivité qui existent dans leurs établissements. Si trois CHU étaient à l'équilibre en 2007 et les 26 autres en déficit, c'est que certains sont bien gérés et d'autres non ! L'agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) que nous créons dans le PLFSS 2009 et qui regroupera en une seule structure la Mission pour l'appui à l'investissement hospitalier (MAINH), la Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers (MEAH) et le Groupement pour la modernisation des systèmes d'information hospitaliers (GMSIH) aidera les hôpitaux à être mieux organisés et plus efficaces.
Du côté de l'assurance maladie, j'attends des caisses qu'elles redoublent dans leurs efforts de maîtrise médicalisée. Les accords passés avec les médecins ont permis d'engranger des résultats. Mais année après année, l'élan s'est un peu brisé, et les objectifs d'économies ne sont pas atteints. Ce n'est plus possible ! Il faut atteindre 100 % des objectifs, alors que ces trois dernières années seuls 60 % ont été atteints en moyenne. J'attends du directeur général de l'UNCAM qu'il utilise la plénitude des moyens que lui a donnés la loi de réforme de l'assurance maladie de 2004 pour donner un nouveau souffle à la maîtrise médicalisée.
J'aimerais également, - et je le dis en toute amitié - , que les partenaires sociaux qui composent le Conseil de l'UNCAM donnent plus de visibilité à la politique de gestion du risque de l'assurance maladie, qu'ils en détaillent les objectifs et les instruments pour la faire accepter dans l'opinion. Je suivrai de près les résultats qui seront obtenus. L'UNCAM devra d'ailleurs faire un bilan des mesures de l'année précédente dans son rapport de propositions de juillet.
Pour que l'action des caisses soit efficace, elles doivent pouvoir s'appuyer sur des recommandations claires de la Haute autorité de santé, qui permettent d'identifier les stratégies de soins qui ont le meilleur rapport coût / efficacité. La LFSS 2008 a autorisé la HAS à rendre des recommandations sur une base médico-économique, comme ses homologues européens. Or, je constate qu'aucune recommandation de ce type n'a été rendue à ce jour. J'attends maintenant qu'elle fasse usage très rapidement de ses nouvelles compétences. Il n'y a pas que l'hôpital qui doit savoir gérer les urgences !
De façon générale, je constate que nous sommes trop lents dans l'application des mesures prises dans les LFSS successives. C'est bien d'être inventif chaque année et de trouver de nouvelles mesures, mais il faut d'abord utiliser pleinement les outils qui existent. J'ai cité les recommandations médico-économiques de la HAS mais j'aurais également pu évoquer les contrats individuels avec les médecins et l'expérimentation de nouveaux modes de rémunérations, mesures qui figuraient dans la LFSS 2008 et qui n'ont toujours pas commencé à être mises en oeuvre. Nous devons tous fournir des efforts pour être plus efficaces.
3) La responsabilité, c'est aussi constater que les besoins sociaux évoluent et que nos financements doivent s'adapter, au-delà des répartitions initiales entre branches et risques de la protection sociale. Le citoyen est un ; cela n'a pas de sens de creuser les déficits d'un côté et d'avoir des excédents de l'autre. Cette vision globale est essentielle pour faire face au défi du vieillissement et redresser les comptes de l'assurance vieillesse. Elle s'appliquera au sein du régime général dans ce projet de loi : la branche famille financera progressivement, d'ici 2011, l'intégralité des majorations de pensions pour enfant aujourd'hui partagées entre CNAF et FSV : dès 2009, la CNAF financera 70 % de ces majorations ce qui permettra à la CNAV d'améliorer ses comptes de près de 500 millions d'euros. D'ici 2011, cela représentera 1,8 milliards d'euros d'apport à l'assurance vieillesse. Ce principe s'appliquera aussi à la hausse des cotisations vieillesse qui sera de 0,3 point en 2009 et qui a vocation à être compensée par une baisse équivalente des cotisations d'assurance chômage grâce à l'amélioration de la situation financière de l'UNEDIC. D'ici 2011, la hausse de 1 point de cotisation compensée par la baisse des cotisations chômage doit permettre à la CNAV de bénéficier de 6,5 milliards d'euros de ressources nouvelles.
4) La préservation des recettes de la sécurité sociale est notre 4e point fort dans ce PLFSS mais aussi dans la loi de programmation des finances publiques. Le constat est clair, et Yves BUR y a beaucoup contribué : le redressement des finances publiques implique de mieux maîtriser les créations d'exonérations et de mieux en évaluer l'efficacité. La loi de programmation prévoit trois règles salutaires : une évaluation systématique des dispositifs trois ans après leur création, un objectif annuel de coût des exonérations, réductions ou abattement d'assiette et la mise en place d'une règle de gage. Tout euro de niche sociale supplémentaire résultant de la création ou de l'extension d'un dispositif devra être compensé par une réduction de dépenses à due concurrence portant sur un autre dispositif.
Dès ce PLFSS, nous évaluerons le coût des exonérations mais aussi des abattements d'assiette : les exonérations de cotisations sociales représentent près de 33 milliards d'euros en 2009 dont plus de 92 % sont compensés à la sécurité sociale. L'évaluation de l'incidence des abattements d'assiette est elle plus délicate ; c'est un sujet d'une toute autre nature : je rappelle que ces revenus n'ouvrent pas de droits à la sécurité sociale, contrairement aux cotisations qui font l'objet d'exonérations. Il est en outre probable que les employeurs auraient versé à leurs salariés des sommes moins importantes si ces sommes étaient assujetties au taux normal de cotisations sociales. Dans ce PLFSS, nous nous livrons cependant à l'exercice, nous évaluons cet impact à environ 9 milliards d'euros pour 2009.
Je ne me limite pas à un travail statistique ; il s'agit bien d'objectifs qui doivent guider nos décisions sur le financement de la protection sociale.
Dès ce PLFSS, je propose de réduire cet impact en mettant en place un forfait social, une contribution patronale d'un montant faible - 2% - sur l'intéressement, la participation, l'épargne salariale et la retraite supplémentaire. Nous voulons développer ces dividendes du travail ; il est alors normal et cohérent qu'ils participent au financement de la protection sociale, en l'occurrence de l'assurance maladie pour environ 400 millions d'euros.
Ce forfait social fait partie du 1,4 milliard d'euros de recettes nouvelles apportées à la sécurité sociale avec la contribution des organismes complémentaires. Je redis avec force que cette hausse de la taxe sur le chiffre d'affaire des complémentaires santé ne peut en aucun cas être assimilée à un prélèvement supplémentaire : le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) a bien montré que chaque année, en l'absence de mécanisme de rééquilibrage, près de 600 M euros de plus sont à la charge de l'assurance maladie obligatoire et ne sont plus remboursés par les complémentaires. La contribution des complémentaires a été calibrée pour corriger ce déport des dépenses lié notamment à la croissance du nombre de personnes en affection de longue durée. Cette contribution peut donc être absorbée par les complémentaires sans hausse de leur cotisations. Nous allons prendre dans ce PLFSS des mesures pour leur permettre d'être mieux associés à la maîtrise des dépenses, notamment aux négociations avec les professionnels de santé. Là encore, chacun doit être mis en capacité d'exercer toutes ses responsabilités.
Vous le voyez, l'équilibre de nos finances sociales exige une action soutenue, une volonté partagée et des efforts constants de bonne gestion. Pas de recette miracle mais une action de chacun pour gérer au plus près. Et la lutte contre la fraude et les abus est un élément de cette stratégie de responsabilisation : il faut être certain que les règles sont scrupuleusement respectées par tous pour qu'elles suscitent une adhésion. Avec l'appui de la Délégation nationale de lutte contre les fraudes créée cette année, nous allons développer les échanges de données :
- les agents des caisses prestataires ont depuis septembre accès aux déclarations préalables à l'embauche des Urssaf ;
- le croisement des fichiers de DADS et de ceux de l'Unedic permet de détecter depuis juillet les bénéficiaires à tort de l'assurance chômage ;
- je veux généraliser le croisement des fichiers de taxe d'habitation avec ceux des CAF pour mieux contrôler les allocations logement.
- Je serai aussi attentif, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, à nous doter des échanges d'information nécessaires avec nos partenaires pour mieux contrôler les droits et déjouer les fraudes.
Je veillerai à ce que la mise en place du RSA s'accompagne bien des outils de contrôle et de lutte contre la fraude. Je signale d'ailleurs que l'État a pris pleinement ses responsabilités pour le RSA qui ne pèsera pas sur la branche famille même s'il y a une dimension familiale dans cette nouvelle prestation.
J'ai souhaité renforcer les sanctions financières et améliorer leur recouvrement pour qu'elles soient réellement dissuasives. Le président de la République a demandé de mettre en place des peines plancher, nous le faisons : en cas de fraude manifeste à l'assurance maladie, des sanctions financières plancher pourront être décidées par les caisses comme nous l'avons fait l'année dernière avec le redressement forfaitaire en matière de travail illégal. Avant, quand l'assurance maladie découvrait qu'un médecin facturait des actes fictifs ou qu'un professionnel se livrait à un trafic de médicaments, elle ne pouvait pas le sanctionner immédiatement car elle devait chiffrer l'indu précisément ; demain, ce sera d'emblée une sanction minimale de 1 350 euros. Si un assuré fraude à la carte Vitale, ce sera 280 euros. Et les sanctions seront proportionnées à l'ampleur de la fraude et aggravées en cas de fraude en bande organisée.
Et surtout je vais suivre la mise en oeuvre de ces dispositifs pour rendre compte de leur efficacité : les redressements forfaitaire en matière de travail illégal ont été utilisés dans 224 opérations de contrôle des Urssaf depuis cet été pour 1,3 M euros de redressement et je souhaite m'assurer de l'efficacité de ce dispositif.
Enfin, je souhaite soumettre à la consultation des caisses nationales de sécurité sociale un article pour encadrer davantage l'ouverture de droits sur la base d'attestations sur l'honneur : il n'est pas normal de pouvoir s'ouvrir des droits aussi facilement et sans contrôle. Dans le cas des prestations vieillesse, nous avons bien vu les risques d'abus voire de fraude en matière de régularisations de cotisations arriérées.
Les premiers constats de l'IGAS et de l'IGF sont édifiants ; ils montrent aussi qu'au-delà des abus et fraudes des assurés, il y a eu des fraudes internes, impliquant des agents de la sécurité sociale, au moins dans une Urssaf. Evidemment ce sont des cas rares, isolés mais la femme de César doit être irréprochable : face au risque de fraude interne, je demande - et Xavier BERTRAND avec moi - à tous les directeurs de caisses nationales de faire preuve de la plus grande vigilance, de renforcer leurs procédures de contrôle interne et de procéder aux enquêtes nécessaires en cas de suspicion. Un point très précis devra m'être fait dans les deux mois.
Au-delà de 2009, la stratégie est claire vers le retour à l'équilibre. Le projet de loi de programmation que j'ai présenté au conseil des ministres du 26 septembre trace les conditions de cette réussite :
- pour revenir très proche de l'équilibre en 2011 et retrouver un excédent de l'assurance maladie en 2012, il faut tenir l'ONDAM à 3,3 % sur l'ensemble de la période : c'est atteignable, c'est le taux de 2008 et de 2009 mais cela suppose un effort constant pour améliorer l'efficience du système de santé ;
- il faut une vision globale de nos finances sociales qui permette d'adapter l'affectation des ressources à l'évolution des besoins sociaux, notamment au profit de l'assurance vieillesse ;
- il faut enfin un engagement déterminé de tous pour améliorer l'emploi des seniors, clef de l'équilibre de la CNAV : Xavier BERTRAND y reviendra mais il est clair que nous prenons dans ce PLFSS des mesures fortes dont il faudra tirer un bilan en 2010.
L'équilibre du régime général en 2012 est un objectif ambitieux mais réaliste et atteignable pour peu que nous prenions tous conscience des changements à opérer. Le temps des bonnes intentions et des promesses sans lendemain est terminé. Il faut que chacun prenne ses responsabilités. C'est la seule façon d'assurer la pérennité de notre système de sécurité sociale.
Source http://www.comptes-publics.gouv.fr, le 30 septembre 2008