Déclaration de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur l'encouragement au développement de l'agriculture biologique pour une agriculture européenne et durable, Paris le 8 octobre 2008.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Assises nationales du Bio sur le thème : "Quelles évolutions de la bio en un an ? Quelles perspectives pour la restauration collective ?" à Paris le 8 octobre 2008

Texte intégral

Mesdames, Messieurs
Je suis très heureux de vous retrouver pour introduire les Assises nationales de la BIO. Il y a moins d'un mois, j'étais avec certains d'entre vous pour conclure les travaux du Grand Conseil d'orientation de l'Agence BIO.
Vous êtes de plus en plus nombreux à vous intéresser à l'agriculture biologique, à vous impliquer dans le développement de ce mode de production. Nombreux et venus d'horizons très diversifiés : recherche scientifique (AFSSA, INRA, ITAB - institut technique de l'agriculture biologique...), agriculteurs, entreprises de transformation, de distribution, restauration collective, collectivités, services déconcentrés du ministère, entreprises de conseil, de communication, agences de l'eau, banques, professionnels de l'information, etc..
Votre présence rend compte du chemin parcouru depuis un an : l'agriculture biologique est un axe important de la politique gouvernementale en faveur de l'environnement. Suite à ma proposition, elle a été pleinement prise en compte dans les objectifs du Grenelle de l'Environnement, et plus particulièrement dans la loi de programmation examinée en ce moment par le Parlement. Les acteurs sont mobilisés et cette mobilisation est nécessaire pour atteindre nos objectifs ambitieux.
Je remercie l'Agence BIO pour l'organisation de cette journée et le MEDAAT pour nous accueillir dans cette salle qui m'est chère.
J'ai eu l'occasion, le 17 septembre dernier, devant le GCO (Grand Conseil d'Orientation de l'Agence Bio) de dire mon implication en faveur de l'agriculture biologique. Et de faire un premier point d'étape, un an après son lancement, du plan pluriannuel, ambitieux, de développement l'agriculture biologique. Ce plan vise à ce que l'offre française réponde, à l'horizon 2012, à la demande de nos consommateurs.
1) L'agriculture biologique, élément d'une vision de l'agriculture européenne et durable
Ce plan national en faveur du développement de l'agriculture biologique n'est pas isolé.
Cette action est totalement intégrée dans la vision de l'agriculture que je porte sur la scène européenne et internationale.
Mon ambition à la tête du ministère de l'agriculture est de dessiner les contours d'une agriculture durable sur le long terme. Une agriculture durable, c'est une agriculture relevant le défi écologique et sanitaire, mais aussi une agriculture dont les générations se renouvellent, une agriculture dynamique dans l'installation des jeunes.
L'agriculture biologique s'inscrit naturellement et pleinement dans cette stratégie. De plus, l'agriculture biologique permet d'impulser des pratiques innovantes respectueuses de l'environnement et susceptibles d'être développées plus largement en agriculture. C'est important pour moi, car c'est bien toute notre agriculture que je veux ancrer dans cette nouvelle orientation.
Comme je m'y suis engagé, le bilan de santé de la PAC sera également mis à profit pour encourager une agriculture durable. J'ai fixé plusieurs priorités à ce titre, dans le but d'une réorientation de certains soutiens de la PAC. L'agriculture biologique en fait clairement partie.
2) De nouvelles mesures en France
Les leviers que permettra le bilan de santé de la PAC seront en place en 2010. En attendant, j'ai voulu que les agriculteurs envisageant une conversion vers l'agriculture bio bénéficient d'un signal immédiat et concret.
Et je peux vous confirmer, comme je l'ai annoncé le 17 septembre dernier devant le GCO que :
- le projet de loi de Finances pour 2009 proposera une augmentation de l'enveloppe consacrée aux mesures agro-environnementales en faveur de l'agriculture biologique. Dans un cadre budgétaire contraint, augmenter une enveloppe, c'est marquer fortement une priorité : cette nouvelle enveloppe s'élève à 12 Meuros par an pendant trois ans. Elle sera répartie entre les différentes régions de manière à répondre aux besoins des filières et à la volonté de conversion des agriculteurs.
- l'augmentation de l'enveloppe budgétaire rendra possible le déplafonnement des mesures agroenvironnementales bio :
J'ai en effet décidé que les préfets de région seront autorisés à déplafonner les mesures agroenvironnementales destinées à soutenir les exploitations en conversion vers un mode de production biologique dès la prochaine campagne de souscription. Ceci signifie que :
- Le plafond national fixé jusqu'à présent à 7 600 euros par an et par exploitation pour la conversion vers l'agriculture biologique ou le maintien disparaît.
- Chaque préfet de région aura la possibilité de fixer un plafond approprié, voire de ne fixer aucun plafond.
- Cette mesure concerne les surfaces qui se sont engagées dans le processus de conversion à compter du 16 mai 2008.
Je compte sur cette mesure pour encourager, à partir de l'année 2009, l'engagement de surfaces plus importantes dans la conversion à l'agriculture biologique.
Elle s'inscrit ainsi pleinement dans les objectifs du plan national pour l'agriculture biologique d'augmentation de la production pour satisfaire la demande.
Les modalités pratiques de mise en oeuvre de ce déplafonnement sont en cours de précision. Celui-ci implique notamment des modifications réglementaires. Des éléments précis seront portés tout prochainement à la connaissance des préfets de région pour qu'ils puissent prendre d'ores et déjà en compte cette nouvelle modalité pour les engagements agroenvironnementaux de l'année 2009.
Je sais que vous attendiez un signe fort d'encouragement des conversions et d'engagement de ma part, en faveur de l'agriculture biologique.
Le déplafonnement des MAE bio est un signal important.
Afin que cette mesure soit un succès et puisse porter ses fruits, je demande aux acteurs du développement de l'agriculture biologique, que sont les chambres d'agriculture et les groupement d'agriculteurs biologiques, de même qu'aux différentes fédérations professionnelles, spécialisées ou généralistes, de renforcer et d'intensifier leurs actions sur le terrain pour amener de nouveaux agriculteurs vers la conversion.
Je ne souhaite pas cependant que cette mesure reste isolée.
Au plan national, le principe d'un doublement du crédit d'impôt agriculture biologique vient d'être confirmé, comme cela avait été proposé dans le cadre du Grenelle.
Ces différentes mesures marquent bien un nouveau départ pour la production biologique.
Elles sont la preuve que renforcer et développer cette agriculture sont pour moi une priorité.
3) Le renouvellement des générations : l'enseignement et la formation pour fonder l'agriculture durable et développer l'agriculture biologique
Il importe aussi d'avoir une vision sur la durée quand on parle d'agriculture et de développement durables, et d'oeuvrer dès aujourd'hui pour l'agriculture de demain. Au centre de mon projet d'agriculture durable, il y a le renouvellement des générations. C'est aussi un des leviers essentiels du développement de l'agriculture biologique et nous mettons tout en oeuvre pour cela, à travers la formation qu'elle soit initiale ou continue.
Un mois après la rentrée scolaire, l'occasion s'offre donc à moi de faire un bilan de l'implication de l'enseignement agricole pour le développement de l'agriculture biologique.
- Lors de cette rentrée scolaire 2008, nos établissements agricoles ont accueilli environ 173 000 élèves et 30 000 apprentis. J'ai demandé qu'il y ait une prise en compte du mode de production agriculture biologique dans l'ensemble des diplômes dispensé par l'enseignement agricole. Ainsi 100% de ces élèves auront, une formation à l'agriculture biologique au cours de leur cursus. Cette formation est adaptée au métier auquel l'élève se destine.
- Cette année, au moins 200 élèves apprentis sont inscrits au nouveau brevet professionnel « responsable d'exploitation agricole » spécialisé agriculture biologique.
60 stagiaires répartis sur les 6 établissements techniques proposant la nouvelle licence professionnelle agriculture biologique recevront plus de 600 heures de formation et réaliseront plus de 600 heures de stage entièrement consacrés à l'AB.
- De plus, rien ne vaut la mise en pratique de ce qu'on apprend sur les bancs de l'école, et notre enseignement agricole est à cet égard exemplaire puisqu'à chaque établissement agricole est adossée une exploitation. Près de 30% des exploitations des enseignements agricoles en France ont au moins une partie de leur surface cultivée en bio, et 12 d'entre elles sont 100% bio
Les élèves de ces établissements seront nos agriculteurs de demain, mais aussi nos professionnels de l'agroalimentaire. Plus largement encore ce seront des consommateurs, des citoyens, et des acteurs participant au développement d'une agriculture et d'une société respectueuse de l'environnement.
4) Le bio en restauration collective, pour développer l'identité de nos production et le dynamisme des filières
La prise en compte du respect de l'environnement est une demande sociétale de plus en plus importante. Le Grenelle de l'environnement en est une des expressions. Je ne saurais rappeler ici la relation forte qui existe entre l'agriculture et la société.
L'agriculture, c'est aussi, l'alimentation. C'est une chaîne, constituée de nombreux maillons allant du champ à l'assiette. Bien articulés entre eux, ces différents éléments permettent de structurer les filières.
Car, il ne suffit pas qu'il y ait un marché des produits biologiques. Il faut s'organiser pour l'approvisionner. Cette organisation est la clé de voûte de notre plan et j'y suis particulièrement attaché.
J'ai tenu à ce que des outils financiers spécifiques soient mis en place ou adaptés dans cette optique. Je parle ainsi du Fonds d'intervention stratégique pour les industries agroalimentaires (FISIAA) pour lequel une priorité a été établie en 2008 sur la transformation des produits bio. Je vous annonce dès à présent que cette priorité sera maintenue l'année prochaine.
L'Agence BIO a été dotée d'un fonds de structuration de 3 millions d'euros par an pendant 5 ans. Ce fonds a connu un vif succès et a permis de sélectionner huit projets exemplaires. Le deuxième appel à projets vient d'être lancé le 25 septembre.
Cette structuration permettra de répondre non seulement à la demande croissante des consommateurs, mais aussi à notre objectif d'introduction progressive de produits bio dans la restauration collective. Sur ce point, vous savez que l'objectif fixé par le Grenelle est particulièrement ambitieux. Il concerne d'abord la restauration publique d'Etat. Mais il a vocation à associer également les collectivités. Nombre d'entre elles y sont prêtes.
Cet objectif est en phase avec une demande forte de la société. 78% des parents, dont les enfants n'ont jamais eu de repas avec des produits biologiques dans leur cantine scolaire, le souhaiteraient. 39% des actifs se disent intéressés par des produits bio dans leur restaurant d'entreprise.
Cet objectif permet également d'assurer des débouchés pérennes aux produits bio. De contractualiser sur des temps plus longs. De construire des filières structurées, opérationnelles, stables. De garantir des approvisionnements en quantité et dans les délais requis.
Vous le savez bien, la restauration collective peut assurer des débouchés importants aux agriculteurs.
Elle est capable d'anticiper ses besoins et doit servir à mettre en place des procédures de contractualisation avec l'amont agricole.

L'amont et l'aval de la filière bio ont besoin l'un de l'autre pour atteindre leurs objectifs. Je suis convaincu que les débats d'aujourd'hui permettront aux uns et aux autres de mieux se connaître, de mieux appréhender leurs obligations, leurs contraintes, leurs souhaits.
C'est tout l'enjeu pour construire ensemble un système gagnant gagnant.
Car plus loin qu'un objectif chiffré, introduire la bio dans la restauration collective, n'est-ce pas dire : « de la bio partout et pour tous, c'est possible ? » N'est-ce pas faire contribuer chacun, non seulement à la protection de l'environnement, mais aussi à l'appropriation de son alimentation et de son agriculture ?
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 9 octobre 2008