Texte intégral
Mesdames, messieurs,
A la prochaine rentrée, en septembre 1991, toutes les académies verront fonctionner leur Institut Universitaire de Formation des Maîtres. A quelques mois de la rentrée, tout est désormais techniquement prêt pour que ces instituts puissent accueillir et former nos futurs enseignants. Je tiens à faire devant vous, aujourd'hui, le point sur la mise en place de ces nouvelles institutions. Mais, avant d'aborder la dimension concrète du travail technique et réglementaire qui a été effectué depuis un an, j'aimerais situer à nouveau la création des IUFM dans son véritable contexte et en souligner toute la portée.
I - Pourquoi avons-nous engagé cette refonte historique de notre système de formation des enseignants ?
Trois raisons fondamentales nous y ont conduits.
1 °) Nous devons répondre à des besoins de recrutement considérables.
Vous connaissez tous les chiffres du rapport annexé à la loi d'orientation : d'ici à 1993, 23 000 enseignants et, de 1994 à 1999, 27 000 enseignants, par an et en moyenne, devront être recrutés. Face à des besoins d'une telle ampleur, une réponse strictement quantitative, valable en d'autres temps, aurait été aujourd'hui bien insuffisante. Avant de pouvoir recruter, il nous faut en effet attirer vers les carrières de l'enseignement des étudiants plus nombreux. Pour cela, il faut rehausser l'image d'un métier certes passionnant mais que l'on sait difficile. Nous nous y efforçons. Cependant, on ne peut espérer recruter plus sans améliorer le système de formation des enseignants. Le premier objectif des IUFM est donc de relancer une véritable dynamique du recrutement dans notre pays. Comment ? Essentiellement de trois façons.
a) Les IUFM répondent aux interrogations des étudiants.
En rassemblant dans une structure unique des formations jusqu'à présent très cloisonnées, nous avons clarifié et rendu plus visible le parcours que l'on doit suivre pour devenir enseignant. C'est important. En effet, les enquêtes effectuées auprès des étudiants montrent que c'est souvent la méconnaissance qu'ils ont de la formation aux métiers de l'enseignement, la peur d'y être mal préparés qui font renoncer certains d'entre eux. Par exemple, l'expérience menée à Grenoble (qui faisait partie des trois académies expérimentales) a confirmé cette analyse. L'existence d'un institut bien identifié, de parcours de formation mieux définis, a suscité de nombreuses démarches de la part des étudiants auprès des responsables de l'IUFM expérimental, ce qui traduit un réel intérêt pour la profession d'enseignant. C'est un point très positif.
b) Les IUFM permettent de mettre en place un système de pré-recrutement des enseignants.
Confronté aux besoins considérables de recrutement, j'ai fait de ce système un axe majeur de ma politique : création des allocations d'enseignement en 1989 ; mise en place des allocations de monitorat dans l'enseignement supérieur à la rentrée 1989 ; création à partir de 1991 d'un nouveau système d'allocations d'année préparatoire et de première année en IUFM. Depuis la suppression des IPES, aucun étudiant ayant fait le choix de s'engager dans une carrière de l'enseignement ne pouvait, à ce titre, être soutenu dans des études qui sont pourtant longues. Beaucoup ont sans doute renoncé à passer des concours difficiles pour s'orienter vers des formations qui leur permettaient d'entrer plus vite dans la vie active. Avec le système des allocations, les IUFM permettent à des étudiants motivés de préparer les concours dans de bonnes conditions.
c) Les IUFM changeront l'image du métier d'enseignant.
Les instituteurs et les enseignants du second degré ne se définissent pas spontanément par le métier qu'ils ont en commun mais par le concours qu'ils ont passé, par le niveau d'enseignement dans lequel ils interviennent ou par leur spécialisation dans une discipline. Or, - et c'est de plus en plus vrai avec l'élévation globale du niveau de la formation - d'autres catégories professionnelles possèdent un niveau culturel élevé et une bonne spécialisation. Ces catégories socio-professionnelles se définissent par l'exercice d'un métier. Trop souvent, pour l'opinion publique, être enseignant, c'est d'abord un mode de vie, disposer de temps, .... Vous connaissez ces clichés. En montrant qu'il existe une formation spécifique et de haut niveau pour tous les enseignants, les IUFM peuvent apporter, j'en ai du moins la conviction, une meilleure reconnaissance sociale au métier d'enseignant.
Mais il fallait aussi répondre à un autre besoin, exprimé par le système éducatif dans son entier : le renouvellement et l'adaptation aux changements intervenus dans l'Ecole et autour d'elle.
2°) Nous devons répondre aux mutations du système éducatif et de son environnement.
Ces mutations sont multiples ; elles modifient l'activité des enseignants.
a) Le champ du savoir évolue rapidement.
Les connaissances scientifiques dans de nombreux domaines évoluent aujourd'hui infiniment plus vite que par le passé. Des champs disciplinaires nouveaux apparaissent en même temps que d'autres se transforment. Il ne s'agit pas de bouleverser le système éducatif chaque fois qu'apparaît une discipline nouvelle mais de donner à notre enseignement et aux enseignants les moyens d'évoluer et de s'adapter constamment. C'était un des premiers constats effectués par le travail de réflexion que j'avais confié à Pierre Bourdieu et François Gros. Le Conseil National des Programmes a été créé, peu de temps après, pour traduire cette nécessité d'une adaptation permanente dans des propositions concrètes sur les programmes, les contenus et les méthodes de notre enseignement. La formation des enseignants est naturellement concernée.
b) L'environnement de l'Ecole se modifie.
Ces modifications sont nombreuses mais je crois qu'une des plus importantes par ses conséquences sur l'Ecole est celle intervenue dans les modes de diffusion de l'information. L'information circule dans nos sociétés avec une rapidité et une facilité nouvelles. Les médias se sont multipliés et, avec eux, les possibilités d'accéder à des données nombreuses et variées. L'Ecole, même si elle reste le lieu où l'on apprend à structurer et à maîtriser des connaissances pour en faire un savoir, a perdu le monopole de la transmission de l'information dans de nombreux domaines. Notre système éducatif doit intégrer les apports des nouvelles technologies, de l'informatique et de l'audiovisuel notamment. Il doit savoir aussi être attrayant. Il se doit de le faire, ne serait-ce que pour répondre à une attente des élèves, qui sont plus ouverts, plus curieux et, en un sens, plus exigeants.
c) Les publics auxquels s'adressent les enseignants se sont diversifiés.
La démocratisation de notre enseignement a accru non seulement le nombre des élèves mais aussi leur diversité : diversité de goûts, d'aptitudes, de niveaux. Pour enseigner aujourd'hui, il faut prendre en compte cette hétérogénéité des élèves. Les enseignants - c'est particulièrement vrai pour ceux du second degré - ne sont pas préparés, durant leur formation, à répondre à ce qui sera pourtant une de leurs préoccupations majeures tout au long de leur carrière : savoir enseigner à des élèves très différents.
d) L'enseignement lui-même a profondément évolué.
Pour répondre à ces mutations qui sont autant d'exigences nouvelles, j'ai engagé une évolution en profondeur de notre enseignement. La loi d'orientation pour l'éducation en a fixé le cadre. Depuis plus d'un an maintenant, une rénovation pédagogique a été entreprise à l'école primaire. Il y a deux semaines, j'ai présenté les grandes lignes d'un projet de rénovation de l'enseignement au lycée. Toutes ces évolutions s'appuient sur quelques principes fondamentaux. II s'agit tout d'abord de mettre en oeuvre un enseignement plus individualisé et mieux adapté aux élèves grâce aux cycles d'apprentissage, à l'évaluation systématique des acquis, au soutien et à l'aide au travail personnel, à l'amélioration de la continuité entre les niveaux d'enseignement... Il s'agit ensuite de donner plus d'initiative et de cohésion aux établissements grâce au projet d'école ou d'établissement, au travail de la communauté éducative, à l'ouverture sur les partenaires de l'Ecole. Bref, notre enseignement est en train de changer profondément. Mais cette évolution n'a de chance de réussir que si les enseignants sont formés à de nouvelles façons de travailler.
Les IUFM donneront aux enseignants les moyens d'exercer pleinement un métier qui doit répondre à des exigences nouvelles. Telle est la troisième raison fondamentale qui nous a inspiré.
3°) Nous devons former les enseignants de l'avenir.
a) Nous avons besoin d'enseignants capables de s'adapter aux évolutions du savoir et disposant, pour cela, d'un haut niveau de formation scientifique.
Cela concerne les enseignants du second degré dans leur discipline mais cela intéresse également les enseignants du primaire qui doivent avoir une formation suffisamment large. Dans les IUFM, tous les enseignants seront recrutés au niveau de la licence et disposeront ensuite de deux années de formation spécifique. Tous les enseignants français auront une formation de niveau bac + 5. Cette exigence place la France au premier rang des pays européens.
Mais, être capable de suivre les évolutions du savoir, ce n'est pas seulement disposer d'une culture générale de haut niveau, c'est aussi avoir certaines habitudes de travail, par exemple, être familiarisé avec les démarches de la recherche. C'est là que la dimension universitaire des IUFM prend tout son sens. L'université doit donner aux futurs enseignants les moyens et les méthodes qui leur permettront d'approfondir et d'adapter leur formation scientifique tout au long de leur carrière.
b) Nous avons besoin d'enseignants qui soient des professionnels de l'éducation.
Cette formation en IUFM doit donner aux futurs enseignants la maîtrise professionnelle nécessaire pour transmettre et faire acquérir des connaissances. Je ne crois pas qu'il y ait d'un côté une formation professionnelle et de l'autre une formation académique. Je ne le crois pas parce que je ne conçois pas qu'il puisse y avoir des méthodes sans contenus et, à l'inverse, que l'acte éducatif puisse séparer les contenus scientifiques de leur transmission. A l'Ecole, le savoir "pur", débarrassé des contingences de la transmission aux élèves, n'existe pas.
La vision dualiste qui consiste à opposer une formation professionnelle, dévalorisée, à une formation académique, surévaluée, ne s'appuie sur aucun argument de raison, même si elle est l'expression de toute une tradition culturelle et universitaire, en elle-même respectable. Mais, cette dichotomie peut aussi traduire - pourquoi ne pas le dire clairement - une réticence à voir évoluer l'enseignement conçu comme une pratique relevant de l'inné, absolument individuelle, immuable et qui ne peut donc relever d'un quelconque apprentissage.
Avec les IUFM, nous voulons promouvoir une nouvelle conception dans laquelle la formation "scientifique" porte en elle la formation "professionnelle". Le pari des IUFM sera gagné quand on ne parlera plus de formation professionnelle ou académique mais quand, tout simplement, on parlera de la formation. Cette formation doit être considérée comme un tout : en même temps que la maîtrise d'un savoir, les étudiants des IUFM acquerront la maîtrise de sa transmission et de sa traduction pédagogique.
c) Nous avons besoin d'enseignants capables d'avoir une vision d'ensemble et une connaissance concrète du système éducatif.
L'instituteur et le professeur du second degré étaient jusqu'à présent formés dans deux systèmes séparés. A l'université, les étudiants sont répartis en fonction de leur spécialité. Ainsi un étudiant de français et un étudiant de géographie qui, plus tard, travailleront dans le même établissement, autour du même projet pédagogique et avec les mêmes élèves, ont-ils toutes les chances de ne jamais se rencontrer au cours de leur formation universitaire ! De même, les enseignants aujourd'hui ne connaissent du système éducatif que ce que les particularités de leur carrière les amènent à découvrir. Un instituteur qui a pour mission de préparer ses élèves à réussir leur scolarité au collège a peu d'expérience du collège et de ses pratiques. On pourrait ainsi multiplier les exemples, notamment l'insuffisante connaissance que les enseignants du lycée d'enseignement général ont de l'enseignement technique et professionnel. Comment, dans ces conditions, introduire une meilleure continuité dans la scolarité des élèves et travailler en équipe,...?
Naturellement, et pour l'essentiel, les professeurs des écoles et ceux du second degré recevront des formations spécifiques mais, avec les IUFM, nous accueillons dans une même structure tous les futurs enseignants. Il ne s'agit pas que d'une proximité géographique ; il s'agit d'affirmer l'existence d'une formation à un même métier et de donner à tous les enseignants la possibilité de partager une culture professionnelle.
En créant des modules de formation communs à tous les étudiants de l'IUFM - pour environ 10 % de leurs horaires -, nous souhaitons que les enseignants du primaire et ceux du second degré, que les maîtres de l'enseignement général et ceux de l'enseignement technique et professionnel aient certaines références communes.
C'est par des contacts avec les différents milieux scolaires, que les futurs enseignants pourront se préparer à la diversité des élèves, pourront apprendre à analyser leur pratique pédagogique et à la confronter à celles des autres. C'est la cohérence et l'efficacité de l'Ecole qui sont en jeu. Ce que nous proposons, en créant les IUFM, c'est une nouvelle définition du métier d'enseignant qui s'appuie sur une formation de haut niveau et une réelle culture professionnelle.
Cette nouvelle conception suppose de profondes modifications dans les comportements et les habitudes de tous ceux, fort divers, qui participent aujourd'hui à la formation des enseignants. La réussite des IUFM sera avant tout une réussite humaine et culturelle.
II - C'est pourquoi j'ai choisi une démarche originale qui donne aux acteurs eux-mêmes un rôle essentiel.
Former dans une même institution tous les futurs enseignants, c'est faire travailler ensemble des formateurs venant d'horizons fort éloignés. Pour construire les IUFM, nous n'avons pas voulu faire table rase du passé. Nous avons voulu tenir compte des cultures et des traditions, réunir des compétences, des sensibilités et des expériences très variées : celles des Ecoles Normales d'Instituteurs, celles de l'Université mais aussi celles des Centres Pédagogiques Régionaux, des Centres de Formation de l'Enseignement Technique et des ENNA. Pour réussir, il nous fallait créer, à partir de cette diversité, le creuset d'une culture et d'une identité nouvelles ; il fallait permettre aux IUFM de se doter de leur dynamique propre. II s'agissait donc moins de mettre au point un projet élaboré au sein du Ministère que de permettre la rencontre et le travail en commun d'acteurs très variés. C'est pourquoi nous avons fait un double choix de méthode : l'expérimentation et une certaine autonomie locale.
1°) L'expérimentation, tout d'abord.
Depuis le mois d'octobre 1990, trois IUFM expérimentaux fonctionnent dans les académies de Grenoble, de Lille et de Reims. Dans ces trois académies, le Recteur et les Présidents d'université ont constitué un groupe de pilotage. Cette structure a travaillé en contact permanent avec la Sous-Direction que nous avons créée, au sein de la Direction des Enseignements Supérieurs, pour suivre la mise en place des IUFM. C'est donc par un aller-retour permanent entre l'expérience menée sur le terrain et le niveau national que nous avons élaboré les textes réglementaires nécessaires au fonctionnement des IUFM. Nous avons nourri le travail technique réalisé à l'échelon national des besoins réels, des attentes, des problèmes qui s'exprimaient sur place dans les académies. L'expérience menée dans ces IUFM a été évaluée en permanence. Un rapport des Inspections générales, en décembre 1990, nous a permis de cerner les difficultés essentielles et d'apporter des solutions. Depuis, un suivi régulier est assuré.
Dans le même temps, des groupes de travail ont été constitués dans toutes les académies pour préparer la mise en place des 25 autres IUFM. Des chefs de projet ont été désignés et ont travaillé dans le même esprit avec l'administration centrale.
2°) L'autonomie laissée à l'échelon local
Ce système nous a permis de ne jamais nous éloigner des réalités du terrain et de construire un ensemble qui, tout en obéissant à des exigences nationales, respecte les diversités régionales. Chaque académie est différente et possède un potentiel de formation qui lui est propre, avec ses points forts, ses faiblesses, ses particularités géographiques. Créer les IUFM selon un modèle uniforme n'aurait pas eu de sens. Nous avons voulu permettre à chaque académie de recenser son potentiel, de construire ses équipes et d'élaborer la stratégie de formation de son IUFM. C'est ce à quoi se sont employés les chefs de projet. La responsabilité de l'Etat était de créer un cadre national, d'établir des règles du jeu claires, garantissant l'égalité de tous devant la formation et assurant la qualité de l'enseignement.
Ces femmes et ces hommes ont accompli un travail remarquable pendant toute une année. Je tiens à leur rendre hommage à tous aujourd'hui. Ils ont nourri et porté le projet des IUFM. Ils se sont efforcés d'en faire une réalité vivante. Ils l'ont fait dans des conditions difficiles. Ils ont dû parfois affronter les réticences et les contraintes du système, ils ont dû convaincre et faire preuve d'initiative. Ils ont parfois eu le sentiment de travailler trop vite. Ils se sont interrogés. La presse s'en est fait l'écho. Ces incertitudes d'un moment étaient inévitables dès lors qu'avait été fait le choix d'une démarche ouverte et pragmatique. Or, cette démarche était la seule possible compte tenu des traditions culturelles et humaines que j'ai évoquées, compte tenu également des contraintes que nous imposait notre calendrier de travail. Il nous fallait, en effet, prendre le temps de convaincre et d'expérimenter et pourtant, il nous fallait aller vite car on ne pouvait laisser coexister deux systèmes de formations.
C'est ce travail mené à différents niveaux qui nous a permis d'élaborer le cadre national nécessaire au fonctionnement des IUFM.
III - Je vais maintenant vous présenter la façon dont vont fonctionner les 28 IUFM à la rentrée.
1°) La première des questions que nous devions régler était celle du déroulement de la formation des étudiants dans les IUFM.
II nous fallait définir un cadre national pour fixer dans ses grands principes le contenu de la formation que recevront les étudiants. J'aimerais tout d'abord rappeler les étapes de cette formation. Il s'agit d'une formation en deux ans. Dès leur entrée dans l'IUFM, les étudiants choisissent le concours qu'ils vont passer : soit celui de professeur des écoles, soit l'un des concours du second degré. C'est ce concours que les étudiants passent au terme de leur première année de formation. S'ils réussissent, ils deviennent alors professeurs stagiaires et suivent leur deuxième année de formation en IUFM. A l'issue de ces deux ans, leur formation est contrôlée par une certification et ils deviennent professeurs titulaires. Voilà pour les grandes étapes.
Quel est le contenu de cette formation ? C'est, bien sûr, la question qui intéresse le plus les étudiants. Vous trouverez à l'intérieur du dossier que nous vous avons remis une fiche technique qui décrit très précisément l'architecture de la formation en IUFM. C'est un document important sur lequel j'appelle votre attention.
Dans la définition de ces contenus, la responsabilité de l'Etat, dans son rôle d'employeur, est de garantir la qualité de la formation et de veiller au respect des objectifs de la politique éducative du pays. Toutefois, il n'est ni possible ni souhaitable de décider nationalement du contenu précis d'une formation sans tenir compte des possibilités et des besoins à l'échelon académique. Nous avons donc fait le choix suivant. Des textes réglementaires fixent le cadre national et les principes que doit respecter la formation dispensée aux étudiants. Ces textes sont aujourd'hui prêts. De leur côté, les IUFM élaborent un plan de formation. Ce plan est soumis à l'administration centrale qui donne son agrément à l'IUFM. Cet agrément est valable pour 4 ans. Ce dispositif laisse à l'IUFM, établissement d'enseignement supérieur, l'initiative nécessaire pour élaborer une stratégie qui lui soit propre tout en permettant à l'Etat d'assumer pleinement ses responsabilités de futur employeur des enseignants.
Quelles sont ces orientations nationales que nous avons définies ? Il s'agit de principes fondamentaux, nécessaires à la réussite des IUFM.
a) Premier principe : la formation de tous les enseignants devra articuler étroitement théorie et pratique.
Cela signifie concrètement que la formation de tous les étudiants comprendra des cours théoriques bien sûr mais aussi des stages sur le terrain préparés et pilotés par les équipes de formateurs, bref une approche concrète des réalités de l'enseignement. Il s'agira bien d'une véritable articulation entre théorie et pratique, ces deux aspects de la formation devant s'alimenter mutuellement. Je précise également - c'est un point important - que cette articulation doit caractériser les deux années en IUFM. La pratique ne doit pas être réservée à la deuxième année, une fois que les étudiants auront passé leur concours.
Pour mettre en oeuvre ce principe, les IUFM doivent se doter d'une organisation adaptée. En particulier, il est important que des relations étroites soient établies entre les formateurs de l'IUFM et tous ceux qui accueillent les étudiants en stage sur le terrain car ils assument ensemble une mission commune. Autre condition que j'estime importante : chaque IUFM doit veiller à la qualité, à la diversité et à la cohérence des lieux d'accueil où les étudiants effectueront leurs stages. Pour qu'un stage soit enrichissant, il faut que !'étudiant d'IUFM soit intégré à l'établissement et à l'équipe éducative. L'accueil des stagiaires devrait ainsi faire partie du projet d'école ou d'établissement. De même, il est important que ceux-ci puissent rencontrer au cours de leurs stages des situations suffisamment variées. Il est donc nécessaire que chaque IUFM dispose d'un réseau d'accueil défini avec soin. C'est pourquoi une convention sera établie entre l'IUFM et les autorités responsables de l'accueil.
b) Deuxième principe : chaque étudiant doit avoir un parcours individualisé.
Pourquoi ? Pour une raison très simple : les étudiants, entrant à l'IUFM auront déjà eu des parcours variés. Je vous donne un exemple. Les étudiants qui choisiront de passer le concours de professeurs des écoles se présenteront avec des licences de mathématiques, de langue, de lettres, etc .... Il faudra, pour les préparer à leur futur métier, leur assurer à tous une formation pluridisciplinaire suffisamment large. Pour cela, il est logique de tenir compte de leur spécialité de départ. Un bilan sera fait avec chaque étudiant lors de son entrée à l'IUFM pour définir avec lui le parcours le mieux adapté. De façon générale, et tout au long de leur scolarité, les étudiants d'IUFM entretiendront un dialogue permanent avec leurs formateurs, lequel permettra d'apporter les ajustements appropriés.
c) Le troisième principe porte sur l'organisation de la formation.
La formation de tous les étudiants comporte des stages sur le terrain, une formation disciplinaire et une formation générale.
Les stages, tout d'abord. Ils occuperont une place importante dans la formation. Je vous donne quelques chiffres. Pour les futurs enseignants du premier degré, les deux années de formation comprendront 500 heures de stages. Les futurs enseignants du second degré suivront au minimum 300 heures de stages. Les futurs professeurs de l'enseignement technique et professionnel effectueront de plus un stage en entreprise. Lors de leur deuxième année, les étudiants, qui auront alors passé leur concours, effectueront un stage au cours duquel ils auront une classe en responsabilité.
La formation disciplinaire occupe une place centrale dans les enseignements. Les étudiants qui se destinent au premier degré consacreront plus de la moitié de leurs horaires durant les deux années à leur formation disciplinaire. De surcroît, nous avons apporté une innovation dans cette formation en rendant obligatoire pour tous les futurs enseignants du premier degré un enseignement de langue vivante. Quant aux futurs enseignants du second degré, ils consacreront les 3/4 de leur temps en première année à approfondir leur discipline.
La formation générale, enfin. Son objectif est de permettre aux étudiants d'analyser leurs expériences, de réfléchir à l'acte d'enseigner, de maîtriser les technique nécessaires à l'exercice du métier d'enseignant, notamment les technologies de la communication. Ce travail peut s'effectuer à partir de l'expérience acquise au cours des stages et sur des thèmes transversaux, mais aussi à partir des disciplines de chacun.
Ces formations seront assurées de façon spécifique en fonction du niveau d'enseignement et de la discipline. Mais, les étudiants suivront également des modules communs. Cette formation commune occupera environ 10 % de leur temps. Elle leur fera prendre conscience de la continuité de l'apprentissage d'une discipline par les élèves. Elle leur donnera également une vision d'ensemble du système éducatif.
Je viens de vous décrire l'organisation de la formation de tous les étudiants. Il me reste à préciser la répartition des différentes formations entre les 28 IUFM. Dans chaque IUFM, les étudiants pourront suivre les formations préparant au professorat des écoles et, pour le second degré, des formations conduisant à l'enseignement général comme à l'enseignement technique et professionnel. Un large choix de disciplines sera offert à tous les étudiants. Cependant, nous avons tenu compte de la diversité des académies, tant en ce qui concerne le nombre d'étudiants que le potentiel de formation, qui ont fait l'objet d'une évaluation précise de la part des Recteurs. Nous avons donc élaboré une carte des formations qui recense l'ensemble des possibilités offertes dans chaque IUFM, les préparations à certaines disciplines s'adressant traditionnellement à un petit nombre d'étudiants n'étant ouvertes que dans certains d'entre eux. Je pense en particulier à certaines langues ou à des options technologiques pointues. Cette carte des formations a donné lieu à une large diffusion ; les étudiants sont informés de l'implantation de ces formations et savent où s'inscrire.
2°) Cette nouvelle conception de la formation impliquait d'adapter les concours de recrutement des enseignants.
C'est chose faite. Les concours ont été renouvelés dans certaines de leurs modalités pour, d'une part, mieux intégrer la dimension professionnelle de la formation dans les concours du second degré et, d'autre part, prendre en compte l'élévation du niveau de recrutement des enseignants du premier degré. Désormais, ils comporteront tous une épreuve professionnelle. Les étudiants passeront ces nouveaux concours dès 1992.
a) Dans le premier degré, il s'agissait d'abord de créer un concours du niveau de la licence correspondant au nouveau statut de professeur des écoles. Le concours d'instituteurs comportait un très grand nombre d'épreuves. Il était nécessaire de le simplifier. C'est ce que nous avons fait. Toutefois, afin de maintenir la nécessaire polyvalence des enseignants du premier degré, un système d'options a été prévu. L'épreuve professionnelle qui figurait déjà au concours des enseignants du premier degré a fait l'objet d'une rénovation.
b) Dans le second degré, l'objectif que je n'ai cessé de rappeler est, à la fois, de maintenir le niveau disciplinaire actuel des concours et d'introduire une véritable dimension professionnelle. Les CAPE, les CAPET, et les CAPLP2 comportent désormais une épreuve professionnelle dont le coefficient représente entre 20 et 25 % du total suivant les spécialités. Le but de cette épreuve, orale, est d'apprécier l'aptitude du candidat dans une situation pédagogique concrète. Les textes correspondants ont été publiés hier au Journal Officiel.
3°) Autre question importante : celle des conditions d'entrée dans un IUFM et du soutien financier dont pourront bénéficier les étudiants.
C'est une question qui intéresse de nombreux jeunes. 120 000 dossiers d'inscription sont dès maintenant disponibles dans les académies. L'admission en IUFM s'effectue après l'examen des dossiers et, le cas échéant, à l'issue d'un entretien.
Les informations pratiques peuvent être obtenues par minitel. Pour compléter ce dispositif, j'ai décidé d'organiser au cours de la semaine du 21 mai une campagne d'information. Elle pourra, à l'initiative des Recteurs, revêtir des formes différentes dans les académies. Elle sera spécialement conçue et mise en oeuvre pour les étudiants.
Quant à l'aide financière, j'ai souligné tout à l'heure le rôle important du système des allocations. Deux types d'allocations sont prévues :
a) Les étudiants de première année d'IUFM pourront bénéficier d'une allocation d'un montant de 70 000 francs par an. Pour la rentrée, 5 650 allocations de première année sont prévues. Ces allocations seront attribuées en fonction de la qualité du dossier du candidat.
Il s'agit là d'une aide importante. Toutes les académies disposeront d'allocations, même si nous avons choisi de donner la priorité aux académies où des problèmes de recrutement se posent. Par rapport à l'année dernière, nous avons quadruplé le nombre des allocations disponibles à ce niveau. Notre objectif est de poursuivre progressivement cette augmentation.
b) Dans certaines académies et dans certaines disciplines, des étudiants non titulaires de la licence pourront bénéficier d'une allocation d'année préparatoire à l'IUFM. De quoi s'agit-il ? Au cours de cette année préparatoire, les étudiants préparent leur licence et reçoivent une première sensibilisation au métier d'enseignant. Ils s'engagent à demander ensuite leur admission en IUFM et à présenter l'un des concours de recrutement. A la prochaine rentrée, 5 900 allocations de ce type sont prévues. Leur montant annuel est de 50 000 francs. Leur attribution sera fondée en partie sur des critères sociaux.
5°) Reste enfin la question des moyens de fonctionnement des IUFM.
En la matière, le principe général est que tous les moyens, aussi bien en locaux, qu'en crédits ou en emplois, existant dans les structures qui assuraient jusqu'ici la formation des enseignants sont mis à la disposition des IUFM. L'objectif est de continuer à bénéficier de la somme de compétences et d'expériences accumulées dans les précédentes institutions de formation.
Des modalités particulières sont prévues pour les Ecoles Normales d'Instituteurs et pour les Universités.
Les Ecoles Normales d'Instituteurs posaient un problème spécifique pour lequel une loi a été promulguée l'année dernière. Elle laisse aux départements la liberté de choisir de continuer ou non à assumer leurs responsabilités traditionnelles en ce qui concerne les Ecoles normales. En tout état de cause, une convention sera passée avec l'Etat. Aujourd'hui, les deux tiers environ des départements qui ont pris leur décision ont choisi de conserver leurs responsabilités actuelles. Beaucoup d'élus des départementaux ruraux sont sensibles au devenir des anciennes écoles normales en tant que lieux de formation. J'ai d'emblée partagé cette préoccupation. En vue de proposer et de promouvoir des solutions, j'ai demandé à Monsieur Pierre MAUGER d'animer une réflexion nationale. Celle-ci facilitera le rassemblement au sein des mêmes locaux de tous les services éducatifs et d'information qui pourront y être accueillis. Ainsi, pourraient être créées des maisons départementales de la formation où travailleraient en étroite collaboration des services jusqu'ici dispersés bien que concourant à la même finalité éducative. Cette démarche repose sur l'analyse d'un certain nombre de situations concrètes au niveau local : Bourg-en-Bresse, Foix, Guebwiller, Guéret, Privas et Toulon.
En ce qui concerne les universités, la mise à disposition des moyens constitue l'un des sujets qui sont traités dans les conventions conclues entre les IUFM et les universités. La formation des enseignants est une des missions fondamentales des universités. Elles doivent l'assumer pleinement, en particulier, en établissant avec les IUFM des accords qui soient la traduction concrète de leur volonté de s'investir, humainement et institutionnellement, dans cette tâche. Il s'agit d'une condition essentielle pour la réussite des IUFM.
La première de ces conventions vient d'être signée à Reims. Vous en avez un exemplaire dans le dossier qui vous a été remis.
A ces moyens existants viennent s'ajouter les moyens supplémentaires qui ont été inscrits au budget de 1991. Ainsi, 300 emplois d'enseignants chercheurs et l'équivalent de 200 emplois de professeurs agrégés ont-ils été prévus. Il faut également mentionner la création de 30 emplois de directeurs et de 30 emplois de secrétaires généraux.
CONCLUSION
Je viens de vous présenter le cadre général qui va permettre à tous les IUFM d'accueillir au mois de septembre prochain nos futurs enseignants. Mais tout ne peut être décidé d'en haut. Il reste - et c'est sans doute le plus difficile - à faire vivre quotidiennement les IUFM, à les aider à se donner d'une identité reconnue, à tracer leur chemin. Dans toutes les académies, des femmes et des hommes ont travaillé depuis plus d'un an. De mon côté, je veillerai à leur donner le soutien dont ils ont besoin. J'ai déjà mobilisé les Recteurs sur ce que je considère comme une de nos actions les plus importantes. Ils se sont pleinement impliqués dans cette démarche.
Les IUFM réussiront si, sur place, dans toutes les académies, les volontés et les compétences se rassemblent autour d'un projet essentiel pour l'avenir de notre enseignement. Pour construire cet avenir ensemble, il faudra surmonter des obstacles : il est toujours difficile de mettre en place des structures neuves, d'apprendre de nouvelles façons de travailler, peut-être de remettre en cause des habitudes anciennes.
Mais nous avons des atouts : la conscience, maintenant largement partagée, de la nécessité d'une véritable rénovation de la formation des enseignants, la volonté politique de la faire aboutir, cette force et cette richesse que représente dans l'histoire de notre pays l'attachement à la formation des maîtres. Cet attachement, incarné par la tradition des Ecoles normales d'Instituteurs et par nos meilleures filières de formation universitaires, qui plonge ses racines si loin dans notre sensibilité nationale, il nous faut le faire vivre pour que l'Ecole publique de notre pays franchisse une nouvelle étape de son histoire. Depuis toujours, l'Ecole publique, en France, a appuyé sa force sur le socle de l'école primaire, parce qu'elle était l'école pour tous. Aujourd'hui, elle conjugue toutes les richesses et les réalités de l'école primaire à l'université. La formation des enseignants doit être à sa mesure. C'est cette nouvelle dimension que je propose d'atteindre en créant les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres.
A la prochaine rentrée, en septembre 1991, toutes les académies verront fonctionner leur Institut Universitaire de Formation des Maîtres. A quelques mois de la rentrée, tout est désormais techniquement prêt pour que ces instituts puissent accueillir et former nos futurs enseignants. Je tiens à faire devant vous, aujourd'hui, le point sur la mise en place de ces nouvelles institutions. Mais, avant d'aborder la dimension concrète du travail technique et réglementaire qui a été effectué depuis un an, j'aimerais situer à nouveau la création des IUFM dans son véritable contexte et en souligner toute la portée.
I - Pourquoi avons-nous engagé cette refonte historique de notre système de formation des enseignants ?
Trois raisons fondamentales nous y ont conduits.
1 °) Nous devons répondre à des besoins de recrutement considérables.
Vous connaissez tous les chiffres du rapport annexé à la loi d'orientation : d'ici à 1993, 23 000 enseignants et, de 1994 à 1999, 27 000 enseignants, par an et en moyenne, devront être recrutés. Face à des besoins d'une telle ampleur, une réponse strictement quantitative, valable en d'autres temps, aurait été aujourd'hui bien insuffisante. Avant de pouvoir recruter, il nous faut en effet attirer vers les carrières de l'enseignement des étudiants plus nombreux. Pour cela, il faut rehausser l'image d'un métier certes passionnant mais que l'on sait difficile. Nous nous y efforçons. Cependant, on ne peut espérer recruter plus sans améliorer le système de formation des enseignants. Le premier objectif des IUFM est donc de relancer une véritable dynamique du recrutement dans notre pays. Comment ? Essentiellement de trois façons.
a) Les IUFM répondent aux interrogations des étudiants.
En rassemblant dans une structure unique des formations jusqu'à présent très cloisonnées, nous avons clarifié et rendu plus visible le parcours que l'on doit suivre pour devenir enseignant. C'est important. En effet, les enquêtes effectuées auprès des étudiants montrent que c'est souvent la méconnaissance qu'ils ont de la formation aux métiers de l'enseignement, la peur d'y être mal préparés qui font renoncer certains d'entre eux. Par exemple, l'expérience menée à Grenoble (qui faisait partie des trois académies expérimentales) a confirmé cette analyse. L'existence d'un institut bien identifié, de parcours de formation mieux définis, a suscité de nombreuses démarches de la part des étudiants auprès des responsables de l'IUFM expérimental, ce qui traduit un réel intérêt pour la profession d'enseignant. C'est un point très positif.
b) Les IUFM permettent de mettre en place un système de pré-recrutement des enseignants.
Confronté aux besoins considérables de recrutement, j'ai fait de ce système un axe majeur de ma politique : création des allocations d'enseignement en 1989 ; mise en place des allocations de monitorat dans l'enseignement supérieur à la rentrée 1989 ; création à partir de 1991 d'un nouveau système d'allocations d'année préparatoire et de première année en IUFM. Depuis la suppression des IPES, aucun étudiant ayant fait le choix de s'engager dans une carrière de l'enseignement ne pouvait, à ce titre, être soutenu dans des études qui sont pourtant longues. Beaucoup ont sans doute renoncé à passer des concours difficiles pour s'orienter vers des formations qui leur permettaient d'entrer plus vite dans la vie active. Avec le système des allocations, les IUFM permettent à des étudiants motivés de préparer les concours dans de bonnes conditions.
c) Les IUFM changeront l'image du métier d'enseignant.
Les instituteurs et les enseignants du second degré ne se définissent pas spontanément par le métier qu'ils ont en commun mais par le concours qu'ils ont passé, par le niveau d'enseignement dans lequel ils interviennent ou par leur spécialisation dans une discipline. Or, - et c'est de plus en plus vrai avec l'élévation globale du niveau de la formation - d'autres catégories professionnelles possèdent un niveau culturel élevé et une bonne spécialisation. Ces catégories socio-professionnelles se définissent par l'exercice d'un métier. Trop souvent, pour l'opinion publique, être enseignant, c'est d'abord un mode de vie, disposer de temps, .... Vous connaissez ces clichés. En montrant qu'il existe une formation spécifique et de haut niveau pour tous les enseignants, les IUFM peuvent apporter, j'en ai du moins la conviction, une meilleure reconnaissance sociale au métier d'enseignant.
Mais il fallait aussi répondre à un autre besoin, exprimé par le système éducatif dans son entier : le renouvellement et l'adaptation aux changements intervenus dans l'Ecole et autour d'elle.
2°) Nous devons répondre aux mutations du système éducatif et de son environnement.
Ces mutations sont multiples ; elles modifient l'activité des enseignants.
a) Le champ du savoir évolue rapidement.
Les connaissances scientifiques dans de nombreux domaines évoluent aujourd'hui infiniment plus vite que par le passé. Des champs disciplinaires nouveaux apparaissent en même temps que d'autres se transforment. Il ne s'agit pas de bouleverser le système éducatif chaque fois qu'apparaît une discipline nouvelle mais de donner à notre enseignement et aux enseignants les moyens d'évoluer et de s'adapter constamment. C'était un des premiers constats effectués par le travail de réflexion que j'avais confié à Pierre Bourdieu et François Gros. Le Conseil National des Programmes a été créé, peu de temps après, pour traduire cette nécessité d'une adaptation permanente dans des propositions concrètes sur les programmes, les contenus et les méthodes de notre enseignement. La formation des enseignants est naturellement concernée.
b) L'environnement de l'Ecole se modifie.
Ces modifications sont nombreuses mais je crois qu'une des plus importantes par ses conséquences sur l'Ecole est celle intervenue dans les modes de diffusion de l'information. L'information circule dans nos sociétés avec une rapidité et une facilité nouvelles. Les médias se sont multipliés et, avec eux, les possibilités d'accéder à des données nombreuses et variées. L'Ecole, même si elle reste le lieu où l'on apprend à structurer et à maîtriser des connaissances pour en faire un savoir, a perdu le monopole de la transmission de l'information dans de nombreux domaines. Notre système éducatif doit intégrer les apports des nouvelles technologies, de l'informatique et de l'audiovisuel notamment. Il doit savoir aussi être attrayant. Il se doit de le faire, ne serait-ce que pour répondre à une attente des élèves, qui sont plus ouverts, plus curieux et, en un sens, plus exigeants.
c) Les publics auxquels s'adressent les enseignants se sont diversifiés.
La démocratisation de notre enseignement a accru non seulement le nombre des élèves mais aussi leur diversité : diversité de goûts, d'aptitudes, de niveaux. Pour enseigner aujourd'hui, il faut prendre en compte cette hétérogénéité des élèves. Les enseignants - c'est particulièrement vrai pour ceux du second degré - ne sont pas préparés, durant leur formation, à répondre à ce qui sera pourtant une de leurs préoccupations majeures tout au long de leur carrière : savoir enseigner à des élèves très différents.
d) L'enseignement lui-même a profondément évolué.
Pour répondre à ces mutations qui sont autant d'exigences nouvelles, j'ai engagé une évolution en profondeur de notre enseignement. La loi d'orientation pour l'éducation en a fixé le cadre. Depuis plus d'un an maintenant, une rénovation pédagogique a été entreprise à l'école primaire. Il y a deux semaines, j'ai présenté les grandes lignes d'un projet de rénovation de l'enseignement au lycée. Toutes ces évolutions s'appuient sur quelques principes fondamentaux. II s'agit tout d'abord de mettre en oeuvre un enseignement plus individualisé et mieux adapté aux élèves grâce aux cycles d'apprentissage, à l'évaluation systématique des acquis, au soutien et à l'aide au travail personnel, à l'amélioration de la continuité entre les niveaux d'enseignement... Il s'agit ensuite de donner plus d'initiative et de cohésion aux établissements grâce au projet d'école ou d'établissement, au travail de la communauté éducative, à l'ouverture sur les partenaires de l'Ecole. Bref, notre enseignement est en train de changer profondément. Mais cette évolution n'a de chance de réussir que si les enseignants sont formés à de nouvelles façons de travailler.
Les IUFM donneront aux enseignants les moyens d'exercer pleinement un métier qui doit répondre à des exigences nouvelles. Telle est la troisième raison fondamentale qui nous a inspiré.
3°) Nous devons former les enseignants de l'avenir.
a) Nous avons besoin d'enseignants capables de s'adapter aux évolutions du savoir et disposant, pour cela, d'un haut niveau de formation scientifique.
Cela concerne les enseignants du second degré dans leur discipline mais cela intéresse également les enseignants du primaire qui doivent avoir une formation suffisamment large. Dans les IUFM, tous les enseignants seront recrutés au niveau de la licence et disposeront ensuite de deux années de formation spécifique. Tous les enseignants français auront une formation de niveau bac + 5. Cette exigence place la France au premier rang des pays européens.
Mais, être capable de suivre les évolutions du savoir, ce n'est pas seulement disposer d'une culture générale de haut niveau, c'est aussi avoir certaines habitudes de travail, par exemple, être familiarisé avec les démarches de la recherche. C'est là que la dimension universitaire des IUFM prend tout son sens. L'université doit donner aux futurs enseignants les moyens et les méthodes qui leur permettront d'approfondir et d'adapter leur formation scientifique tout au long de leur carrière.
b) Nous avons besoin d'enseignants qui soient des professionnels de l'éducation.
Cette formation en IUFM doit donner aux futurs enseignants la maîtrise professionnelle nécessaire pour transmettre et faire acquérir des connaissances. Je ne crois pas qu'il y ait d'un côté une formation professionnelle et de l'autre une formation académique. Je ne le crois pas parce que je ne conçois pas qu'il puisse y avoir des méthodes sans contenus et, à l'inverse, que l'acte éducatif puisse séparer les contenus scientifiques de leur transmission. A l'Ecole, le savoir "pur", débarrassé des contingences de la transmission aux élèves, n'existe pas.
La vision dualiste qui consiste à opposer une formation professionnelle, dévalorisée, à une formation académique, surévaluée, ne s'appuie sur aucun argument de raison, même si elle est l'expression de toute une tradition culturelle et universitaire, en elle-même respectable. Mais, cette dichotomie peut aussi traduire - pourquoi ne pas le dire clairement - une réticence à voir évoluer l'enseignement conçu comme une pratique relevant de l'inné, absolument individuelle, immuable et qui ne peut donc relever d'un quelconque apprentissage.
Avec les IUFM, nous voulons promouvoir une nouvelle conception dans laquelle la formation "scientifique" porte en elle la formation "professionnelle". Le pari des IUFM sera gagné quand on ne parlera plus de formation professionnelle ou académique mais quand, tout simplement, on parlera de la formation. Cette formation doit être considérée comme un tout : en même temps que la maîtrise d'un savoir, les étudiants des IUFM acquerront la maîtrise de sa transmission et de sa traduction pédagogique.
c) Nous avons besoin d'enseignants capables d'avoir une vision d'ensemble et une connaissance concrète du système éducatif.
L'instituteur et le professeur du second degré étaient jusqu'à présent formés dans deux systèmes séparés. A l'université, les étudiants sont répartis en fonction de leur spécialité. Ainsi un étudiant de français et un étudiant de géographie qui, plus tard, travailleront dans le même établissement, autour du même projet pédagogique et avec les mêmes élèves, ont-ils toutes les chances de ne jamais se rencontrer au cours de leur formation universitaire ! De même, les enseignants aujourd'hui ne connaissent du système éducatif que ce que les particularités de leur carrière les amènent à découvrir. Un instituteur qui a pour mission de préparer ses élèves à réussir leur scolarité au collège a peu d'expérience du collège et de ses pratiques. On pourrait ainsi multiplier les exemples, notamment l'insuffisante connaissance que les enseignants du lycée d'enseignement général ont de l'enseignement technique et professionnel. Comment, dans ces conditions, introduire une meilleure continuité dans la scolarité des élèves et travailler en équipe,...?
Naturellement, et pour l'essentiel, les professeurs des écoles et ceux du second degré recevront des formations spécifiques mais, avec les IUFM, nous accueillons dans une même structure tous les futurs enseignants. Il ne s'agit pas que d'une proximité géographique ; il s'agit d'affirmer l'existence d'une formation à un même métier et de donner à tous les enseignants la possibilité de partager une culture professionnelle.
En créant des modules de formation communs à tous les étudiants de l'IUFM - pour environ 10 % de leurs horaires -, nous souhaitons que les enseignants du primaire et ceux du second degré, que les maîtres de l'enseignement général et ceux de l'enseignement technique et professionnel aient certaines références communes.
C'est par des contacts avec les différents milieux scolaires, que les futurs enseignants pourront se préparer à la diversité des élèves, pourront apprendre à analyser leur pratique pédagogique et à la confronter à celles des autres. C'est la cohérence et l'efficacité de l'Ecole qui sont en jeu. Ce que nous proposons, en créant les IUFM, c'est une nouvelle définition du métier d'enseignant qui s'appuie sur une formation de haut niveau et une réelle culture professionnelle.
Cette nouvelle conception suppose de profondes modifications dans les comportements et les habitudes de tous ceux, fort divers, qui participent aujourd'hui à la formation des enseignants. La réussite des IUFM sera avant tout une réussite humaine et culturelle.
II - C'est pourquoi j'ai choisi une démarche originale qui donne aux acteurs eux-mêmes un rôle essentiel.
Former dans une même institution tous les futurs enseignants, c'est faire travailler ensemble des formateurs venant d'horizons fort éloignés. Pour construire les IUFM, nous n'avons pas voulu faire table rase du passé. Nous avons voulu tenir compte des cultures et des traditions, réunir des compétences, des sensibilités et des expériences très variées : celles des Ecoles Normales d'Instituteurs, celles de l'Université mais aussi celles des Centres Pédagogiques Régionaux, des Centres de Formation de l'Enseignement Technique et des ENNA. Pour réussir, il nous fallait créer, à partir de cette diversité, le creuset d'une culture et d'une identité nouvelles ; il fallait permettre aux IUFM de se doter de leur dynamique propre. II s'agissait donc moins de mettre au point un projet élaboré au sein du Ministère que de permettre la rencontre et le travail en commun d'acteurs très variés. C'est pourquoi nous avons fait un double choix de méthode : l'expérimentation et une certaine autonomie locale.
1°) L'expérimentation, tout d'abord.
Depuis le mois d'octobre 1990, trois IUFM expérimentaux fonctionnent dans les académies de Grenoble, de Lille et de Reims. Dans ces trois académies, le Recteur et les Présidents d'université ont constitué un groupe de pilotage. Cette structure a travaillé en contact permanent avec la Sous-Direction que nous avons créée, au sein de la Direction des Enseignements Supérieurs, pour suivre la mise en place des IUFM. C'est donc par un aller-retour permanent entre l'expérience menée sur le terrain et le niveau national que nous avons élaboré les textes réglementaires nécessaires au fonctionnement des IUFM. Nous avons nourri le travail technique réalisé à l'échelon national des besoins réels, des attentes, des problèmes qui s'exprimaient sur place dans les académies. L'expérience menée dans ces IUFM a été évaluée en permanence. Un rapport des Inspections générales, en décembre 1990, nous a permis de cerner les difficultés essentielles et d'apporter des solutions. Depuis, un suivi régulier est assuré.
Dans le même temps, des groupes de travail ont été constitués dans toutes les académies pour préparer la mise en place des 25 autres IUFM. Des chefs de projet ont été désignés et ont travaillé dans le même esprit avec l'administration centrale.
2°) L'autonomie laissée à l'échelon local
Ce système nous a permis de ne jamais nous éloigner des réalités du terrain et de construire un ensemble qui, tout en obéissant à des exigences nationales, respecte les diversités régionales. Chaque académie est différente et possède un potentiel de formation qui lui est propre, avec ses points forts, ses faiblesses, ses particularités géographiques. Créer les IUFM selon un modèle uniforme n'aurait pas eu de sens. Nous avons voulu permettre à chaque académie de recenser son potentiel, de construire ses équipes et d'élaborer la stratégie de formation de son IUFM. C'est ce à quoi se sont employés les chefs de projet. La responsabilité de l'Etat était de créer un cadre national, d'établir des règles du jeu claires, garantissant l'égalité de tous devant la formation et assurant la qualité de l'enseignement.
Ces femmes et ces hommes ont accompli un travail remarquable pendant toute une année. Je tiens à leur rendre hommage à tous aujourd'hui. Ils ont nourri et porté le projet des IUFM. Ils se sont efforcés d'en faire une réalité vivante. Ils l'ont fait dans des conditions difficiles. Ils ont dû parfois affronter les réticences et les contraintes du système, ils ont dû convaincre et faire preuve d'initiative. Ils ont parfois eu le sentiment de travailler trop vite. Ils se sont interrogés. La presse s'en est fait l'écho. Ces incertitudes d'un moment étaient inévitables dès lors qu'avait été fait le choix d'une démarche ouverte et pragmatique. Or, cette démarche était la seule possible compte tenu des traditions culturelles et humaines que j'ai évoquées, compte tenu également des contraintes que nous imposait notre calendrier de travail. Il nous fallait, en effet, prendre le temps de convaincre et d'expérimenter et pourtant, il nous fallait aller vite car on ne pouvait laisser coexister deux systèmes de formations.
C'est ce travail mené à différents niveaux qui nous a permis d'élaborer le cadre national nécessaire au fonctionnement des IUFM.
III - Je vais maintenant vous présenter la façon dont vont fonctionner les 28 IUFM à la rentrée.
1°) La première des questions que nous devions régler était celle du déroulement de la formation des étudiants dans les IUFM.
II nous fallait définir un cadre national pour fixer dans ses grands principes le contenu de la formation que recevront les étudiants. J'aimerais tout d'abord rappeler les étapes de cette formation. Il s'agit d'une formation en deux ans. Dès leur entrée dans l'IUFM, les étudiants choisissent le concours qu'ils vont passer : soit celui de professeur des écoles, soit l'un des concours du second degré. C'est ce concours que les étudiants passent au terme de leur première année de formation. S'ils réussissent, ils deviennent alors professeurs stagiaires et suivent leur deuxième année de formation en IUFM. A l'issue de ces deux ans, leur formation est contrôlée par une certification et ils deviennent professeurs titulaires. Voilà pour les grandes étapes.
Quel est le contenu de cette formation ? C'est, bien sûr, la question qui intéresse le plus les étudiants. Vous trouverez à l'intérieur du dossier que nous vous avons remis une fiche technique qui décrit très précisément l'architecture de la formation en IUFM. C'est un document important sur lequel j'appelle votre attention.
Dans la définition de ces contenus, la responsabilité de l'Etat, dans son rôle d'employeur, est de garantir la qualité de la formation et de veiller au respect des objectifs de la politique éducative du pays. Toutefois, il n'est ni possible ni souhaitable de décider nationalement du contenu précis d'une formation sans tenir compte des possibilités et des besoins à l'échelon académique. Nous avons donc fait le choix suivant. Des textes réglementaires fixent le cadre national et les principes que doit respecter la formation dispensée aux étudiants. Ces textes sont aujourd'hui prêts. De leur côté, les IUFM élaborent un plan de formation. Ce plan est soumis à l'administration centrale qui donne son agrément à l'IUFM. Cet agrément est valable pour 4 ans. Ce dispositif laisse à l'IUFM, établissement d'enseignement supérieur, l'initiative nécessaire pour élaborer une stratégie qui lui soit propre tout en permettant à l'Etat d'assumer pleinement ses responsabilités de futur employeur des enseignants.
Quelles sont ces orientations nationales que nous avons définies ? Il s'agit de principes fondamentaux, nécessaires à la réussite des IUFM.
a) Premier principe : la formation de tous les enseignants devra articuler étroitement théorie et pratique.
Cela signifie concrètement que la formation de tous les étudiants comprendra des cours théoriques bien sûr mais aussi des stages sur le terrain préparés et pilotés par les équipes de formateurs, bref une approche concrète des réalités de l'enseignement. Il s'agira bien d'une véritable articulation entre théorie et pratique, ces deux aspects de la formation devant s'alimenter mutuellement. Je précise également - c'est un point important - que cette articulation doit caractériser les deux années en IUFM. La pratique ne doit pas être réservée à la deuxième année, une fois que les étudiants auront passé leur concours.
Pour mettre en oeuvre ce principe, les IUFM doivent se doter d'une organisation adaptée. En particulier, il est important que des relations étroites soient établies entre les formateurs de l'IUFM et tous ceux qui accueillent les étudiants en stage sur le terrain car ils assument ensemble une mission commune. Autre condition que j'estime importante : chaque IUFM doit veiller à la qualité, à la diversité et à la cohérence des lieux d'accueil où les étudiants effectueront leurs stages. Pour qu'un stage soit enrichissant, il faut que !'étudiant d'IUFM soit intégré à l'établissement et à l'équipe éducative. L'accueil des stagiaires devrait ainsi faire partie du projet d'école ou d'établissement. De même, il est important que ceux-ci puissent rencontrer au cours de leurs stages des situations suffisamment variées. Il est donc nécessaire que chaque IUFM dispose d'un réseau d'accueil défini avec soin. C'est pourquoi une convention sera établie entre l'IUFM et les autorités responsables de l'accueil.
b) Deuxième principe : chaque étudiant doit avoir un parcours individualisé.
Pourquoi ? Pour une raison très simple : les étudiants, entrant à l'IUFM auront déjà eu des parcours variés. Je vous donne un exemple. Les étudiants qui choisiront de passer le concours de professeurs des écoles se présenteront avec des licences de mathématiques, de langue, de lettres, etc .... Il faudra, pour les préparer à leur futur métier, leur assurer à tous une formation pluridisciplinaire suffisamment large. Pour cela, il est logique de tenir compte de leur spécialité de départ. Un bilan sera fait avec chaque étudiant lors de son entrée à l'IUFM pour définir avec lui le parcours le mieux adapté. De façon générale, et tout au long de leur scolarité, les étudiants d'IUFM entretiendront un dialogue permanent avec leurs formateurs, lequel permettra d'apporter les ajustements appropriés.
c) Le troisième principe porte sur l'organisation de la formation.
La formation de tous les étudiants comporte des stages sur le terrain, une formation disciplinaire et une formation générale.
Les stages, tout d'abord. Ils occuperont une place importante dans la formation. Je vous donne quelques chiffres. Pour les futurs enseignants du premier degré, les deux années de formation comprendront 500 heures de stages. Les futurs enseignants du second degré suivront au minimum 300 heures de stages. Les futurs professeurs de l'enseignement technique et professionnel effectueront de plus un stage en entreprise. Lors de leur deuxième année, les étudiants, qui auront alors passé leur concours, effectueront un stage au cours duquel ils auront une classe en responsabilité.
La formation disciplinaire occupe une place centrale dans les enseignements. Les étudiants qui se destinent au premier degré consacreront plus de la moitié de leurs horaires durant les deux années à leur formation disciplinaire. De surcroît, nous avons apporté une innovation dans cette formation en rendant obligatoire pour tous les futurs enseignants du premier degré un enseignement de langue vivante. Quant aux futurs enseignants du second degré, ils consacreront les 3/4 de leur temps en première année à approfondir leur discipline.
La formation générale, enfin. Son objectif est de permettre aux étudiants d'analyser leurs expériences, de réfléchir à l'acte d'enseigner, de maîtriser les technique nécessaires à l'exercice du métier d'enseignant, notamment les technologies de la communication. Ce travail peut s'effectuer à partir de l'expérience acquise au cours des stages et sur des thèmes transversaux, mais aussi à partir des disciplines de chacun.
Ces formations seront assurées de façon spécifique en fonction du niveau d'enseignement et de la discipline. Mais, les étudiants suivront également des modules communs. Cette formation commune occupera environ 10 % de leur temps. Elle leur fera prendre conscience de la continuité de l'apprentissage d'une discipline par les élèves. Elle leur donnera également une vision d'ensemble du système éducatif.
Je viens de vous décrire l'organisation de la formation de tous les étudiants. Il me reste à préciser la répartition des différentes formations entre les 28 IUFM. Dans chaque IUFM, les étudiants pourront suivre les formations préparant au professorat des écoles et, pour le second degré, des formations conduisant à l'enseignement général comme à l'enseignement technique et professionnel. Un large choix de disciplines sera offert à tous les étudiants. Cependant, nous avons tenu compte de la diversité des académies, tant en ce qui concerne le nombre d'étudiants que le potentiel de formation, qui ont fait l'objet d'une évaluation précise de la part des Recteurs. Nous avons donc élaboré une carte des formations qui recense l'ensemble des possibilités offertes dans chaque IUFM, les préparations à certaines disciplines s'adressant traditionnellement à un petit nombre d'étudiants n'étant ouvertes que dans certains d'entre eux. Je pense en particulier à certaines langues ou à des options technologiques pointues. Cette carte des formations a donné lieu à une large diffusion ; les étudiants sont informés de l'implantation de ces formations et savent où s'inscrire.
2°) Cette nouvelle conception de la formation impliquait d'adapter les concours de recrutement des enseignants.
C'est chose faite. Les concours ont été renouvelés dans certaines de leurs modalités pour, d'une part, mieux intégrer la dimension professionnelle de la formation dans les concours du second degré et, d'autre part, prendre en compte l'élévation du niveau de recrutement des enseignants du premier degré. Désormais, ils comporteront tous une épreuve professionnelle. Les étudiants passeront ces nouveaux concours dès 1992.
a) Dans le premier degré, il s'agissait d'abord de créer un concours du niveau de la licence correspondant au nouveau statut de professeur des écoles. Le concours d'instituteurs comportait un très grand nombre d'épreuves. Il était nécessaire de le simplifier. C'est ce que nous avons fait. Toutefois, afin de maintenir la nécessaire polyvalence des enseignants du premier degré, un système d'options a été prévu. L'épreuve professionnelle qui figurait déjà au concours des enseignants du premier degré a fait l'objet d'une rénovation.
b) Dans le second degré, l'objectif que je n'ai cessé de rappeler est, à la fois, de maintenir le niveau disciplinaire actuel des concours et d'introduire une véritable dimension professionnelle. Les CAPE, les CAPET, et les CAPLP2 comportent désormais une épreuve professionnelle dont le coefficient représente entre 20 et 25 % du total suivant les spécialités. Le but de cette épreuve, orale, est d'apprécier l'aptitude du candidat dans une situation pédagogique concrète. Les textes correspondants ont été publiés hier au Journal Officiel.
3°) Autre question importante : celle des conditions d'entrée dans un IUFM et du soutien financier dont pourront bénéficier les étudiants.
C'est une question qui intéresse de nombreux jeunes. 120 000 dossiers d'inscription sont dès maintenant disponibles dans les académies. L'admission en IUFM s'effectue après l'examen des dossiers et, le cas échéant, à l'issue d'un entretien.
Les informations pratiques peuvent être obtenues par minitel. Pour compléter ce dispositif, j'ai décidé d'organiser au cours de la semaine du 21 mai une campagne d'information. Elle pourra, à l'initiative des Recteurs, revêtir des formes différentes dans les académies. Elle sera spécialement conçue et mise en oeuvre pour les étudiants.
Quant à l'aide financière, j'ai souligné tout à l'heure le rôle important du système des allocations. Deux types d'allocations sont prévues :
a) Les étudiants de première année d'IUFM pourront bénéficier d'une allocation d'un montant de 70 000 francs par an. Pour la rentrée, 5 650 allocations de première année sont prévues. Ces allocations seront attribuées en fonction de la qualité du dossier du candidat.
Il s'agit là d'une aide importante. Toutes les académies disposeront d'allocations, même si nous avons choisi de donner la priorité aux académies où des problèmes de recrutement se posent. Par rapport à l'année dernière, nous avons quadruplé le nombre des allocations disponibles à ce niveau. Notre objectif est de poursuivre progressivement cette augmentation.
b) Dans certaines académies et dans certaines disciplines, des étudiants non titulaires de la licence pourront bénéficier d'une allocation d'année préparatoire à l'IUFM. De quoi s'agit-il ? Au cours de cette année préparatoire, les étudiants préparent leur licence et reçoivent une première sensibilisation au métier d'enseignant. Ils s'engagent à demander ensuite leur admission en IUFM et à présenter l'un des concours de recrutement. A la prochaine rentrée, 5 900 allocations de ce type sont prévues. Leur montant annuel est de 50 000 francs. Leur attribution sera fondée en partie sur des critères sociaux.
5°) Reste enfin la question des moyens de fonctionnement des IUFM.
En la matière, le principe général est que tous les moyens, aussi bien en locaux, qu'en crédits ou en emplois, existant dans les structures qui assuraient jusqu'ici la formation des enseignants sont mis à la disposition des IUFM. L'objectif est de continuer à bénéficier de la somme de compétences et d'expériences accumulées dans les précédentes institutions de formation.
Des modalités particulières sont prévues pour les Ecoles Normales d'Instituteurs et pour les Universités.
Les Ecoles Normales d'Instituteurs posaient un problème spécifique pour lequel une loi a été promulguée l'année dernière. Elle laisse aux départements la liberté de choisir de continuer ou non à assumer leurs responsabilités traditionnelles en ce qui concerne les Ecoles normales. En tout état de cause, une convention sera passée avec l'Etat. Aujourd'hui, les deux tiers environ des départements qui ont pris leur décision ont choisi de conserver leurs responsabilités actuelles. Beaucoup d'élus des départementaux ruraux sont sensibles au devenir des anciennes écoles normales en tant que lieux de formation. J'ai d'emblée partagé cette préoccupation. En vue de proposer et de promouvoir des solutions, j'ai demandé à Monsieur Pierre MAUGER d'animer une réflexion nationale. Celle-ci facilitera le rassemblement au sein des mêmes locaux de tous les services éducatifs et d'information qui pourront y être accueillis. Ainsi, pourraient être créées des maisons départementales de la formation où travailleraient en étroite collaboration des services jusqu'ici dispersés bien que concourant à la même finalité éducative. Cette démarche repose sur l'analyse d'un certain nombre de situations concrètes au niveau local : Bourg-en-Bresse, Foix, Guebwiller, Guéret, Privas et Toulon.
En ce qui concerne les universités, la mise à disposition des moyens constitue l'un des sujets qui sont traités dans les conventions conclues entre les IUFM et les universités. La formation des enseignants est une des missions fondamentales des universités. Elles doivent l'assumer pleinement, en particulier, en établissant avec les IUFM des accords qui soient la traduction concrète de leur volonté de s'investir, humainement et institutionnellement, dans cette tâche. Il s'agit d'une condition essentielle pour la réussite des IUFM.
La première de ces conventions vient d'être signée à Reims. Vous en avez un exemplaire dans le dossier qui vous a été remis.
A ces moyens existants viennent s'ajouter les moyens supplémentaires qui ont été inscrits au budget de 1991. Ainsi, 300 emplois d'enseignants chercheurs et l'équivalent de 200 emplois de professeurs agrégés ont-ils été prévus. Il faut également mentionner la création de 30 emplois de directeurs et de 30 emplois de secrétaires généraux.
CONCLUSION
Je viens de vous présenter le cadre général qui va permettre à tous les IUFM d'accueillir au mois de septembre prochain nos futurs enseignants. Mais tout ne peut être décidé d'en haut. Il reste - et c'est sans doute le plus difficile - à faire vivre quotidiennement les IUFM, à les aider à se donner d'une identité reconnue, à tracer leur chemin. Dans toutes les académies, des femmes et des hommes ont travaillé depuis plus d'un an. De mon côté, je veillerai à leur donner le soutien dont ils ont besoin. J'ai déjà mobilisé les Recteurs sur ce que je considère comme une de nos actions les plus importantes. Ils se sont pleinement impliqués dans cette démarche.
Les IUFM réussiront si, sur place, dans toutes les académies, les volontés et les compétences se rassemblent autour d'un projet essentiel pour l'avenir de notre enseignement. Pour construire cet avenir ensemble, il faudra surmonter des obstacles : il est toujours difficile de mettre en place des structures neuves, d'apprendre de nouvelles façons de travailler, peut-être de remettre en cause des habitudes anciennes.
Mais nous avons des atouts : la conscience, maintenant largement partagée, de la nécessité d'une véritable rénovation de la formation des enseignants, la volonté politique de la faire aboutir, cette force et cette richesse que représente dans l'histoire de notre pays l'attachement à la formation des maîtres. Cet attachement, incarné par la tradition des Ecoles normales d'Instituteurs et par nos meilleures filières de formation universitaires, qui plonge ses racines si loin dans notre sensibilité nationale, il nous faut le faire vivre pour que l'Ecole publique de notre pays franchisse une nouvelle étape de son histoire. Depuis toujours, l'Ecole publique, en France, a appuyé sa force sur le socle de l'école primaire, parce qu'elle était l'école pour tous. Aujourd'hui, elle conjugue toutes les richesses et les réalités de l'école primaire à l'université. La formation des enseignants doit être à sa mesure. C'est cette nouvelle dimension que je propose d'atteindre en créant les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres.