Interview de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme et aux services, à "Radio Classique" le 20 novembre 2008, sur les différentes mesures du gouvernement pour soutenir l'entreprise (création d'un fonds souverain, statut de l'auto -entrepreneur...).

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Média : Radio Classique

Texte intégral

J.-L. Hees.- H. Novelli, je rappelle que vous êtes un des membres du Gouvernement les plus occupés puisque vous êtes Secrétaire d'Etat chargé du Commerce, de l'Artisanat, des PME, du Tourisme et des Services. C'est autant de secteurs d'activité qui sont directement confrontés à la crise, si je ne m'abuse ?

Oui, bien sûr, ce sont des secteurs qui méritent beaucoup d'attention et beaucoup d'accompagnement de la part du Gouvernement, et c'est vrai qu'il faut réagir, il ne faut pas rester comme on dit "les deux pieds dans le même sabot", c'est ce que j'essaie de faire sous l'impulsion du Président.

Alors, vous serez tout à l'heure justement en compagnie du président de la République, dans le Loir-et-Cher, où N. Sarkozy doit présenter le Fonds stratégique d'investissement, le fonds souverain à la française. Alors, de quoi s'agit-il ?

Il s'agit de rassembler un certain nombre de financements pour pouvoir prendre des participations dans des entreprises moyennes, du reste des PME, qui ont un intérêt stratégique et qui ne doivent pas disparaître ou se retrouver dans des mains de propriétaires qui n'ont pas forcément la même vision. Je prends l'exemple de la sous-traitance automobile ou aéronautique : vous avez des entreprises qui se trouvent avec un retournement de marché parfois dans des situations très difficiles, or ces entreprises concourent à des productions, elles sont dans une chaîne de production qui peut se révéler stratégique comme par exemple dans l'aéronautique. Si une entreprise disparaît, vous perdez la chaîne parce que ce sont souvent des productions qui s'étalent sur des années et des années, et tout d'un coup vous vous retrouvez sans la pièce stratégique qui va permettre de fabriquer tel ou tel avion, par exemple.

Mais est-ce que ça veut dire qu'il y a des gens qui font leur shopping, enfin, je pense à des investisseurs étrangers qui se disent : tiens, aujourd'hui on va aller par exemple dans le Loir-et-Cher dans une entreprise d'équipementier aéronautique, qui s'appelle Baer, donc, c'est vrai que c'est une entreprise stratégique, est-ce qu'il y a des gens qui font, oui, leur shopping en ce moment ?

Force est de reconnaître que, aujourd'hui, la situation n'est pas forcément très favorable, mais vous avez des investisseurs, et les investisseurs c'est leur métier que de regarder des opportunités dans un phénomène qui est un phénomène de baisse des prix, et donc de baisse de valeur. Et lorsque vous pouvez acheter dans des situations de prix baissés, vous pouvez avoir des opportunités. Et ces opportunités, eh bien nous devons veiller à ce qu'elles ne se traduisent pas par une dégradation dans la chaîne de production française, et je le dis, un maillon qui finalement disparaît ou n'est plus opérationnel, cela nous ne pouvons pas nous le permettre.

Et comment s'alimente ce fonds souverain alors, de quel montant ?

Je ne vais pas vous le détailler, puisque le président de la République va le faire dans quelques heures, mais il est évident que la Caisse des Dépôts y jouera un rôle, comme elle le fait, comme elle doit le faire, et puis, des capitaux seront apportés, mais le détail vous le connaîtrez dans quelques heures.

Juste pour avoir un ordre d'idée, parce qu'on a entendu "100 milliards d'euros" il y a quelque temps, enfin dans la bouche de L. Wauquiez, et puis on a entendu hier "20 milliards d'euros", donc entre les deux, quand même il y a...

Encore un peu de patience, encore quelque temps.

On sera patients.

Mais il est clair que, c'est un fonds qui sera certainement destiné à croître, et donc une mise de fonds initiale c'est peut-être du niveau de la valeur que vous citiez.

Tout ça sous la surveillance du Parlement, bien sûr ?

Bien sûr. Le Parlement joue son rôle et jouera de toute manière de plus en plus son rôle dans le contexte institutionnel nouveau qui a renforcé les pouvoirs du Parlement, et je le souhaite.

Alors, comment vont se tirer tout de même de la crise les PME ? Parce que, j'écoutais Mme Parisot, la présidente du Medef, parler des problèmes de crédit rencontrés par les PME, et elle parlait même de "maltraitance" de la part des banques. Pourtant, il y a eu un plan de sauvetage de certaines institutions financières, donc, on ne comprend pas très bien.

Qu'a fait le Gouvernement, sous l'impulsion du président de la République ? D'abord, il y a eu un plan de financement des PME : 22 milliards qui ont été immédiatement rendus disponibles. Et puis il y a eu, après, et c'est notable parce que la France a été le premier pays et le seul à mettre en place immédiatement un plan de soutien à ses petites et moyennes entreprises, avec des l'argent immédiatement disponible par la mobilisation de la Caisse des Dépôts et des excédents de livrets d'épargne. Donc, il y a eu une réactivité très forte. Il y a eu ensuite, le plan de financement des banques ; il y a eu l'implantation des Comités de suivi au plan départemental, pour s'assurer que l'argent allait au financement de ces PME ; et il y a eu enfin, institution de la Médiation du crédit. Donc, du point de vue du déroulé de l'action des pouvoirs publics, je crois qu'elle a été extraordinairement réactive. Mais il y a aussi la situation - situation financière, très fragile, on va dire cela comme ça - qui nuit au financement et qui rend les banques très prudentes, parfois trop prudentes. Et puis, il y a maintenant le ralentissement économique, qui n'affecte pas tel ou tel secteur, mais qui commence à pointer avec, notamment, la situation dans l'automobile voire dans le bâtiment. Donc, tout cela s'est traduit un grand climat d'incertitude et de prudence, et les banques peuvent être tentées d'avoir une attitude trop prudentielle. Quand L. Parisot parle de "maltraitance", ce sont des décisions soudaines de retrait de crédit ou de retrait...

Alors, que faites-vous pour les rendre un peu moins timides ?

Eh bien, il y a d'abord de l'argent qui doit les empêcher ou les rassurer puisque nous pouvons investir à leurs côtés, à travers OSÉO par exemple, qui apporte sa garantie avec des fonds supplémentaires ou qui peut prêter en cofinancement avec les banques. Et puis, il y a aussi, sur des situations précises, rapportées précisément, l'institution de la Médiation du crédit, qui permet d'avoir un dialogue avec les banques ; dans chaque département, maintenant, il y a un médiateur du crédit qui est l'interlocuteur de R. Ricol. Donc, je crois qu'il y a des dispositifs de médiation qui doivent permettre de faire face. Mais il n'en demeure pas moins qu'il y a des problèmes, et que, par exemple, sur l'assurance crédit, je peux le dire puisque j'en ai parlé avec L. Parisot, il est clair que les retraits d'assurance automatiques ou soudains, brutaux, ne peuvent pas continuer, et c'est la raison pour laquelle la négociation, la discussion avec les assureurs crédit - ils sont peu nombreux, en fait, il y en a trois - est entamée, et avant la fin du mois, nous aurons un accord pour éviter ce que j'ai vu, et ce que je constate concrètement, puisque je suis au contact quotidien des entrepreneurs. Il y a des cas qui sont insupportables où vous avez une décision qui consiste à retirer l'assurance pour 20 clients d'une même entreprise, cela n'est pas supportable !

Il y aurait beaucoup de choses à évoquer avec vous, mais il y a... c'est le moment d'avoir des idées. Et donc, vous avez présenté un projet qui va intéresser j'imagine un tas de Français, c'est "l'auto-entrepreneur". En une minute, il s'adresse à qui ?

En une minute, il s'agit de dire que l'esprit d'initiative des Français, en période de ralentissement économique, il faut y croire, il faut avoir confiance. Et j'ai donc mis en place un site, "lauto-entrepreneur.fr", pour montrer comment ce nouveau régime simplifié de démarrage d'activité ou d'activité complémentaire, qui se mettra en place à compter du 1er janvier 20069, peut permettre à chacune et à chacun des Français qui a du talent, de le convertir en argent. C'est aussi simple que ça. Vous avez un projet, vous voulez démarrer une activité, que vous soyez salarié, retraité, étudiant, eh bien vous le faites, vous vous déclarez en ligne sur le site "lauto-entrepeneur.fr", et vous commencez votre activité, vous ne serez imposé fiscalement ou socialement des charges sociales ou fiscales que lorsque vous aurez votre chiffre d'affaires, et vous pourrez avoir un forfait d'imposition de charges mensuel ou trimestriel. Voilà la réalité ; 13 %, si vous faites des activités de commerce, 23 %, pour du service, sous un certain plafond. Mais c'est très simple, et je vais vous dire, nous avons aujourd'hui reçu en 36 heures, 6.000 inscriptions sur ce site pour devenir autoentrepreneur à compter du 1er janvier. Je compte qu'il y ait 100.000 entrepreneurs, auto-entrepreneurs nouveaux à la fin du premier semestre de 2009. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que les Français, lorsqu'il y a des difficultés, eh bien ils se disent : pourquoi pas moi ? Pourquoi est-ce que je ne pourrais pas créer mon activité ? Et c'est très intéressant de voir qu'ils ne se tournent pas uniquement, comme on a tendance de le croire, vers les pouvoirs publics quels qu'ils soient. Il y a un ressort dans chaque individu, dans chaque Française et dans chaque Français qui va se déployer.

Mais de la part de l'Etat, ça ne veut pas dire aussi : débrouillez-vous vous-mêmes ?

Ça n'est absolument pas ça, puisque l'Etat a mis en place ce régime, c'est lui qui va favoriser ainsi l'esprit d'entreprise ou l'esprit de démarrer une activité de chacun et chacune des Français.

Alors, je sais que vous avez une matinée très occupée ce matin, donc, puisqu'il faut aller dans le Loir-et-Cher avec le président de la République. Un tout petit mot, vous êtes en charge du tourisme aussi. Comment ça va ? Parce que, en période de crise en général c'est difficile, ça.

Vous avez entièrement raison. La saison d'été a été, contrairement à ce qu'on avait dit, une saison qui a été identique, en termes de fréquentation et en termes donc d'hébergement, quelles que soient les formes d'hébergement, identique à celle de l'année dernière. Mais ce qui est très important, c'est que l'activité touristique est très réactive, donc elle va subir un ralentissement lié à la crise, elle ressortira parmi les premiers secteurs. C'est pour cela qu'il faut s'y consacrer, c'est pour cela que je présenterai sur le bureau du Conseil des ministres un projet de loi de développement des activités touristiques dans notre pays avant la fin de l'année.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 20 novembre 2008