Déclaration de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les axes de sa politique agricole pour un développement durable et une protection de l'environnement, Paris le 10 octobre 2008.

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Circonstance : 44ème Congrès de l'UNEP (Union nationale des entrepreneurs du paysage), à Marne-la-Vallée les 9 et 10 octobre 2008

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, bonjour à chacune et chacun d'entre vous.
Vous parliez d'oxygène Monsieur le Président tout à l'heure, j'ai bien fait de venir ! Je ne regrette pas de vous avoir entendu : vous m'interpelez, vous demandez que j'intervienne auprès de tel ou tel de mes collègues, j'en ai noté au moins 4 ou 5 dans votre discours, vous m'engueulez aussi un peu de temps en temps... Je ne regrette donc pas du tout d'être venu. Un Ministre doit être là où se posent les questions. Il se trouve en plus que je connais bien vos entreprises, depuis longtemps, vous l'avez rappelé au début de votre discours. Je suis donc, pour cette raison-là d'abord, très heureux de vous retrouver.
De vous retrouver aussi, Monsieur le Président, vous l'avez dit en conclusion, dans un moment de crise qui touche toute l'économie, après avec touché la finance, avec des conséquences en chaine qu'on ne peut pas prédire ou prévoir aujourd'hui.
J'ai bien aimé la manière dont vous avez dit votre état d'esprit : lucidité, responsabilité, sang froid. C'est précisément, vous l'observez, avec cette attitude que le Président de la République, qui préside actuellement le Conseil des Ministres et le Conseil Européen, entend continuer d'agir dans cette crise extrêmement grave. Je trouve très bien que vous ayez chacun, là où vous êtes, le même état d'esprit en gardant le sang froid nécessaire, même si vous avez le droit de demander aux pouvoirs publics de ne pas vous oublier.
Je disais tout à l'heure en aparté que, dans le plan que le Président de la République a voulu comme une des premières réponses à cette crise avec près de 20 milliards d'euros ciblés et fléchés vers les petites entreprises, vous devez, dans ce moment de difficulté, demander à obtenir votre part.
Donc merci Président de m'avoir parlé franchement. Je vais essayer de le faire à mon tour. Je voudrais saluer à vos côtés Antoine Berger, et parmi vous, qui êtes plusieurs centaines de chefs d'entreprise, ceux d'entre vous qui nous font l'honneur et l'amitié de venir d'autres pays, non pas étrangers, mais européens. Je trouve très important que vous affirmiez ici, à Marne-la-Vallée, votre dimension européenne, puisqu'elle est clairement l'une des clés. Je salue en même temps les élus locaux et parlementaires qui vous accompagnent.
J'ai un souvenir assez précis, qui m'avait beaucoup marqué et qui n'est pas très éloigné de vos activités, de Marne-la-Vallée.
Il y a une quinzaine d'années, au moment où j'étais principalement engagé dans l'organisation des Jeux Olympiques d'Albertville, j'avais été invité ici, à Marne-la-Vallée, à participer à un séminaire, ou un grand colloque, sur l'impact des grands événements sur les régions. On peut bien dire l'effet de levier qu'a eu sur la région Rhône-Alpes et sur la Savoie l'organisation des derniers jeux olympiques que la France a organisés en 1992. J'avais été à ce titre invité à témoigner de l'effet de levier sur une région.
Ce jour-là, les organisateurs de ce grand colloque m'avaient proposé, pour ne pas perdre de temps dans les embouteillages, de me faire prendre un hélicoptère. Donc j'étais parti en hélicoptère d'Issy-les-Moulineaux, et j'avais traversé, en contournant Paris, une grande partie de la région Ile-de-France. Il y avait un jeune haut-fonctionnaire de l'administration de l'Etat qui s'occupe de l'aménagement du territoire qui, à côté de moi, voulant occuper le temps, m'expliquait ce qu'ils étaient en train de faire. Au fur et à mesure du parcours, il me montrait du doigt des lieux, des chantiers, en me disant : « Là, nous sommes en train de faire une ville de 40 000 lits, et nous avons une deuxième tranche de 60 000 lits prévus dans les 5 ans qui viennent. » Et puis un peu plus loin : « Nous sommes en train de terminer 30 000 lits, et nous allons en faire 50 000 de plus. » Jusqu'au moment où nous sommes arrivés ici, à Marne-la-Vallée.
Il ne s'est pas rendu compte de l'effet que ça me faisait à moi, qui ai mon bureau à Chambéry, dans une ville qui a mis 20 siècles à se construire et à garder ou trouver son âme, qu'on puisse ainsi, d'un coup de décision politique un peu bureaucratique créer de vraies villes. C'était déjà après la création des villes nouvelles, mais tout de même. Cette manière de créer ex nihilo de vraies villes sans faire attention au sens humain, au sens tout court, à l'âme de ces villes, ça explique probablement beaucoup des déséquilibres dans nos sociétés de plus en plus urbaines.
Je dis cela parce que je pense que vos métiers, ce que vous faites, notamment lorsqu'on poursuit ce type d'aménagements du territoire, est extrêmement important pour l'équilibre et pour l'âme de la société. Je me rappelai hier, en regardant une carte, que dans 30 ans, 76 % des européens vivront dans des villes, ce qui justifie encore davantage vos métiers et vos travaux. Je suis donc très heureux, me rappelant ce souvenir qui m'avait marqué à Marne-la-Vallée, de vous retrouver. Je n'insiste pas sur des expériences passées, mais vous avez devant vous un Ministre qui s'intéresse à ce que vous faites, qui s'intéresse au paysage depuis longtemps, bien avant, d'ailleurs, d'être Ministre de l'Environnement, lorsque j'ai eu à présider, pendant 17 ans, le Conseil Général de la Savoie et à créer en effet, l'un des tous premiers, une mission Paysage. Je ne sais pas si beaucoup depuis ont été créées.
Je vais regarder ça d'assez près, notamment dans le cadre de la réforme du Ministère de l'Agriculture et de la révision générale des politiques publiques que le Président de la République a décidée pour que l'Etat fasse moins de choses et les fasse mieux. Comme vos entreprises, l'Etat se réforme, s'oxygène, se modernise. J'ai presque terminé la réforme complète du Ministère, du terrain jusqu'en haut, en faisant des choses assez improbables, comme la fusion des corps des Ponts et Chaussées et des Eaux et Forêts au sommet, ou à la base, ce qui vous intéresse, la réunification, la mutualisation des Directions Départementales de l'Agriculture, de la Forêt et celles de l'Equipement, qui vont donc constituer désormais dans les 2 ans qui viennent, dans chacun de nos départements, une Direction Départementale des Territoires, où les ingénieurs de l'agriculture et de l'équipement seront ensemble dans les mêmes bureaux. Je vais veiller, puisque j'ai désormais une autorité sur ces nouvelles Directions du Territoire, à ce qu'il y ait, peut-être en reprenant l'idée que nous avions eue au départ, la création de missions Paysage, avec un poste d'ingénieur paysage dans chacune de ces Directions.
Je n'ai pas oublié non plus le temps passé, avec l'aménagement paysager du site olympique. Je sais que ça a été important pour vous. Je sais aussi que la réussite des Jeux Olympiques, comme pour beaucoup d'autres événements, est due au savoir-faire d'entreprises qualifiées. Je n'oublie pas le travail fait en commun avec d'autres entrepreneurs de cette région auxquels je reste très attaché, comme Jean-René CHOLLAT ou Jean-Pierre BERLIOZ, qui furent d'une certaine manière mes complices, avec Jean-Claude KILLY, dans cette belle aventure.
Il n'y a cependant pas de nostalgie. Je ne pense pas qu'on puisse faire de politique avec de la nostalgie, même s'il faut la faire quelquefois avec des souvenirs et de la mémoire. Je reste, depuis cette époque, depuis cette expérience sur le terrain, définitivement attaché à cette politique du paysage. Voilà aussi pourquoi je suis heureux de vous saluer aujourd'hui, au moment où vous donnez à votre travail et à vos initiatives cette dimension européenne qu'elles doivent avoir. En 2000, la France a signé la Convention Européenne du Paysage, mise en oeuvre par le Conseil de l'Europe. Je le dis sous le contrôle du Président BERGER. Le Parlement Européen a ratifié en 2006 cette convention. Je pense que votre profession a sa place et son rôle à tenir au coeur de ces enjeux européens.
Vous l'avez rappelé, j'ai été Commissaire Européen pendant 5 ans, en charge de l'une des plus belles politiques européennes, la politique régionale, qui d'ailleurs mobilise aujourd'hui dans le budget européen, à 2 années près, le principal budget : 309 milliards d'euros sur la période 2007 - 2013. Elle va devenir le premier poste budgétaire européen devant la PAC, dont j'ai également quelques raisons de m'occuper en ce moment. Le budget de la politique régionale est donc très important et soutient les régions, selon leur retard ou leurs difficultés. Il intervient dans la quasi-totalité des régions françaises, y compris dans les régions d'Outre-mer qui ont besoin de cette aide. Cette politique régionale, dans la réforme que j'avais préparée comme Commissaire en 2003 - 2004, faisait une place nouvelle pour l'attribution des crédits à tout ce qui touche au développement durable, à l'environnement et au paysage. Quand, de Bruxelles, vous vous impliquez dans l'application des politiques, des règles, des normes, des obligations, tout ce à quoi vous tenez trouve une place plus importante. Voilà pourquoi au-delà de cette convention, je pense que vos métiers seront davantage pris en compte, y compris dans cette politique européenne très importante.
Vos métiers sont, Mesdames et Messieurs, au coeur de beaucoup d'enjeux de société et de défis de l'environnement. Je pense depuis longtemps que la question du réchauffement climatique et tout ce qui l'accompagne constituent le principal défi pour notre société, le plus global et le plus grave, à commencer par l'interpellation parfois brutale qu'il peut provoquer dans les métiers des paysans dont je suis le Ministre, et qui travaillent eux, comme vous-mêmes, toute la journée avec l'eau, l'air et la terre. On disait il y a quelques semaines que le temps des vendanges avait été accéléré dans la Languedoc-Roussillon de 3 semaines depuis 20 ans. On sait que le réchauffement climatique est là, désormais incontesté, y compris par la totalité des scientifiques, sauf peut-être Monsieur ALLEGRE.
L'autre jour, un des membres du GIEC, le groupe d'experts mondiaux, qui a d'ailleurs partagé le Prix Nobel avec AL GORE l'année dernière, me disait que la certitude est là : la température va se réchauffer de 2 à 6 degrés dans les 60 ans qui viennent. Ca veut dire clairement que le climat désertique aura gagné le sud de la France en 2050. Pour tous ceux qui aménagent ou qui ménagent le territoire, pour tous ceux qui se transportent, pour tous ceux qui cultivent, qui produisent, qui consomment, cela implique des changements obligatoires d'attitude. J'ai présidé la Savoie pendant près de 20 ans, un département dont le tiers de l'économie repose sur les sports d'hiver, c'est-à-dire sur la neige. Que le climat se réchauffe dans de telles proportions, ça bouscule complètement, et pas dans 3 ou 4 siècles, mais demain ou après-demain, la manière d'aménager, de ménager le territoire et de concevoir l'économie.
Vous êtes au coeur de ce défi, puisque les paysages sont au coeur du bien public, du patrimoine que constitue un environnement équilibré. Vous êtes aussi au coeur du défi de la cohésion sociale et territoriale, et vous répondez à bien des égards aux aspirations de la société, accentuées par l'urbanisation, en matière de cadre de vie et de qualité de vie. C'est ma conviction depuis longtemps, et je voudrais Monsieur le Président répondre le plus précisément possible à quelques-unes des préoccupations ou des interpellations que j'ai bien entendues dans votre discours.
Tout d'abord, à propos du défi de l'environnement, nombre d'agriculteurs ou de forestiers ont déjà démontré leur volonté de produire plus et de produire mieux. Je suis arrivé à la tête du Ministère de l'Agriculture, qui est votre Ministère, puisque vos 13 500 entreprises sont affiliées à la MSA et que nous travaillons ensemble, avec une conviction : c'était le moment du Grenelle de l'Environnement qu'avait promis le Chef de l'Etat dans sa campagne. J'ai dit aux organisations professionnelles et agricoles, et à tous ceux avec lesquels j'ai travaillé dès le début : « Ne doutez pas d'une chose. Le Grenelle, le Président y tient, et il va s'attacher à ce qu'il réussisse. » La question pour nous est de savoir si nous allons être en défensive ou en offensive. La question est de savoir si ce Grenelle va réussir avec nous à bord, ou sans nous. Peut-être même le risque existe qu'il réussisse contre nous, contre le secteur agricole. Je pense même qu'un certain nombre de gens, parmi les écologistes les plus intégristes, auraient souhaité que le Grenelle réussisse contre les agriculteurs, en les marginalisant.
J'ai demandé que l'on s'engage dans le Grenelle - mes collaborateurs, toutes mes équipes, les dirigeants agricoles et professionnels, vous-mêmes - de manière volontariste, en étant proactif. Finalement, ce que j'ai pu constater au mois d'octobre dernier, quand le Chef de l'Etat a conclu le Grenelle, c'est qu'il s'est conclu avec nous à bord, et en reprenant un certain nombre des propositions que j'avais faites moi-même, pas tout seul, mais au nom du Ministère et de tous nos partenaires.
J'ai notamment présenté 4 plans dans ce Grenelle qui ont été approuvés :
- Le plan pour le développement de l'agriculture biologique, que j'ai conforté il y a encore quelques jours ;
- Un plan extrêmement important, je parlais du réchauffement climatique et du coût de l'énergie, qui sont liés, sur la performance énergétique ou la valorisation énergétique des exploitations agricoles. Ca ne concerne pas seulement les horticulteurs ou les serristes mais l'ensemble des exploitations agricoles, que de dépendre moins du pétrole, de consommer moins de pétrole, et éventuellement moins d'eau, moins de gasoil, moins d'électricité, et de produire une partie la plus importante possible de cette énergie dont ils ont besoin.
J'ai rencontré l'autre jour dans l'Aveyron une centaine de jeunes éleveurs qui sont en difficulté, comme tout l'élevage français, et qui ont fait le choix en coopérative d'équiper 33 000 mètres carrés de leurs toits de granges en photovoltaïque. Ils sont devenus autonomes et produisent même plus qu'ils ne consomment, et revendent le surplus au réseau collectif. Cet enjeu-là est pour moi très important. Nous allons lancer, je le dis même si ça ne vous concerne pas directement mais ça vous intéresse comme citoyens, 100 000 diagnostics énergétiques dans 100 000 premières exploitations agricoles cette année pour aller vers cette autonomie ou cette valorisation énergétique.
- J'ai lancé un troisième plan concernant le plan de certification environnementale des exploitations agricoles,
- Et puis, enfin, le plan que vous avez évoqué, que j'ai piloté personnellement parce qu'il est stratégique, névralgique plus exactement, difficile mais nécessaire, celui de la réduction de moitié de l'usage des produits phytosanitaires dans les 10 ans qui viennent : le plan Eco-Phyto 2018. De ce point de vue-là, je voudrais saluer les efforts de toute votre profession pour réduire l'usage de ces produits et pour trouver des solutions alternatives. C'est une garantie pour la confiance et pour notre avenir.
Une des clés, Monsieur le Président vous l'avez dit à plusieurs reprises, et je veux marquer mon appui à cette demande, c'est la Recherche. On ne réussira ce plan que si l'on trouve, c'est un peu la même chose pour l'énergie et pour d'autres secteurs comme l'agronomie, des solutions alternatives, et ça passe par la Recherche.
En tous cas je pense que c'est un devoir civique, collectif, à bien des égards de santé publique, que de réduire l'usage de ces produits. Le plan que j'ai mis en place n'est pas tombé d'en haut, même si la volonté est bien celle de l'Etat, du Président et de la mienne à ses côtés. Il a été l'objet, avec un expert qui a réalisé un travail extrêmement sérieux, d'une concertation entre professionnels, industriels, agriculteurs, écologistes et consommateurs. Nous sommes parvenus sur ce plan Eco-Phyto à un accord général. C'est sur la base de cet accord que nous mettons désormais en place ce plan. Je veux que les professionnels ne soient pas les seuls à agir. Voilà pourquoi aussi nous avons voulu des mesures d'agrément et de certification des lieux de distribution des produits destinés au grand-public. Voilà aussi pourquoi nous avons prévu une vaste campagne de sensibilisation pour que chacun prenne part à ce changement. Il me semble là que nos préoccupations se rejoignent. Et, Monsieur le Président, je vous donne l'assurance, puisque vous êtes concernés, que dans la mise en oeuvre, année après années, peut-être mois après mois, de ce plan, nous serons dans la concertation pour que vous puissiez nous dire si l'évaluation que vous faites ou les problèmes que vous rencontrez sont bien pris en compte.
Ces préoccupations sont également au coeur du Grenelle 1. Il y aura plusieurs Grenelles, plusieurs projets de lois. Vous avez dit tout à l'heure que vous aviez mal à votre Grenelle. Franchement, compte tenu de ce que vous faites et de votre métier, compte tenu du fait que le Chef de l'Etat et l'ensemble des pouvoirs publics sous l'impulsion de Jean-Louis BORLOO que j'accompagne dans cette mission, s'engagent progressivement dans un quasi changement de modèle économique, je pense que vous ne devez pas avoir mal à votre Grenelle. Vous devriez être heureux qu'on s'engage dans ce mouvement en profondeur. Naturellement, nous sommes dans une discussion parlementaire qui commence cette semaine. Comme tout projet de loi, parce que les ministres n'ont pas la science infuse et parce que le Parlement a son rôle à jouer, il peut être amélioré et précisé. En témoignent, vous n'êtes pas restés silencieux ou inactifs, la vingtaine d'amendements que vous avez suggérés. Vous avez des parlementaires qui vous écoutent et des ministres qui sont attentifs, et je veux donc vous dire l'attention que je porte et le soutien que l'apporterai à un certain nombre de vos propositions, pour que la contribution du végétal soit bien inscrite dans les objectifs fixés par ce projet de loi. Je pense qu'il est très important qu'ensemble nous réaffirmions la place du végétal sous toutes ses formes, et notamment en ville. C'est un enjeu de notre cadre de vie. C'est aussi un enjeu, vous l'avez rappelé, de santé publique.
Je m'attacherai, aux côtés de Jean-Louis BORLOO et de Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET que je vais rejoindre, après vous avoir vus ici, sur une exploitation agricole d'apiculture. Nous allons rendre public le rapport de Martial SADDIER, un député de Haute-Savoie qui a beaucoup travaillé sur un plan de sauvegarde des abeilles. Ce n'est pas un sujet anecdotique s'agissant de la biodiversité. Et je vais tout à l'heure rappeler à Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET ce que vous m'avez dit, pour que lorsque tel ou tel parlementaire soutiendra un amendement pour réinscrire ou inscrire la contribution du végétal dans le Grenelle, il puisse être accueilli favorablement par le Gouvernement. Plus généralement, le rôle du végétal dans la séquestration du carbone, vous l'avez rappelé, fait actuellement l'objet de discussions dans le cadre de la négociation sur le climat, et sur la définition du régime post-Kyoto.
Vous avez évoqué un deuxième point qui est la valorisation de votre filière au coeur du développement durable avec, si j'ai bien noté, au terme de votre intervention, votre préoccupation sur la dimension forestière. J'ai bien entendu là aussi votre inquiétude et votre message. Je voudrais y revenir rapidement. Nous disposons du quatrième domaine forestier le plus vaste en France. La surface forestière française s'accroît de la surface d'un département tous les 10 ans, chez nous. L'exploitation durable de la forêt me paraît une nécessité, notamment quant au desserrement de la contrainte énergétique, à la fois par la production d'une énergie renouvelable et par la contribution du bois d'oeuvre au stockage de CO2, comme vous l'avez rappelé. Or la forêt française, dans la dimension accrue qui est la sienne, a jusque là été largement sous-exploitée. Nous avons l'intention de renverser cette situation en augmentant la production forestière d'environ 12 millions de mètres cubes d'ici 2012. Les Assises de la Forêt, vous y avez fait allusion, ont permis de fixer un objectif en concertation avec la filière forêt bois, de mobilisation supplémentaire du bois, dans des conditions de gestion durable. L'Etat va accompagner cet effort de mobilisation en soutenant les investissements de renouvellement des peuplements, en veillant à la pérennité de l'état boisé après l'exploitation, en favorisant la constitution d'unités de gestion forestière économiquement viables. Sur ce point précis du contrôle du reboisement après coupe rase, vous savez que le Code Forestier, dans son article L.9, introduit dans la loi d'Orientation Forestière en juillet 2001, impose des mesures nécessaires au renouvellement des peuplements forestiers en cas de régénération naturelle non-satisfaisante.
Je suis également attentif à l'incitation au remembrement de la forêt. C'est en ce sens qu'une modification des associations syndicales de gestion forestière est mise en oeuvre pour valoriser la gestion et l'exploitation des petites propriétés forestières. Pour terminer sur ce point, je vous redis mon soutien aux initiatives menées par certains d'entre vous, en liaison avec les agriculteurs et les collectivités pour replanter des arbres et des haies champêtres afin d'améliorer les systèmes de production agricoles et le cadre de vie rural. Je profite de cette occasion pour saluer les travaux réalisés en la matière par l'Association Française de l'Arbre et de la Haie Champêtre que vous connaissez.
Enfin, vous avez évoqué les choix qui sont les vôtres, les demandes qui sont les vôtres, pour votre profession, parce qu'elle s'inscrit dans l'avenir et parce qu'elle joue un rôle essentiel. Vous avez rappelez la création de 3 000 emplois nets chaque année par les entreprises du paysage. La formation, l'attention aux hommes, aux relations sociales et aux conditions de travail sont vos priorités, et je les partage. Je voudrais là aussi évoquer quelques points de votre interpellation. D'abord, la formation et la réforme du baccalauréat professionnel qui vous préoccupe. Je tiens comme vous, Mesdames et Messieurs, à maintenir un diplôme de Brevet d'Etudes Professionnelles Agricoles, le BEPA. Je veux sur ce point qu'il n'y ait pas de malentendus entre nous. S'il y en a, nous continuerons la concertation après votre congrès d'aujourd'hui. Je me suis toujours prononcé contre une sorte de copier-coller de l'Education Nationale, même si par la taille des deux systèmes éducatifs, le système de l'Education Nationale qu'anime Xavier DARCOS a naturellement un effet d'entraînement.
Je reste attentif et soucieux de l'enseignement agricole, dont j'ai la responsabilité : 850 établissements qui fonctionnent bien, qui n'ont pas attendu pour s'ouvrir au secteur privé et professionnel, pour travailler en alternance, pour associer dans leur Conseil d'Administration, des responsables de l'extérieur de l'éducation et du secteur privé. Je tiens à ce que ce secteur reste sous la tutelle du Ministère de l'Agriculture, de la Forêt et de la Pêche. Et il le restera, avec ses 850 établissements, qui vont des maisons familiales et rurales qui fonctionnent bien, aux collèges et lycées, jusqu'à de très grands établissements d'enseignement supérieur, y compris ceux du paysage, des services vétérinaires, de l'agronomie ou des ingénieurs. Je me suis toujours prononcé contre le copier coller et pour le maintien de ce diplôme, même si nous devons le moderniser et repenser le parcours de formation de nos jeunes. Rénové, il sera passé par les candidats élèves en 2 ans après la 3ème, c'est-à-dire en fin de classe de 1ère ou en classe spécifique si les effectifs l'imposent. Le parcours en 4 ans perdurera pour les élèves pour lesquels cela sera nécessaire.
Je veux vous dire, Monsieur le Président, que les chances de réussite des jeunes seront préservées. Un soutien renforcé sera mis en place pour que chacun, selon son rythme, réussisse au mieux. Je vous confirme que s'il reste un malentendu sur cette question après les explications que je viens de vous donner, je suis prêt à ce que nous ayons une réunion particulière de travail pour lever définitivement tout risque de malentendu. J'ai constaté, comme vous, que votre secteur avait besoin de plus de salariés très qualifiés. C'est particulièrement vrai pour les ingénieurs et les paysagistes. Voilà pourquoi j'ai autorisé l'Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles à augmenter le nombre de ses étudiants en développant les formations par apprentissage.
Je sais également vos préoccupations en matière de formation professionnelle. Dans le cadre de la réforme en cours, nous avons indiqué notre souhait de maintenir une spécificité forte aux organismes de votre secteur. Nous avons été entendus. C'est un point auquel je tenais. La formation, l'enseignement supérieur et la Recherche resteront au coeur des priorités du Ministère que j'ai l'honneur d'animer.
Vous avez d'ailleurs attiré mon attention sur un autre point fort, la nécessité pour les entreprises que vous représentez de pouvoir bénéficier de la franchise de cotisations et de contributions sociales sur les sommes versées aux stagiaires, issue de la loi du 31 mars 2006 sur l'égalité des chances. Je veux donc sur ce point précis vous dire que j'ai obtenu l'inscription de 7 mesures que vous souhaitez dans le projet de loi de finance de la Sécurité Sociale qui sera en discussion dans les prochaines semaines.
Dans cette stratégie de formation, je tiens personnellement au renforcement du rôle des interprofessions et à leur efficacité en matière de gouvernance. J'ai d'ailleurs proposé à mes collègues européens un mémorandum, qui a été reçu positivement pas une quinzaine d'entre eux, pour la préservation, l'encouragement et la protection de l'organisation des interprofessions dans chacun de nos pays, afin que les propositions d'interprofessions, quand elles s'organisent, ne se heurtent pas toujours, ou systématiquement, au sacrosaint droit de la concurrence européenne. Ce mémorandum, je le soutiens à Bruxelles, et c'est aussi pourquoi je suis attaché à ce que vous faites avec Valhor, même si ce n'est pas toujours facile. Nous avons obtenu que l'accord soit étendu pour 2 ans. Vous m'avez dit votre déception que ce ne soit pas pour 3 ans. C'est mieux qu'1 an déjà ! Je vous dis ça parce que la DGCCRF était partie pour 1 an. Nous étions sur 3 ans, arbitrés à 2, mais je n'ai pas dit mon dernier mot. En tous cas, j'ai bien entendu votre demande sur ce point, et en ce qui me concerne, je peux la comprendre et je suis sur le fond d'accord avec vous. Quelquefois entre ministres, il faut aussi arbitrer et trouver des compromis. C'est un début, et je pense que c'est un début encourageant pour la jeune interprofession qu'est Valhor.
Je voudrais enfin saluer la nouvelle convention collective dont vous vous êtes dotés. Avec elle, ce que je veux saluer, ce sont vos efforts pour améliorer les conditions de travail au sein de vos entreprises et renforcer leur attractivité. Les services feront leur maximum pour permettre l'examen de votre convention d'ici la fin du mois de novembre, en vue d'une extension possible début 2009. Cette convention trace la route, à mes yeux, d'une coopération rapprochée, utile et positive.
Je voudrais terminer ce propos en m'excusant d'avoir été un peu long, en ayant bien noté tous les autres points que vous avez évoqués, dont certains touchent à des questions budgétaires. Nous ne sommes pas dans une période où il faut demander beaucoup plus d'argent. D'ailleurs souvent, les gens qui demandent plus d'argent sont les mêmes qui demandent moins d'impôts... Ce n'est pas toujours facile pour le même ministre de répondre aux deux à la fois. Mais en ce moment, vous le savez bien, nous sommes dans une période de contrainte budgétaire. Que l'on réduise les déficits budgétaires, ce n'est pas une option, c'est une nécessité pour les générations futures, compte tenu de l'irresponsabilité de tous les gouvernements français depuis 20 ou 30 ans qui ont tiré des chèques sans réelle provision sur les générations futures. Et ça suffit que de plomber l'économie et l'Etat par des déficits permanents et une charge de la dette qui devient insupportable.
Nous prenons tous notre part dans cette réduction des déficits publics, et dans la maîtrise des dépenses de l'Etat. Je prends ma part, tout en ayant préservé un budget pour ce ministère qui augmentera de 2,7 % cette année, avec quelques-unes des priorités que vous retrouverez pour l'installation des jeunes en agriculture et pour tout ce qui touche au développement durable dans le plan Eco-Phyto que j'ai évoqué tout à l'heure.
Un mot enfin de l'Europe, puisque vous avez devant vous un Ministre qui est passionnément patriote, mais définitivement européen. Pour vous, pour vos entreprises, pour vos métiers, beaucoup de questions se posent partout dans les mêmes conditions en Europe. Ma conviction, c'est que beaucoup des réponses doivent être élaborées en commun, de manière communautaire. Plus les réponses seront communautaires, mieux cela vaudra et plus elles seront efficaces. Plusieurs des politiques européennes qui vous concernent et auxquelles vous pouvez participer sont en débat maintenant, pour être mises en oeuvre à partir de 2013. C'est le cas de la PAC, que j'ai commencé à mettre en débat à Annecy l'autre jour avec mes collègues, et c'est le cas de la politique régionale, que j'ai eu l'honneur de gérer pendant 5 ans. Elles sont les deux grandes politiques européennes les plus concrètes et je crois les plus utiles sur le terrain. Je pense qu'à travers votre association, à travers ce que vous êtes les uns les autres ensemble, à travers les invitations que vous adressez à vos collègues européens, vous devez prendre la parole dans ces débats.
En conclusion, Monsieur le Président, j'ai noté précisément tous les points que vous avez évoqués qui intéressent, ici, le Ministre de l'Education, ici, la Ministre de l'Intérieur, ici, le Ministre de l'Environnement. Je ferai part à mes collègues de vos demandes que je soutiens. Vous avez eu devant vous un Ministre qui a été très heureux de répondre à votre invitation, un Ministre de la Forêt, de l'Agriculture et de la Pêche qui s'intéresse au paysage depuis longtemps et qui l'a prouvé. Un Ministre qui sait qu'une partie des réponses se trouve dans la Recherche, aussi bien s'agissant de la place et du rôle du végétal que sur la question d'Eco-Phyto que j'ai évoqué plusieurs fois. Un Ministre qui a fait du développement durable sa stratégie principale. Je veux être le Ministre d'un nouveau modèle pour l'agriculture et la pêche dans ce pays.
C'est précisément le sens des initiatives que j'ai prises et de la réorganisation de ce Ministère. Un Ministre qui s'intéresse aux entreprises. Je ne sais pas si c'est un défaut ou une qualité, mais je n'ai pas fait l'ENA. J'ai plutôt une formation économique et je m'intéresse aux entreprises. Je l'ai d'ailleurs prouvé en réorganisant ce Ministère et en ayant à mon cabinet un conseiller qui ne s'occupe que des relations avec les entreprises. Enfin, un Ministre qui vous dit, à vous, entrepreneurs, malgré les difficultés que nous vivons en ce moment et que nous affrontons avec sang-froid et responsabilité, que beaucoup de questions qui vous préoccupent ont une dimension européenne, et que beaucoup de réponses doivent donc être élaborées ensemble, et non chacun chez soi ou chacun pour soi, mais avec les autres pays européens pour qu'on soit capable de bâtir les bonnes réponses et peut-être aussi, sur plein de sujets qui interpellent l'économie, d'avoir une réponse forte et respectée.
Le monde dans lequel nous sommes est un monde dangereux. Nous l'avons vu le 11 septembre et depuis. C'est un monde instable, un monde fragile lié au réchauffement climatique, un monde qui est souvent injuste. Dans ce monde là, vous m'entendrez souvent le dire dans les mois qui viennent, pour nous, la question est de savoir si l'ordre ou le désordre du monde va se faire avec les Européens ou sans eux, si nous allons être à la table de ceux qui organisent l'ordre ou le désordre du monde. Si vous imaginez une table ronde autour de laquelle se trouvent les grands acteurs du monde dans les 25 ans qui viennent, vous avez autour de cette table des pays que l'on connaît, qui sont déjà là. Les Etats-Unis sont là, depuis déjà assez longtemps, et voudraient même rester seuls. La Chine est là. Elle sera en 2009 le premier exportateur du monde. L'Inde est là, avec 850 millions d'habitants et bientôt 1 milliard de gens très intelligents et très travailleurs. Le Brésil est là. La Russie est à cette table, avec sa capacité incroyable de ressources de gaz et de pétrole dont nous sommes d'ailleurs très ou trop dépendants.
Aucun des pays européens ne sera à cette table tout seul dans 25 ans. Ou nous y serons ensemble, avec un porte-parole et en ayant discuté avant entre nous de ce que dit ce porte-parole. C'est un problème important de savoir comment discuter entre nous et quoi dire en notre nom. Ou nous n'y serons pas. Si nous n'y sommes pas, nous serons spectateurs de notre propre destin, au lieu d'être acteurs. Voilà pourquoi je suis très heureux Monsieur le Président de vous féliciter d'avoir clairement souligné et choisi de faire votre congrès aujourd'hui, dans cette dimension européenne. Ce que je viens de vous dire, ce n'est pas seulement la question des hommes politiques.
C'est aussi la question des chefs d'entreprise. Les hommes politiques n'ont pas la science infuse. Je pense même que la définition de l'intérêt général et du bien public ne peut pas se faire seulement, comme c'était peut-être le cas il y a quelques années, par des hommes politiques. Elle doit se faire avec eux et par eux, dans la responsabilité qui est la leur, mais après avoir travaillé, consulté et associé les secteurs académiques, la Recherche et le secteur privé. C'est aussi pourquoi j'étais heureux de répondre à votre invitation.
Merci à tous.
Source http://www.entreprisesdupaysage.org, le 2 décembre 2008