Déclaration de Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la politique de la ville, sur la ville comme moteur du développement territorial et durable et sur l'importance de la coopération européenne en matière de politique urbaine, Montpellier le 3 décembre 2008.

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Circonstance : Forum des villes, à Montpellier les 2 et 3 décembre 2008 sur le thème "Après Leipzig, la ville durable et solidaire au quotidien"

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Vous le savez, la semaine dernière à Marseille, les Etats membres se sont réunis pour la première fois afin de traduire les principes de la Charte de Leipzig en actes. Le référentiel que nous souhaitons élaborer ne sera pas contraignant.
Il s'agit d'initier une dynamique qui prenne en compte les spécificités et les rythmes de chaque territoire. Mais dans une Europe du brassage, de la rencontre entre les hommes et les idées, nous nous devons de travailler ensemble à la construction de la ville durable et solidaire.
C'est pourquoi je me réjouis de la tenue de ce Forum des villes et je souhaite vous remercier pour les expériences et les analyses que vous avez échangées pendant ces deux jours pour avancer vers cette ville européenne de demain.
Si je me réjouis, c'est que je mesure votre implication sur ce thème. Je connais l'exigence de votre engagement dans les villes d'Europe mais aussi la passion que vous y déployez au quotidien.
Nous le savons, les villes ont joué un rôle structurant dans l'histoire de l'Europe, en tant que moteurs de sa croissance, facteurs de son rayonnement et creuset de ses valeurs. Les villes sont aujourd'hui un acteur majeur de la compétitivité et de l'innovation dans un contexte de mondialisation marqué par la progression des investissements immatériels.
C'est par la ville, noeud relationnel, lieu des synergies entre tous les acteurs, que naîtront les réponses partenariales et multiformes aux défis du développement durable en Europe.
C'est par la ville, lieu quotidien de l'apprentissage du vivre ensemble que se consolidera le processus de la construction européenne.
Mais nous savons aussi hélas, que la ville peut être le lieu du repli sur soi, de la fragmentation sociale et spatiale, qu'elle peut être le lieu de tous les paradoxes.
Mesdames et messieurs chers élus, qu'on le veuille ou non, la ville est un fait social qui reflète nos choix politiques. Les choix politiques de l'Europe, les choix politiques des Etats, les choix politiques des élus locaux.
Vous, élus locaux, êtes en première ligne pour opérer ces choix.
Parce que vous êtes les mieux à même de concevoir et de mettre en oeuvre des politiques sur mesure qui répondent aux spécificités et aux exigences des territoires.
Parce que vous êtes les plus proches de nos concitoyens et que les fruits de votre politique sont directement visibles « dans la rue ».
C'est cette proximité qui fait que pour vous, les enjeux de cohésion sociale et de citoyenneté sont une réalité qui s'impose.
Et c'est pour cette raison que vous, êtes les mieux à même d'élaborer des politiques qui équilibrent les piliers économique, environnemental et social du développement durable de manière audacieuse.
C'est cette recherche de cohésion sociale qui fait que vous savez associer tous les acteurs publics, privés et de la société civile, et en premier lieu les habitants, aux décisions qui les concernent.
C'est pour cette raison que, comme le rappelle la Charte européenne de l'autonomie locale, «La défense et le renforcement de l'autonomie locale représentent une contribution importante à la construction d'une Europe fondée sur les principes de démocratie et la décentralisation du pouvoir... »
Vous, Mesdames et messieurs, élus locaux et professionnels de la ville, mettez chaque jour en pratique des politiques urbaines intégrées, adaptées aux potentialités d'un territoire et s'appuyant sur une participation active et une coopération de partenariat entre tous ses acteurs.
A ce titre, nous les Etats membres, les institutions européennes, nous avons beaucoup à apprendre de votre expérience pour rendre opérationnelle les principes de développement urbain durable intégré portés par la charte de Leipzig.
Nous avons enclenché pendant la réunion des ministres, puis pendant ce Forum des villes, la phase qui me semble la plus intéressante, celle du « comment » mettre en oeuvre ces principes, celle de la gouvernance, qui est toujours une question transversale au développement durable.
A Marseille, les Etats membres et les institutions européennes ont exprimé leur détermination à adopter des dynamiques réactives et innovantes capables de s'adapter rapidement aux évolutions des villes et aux spécificités de leurs besoins. Ils ont exprimé leur forte volonté de travailler main dans la main avec vous, élus des villes européennes.
Vous le savez bien, dans le domaine de la gouvernance, les solutions ne sont pas seulement d'ordre technique ou financier. Les solutions relèvent du processus. Apprendre à travailler ensemble, dépasser nos cloisonnements institutionnels, communiquer, renforcer les capacités et les interactions entre les secteurs et les acteurs, adopter des modalités d'action et de prise de décision plus partenariales, plus interactives.
Nos modalités de travail doivent être à l'image de la fluidité et du foisonnement de nos villes européennes.
Cette gouvernance partenariale ne pourra être construite que par un processus d'apprentissage collectif de long terme, un dialogue continu entre tous les acteurs.
L'élaboration du référentiel de la ville durable et solidaire a été enclenchée aujourd'hui, au Forum des villes, par le partage des expériences sur mesure que vous inventez localement dans chacun de nos 27 Etats membres.
Ce processus de mise en synergie continue nécessitera de réinjecter en permanence l'évaluation des expériences et des pratiques. Il nécessitera aussi une culture du changement, quelques fois une rupture pour insuffler un changement des mentalités dans toutes les strates de la société. Car nous savons que dans tous les processus majeurs de transformation sociale, les barrières les plus fortes sont les barrières mentales.
Ce changement passera avant tout dans les faits par les quartiers urbains en difficulté qui sont au coeur du défi de la construction de notre ville européenne durable et solidaire.
Parce qu'ils portent les symptômes exacerbés de la crise économique et sociale actuelle, ils sont le terrain d'action privilégié pour construire cette politique.
C'est sur ces quartiers que doit se porter plus spécifiquement notre volonté politique.
Notre volonté politique de considérer ces quartiers et leurs habitants comme faisant partie intégrante de la ville et de notre pacte social.
Dans les villes françaises comme dans d'autres villes européennes, nous avons connu une poussée de violence urbaine qui nous a fait réagir et comprendre tardivement que certains quartiers accumulaient les difficultés et les handicaps : enclavement, dégradation, fort taux de chômage, marginalité sociale, insécurité, risque de repli communautaire ou même de dérive obscurantiste.... Nous avons compris alors l'inefficience et l'insuffisance de nos politiques publiques.
Je sais que les situations sont très différentes dans chacun de nos pays. Mais porter une attention particulière aux quartiers en difficulté, c'est agir à la fois sur les conséquences, mais aussi prévenir les causes de la tendance à la fragmentation spatiale et sociale de nos villes et donc de notre société européenne.
Afin de faire face à cet enjeu de société complexe qui engage la société dans son ensemble, la Charte de Leipzig recommande de mettre en oeuvre simultanément des politiques publiques répondant à 4 priorités.
Le développement économique et l'emploi, l'enseignement et de la formation des enfants et des jeunes, le désenclavement de ces quartiers et leur mise en valeur urbanistique fondée sur le concept de « baukultur ».
Votre rôle est crucial car vous avez la capacité de catalyser les initiatives de tous les acteurs, de mobiliser toutes les énergies en direction de ces priorités.
Mesdames et messieurs les élus,
Je souhaiterais aujourd'hui porter devant vous une proposition concrète. Cette proposition c'est de faire des quartiers en difficulté l'espace stratégique de la relance économique en Europe.
Comme vous le savez, durant le siècle dernier, les habitants des quartiers populaires ont été les forces vives qui ont porté la croissance à bout de bras dans toute l'Europe. Ils ont été les soutiers qui ont permis à l'Europe de se relever défis qu'elle a rencontrés.
Les habitants de ces quartiers difficiles sont aujourd'hui porteurs du même potentiel, du même espoir pour l'Europe.
Pour peu qu'on poursuivre notre effort en matière de rénovation urbaine et de transports. Pas seulement en réponse à une demande, mais aussi parce la rénovation et les transports sont des secteurs d'innovation et d'excellence pour l'économie européenne.
Pour peu qu'on mette en oeuvre une politique de formation qui fera de ces habitants les vrais acteurs de la croissance.
Notre responsabilité politique est de porter la conscience que la richesse de l'Europe de demain viendra aussi des talents des habitants de ces quartiers.
Les réponses que nous serons capables d'inventer dans ces quartiers sont le creuset des politiques de développement durable, mais aussi de la compétitivité de l'Europe de demain.
Par exemple, pendant la réunion des ministres, un idée a été avancée. Celle d'oeuvrer en priorité en direction des femmes pour résoudre de manière plus efficace les difficultés de ces quartiers.
Je suis convaincue de la pertinence de cette analyse. Car du fait de leurs combats pour l'émancipation, les femmes sont toujours une force motrice du changement pour faire vivre la mixité et l'égalité et relancer le débat démocratique.
Lieu de synergie, la ville est l'école de l'intelligence qui permet d'opérer la relance économique dont nous avons besoin. En son sein, les quartiers populaires, par le dynamisme considérable dont ils regorgent, sont le terrain d'action privilégié pour expérimenter une réponse territoriale innovante.
La crise a toujours été un moment difficile pour les citoyens, mais elle a toujours été un rendez vous salutaire pour les femmes et les hommes porteurs d'une vision et d'un dessein collectif pour l'Europe.
Bref, permettez moi de le dire.
La crise nous offre ce rendez vous, elle nous offre une raison d'aller encore beaucoup plus loin dans notre action en faveur des quartiers populaires, pour construire une ville compétitive et créatrice de richesses.
Pour que demain nous assistions à un débordement d'énergies et de talents créateurs au service du développement économique et de la cohésion sociale de l'Europe.
Je sais que vous êtes le maillon central pour mettre en oeuvre cette politique.
Je ferai tout pour que ce message soit porté par nos institutions européennes, pour qu'elles fassent de la ville un vecteur stratégique du développement économique et social en Europe.
J'espère que nous nous retrouverons rapidement pour continuer à enrichir nos réflexion et nos pratiques en direction de la ville européenne durable et solidaire.
Je vous remercie.
Source http://www.ville.gouv.fr, le 9 décembre 2008