Texte intégral
Modérateur : Bonjour à tous, bienvenue sur le chat avec André Santini, sur la réforme de la fonction publique. Nous sommes en direct du ministère de l'Économie et des Finances à Bercy. Le chat commence dans quelques minutes.
POB : Quel est le coût réel de votre « réforme » et son coût social ? À combien évaluez-vous le transfert de richesses du public vers vos amis du privé ?
André Santini : Tout dépend de la réforme dont vous parlez. C'est sans doute la RGPP que vous visez. Pas plus tard que ce mercredi, Eric Woerth a fait en Conseil des ministres un point d'étape sur l'avancement de cette démarche qui est sans précédent en France. 85% des 374 mesures arrêtées avancent donc conformément au calendrier prévu. L'objectif visé est d'alléger le fonctionnement de l'État de 7,7 milliards d'euros sur trois ans. Cela suppose que l'on accompagne ces évolutions de grandes ampleurs. C'est ce que je fais depuis des mois...
Nuh : Bonjour, que répondez-vous aux gens qui disent qu'en ces temps de crise l'État doit montrer l'exemple en ne mettant personne dehors alors que la RGPP en prévoit un certain nombre, que le reclassement des restructurés sera d'autant plus dur et en repoussant les reformes à des temps meilleurs ?
A. Santini : Notre projet n'est en aucune manière de mettre les gens dehors ! Pas plus en temps de crise qu'en temps de croissance, la fonction publique ne doit être une variable d'ajustement. Pour nous, réformer les politiques et les structures publiques, c'est un investissement sur l'avenir. La qualité des services publics, des infrastructures, sont autant de facteurs de croissance. Toutes les études le montrent. Il serait donc irresponsable de différer, en temps de crise, des investissements qui porteront tous leurs fruits le moment venu, et aideront l'économie à repartir.
Arimondo : Monsieur le Ministre, à quand le vrai changement dans les autres fonctions publiques ?
A. Santini : Nous avons une politique qui vise l'ensemble des fonctions publiques. Nous préférons parler des trois versants de la fonction publique. Nous associons les employeurs territoriaux à toutes les négociations, ce qui est une nouveauté. Cela se fait déjà pour les primes et nous souhaitons aller plus loin. En ce qui concerne la Fonction publique territoriale, l'État ne peut pas imposer de règles aux collectivités territoriales.
PS : Ce que vous appelez modernisation de la gestion des ressources humaines est en fait la destruction pure et simple du statut. Pourquoi ne pas le dire clairement ?
A. Santini : Cher ami, je me permets de vous conseiller la lecture du livre blanc de la Fonction publique de Jean-Ludovic Silicani. Plus de 100 pages pour détruire la fonction publique, c'est beaucoup trop ! Une seule aurait suffit ! « Mort aux cons », comme disait le Général !
Manou : Les fusions des services déconcentrés vont entraîner un sureffectif de cadres A et A+. Comment proposer une mobilité à ces cadres dans la mesure où tous les services seront touchés au même moment y compris les établissements publics et les collectivités territoriales ?
A. Santini : Évidemment, nous souhaitons accompagner les cadres dans cette réorganisation, nous créons pour cela des nouveaux débouchés. Un exemple pour l'État : nous avons mis en place un statut d'experts de haut niveau qui permet de valoriser les cadres sur des fonctions différentes (médiation conseil, expertise...).
Rockine : Pourquoi les contractuels de l'État ont les contraintes du public et pas les avantages ?
A. Santini : On ne doit pas assimiler contrats et précarité. Exemple, nous avons fait évoluer la situation des agents contractuels en 2005. Désormais, deux CDD de 3 ans sont automatiquement transformés en CDI. Il est vrai que la place du contrat dans la fonction publique reste une question en débat. Nous avons ouvert des discussions avec les syndicats sur ce sujet.
HenriJ : L'État, pour faire face à ses missions, a besoin d'agents bien formés et motivés. On parle beaucoup de la réforme des concours mais peu du contenu des formations qui pourtant aurait besoin d'être adapté. Quelles sont les propositions du Gouvernement à ce sujet ?
A. Santini : Très bonne réflexion ! Nous avons conduit une réforme de la formation continue des fonctionnaires en 2007. Nous avons mis en place le DIF qui bénéficie maintenant aux agents publics comme aux salariés du secteur privé. Mais vous avez raison de dire qu'il faut aussi réfléchir aux formations dans les écoles. Nous avons précisément lancé une mission sur ce sujet à Michel Le Bris qui est un ancien préfet et directeur de l'ENA. Il nous remettra très prochainement son rapport.
Albert de Nice : M. Woerth a présenté, en Conseil des Ministres du 26.11, une communication sur l'évaluation de la performance dans la fonction publique et la volonté du Gouvernement d'instaurer une rémunération à la performance avec une prime de fonction et de résultat qui se substituerait aux multiples régimes indemnitaires existants. Explications ?
A. Santini : Nous avons effectivement présenté lors d'un récent Conseil des ministres cette nouvelle politique de rémunération. Elle prend la forme de l'outil que vous mentionnez : la prime de fonction et de résultat. Quelle est son ambition ? C'est d'introduire la rémunération à la performance dans la fonction publique. Nous commençons dans la filière générale avec les attachés désormais leurs primes se composeront de deux éléments une partie fonctionnelle (poste et responsabilité) et une partie liée à la performance, qui tiendra compte des résultats atteints. Cet outil s'appuiera sur l'évaluation et le versement ne sera donc pas à la tête du client. Je rassure aussi les fonctionnaires : leurs primes ne baisseront pas avec cette réforme ! Rappelons que dans le statut mis en place par Maurice Thorez, l'intéressement faisait partie des mesures.
IRES : Jusqu'où comptez-vous descendre dans la rémunération à la performance : jusqu'à la catégorie C ? Des rapports émanant de la DGAFP et commandés par celle-ci disent que ce serait contreproductif ? Qu'en pensez-vous ?
A. Santini : C'est une bonne question. Nous envisageons cette rémunération à la performance pour les catégories A et B. Nous n'excluons pas à ce stade les catégories C mais nous devons évaluer la pertinence d'une telle mesure pour cette catégorie. C'est pour cette raison que nous avons confié une mission à un parlementaire, M. Dieffenbacher, sur l'intéressement dans la fonction publique.
AnneB : Comment pouvez-vous garantir que l'évaluation ne se fait pas à la tête du client ?
A. Santini : En septembre 2007, nous avons pris un décret qui permet au ministère de supprimer la notation et de la remplacer par un véritable entretien professionnel, à partir des objectifs fixés en commun entre le chef de service et le fonctionnaire. La qualité de cet entretien est décisive pour que la rémunération à la performance fonctionne. C'est bien pour ça que nous avons fait les choses dans cet ordre-là : l'évaluation avant la fixation de la rémunération.
Sonia D. : Comptez-vous réellement supprimer le régime indemnitaire actuel pour passer à une indemnité au mérite dans la Fonction publique territoriale comme cela va bientôt être le cas pour la F.P d'État ?
A. Santini : Comme je l'indiquais tout à l'heure pour la Fonction publique territoriale le principe de libre administration s'applique. Pour autant, nous voulons que la rémunération à la performance s'applique aussi dans la Fonction publique territoriale. D'une part parce que c'est indispensable, ensuite parce que c'est un élément de simplification, puisque cette prime remplace le maquis des primes existantes. Nous sommes donc en discussion avec les employeurs territoriaux pour la mise en place de la mesure à leurs fonctionnaires territoriaux.
Cousin : Bonjour, Que prendra en compte la nouvelle politique salariale ? Celle dernière tiendra-t-elle compte des différents métiers de la fonction publique et des contraintes liés à ces métiers ? La RAEP sera-t-elle au sein des Ministères ou cela n'est pas, un moyen de promotion ?
A. Santini : Effectivement nous avons lancé une nouvelle politique salariale pas plus tard qu'hier... Nous avons adressé à tous les fonctionnaires une lettre électronique pour présenter notre projet. Comme je le disais, dans ce contexte les primes de fonction et de résultat tiendront compte des sujétions particulières des postes. Il faut donc bien que le régime indemnitaire tienne compte de toutes les spécificités.
caro972 : Les assistants d'éducation ont-ils droit à la GIPA ?
A. Santini : À partir du moment où ils ont perdu du pouvoir d'achat entre 2003 et 2007, tous les agents publics sont bénéficiaires de la GIPA mais p as les agents non titulaires. En novembre, 86000 personnes ont eu droit à la GIPA. Et le montant moyen est de 765 euros.
ires : Les accords de Bercy apportent une nouvelle logique de négociation : la PFR sera-t-elle soumise à négociation et que ferez-vous si les syndicats ne signent pas ?
A. Santini : Les accords de Bercy du 2 juin 2008, vous avez raison de le rappeler, sont un évènement avec la signature de six organisations sur huit ! Ils permettent de repenser les règles du dialogue social dans la Fonction publique. En réalité ils consacrent une pratique que l'on a instaurée pour la rémunération dans la fonction publique. En effet, la rémunération à la performance a été l'un des sujets discutés lors de l'accord du 21 février 2008, que plusieurs syndicats ont également signé. Donc ça a été discuté et négocié !
Rastaman : La charte entre la HALDE et la fonction publique va-t-elle changer des choses ? On veut du concret !
A. Santini : La Charte est affichée partout. On peut saisir désormais la HALDE en cas de discrimination. Mais notre politique en faveur de l'égalité ne se limite pas à cette seule charte. Un seul exemple : la réforme des concours que nous conduisons. Nous les passons en revue pour qu'ils soient plus professionnels et moins académiques ce qui permet de donner une chance à tous les types de profils, pour accéder à la fonction publique. À ce jour, nous avons déjà passé au tamis des concours qui concernent plus de 175 000 candidats. Nous poursuivrons dans cette voie ! La réforme des concours est un élément très important en faveur de la diversité.
alexia : Le concours restera-t-il le seul moyen d'accès à la fonction publique ? alain 32 : Sera-t-il possible d'être recruté sans passer de concours ?
A. Santini : Comme je l'indiquais la réforme des concours est un chantier très important. Pour la seule Fonction publique de l'État, la réforme concerne les 800 000 candidats qui se présentent chaque année. Notre objectif est que les concours ainsi réformés restent la voie de droit commun pour entrer dans le fonction publique. Mais nous n'excluons pas d'autres voies pour des besoins bien identifiés. Exemple : des contrats sont possibles pour le recrutement des personnels handicapés. Des contrats existent aussi pour recruter des jeunes sans qualification professionnelle.
bibi : À partir de quand sera-t-il possible de faire une mobilité entre les différentes fonctions publiques ?
A. Santini : Et plus généralement votre question renvoie à la place du contrat dans la fonction publique et j'indiquais tout à l'heure qu'elle est en discussion avec les syndicats. Il faut rappeler que le projet de loi a déjà été adopté en avril dernier, par la commission des lois de l'Assemblée. Son adoption a été retardée par le débat sur la réforme du service public audiovisuel. Il va créer un véritable droit au mouvement, au sein et entre les fonctions publiques. Vous pouvez aller voir sur le site www.fonctionpubliquemobilite.org.
François : J'imagine que la culture générale n'a aucun intérêt pour vous car n'ayant pas directement une valeur marchande. De la chaire à canon, c'est tout ce qui est attendu maintenant. Le concours est prévu dans la déclaration de 1789. Mais il est vrai que Liberté, Égalité, Fraternité, ce n'est pas moderne.
A. Santini : Si vous pensez qu'il est indispensable, pour être technicien de laboratoire à Bercy, de connaître le nom de 10 dieux égyptiens (dont l'un n'est pas égyptien d'ailleurs)... idem pour le lycanthrope ! Nous ne sommes pas contre la culture générale mais contre des concours totalement inadaptés aux compétences que l'Administration recherche et que le service du public nécessite.
Didier informaticien hospitalier : Bonjour. Comment prétendre réformer la FP, moderniser la GRH, améliorer la mobilité quand on conserve des fonctionnaires sous statuts locaux qui n'évoluent jamais et ne sont pas reconnus lors des demandes de détachement. Ne serait-il pas temps de les supprimer et de les intégrer sous un statut national ?
A. Santini : Je ne sais pas précisément à quels statuts vous faites référence. Ce que je peux vous indiquer, c'est que votre préoccupation rejoint bien nos objectifs : nous voulons créer des passerelles au sein et entre toutes les fonctions publiques, nous voulons dégager des règles communes véritablement communes à tous les fonctionnaires. C'est tout l'enjeu des textes en faveur de la mobilité des fonctionnaires. Tout ce qui cloisonne, tout ce qui fait qu'on gère des statuts, des corps, au lieu de gérer des femmes, des hommes et des compétences, doit disparaître. Il y a encore plus de 500 corps dans la seule fonction publique, soit autant de particularismes. Nous voulons avancer vers un cadre statutaire simplifié, plus souple et plus lisible pour les agents qui souhaitent évoluer professionnellement.
Super spliff : Le plan de relance concerne-t-il les fonctionnaires ?
A. Santini : Les mesures annoncées par le Président de la République visent à encourager puissamment l'investissement en France. La réforme de la fonction publique est aussi un investissement : c'est pour cela que nous prenons toutes les mesures évoquées en faveur de leur mobilité, de leur carrière et de leur formation, et de leur pouvoir d'achat. Les fonctionnaires vont trouver de nouvelles missions avec ce plan de relance.
Olivier92 : Cette question de la suppression de l'épreuve de culture générale au concours amène un autre point : alors même que l'État se désengage très rapidement des questions techniques (volonté affichée d'externalisation poussée à l'extrême notamment au MEEDDAT) et donc que le profil des recrutements nécessaires s'oriente sur des aspects purement administratifs, vous décidez de supprimer la seule épreuve non technique des concours. Est-ce bien logique ?
A. Santini : Ce que j'indiquais c'est que les concours soient adaptés aux compétences recherchées. Si une épreuve technique s'avère nécessaire, il faut bien évidemment qu'elle soit maintenue dans le concours. Je ne sais pas précisément à quel concours vous faites référence mais c'est dans cet esprit en tous cas que nous réformons.
Rose : Les fonctionnaires pourront-ils travailler jusqu'à 70 ans ?
gb : La fonction publique sera-t-elle concernée par le recul de la limite d'âge de départ à la retraite à 70 ans ?
A. Santini : Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit que, dans la fonction publique, l'âge de départ à la retraite soit maintenu à 65 ans. Il serait donc paradoxal de le repousser à un moment où on entend précisément s'appuyer sur les départs à la retraite pour mieux maîtriser les effectifs dans la fonction publique. Par contre, le même projet de loi prévoit que les fonctionnaires pour qui la limite de départ à la retraite était inférieure à 65 ans (ce qu'on appelle les catégories actives), pourront, sur la base du volontariat, poursuivre leur activité jusqu'à 65 ans. Je dis bien sur la base du volontariat.
Jean Brant : Doit-on diminuer le nombre de fonctionnaires, afin d'être plus réactif aux demandes, en engageant des contractuels spécialisés ?
A. Santini : Nous maîtrisons les effectifs de la fonction publique en ne remplaçant pas un fonctionnaire sur deux partants à la retraite. En effet, il faut savoir qu'en 20 ans, les effectifs de fonctionnaires ont augmenté de 25%, soit plus que l'emploi total. Cette maîtrise des effectifs ne doit pas être réduite à néant par le recrutement d'agents contractuels. On doit donc pouvoir recourir à des personnels sous contrat, spécialisés. Mais ils ne viennent pas remplacer des personnels sous statut.
CDI : Pourquoi les agents contractuels ne touchent de primes ? Deux poids deux mesures ! ! !
A. Santini : Les contractuels sont rémunérés sur la base du contrat qu'ils signent. Ce contrat peut prévoir une partie de base et une partie de rémunération à la performance. C'est d'ailleurs souhaitable.
Stéphanie : Bonjour, dans le livre blanc de M. Silicani, il est question de « Redéfinition des contrats ». Quels seraient les impacts concrets sur le terrain ? Quel serait le calendrier prévisionnel d'application ?
A. Santini : Comme je l'indiquais, nous discutons de la place du contrat dans la fonction publique sur la base du livre blanc sur l'avenir de la fonction publique. Le constat du livre blanc, c'est que le système est actuellement peu lisible, et qu'il faut donc clarifier les conditions de recours aux agents contractuels. À ce stade, on ne préjuge pas de l'avancement des discussions en cours, donc je n'ai pas de calendrier précis pour le moment mais nous souhaiterions que des orientations soient fixées en 2009.
bibi : Comptez-vous rendre obligatoire la publication des offres d'emploi dans la BIEP ?
A. Santini : La nouvelle version de la BIEP que j'ai lancé en juin est un succès. Depuis juin, 500000 visiteurs, et en novembre 2 300 annonces de postes étaient en ligne. Cela prouve le désir de mobilité des fonctionnaires. La publication n'est pas encore obligatoire, parce qu'on voulait qu'au cours des premiers mois, la bourse fonctionne sans contrainte pour les employeurs. Mais la question sera évidemment en débat lorsque nous souhaiterons donner plus d'ampleur à cette bourse. Il ne faut pas que l'on arrive à une publication de postes sur la bourse qui soit artificielle ; il ne faut pas publier simplement parce que c'est obligatoire.
rockine : Pensez-vous vraiment que tous les agents sont prêts à de tels bouleversements ?
A. Santini : 70 % des fonctionnaires sont pour la réforme, d'après les sondages. D'autant que sur leur terrain, ils constatent que leurs tâches ont changées. Ils comprennent très bien que le monde a évolué et que la fonction publique ne peut pas rester à l'écart. Le problème est d'expliquer à chacun sa tâche et son rôle parce qu'on ne pourra changer la fonction publique contre les fonctionnaires ! Nous avons la meilleure fonction publique du monde, il nous reste maintenant à le prouver réellement. Pour notre part nous sommes optimistes !
Modérateur : Le chat est terminé. Merci à tous pour vos questions.
A. Santini : Merci pour vos questions. À bientôt !
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 9 décembre 2008
POB : Quel est le coût réel de votre « réforme » et son coût social ? À combien évaluez-vous le transfert de richesses du public vers vos amis du privé ?
André Santini : Tout dépend de la réforme dont vous parlez. C'est sans doute la RGPP que vous visez. Pas plus tard que ce mercredi, Eric Woerth a fait en Conseil des ministres un point d'étape sur l'avancement de cette démarche qui est sans précédent en France. 85% des 374 mesures arrêtées avancent donc conformément au calendrier prévu. L'objectif visé est d'alléger le fonctionnement de l'État de 7,7 milliards d'euros sur trois ans. Cela suppose que l'on accompagne ces évolutions de grandes ampleurs. C'est ce que je fais depuis des mois...
Nuh : Bonjour, que répondez-vous aux gens qui disent qu'en ces temps de crise l'État doit montrer l'exemple en ne mettant personne dehors alors que la RGPP en prévoit un certain nombre, que le reclassement des restructurés sera d'autant plus dur et en repoussant les reformes à des temps meilleurs ?
A. Santini : Notre projet n'est en aucune manière de mettre les gens dehors ! Pas plus en temps de crise qu'en temps de croissance, la fonction publique ne doit être une variable d'ajustement. Pour nous, réformer les politiques et les structures publiques, c'est un investissement sur l'avenir. La qualité des services publics, des infrastructures, sont autant de facteurs de croissance. Toutes les études le montrent. Il serait donc irresponsable de différer, en temps de crise, des investissements qui porteront tous leurs fruits le moment venu, et aideront l'économie à repartir.
Arimondo : Monsieur le Ministre, à quand le vrai changement dans les autres fonctions publiques ?
A. Santini : Nous avons une politique qui vise l'ensemble des fonctions publiques. Nous préférons parler des trois versants de la fonction publique. Nous associons les employeurs territoriaux à toutes les négociations, ce qui est une nouveauté. Cela se fait déjà pour les primes et nous souhaitons aller plus loin. En ce qui concerne la Fonction publique territoriale, l'État ne peut pas imposer de règles aux collectivités territoriales.
PS : Ce que vous appelez modernisation de la gestion des ressources humaines est en fait la destruction pure et simple du statut. Pourquoi ne pas le dire clairement ?
A. Santini : Cher ami, je me permets de vous conseiller la lecture du livre blanc de la Fonction publique de Jean-Ludovic Silicani. Plus de 100 pages pour détruire la fonction publique, c'est beaucoup trop ! Une seule aurait suffit ! « Mort aux cons », comme disait le Général !
Manou : Les fusions des services déconcentrés vont entraîner un sureffectif de cadres A et A+. Comment proposer une mobilité à ces cadres dans la mesure où tous les services seront touchés au même moment y compris les établissements publics et les collectivités territoriales ?
A. Santini : Évidemment, nous souhaitons accompagner les cadres dans cette réorganisation, nous créons pour cela des nouveaux débouchés. Un exemple pour l'État : nous avons mis en place un statut d'experts de haut niveau qui permet de valoriser les cadres sur des fonctions différentes (médiation conseil, expertise...).
Rockine : Pourquoi les contractuels de l'État ont les contraintes du public et pas les avantages ?
A. Santini : On ne doit pas assimiler contrats et précarité. Exemple, nous avons fait évoluer la situation des agents contractuels en 2005. Désormais, deux CDD de 3 ans sont automatiquement transformés en CDI. Il est vrai que la place du contrat dans la fonction publique reste une question en débat. Nous avons ouvert des discussions avec les syndicats sur ce sujet.
HenriJ : L'État, pour faire face à ses missions, a besoin d'agents bien formés et motivés. On parle beaucoup de la réforme des concours mais peu du contenu des formations qui pourtant aurait besoin d'être adapté. Quelles sont les propositions du Gouvernement à ce sujet ?
A. Santini : Très bonne réflexion ! Nous avons conduit une réforme de la formation continue des fonctionnaires en 2007. Nous avons mis en place le DIF qui bénéficie maintenant aux agents publics comme aux salariés du secteur privé. Mais vous avez raison de dire qu'il faut aussi réfléchir aux formations dans les écoles. Nous avons précisément lancé une mission sur ce sujet à Michel Le Bris qui est un ancien préfet et directeur de l'ENA. Il nous remettra très prochainement son rapport.
Albert de Nice : M. Woerth a présenté, en Conseil des Ministres du 26.11, une communication sur l'évaluation de la performance dans la fonction publique et la volonté du Gouvernement d'instaurer une rémunération à la performance avec une prime de fonction et de résultat qui se substituerait aux multiples régimes indemnitaires existants. Explications ?
A. Santini : Nous avons effectivement présenté lors d'un récent Conseil des ministres cette nouvelle politique de rémunération. Elle prend la forme de l'outil que vous mentionnez : la prime de fonction et de résultat. Quelle est son ambition ? C'est d'introduire la rémunération à la performance dans la fonction publique. Nous commençons dans la filière générale avec les attachés désormais leurs primes se composeront de deux éléments une partie fonctionnelle (poste et responsabilité) et une partie liée à la performance, qui tiendra compte des résultats atteints. Cet outil s'appuiera sur l'évaluation et le versement ne sera donc pas à la tête du client. Je rassure aussi les fonctionnaires : leurs primes ne baisseront pas avec cette réforme ! Rappelons que dans le statut mis en place par Maurice Thorez, l'intéressement faisait partie des mesures.
IRES : Jusqu'où comptez-vous descendre dans la rémunération à la performance : jusqu'à la catégorie C ? Des rapports émanant de la DGAFP et commandés par celle-ci disent que ce serait contreproductif ? Qu'en pensez-vous ?
A. Santini : C'est une bonne question. Nous envisageons cette rémunération à la performance pour les catégories A et B. Nous n'excluons pas à ce stade les catégories C mais nous devons évaluer la pertinence d'une telle mesure pour cette catégorie. C'est pour cette raison que nous avons confié une mission à un parlementaire, M. Dieffenbacher, sur l'intéressement dans la fonction publique.
AnneB : Comment pouvez-vous garantir que l'évaluation ne se fait pas à la tête du client ?
A. Santini : En septembre 2007, nous avons pris un décret qui permet au ministère de supprimer la notation et de la remplacer par un véritable entretien professionnel, à partir des objectifs fixés en commun entre le chef de service et le fonctionnaire. La qualité de cet entretien est décisive pour que la rémunération à la performance fonctionne. C'est bien pour ça que nous avons fait les choses dans cet ordre-là : l'évaluation avant la fixation de la rémunération.
Sonia D. : Comptez-vous réellement supprimer le régime indemnitaire actuel pour passer à une indemnité au mérite dans la Fonction publique territoriale comme cela va bientôt être le cas pour la F.P d'État ?
A. Santini : Comme je l'indiquais tout à l'heure pour la Fonction publique territoriale le principe de libre administration s'applique. Pour autant, nous voulons que la rémunération à la performance s'applique aussi dans la Fonction publique territoriale. D'une part parce que c'est indispensable, ensuite parce que c'est un élément de simplification, puisque cette prime remplace le maquis des primes existantes. Nous sommes donc en discussion avec les employeurs territoriaux pour la mise en place de la mesure à leurs fonctionnaires territoriaux.
Cousin : Bonjour, Que prendra en compte la nouvelle politique salariale ? Celle dernière tiendra-t-elle compte des différents métiers de la fonction publique et des contraintes liés à ces métiers ? La RAEP sera-t-elle au sein des Ministères ou cela n'est pas, un moyen de promotion ?
A. Santini : Effectivement nous avons lancé une nouvelle politique salariale pas plus tard qu'hier... Nous avons adressé à tous les fonctionnaires une lettre électronique pour présenter notre projet. Comme je le disais, dans ce contexte les primes de fonction et de résultat tiendront compte des sujétions particulières des postes. Il faut donc bien que le régime indemnitaire tienne compte de toutes les spécificités.
caro972 : Les assistants d'éducation ont-ils droit à la GIPA ?
A. Santini : À partir du moment où ils ont perdu du pouvoir d'achat entre 2003 et 2007, tous les agents publics sont bénéficiaires de la GIPA mais p as les agents non titulaires. En novembre, 86000 personnes ont eu droit à la GIPA. Et le montant moyen est de 765 euros.
ires : Les accords de Bercy apportent une nouvelle logique de négociation : la PFR sera-t-elle soumise à négociation et que ferez-vous si les syndicats ne signent pas ?
A. Santini : Les accords de Bercy du 2 juin 2008, vous avez raison de le rappeler, sont un évènement avec la signature de six organisations sur huit ! Ils permettent de repenser les règles du dialogue social dans la Fonction publique. En réalité ils consacrent une pratique que l'on a instaurée pour la rémunération dans la fonction publique. En effet, la rémunération à la performance a été l'un des sujets discutés lors de l'accord du 21 février 2008, que plusieurs syndicats ont également signé. Donc ça a été discuté et négocié !
Rastaman : La charte entre la HALDE et la fonction publique va-t-elle changer des choses ? On veut du concret !
A. Santini : La Charte est affichée partout. On peut saisir désormais la HALDE en cas de discrimination. Mais notre politique en faveur de l'égalité ne se limite pas à cette seule charte. Un seul exemple : la réforme des concours que nous conduisons. Nous les passons en revue pour qu'ils soient plus professionnels et moins académiques ce qui permet de donner une chance à tous les types de profils, pour accéder à la fonction publique. À ce jour, nous avons déjà passé au tamis des concours qui concernent plus de 175 000 candidats. Nous poursuivrons dans cette voie ! La réforme des concours est un élément très important en faveur de la diversité.
alexia : Le concours restera-t-il le seul moyen d'accès à la fonction publique ? alain 32 : Sera-t-il possible d'être recruté sans passer de concours ?
A. Santini : Comme je l'indiquais la réforme des concours est un chantier très important. Pour la seule Fonction publique de l'État, la réforme concerne les 800 000 candidats qui se présentent chaque année. Notre objectif est que les concours ainsi réformés restent la voie de droit commun pour entrer dans le fonction publique. Mais nous n'excluons pas d'autres voies pour des besoins bien identifiés. Exemple : des contrats sont possibles pour le recrutement des personnels handicapés. Des contrats existent aussi pour recruter des jeunes sans qualification professionnelle.
bibi : À partir de quand sera-t-il possible de faire une mobilité entre les différentes fonctions publiques ?
A. Santini : Et plus généralement votre question renvoie à la place du contrat dans la fonction publique et j'indiquais tout à l'heure qu'elle est en discussion avec les syndicats. Il faut rappeler que le projet de loi a déjà été adopté en avril dernier, par la commission des lois de l'Assemblée. Son adoption a été retardée par le débat sur la réforme du service public audiovisuel. Il va créer un véritable droit au mouvement, au sein et entre les fonctions publiques. Vous pouvez aller voir sur le site www.fonctionpubliquemobilite.org.
François : J'imagine que la culture générale n'a aucun intérêt pour vous car n'ayant pas directement une valeur marchande. De la chaire à canon, c'est tout ce qui est attendu maintenant. Le concours est prévu dans la déclaration de 1789. Mais il est vrai que Liberté, Égalité, Fraternité, ce n'est pas moderne.
A. Santini : Si vous pensez qu'il est indispensable, pour être technicien de laboratoire à Bercy, de connaître le nom de 10 dieux égyptiens (dont l'un n'est pas égyptien d'ailleurs)... idem pour le lycanthrope ! Nous ne sommes pas contre la culture générale mais contre des concours totalement inadaptés aux compétences que l'Administration recherche et que le service du public nécessite.
Didier informaticien hospitalier : Bonjour. Comment prétendre réformer la FP, moderniser la GRH, améliorer la mobilité quand on conserve des fonctionnaires sous statuts locaux qui n'évoluent jamais et ne sont pas reconnus lors des demandes de détachement. Ne serait-il pas temps de les supprimer et de les intégrer sous un statut national ?
A. Santini : Je ne sais pas précisément à quels statuts vous faites référence. Ce que je peux vous indiquer, c'est que votre préoccupation rejoint bien nos objectifs : nous voulons créer des passerelles au sein et entre toutes les fonctions publiques, nous voulons dégager des règles communes véritablement communes à tous les fonctionnaires. C'est tout l'enjeu des textes en faveur de la mobilité des fonctionnaires. Tout ce qui cloisonne, tout ce qui fait qu'on gère des statuts, des corps, au lieu de gérer des femmes, des hommes et des compétences, doit disparaître. Il y a encore plus de 500 corps dans la seule fonction publique, soit autant de particularismes. Nous voulons avancer vers un cadre statutaire simplifié, plus souple et plus lisible pour les agents qui souhaitent évoluer professionnellement.
Super spliff : Le plan de relance concerne-t-il les fonctionnaires ?
A. Santini : Les mesures annoncées par le Président de la République visent à encourager puissamment l'investissement en France. La réforme de la fonction publique est aussi un investissement : c'est pour cela que nous prenons toutes les mesures évoquées en faveur de leur mobilité, de leur carrière et de leur formation, et de leur pouvoir d'achat. Les fonctionnaires vont trouver de nouvelles missions avec ce plan de relance.
Olivier92 : Cette question de la suppression de l'épreuve de culture générale au concours amène un autre point : alors même que l'État se désengage très rapidement des questions techniques (volonté affichée d'externalisation poussée à l'extrême notamment au MEEDDAT) et donc que le profil des recrutements nécessaires s'oriente sur des aspects purement administratifs, vous décidez de supprimer la seule épreuve non technique des concours. Est-ce bien logique ?
A. Santini : Ce que j'indiquais c'est que les concours soient adaptés aux compétences recherchées. Si une épreuve technique s'avère nécessaire, il faut bien évidemment qu'elle soit maintenue dans le concours. Je ne sais pas précisément à quel concours vous faites référence mais c'est dans cet esprit en tous cas que nous réformons.
Rose : Les fonctionnaires pourront-ils travailler jusqu'à 70 ans ?
gb : La fonction publique sera-t-elle concernée par le recul de la limite d'âge de départ à la retraite à 70 ans ?
A. Santini : Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit que, dans la fonction publique, l'âge de départ à la retraite soit maintenu à 65 ans. Il serait donc paradoxal de le repousser à un moment où on entend précisément s'appuyer sur les départs à la retraite pour mieux maîtriser les effectifs dans la fonction publique. Par contre, le même projet de loi prévoit que les fonctionnaires pour qui la limite de départ à la retraite était inférieure à 65 ans (ce qu'on appelle les catégories actives), pourront, sur la base du volontariat, poursuivre leur activité jusqu'à 65 ans. Je dis bien sur la base du volontariat.
Jean Brant : Doit-on diminuer le nombre de fonctionnaires, afin d'être plus réactif aux demandes, en engageant des contractuels spécialisés ?
A. Santini : Nous maîtrisons les effectifs de la fonction publique en ne remplaçant pas un fonctionnaire sur deux partants à la retraite. En effet, il faut savoir qu'en 20 ans, les effectifs de fonctionnaires ont augmenté de 25%, soit plus que l'emploi total. Cette maîtrise des effectifs ne doit pas être réduite à néant par le recrutement d'agents contractuels. On doit donc pouvoir recourir à des personnels sous contrat, spécialisés. Mais ils ne viennent pas remplacer des personnels sous statut.
CDI : Pourquoi les agents contractuels ne touchent de primes ? Deux poids deux mesures ! ! !
A. Santini : Les contractuels sont rémunérés sur la base du contrat qu'ils signent. Ce contrat peut prévoir une partie de base et une partie de rémunération à la performance. C'est d'ailleurs souhaitable.
Stéphanie : Bonjour, dans le livre blanc de M. Silicani, il est question de « Redéfinition des contrats ». Quels seraient les impacts concrets sur le terrain ? Quel serait le calendrier prévisionnel d'application ?
A. Santini : Comme je l'indiquais, nous discutons de la place du contrat dans la fonction publique sur la base du livre blanc sur l'avenir de la fonction publique. Le constat du livre blanc, c'est que le système est actuellement peu lisible, et qu'il faut donc clarifier les conditions de recours aux agents contractuels. À ce stade, on ne préjuge pas de l'avancement des discussions en cours, donc je n'ai pas de calendrier précis pour le moment mais nous souhaiterions que des orientations soient fixées en 2009.
bibi : Comptez-vous rendre obligatoire la publication des offres d'emploi dans la BIEP ?
A. Santini : La nouvelle version de la BIEP que j'ai lancé en juin est un succès. Depuis juin, 500000 visiteurs, et en novembre 2 300 annonces de postes étaient en ligne. Cela prouve le désir de mobilité des fonctionnaires. La publication n'est pas encore obligatoire, parce qu'on voulait qu'au cours des premiers mois, la bourse fonctionne sans contrainte pour les employeurs. Mais la question sera évidemment en débat lorsque nous souhaiterons donner plus d'ampleur à cette bourse. Il ne faut pas que l'on arrive à une publication de postes sur la bourse qui soit artificielle ; il ne faut pas publier simplement parce que c'est obligatoire.
rockine : Pensez-vous vraiment que tous les agents sont prêts à de tels bouleversements ?
A. Santini : 70 % des fonctionnaires sont pour la réforme, d'après les sondages. D'autant que sur leur terrain, ils constatent que leurs tâches ont changées. Ils comprennent très bien que le monde a évolué et que la fonction publique ne peut pas rester à l'écart. Le problème est d'expliquer à chacun sa tâche et son rôle parce qu'on ne pourra changer la fonction publique contre les fonctionnaires ! Nous avons la meilleure fonction publique du monde, il nous reste maintenant à le prouver réellement. Pour notre part nous sommes optimistes !
Modérateur : Le chat est terminé. Merci à tous pour vos questions.
A. Santini : Merci pour vos questions. À bientôt !
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 9 décembre 2008