Texte intégral
MAITENA BIRABEN
Le ministre du Travail, des relations sociales, de la famille, et par ailleurs, le secrétaire général adjoint de l'UMP, Xavier BERTRAND est notre invité.
CAROLINE ROUX
Il défend l'amendement contesté qui autorise un salarié à travailler jusqu'à 70 ans au nom de la liberté et du volontariat. L'amendement en débat a lieu aujourd'hui au Sénat, avoir le choix ou pas, c'est la question ; visiblement, les Français ne sont pas convaincus que ce soit juste une question de liberté.
MAITENA BIRABEN
Xavier BERTRAND, bonjour.
XAVIER BERTRAND
Bonjour.
CAROLINE ROUX
Bonjour.
MAITENA BIRABEN
Un amendement donc qui autorise les salariés à travailler jusqu'à 70 ans, voté à la sauvette, en pleine nuit, sans concertation, c'est ça la nouvelle méthode BERTRAND ?
XAVIER BERTRAND
Oh, oh, oh, oh, oh, du calme ! Je n'ai pas entendu, voté à la sauvette ?
CAROLINE ROUX
A la sauvette, en pleine nuit.
XAVIER BERTRAND
Mais on plaisante ou pas ?
MAITENA BIRABEN
Non.
XAVIER BERTRAND
Si, vous savez depuis quand ce dossier est sur la table, avril, avril ; transmis à tous les partenaires sociaux sans exception, en septembre, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale transmis encore une fois à tous les partenaires sociaux, la seule chose, pas de remarques de leur part sur cette question.
CAROLINE ROUX
Ça veut dire quoi, qu'ils sont de mauvaise foi aujourd'hui ?
XAVIER BERTRAND
Non, mais je crois que quand on n'est pas d'accord avec une mesure, il faut le dire et il ne faut pas se retrancher derrière la méthode. On a le droit de ne pas être tout à fait d'accord, mais je n'ai pas entendu ces remarques. Alors voilà pourquoi, n'ayons pas non plus la mémoire courte, vous vous rappelez du professeur MONTAGNIER, quand il a dû quitter la France, il était trop âgé pour exercer en France, mais visiblement, il pouvait toujours exercer aux Etats-Unis, même obtenir le Prix Nobel. On avait dit que c'était un scandale et qu'il fallait permettre de continuer à travailler. Vous vous rappelez de l'affaire Guy ROUX, Guy ROUX, on avait dit : trop âgé, il faut changer justement ces règles...
MAITENA BIRABEN
L'entraîneur d'Auxerre...
XAVIER BERTRAND
Donc on fait exactement ce que l'on avait dit à l'époque, et encore une fois, on met fin à une absurdité que dans certaines entreprises, on estimait qu'à 65 ans, vous étiez trop vieux, quel que soit l'âge de début de votre activité, on pouvait vous mettre dehors, de permettre de continuer...
CAROLINE ROUX
Sur le papier, ça a l'air d'être très clair...
XAVIER BERTRAND
Merci...
CAROLINE ROUX
Non, non, mais vraiment, sauf que, aujourd'hui, deux Français sur trois disent : non, disent : ça nous fait peur. Qu'est-ce que vous leur répondez aujourd'hui, on a parlé de la méthode, est-ce que ce sondage ne justifie pas le fait peut-être d'ouvrir un débat plus large, une concertation sur ce sujet ou est-ce que vous dites, c'est plié, c'est réglé ?
XAVIER BERTRAND
Non, mais le débat existe depuis quand ? depuis 2003, depuis le débat sur les retraites, qui avait été engagé par François FILLON, j'étais à l'époque, moi, rapporteur de ce texte.
Tel que c'est présenté aujourd'hui, quand on dit : retraite à 70 ans, moi aussi, spontanément, je ne suis pas pour la retraite à 70 ans, je fais bien partie des deux tiers. La seule chose qu'il faut bien montrer, c'est que ceux qui veulent partir à 60 ans - c'est l'âge légal - peuvent bien évidemment partir à 60 ans, on ne change rien. On ne joue pas sur les mots. Les conditions légales, les conditions financières restent exactement les mêmes. On n'enlève rien à ceux qui veulent partir à 60 ans. Mais ceux qui veulent continuer leur activité, pourquoi on les empêcherait de continuer leur activité, surtout qu'en plus, il faut présenter les choses globalement, ce qu'on n'a pas toujours le temps ou envie de faire, mais moi, j'ai envie de le faire, en même temps, vous avez plusieurs choses qui sont mises en place, à partir du 1er janvier, vous pourrez cumuler librement votre emploi et votre retraite, il n'y a plus de plafond, librement, vous pourrez continuer à le faire, ou alors, vous pourrez décider de ne pas liquider votre retraite, et à chaque fois que vous ferez un an en plus en entreprise, vous aurez 5% de retraite en plus. Alors, pourquoi dans ces cas-là vous plafonner et vous empêcher de continuer à le faire.
CAROLINE ROUX
Sur la méthode, pour en finir avec ce sujet-là, si c'était à refaire, vous referiez la même chose ?
XAVIER BERTRAND
Mais attendez, refaire quoi ?
CAROLINE ROUX
Un amendement ?
XAVIER BERTRAND
Mais attendez, ce n'était même pas une question d'amendement, parce que, à l'origine, la limite d'âge disparaissait complètement, et je n'ai rien entendu des partenaires sociaux, vous non plus, et si je peux me permettre, vous en avez parlé quand ce dossier était sur la table en avril, est-ce que les médias en ont parlé ? Alors que tout était...
CAROLINE ROUX
Alors, c'est à la fois, des partenaires sociaux et des médias, sur la méthode...
XAVIER BERTRAND
Est-ce que tout était transparent ? Oui, la vraie question, c'est pourquoi vous n'en avez pas fait état, et pourquoi vous n'avez pas rappelé qu'au moment de Guy ROUX, tout le monde a trouvé absurde le fait qu'on fasse sortir Guy ROUX du monde du travail...
CAROLINE ROUX
Juste, c'est parce qu'on est habitué à une méthode BERTRAND, vous discutez beaucoup avec les partenaires sociaux depuis toujours, depuis que vous êtes arrivé à ce ministère-là, et cette fois, non, pourquoi...
XAVIER BERTRAND
Mais attendez, Caroline ROUX, je ne peux pas...
CAROLINE ROUX
Juste, c'est juste, on se dit : est-ce qu'il n'y a pas quelque chose derrière ?
XAVIER BERTRAND
Non, non, je ne peux pas vous laisser dire ça. Je ne peux pas vous laisser dire ça, parce que moi, je dis les choses, je ne peux pas klaxonner avant en disant : tenez, je vous mets ça sur la table, est-ce que vous êtes sûr que dans quelques mois, vous n'allez pas revenir sur le sujet. Et là, je le dis aux médias, que vous représentez, et je le dis aussi aux partenaires sociaux. Même si à la limite, on n'est pas d'accord sur un point, on n'est pas obligé de se retrancher derrière, en permanence, la méthode, parce qu'en plus, là, tout était sur la table. La vraie question : pourquoi tous les observateurs, que vous représentez, quand le sujet est là, vous ne vous y intéressez pas tant que ça ne provoque pas un certain émoi, c'est ça que je ne comprends pas...
MAITENA BIRABEN
Parce qu'il est mal reçu, il est mal reçu par les Français, donc on vous interpelle sur la méthode...
XAVIER BERTRAND
Mais pourquoi à l'époque vous n'en parlez pas, je ne comprends pas...
CAROLINE ROUX
Justement, on est aujourd'hui, aujourd'hui, les Français ne comprennent pas...
XAVIER BERTRAND
J'aimerais une réponse, j'aimerais une réponse...
CAROLINE ROUX
Aujourd'hui - vous êtes là parce qu'on a eu énormément de questions sur ce sujet-là - aujourd'hui, les Français ne comprennent pas, qu'est-ce que vous faites, vous dites : eh bien, trop tard, il fallait comprendre avant, c'est la faute des médias, alors, qu'est-ce qu'on dit ?
XAVIER BERTRAND
Attendez, pourquoi vous êtes agressive en me disant ça !
CAROLINE ROUX
Pas du tout, pas du tout, on essaie d'avoir juste une réponse sur la situation telle qu'elle est aujourd'hui...
XAVIER BERTRAND
Si, si, non, la vérité, c'est que moi, je ne veux pas qu'il y ait de mensonges prononcés sur ce thème, la retraite reste bien à 60 ans. Et aujourd'hui, ça, c'est un droit. Par contre, il y a un autre choix, un choix qui correspond à du bon sens. Et ce bon sens, c'est tout simplement pourquoi on vous fait sortir de l'entreprise d'office à 65 ans, vous êtes encore jeune à cet âge-là, on n'est pas fichu à cet âge-là, on est dans une société où on vieillit, vous avez, je ne sais pas, moi, encore un crédit à rembourser, des enfants qui font des études, vous voulez continuer, et on vous dit : non, monsieur, je n'ai plus besoin de vous, vous sortez, c'est quand même une aberration. Et en plus, et là où je dis qu'il faut présenter les choses globalement, moi, je suis confiant pour faire aboutir enfin les discussions sur la pénibilité. Parce que la retraite...
CAROLINE ROUX
Ah, c'est un vieux dossier...
XAVIER BERTRAND
Oh oui, c'est un vieux dossier, parce que pendant trois années, les partenaires sociaux n'ont pas pu se mettre d'accord. Il y a eu des propositions syndicales, mais seulement, il n'y a pas eu d'accord. Donc j'ai repris ce dossier, je vois toutes les semaines les partenaires sociaux sur cette question. Chacun peut s'y intéresser, ces entretiens figurent bien à l'agenda officiel. Et au final, ce qu'il faudra bien prendre en compte, c'est la différence d'espérance de vie qu'il y a aujourd'hui entre un cadre supérieur et un ouvrier, sept ans...
CAROLINE ROUX
Alors qu'est-ce que vous allez proposer ?
XAVIER BERTRAND
Eh bien, là aussi, attendez, si vous me permettez, si je dis tout de suite ce que j'ai en tête, déjà, d'aboutir, on va me reprocher justement sur la méthode de ne pas écouter les uns et les autres. Mais ce que je veux bien vous montrer, c'est que même pour certains, de partir à 60 ans quand on a le sentiment d'être cassés physiquement avant 60 ans, il faut pouvoir trouver les solutions. J'ai ça aussi à l'esprit. Et puis, permettre à ceux qui le souhaitent et qui peuvent, qui ont un métier dans lequel ils s'accomplissent plus, c'est vrai, chacun n'a pas le même rapport à son travail, de pouvoir permettre de continuer davantage. Il faut donner de la souplesse et du sur mesure avec un principe : le droit à la retraite tel qu'il existe aujourd'hui à 60 ans.
MAITENA BIRABEN
Une question de spectateur avec Léon.
LEON MERCADET
Oui, c'est Andrée, une dame - bonjour Andrée - qui dit : voilà, je suis une salariée de 50 ans qui n'aura pas de quoi vivre à la retraite. Alors, mon volontariat ne me semble pas très volontaire, mon volontariat sera obligatoire... Est-ce que ce n'est pas le problème de la retraite à 60 ans, c'est qu'on n'aura en fait pas vraiment le choix.
XAVIER BERTRAND
Mais pourquoi est-ce qu'elle dit qu'elle n'aura pas les moyens de vivre à 60 ans ?
LEON MERCADET
Je ne sais pas comment elle a mené sa carrière, mais à 50 ans, elle aura une retraite riquiqui, c'est tout !
CAROLINE ROUX
Peut-être qu'elle a été un peu au chômage, peut-être que...
XAVIER BERTRAND
Oui, mais attendez, attendez...
LEON MERCADET
Elle aura 800 euros par mois à 50 ans, donc elle sera obligée...
MAITENA BIRABEN
Peut-être qu'elle a été mère de famille...
XAVIER BERTRAND
Là, aussi, je vous remercie de m'inviter pour expliquer les choses, si on est mère de famille, les années pour élever ses enfants comptent, vous êtes aujourd'hui au chômage, les années de chômage comptent, et qu'en plus, vous avez toujours un filet de sécurité, c'est ça la solidarité, surtout en ce moment où la vie est difficile pour les Français, on le voit bien, il faut tenir le cap de la cohésion sociale. Le minimum vieillesse va être augmenté de 25% sur le quinquennat...
LEON MERCADET
Oui, mais ça fera 900 euros, vous savez bien qu'on ne peut pas vivre !
XAVIER BERTRAND
Non, non, non, mais attendez, Léon, c'est quand même curieux, c'est que quand on fait des efforts sans précédent qu'on nous ferait des reproches, il faut quand même regarder ce qu'était la situation d'avant, et en plus, nous avons, tiens, dans le texte en question, un minimum de 85% du Smic pour ceux qui ont une carrière avec des salaires modestes, oui, ce n'est peut-être pas génial, mais c'est quand même des volets de sécurité qui n'existaient pas auparavant. Donc vous voyez, on a à coeur bien évidemment de permettre de travailler à ceux qui le veulent, ceux qui le peuvent aussi, bien évidemment, mais aussi en matière de solidarité, et moi, c'est ma responsabilité, de faire mieux que ce qui était fait auparavant.
LEON MERCADET
Autrement, bien sûr, il y a des mails sur la pénibilité, c'est ça la vraie inégalité, il y a des boulots qu'on peut mener jusqu'à 70 ans et d'autres pas.
XAVIER BERTRAND
Bien sûr, parce qu'il y a une différence, les conditions de travail, et puis, encore une fois, dans certains métiers, on le sait bien, vous travaillez à l'extérieur, vous portez des charges lourdes toute la journée, eh bien, c'est quand même beaucoup plus compliqué, et ça, c'est une inégalité qui dure depuis bien longtemps, et c'est une inégalité que la plupart des pays européens n'ont jamais su prendre en compte suffisamment. J'ai bon espoir qu'on sache le faire, franchement.
CAROLINE ROUX
Alors le travail le dimanche, autre dossier délicat, est-ce que déjà, c'est un dossier sensible, que vous considérez comme sensible, dans votre majorité ?
XAVIER BERTRAND
Je ne sais pas ce qu'est un dossier sensible, mais je sais que c'est un dossier où il y a besoin de convaincre...
CAROLINE ROUX
Parce que François FILLON dit ce matin, dans LE PARISIEN, que c'est un sujet très controversé, y compris au sein de votre famille politique.
XAVIER BERTRAND
Ah, si c'était un sujet facile, ça se saurait et ça nous permettrait, là encore une fois, de sortir des idées reçues. Pourquoi, parce que, aujourd'hui, déjà, vous avez trois millions et demi de français qui travaillent tous les dimanches, tous les dimanches, et vous en avez sept millions qui travaillent occasionnellement le dimanche. Notre idée, c'est simple : est-ce qu'on peut sortir de la situation d'aujourd'hui, où on a une législation à bout de souffle, on ne sait plus trop bien qui peut travailler, qui ne peut pas travailler le dimanche, et l'idée, c'est justement d'assouplir, et d'assouplir de façon assez large, les règles du travail du dimanche ; ça ne voudra pas dire que tout le monde travaillera tous les dimanches, bien évidemment, mais qu'il y a des zones touristiques où il faut mieux définir les choses, et des grandes zones d'attractivité commerciale, je pense à l'Ile-de-France, je pense aux Bouches-du-Rhône avec Plan de Campagne, où il faut...
CAROLINE ROUX
Donc tout le monde n'aura pas le droit de travailler plus pour gagner, il faudra habiter à Paris, à Aix-Marseille...
XAVIER BERTRAND
Non, parce que je pense... les zones touristiques également, ne les oublions pas, il n'y a pas donc... les zones touristiques ailleurs, là, ce sont quelques exemples, zones touristiques et grandes zones d'attractivité commerciale.
Encore une fois, sur ces sujets-là, ce n'est pas la règle qui doit s'appliquer partout en France, parce que le dimanche n'est pas un jour comme les autres, mais avec deux principes : le volontariat, et là aussi, on a besoin des partenaires sociaux, et je crois, moi, au dialogue social, parce qu'il est important pour trouver les bonnes solutions, et puis aussi, dans ces nouveaux secteurs, si on travaille le dimanche, il faut que le jeu en vaille la chandelle, que ce soit payé double.
CAROLINE ROUX
Ce sera le cas partout...
XAVIER BERTRAND
Dans les nouveaux secteurs. Mais reconnaissez quand même que, en Ile-de-France, avec la question des transports, à quel moment on peut se retrouver en famille, le dimanche, et est-ce que le dimanche, on a d'autres choix, bien sûr, mais est-ce qu'on peut aussi aller faire des courses le dimanche, moi, je trouve que ça a du sens pour de nombreuses familles.
MAITENA BIRABEN
Merci beaucoup Xavier BERTRAND d'avoir été avec nous ce matin.
XAVIER BERTRAND
Merci.Source http://www.u-m-p.org, le 21 novembre 2008
Le ministre du Travail, des relations sociales, de la famille, et par ailleurs, le secrétaire général adjoint de l'UMP, Xavier BERTRAND est notre invité.
CAROLINE ROUX
Il défend l'amendement contesté qui autorise un salarié à travailler jusqu'à 70 ans au nom de la liberté et du volontariat. L'amendement en débat a lieu aujourd'hui au Sénat, avoir le choix ou pas, c'est la question ; visiblement, les Français ne sont pas convaincus que ce soit juste une question de liberté.
MAITENA BIRABEN
Xavier BERTRAND, bonjour.
XAVIER BERTRAND
Bonjour.
CAROLINE ROUX
Bonjour.
MAITENA BIRABEN
Un amendement donc qui autorise les salariés à travailler jusqu'à 70 ans, voté à la sauvette, en pleine nuit, sans concertation, c'est ça la nouvelle méthode BERTRAND ?
XAVIER BERTRAND
Oh, oh, oh, oh, oh, du calme ! Je n'ai pas entendu, voté à la sauvette ?
CAROLINE ROUX
A la sauvette, en pleine nuit.
XAVIER BERTRAND
Mais on plaisante ou pas ?
MAITENA BIRABEN
Non.
XAVIER BERTRAND
Si, vous savez depuis quand ce dossier est sur la table, avril, avril ; transmis à tous les partenaires sociaux sans exception, en septembre, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale transmis encore une fois à tous les partenaires sociaux, la seule chose, pas de remarques de leur part sur cette question.
CAROLINE ROUX
Ça veut dire quoi, qu'ils sont de mauvaise foi aujourd'hui ?
XAVIER BERTRAND
Non, mais je crois que quand on n'est pas d'accord avec une mesure, il faut le dire et il ne faut pas se retrancher derrière la méthode. On a le droit de ne pas être tout à fait d'accord, mais je n'ai pas entendu ces remarques. Alors voilà pourquoi, n'ayons pas non plus la mémoire courte, vous vous rappelez du professeur MONTAGNIER, quand il a dû quitter la France, il était trop âgé pour exercer en France, mais visiblement, il pouvait toujours exercer aux Etats-Unis, même obtenir le Prix Nobel. On avait dit que c'était un scandale et qu'il fallait permettre de continuer à travailler. Vous vous rappelez de l'affaire Guy ROUX, Guy ROUX, on avait dit : trop âgé, il faut changer justement ces règles...
MAITENA BIRABEN
L'entraîneur d'Auxerre...
XAVIER BERTRAND
Donc on fait exactement ce que l'on avait dit à l'époque, et encore une fois, on met fin à une absurdité que dans certaines entreprises, on estimait qu'à 65 ans, vous étiez trop vieux, quel que soit l'âge de début de votre activité, on pouvait vous mettre dehors, de permettre de continuer...
CAROLINE ROUX
Sur le papier, ça a l'air d'être très clair...
XAVIER BERTRAND
Merci...
CAROLINE ROUX
Non, non, mais vraiment, sauf que, aujourd'hui, deux Français sur trois disent : non, disent : ça nous fait peur. Qu'est-ce que vous leur répondez aujourd'hui, on a parlé de la méthode, est-ce que ce sondage ne justifie pas le fait peut-être d'ouvrir un débat plus large, une concertation sur ce sujet ou est-ce que vous dites, c'est plié, c'est réglé ?
XAVIER BERTRAND
Non, mais le débat existe depuis quand ? depuis 2003, depuis le débat sur les retraites, qui avait été engagé par François FILLON, j'étais à l'époque, moi, rapporteur de ce texte.
Tel que c'est présenté aujourd'hui, quand on dit : retraite à 70 ans, moi aussi, spontanément, je ne suis pas pour la retraite à 70 ans, je fais bien partie des deux tiers. La seule chose qu'il faut bien montrer, c'est que ceux qui veulent partir à 60 ans - c'est l'âge légal - peuvent bien évidemment partir à 60 ans, on ne change rien. On ne joue pas sur les mots. Les conditions légales, les conditions financières restent exactement les mêmes. On n'enlève rien à ceux qui veulent partir à 60 ans. Mais ceux qui veulent continuer leur activité, pourquoi on les empêcherait de continuer leur activité, surtout qu'en plus, il faut présenter les choses globalement, ce qu'on n'a pas toujours le temps ou envie de faire, mais moi, j'ai envie de le faire, en même temps, vous avez plusieurs choses qui sont mises en place, à partir du 1er janvier, vous pourrez cumuler librement votre emploi et votre retraite, il n'y a plus de plafond, librement, vous pourrez continuer à le faire, ou alors, vous pourrez décider de ne pas liquider votre retraite, et à chaque fois que vous ferez un an en plus en entreprise, vous aurez 5% de retraite en plus. Alors, pourquoi dans ces cas-là vous plafonner et vous empêcher de continuer à le faire.
CAROLINE ROUX
Sur la méthode, pour en finir avec ce sujet-là, si c'était à refaire, vous referiez la même chose ?
XAVIER BERTRAND
Mais attendez, refaire quoi ?
CAROLINE ROUX
Un amendement ?
XAVIER BERTRAND
Mais attendez, ce n'était même pas une question d'amendement, parce que, à l'origine, la limite d'âge disparaissait complètement, et je n'ai rien entendu des partenaires sociaux, vous non plus, et si je peux me permettre, vous en avez parlé quand ce dossier était sur la table en avril, est-ce que les médias en ont parlé ? Alors que tout était...
CAROLINE ROUX
Alors, c'est à la fois, des partenaires sociaux et des médias, sur la méthode...
XAVIER BERTRAND
Est-ce que tout était transparent ? Oui, la vraie question, c'est pourquoi vous n'en avez pas fait état, et pourquoi vous n'avez pas rappelé qu'au moment de Guy ROUX, tout le monde a trouvé absurde le fait qu'on fasse sortir Guy ROUX du monde du travail...
CAROLINE ROUX
Juste, c'est parce qu'on est habitué à une méthode BERTRAND, vous discutez beaucoup avec les partenaires sociaux depuis toujours, depuis que vous êtes arrivé à ce ministère-là, et cette fois, non, pourquoi...
XAVIER BERTRAND
Mais attendez, Caroline ROUX, je ne peux pas...
CAROLINE ROUX
Juste, c'est juste, on se dit : est-ce qu'il n'y a pas quelque chose derrière ?
XAVIER BERTRAND
Non, non, je ne peux pas vous laisser dire ça. Je ne peux pas vous laisser dire ça, parce que moi, je dis les choses, je ne peux pas klaxonner avant en disant : tenez, je vous mets ça sur la table, est-ce que vous êtes sûr que dans quelques mois, vous n'allez pas revenir sur le sujet. Et là, je le dis aux médias, que vous représentez, et je le dis aussi aux partenaires sociaux. Même si à la limite, on n'est pas d'accord sur un point, on n'est pas obligé de se retrancher derrière, en permanence, la méthode, parce qu'en plus, là, tout était sur la table. La vraie question : pourquoi tous les observateurs, que vous représentez, quand le sujet est là, vous ne vous y intéressez pas tant que ça ne provoque pas un certain émoi, c'est ça que je ne comprends pas...
MAITENA BIRABEN
Parce qu'il est mal reçu, il est mal reçu par les Français, donc on vous interpelle sur la méthode...
XAVIER BERTRAND
Mais pourquoi à l'époque vous n'en parlez pas, je ne comprends pas...
CAROLINE ROUX
Justement, on est aujourd'hui, aujourd'hui, les Français ne comprennent pas...
XAVIER BERTRAND
J'aimerais une réponse, j'aimerais une réponse...
CAROLINE ROUX
Aujourd'hui - vous êtes là parce qu'on a eu énormément de questions sur ce sujet-là - aujourd'hui, les Français ne comprennent pas, qu'est-ce que vous faites, vous dites : eh bien, trop tard, il fallait comprendre avant, c'est la faute des médias, alors, qu'est-ce qu'on dit ?
XAVIER BERTRAND
Attendez, pourquoi vous êtes agressive en me disant ça !
CAROLINE ROUX
Pas du tout, pas du tout, on essaie d'avoir juste une réponse sur la situation telle qu'elle est aujourd'hui...
XAVIER BERTRAND
Si, si, non, la vérité, c'est que moi, je ne veux pas qu'il y ait de mensonges prononcés sur ce thème, la retraite reste bien à 60 ans. Et aujourd'hui, ça, c'est un droit. Par contre, il y a un autre choix, un choix qui correspond à du bon sens. Et ce bon sens, c'est tout simplement pourquoi on vous fait sortir de l'entreprise d'office à 65 ans, vous êtes encore jeune à cet âge-là, on n'est pas fichu à cet âge-là, on est dans une société où on vieillit, vous avez, je ne sais pas, moi, encore un crédit à rembourser, des enfants qui font des études, vous voulez continuer, et on vous dit : non, monsieur, je n'ai plus besoin de vous, vous sortez, c'est quand même une aberration. Et en plus, et là où je dis qu'il faut présenter les choses globalement, moi, je suis confiant pour faire aboutir enfin les discussions sur la pénibilité. Parce que la retraite...
CAROLINE ROUX
Ah, c'est un vieux dossier...
XAVIER BERTRAND
Oh oui, c'est un vieux dossier, parce que pendant trois années, les partenaires sociaux n'ont pas pu se mettre d'accord. Il y a eu des propositions syndicales, mais seulement, il n'y a pas eu d'accord. Donc j'ai repris ce dossier, je vois toutes les semaines les partenaires sociaux sur cette question. Chacun peut s'y intéresser, ces entretiens figurent bien à l'agenda officiel. Et au final, ce qu'il faudra bien prendre en compte, c'est la différence d'espérance de vie qu'il y a aujourd'hui entre un cadre supérieur et un ouvrier, sept ans...
CAROLINE ROUX
Alors qu'est-ce que vous allez proposer ?
XAVIER BERTRAND
Eh bien, là aussi, attendez, si vous me permettez, si je dis tout de suite ce que j'ai en tête, déjà, d'aboutir, on va me reprocher justement sur la méthode de ne pas écouter les uns et les autres. Mais ce que je veux bien vous montrer, c'est que même pour certains, de partir à 60 ans quand on a le sentiment d'être cassés physiquement avant 60 ans, il faut pouvoir trouver les solutions. J'ai ça aussi à l'esprit. Et puis, permettre à ceux qui le souhaitent et qui peuvent, qui ont un métier dans lequel ils s'accomplissent plus, c'est vrai, chacun n'a pas le même rapport à son travail, de pouvoir permettre de continuer davantage. Il faut donner de la souplesse et du sur mesure avec un principe : le droit à la retraite tel qu'il existe aujourd'hui à 60 ans.
MAITENA BIRABEN
Une question de spectateur avec Léon.
LEON MERCADET
Oui, c'est Andrée, une dame - bonjour Andrée - qui dit : voilà, je suis une salariée de 50 ans qui n'aura pas de quoi vivre à la retraite. Alors, mon volontariat ne me semble pas très volontaire, mon volontariat sera obligatoire... Est-ce que ce n'est pas le problème de la retraite à 60 ans, c'est qu'on n'aura en fait pas vraiment le choix.
XAVIER BERTRAND
Mais pourquoi est-ce qu'elle dit qu'elle n'aura pas les moyens de vivre à 60 ans ?
LEON MERCADET
Je ne sais pas comment elle a mené sa carrière, mais à 50 ans, elle aura une retraite riquiqui, c'est tout !
CAROLINE ROUX
Peut-être qu'elle a été un peu au chômage, peut-être que...
XAVIER BERTRAND
Oui, mais attendez, attendez...
LEON MERCADET
Elle aura 800 euros par mois à 50 ans, donc elle sera obligée...
MAITENA BIRABEN
Peut-être qu'elle a été mère de famille...
XAVIER BERTRAND
Là, aussi, je vous remercie de m'inviter pour expliquer les choses, si on est mère de famille, les années pour élever ses enfants comptent, vous êtes aujourd'hui au chômage, les années de chômage comptent, et qu'en plus, vous avez toujours un filet de sécurité, c'est ça la solidarité, surtout en ce moment où la vie est difficile pour les Français, on le voit bien, il faut tenir le cap de la cohésion sociale. Le minimum vieillesse va être augmenté de 25% sur le quinquennat...
LEON MERCADET
Oui, mais ça fera 900 euros, vous savez bien qu'on ne peut pas vivre !
XAVIER BERTRAND
Non, non, non, mais attendez, Léon, c'est quand même curieux, c'est que quand on fait des efforts sans précédent qu'on nous ferait des reproches, il faut quand même regarder ce qu'était la situation d'avant, et en plus, nous avons, tiens, dans le texte en question, un minimum de 85% du Smic pour ceux qui ont une carrière avec des salaires modestes, oui, ce n'est peut-être pas génial, mais c'est quand même des volets de sécurité qui n'existaient pas auparavant. Donc vous voyez, on a à coeur bien évidemment de permettre de travailler à ceux qui le veulent, ceux qui le peuvent aussi, bien évidemment, mais aussi en matière de solidarité, et moi, c'est ma responsabilité, de faire mieux que ce qui était fait auparavant.
LEON MERCADET
Autrement, bien sûr, il y a des mails sur la pénibilité, c'est ça la vraie inégalité, il y a des boulots qu'on peut mener jusqu'à 70 ans et d'autres pas.
XAVIER BERTRAND
Bien sûr, parce qu'il y a une différence, les conditions de travail, et puis, encore une fois, dans certains métiers, on le sait bien, vous travaillez à l'extérieur, vous portez des charges lourdes toute la journée, eh bien, c'est quand même beaucoup plus compliqué, et ça, c'est une inégalité qui dure depuis bien longtemps, et c'est une inégalité que la plupart des pays européens n'ont jamais su prendre en compte suffisamment. J'ai bon espoir qu'on sache le faire, franchement.
CAROLINE ROUX
Alors le travail le dimanche, autre dossier délicat, est-ce que déjà, c'est un dossier sensible, que vous considérez comme sensible, dans votre majorité ?
XAVIER BERTRAND
Je ne sais pas ce qu'est un dossier sensible, mais je sais que c'est un dossier où il y a besoin de convaincre...
CAROLINE ROUX
Parce que François FILLON dit ce matin, dans LE PARISIEN, que c'est un sujet très controversé, y compris au sein de votre famille politique.
XAVIER BERTRAND
Ah, si c'était un sujet facile, ça se saurait et ça nous permettrait, là encore une fois, de sortir des idées reçues. Pourquoi, parce que, aujourd'hui, déjà, vous avez trois millions et demi de français qui travaillent tous les dimanches, tous les dimanches, et vous en avez sept millions qui travaillent occasionnellement le dimanche. Notre idée, c'est simple : est-ce qu'on peut sortir de la situation d'aujourd'hui, où on a une législation à bout de souffle, on ne sait plus trop bien qui peut travailler, qui ne peut pas travailler le dimanche, et l'idée, c'est justement d'assouplir, et d'assouplir de façon assez large, les règles du travail du dimanche ; ça ne voudra pas dire que tout le monde travaillera tous les dimanches, bien évidemment, mais qu'il y a des zones touristiques où il faut mieux définir les choses, et des grandes zones d'attractivité commerciale, je pense à l'Ile-de-France, je pense aux Bouches-du-Rhône avec Plan de Campagne, où il faut...
CAROLINE ROUX
Donc tout le monde n'aura pas le droit de travailler plus pour gagner, il faudra habiter à Paris, à Aix-Marseille...
XAVIER BERTRAND
Non, parce que je pense... les zones touristiques également, ne les oublions pas, il n'y a pas donc... les zones touristiques ailleurs, là, ce sont quelques exemples, zones touristiques et grandes zones d'attractivité commerciale.
Encore une fois, sur ces sujets-là, ce n'est pas la règle qui doit s'appliquer partout en France, parce que le dimanche n'est pas un jour comme les autres, mais avec deux principes : le volontariat, et là aussi, on a besoin des partenaires sociaux, et je crois, moi, au dialogue social, parce qu'il est important pour trouver les bonnes solutions, et puis aussi, dans ces nouveaux secteurs, si on travaille le dimanche, il faut que le jeu en vaille la chandelle, que ce soit payé double.
CAROLINE ROUX
Ce sera le cas partout...
XAVIER BERTRAND
Dans les nouveaux secteurs. Mais reconnaissez quand même que, en Ile-de-France, avec la question des transports, à quel moment on peut se retrouver en famille, le dimanche, et est-ce que le dimanche, on a d'autres choix, bien sûr, mais est-ce qu'on peut aussi aller faire des courses le dimanche, moi, je trouve que ça a du sens pour de nombreuses familles.
MAITENA BIRABEN
Merci beaucoup Xavier BERTRAND d'avoir été avec nous ce matin.
XAVIER BERTRAND
Merci.Source http://www.u-m-p.org, le 21 novembre 2008