Déclaration de M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, sur la proposition de loi réformant l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, à l'Assemblée nationale le 21 juin 2001.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
En examinant aujourd'hui, en deuxième lecture, moins de quatre mois après notre première rencontre, la réforme de l'ordonnance de 1959, nous participons tous à une réforme majeure de la gestion publique en France.
Cette réforme repose sur trois notions : la transparence, la responsabilité et l'autonomie.
La transparence, d'abord : celle des objectifs, celle des moyens, celle des comptes-rendus et des résultats. Elle est une exigence démocratique. Je ne suis à ce titre nullement étonné que les dispositions des articles 14 et 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui posent les principes du consentement à l'impôt et du contrôle démocratique sur l'action de l'administration, constituent la base de ce débat : comment garantir le principe de consentement à l'impôt ? Comment asseoir le rôle du Parlement dans cette fonction historique qu'est le vote de la loi fiscale et l'autorisation des dépenses de l'Etat ? Comment arriver à un contrôle effectif de l'action de l'administration ? En termes clairs, comment montrer sereinement aux contribuables l'usage fait de leurs contributions ?
La responsabilité et l'autonomie, ensuite. Elles sont des attentes fortes des agents publics : ils demandent davantage d'autonomie, davantage de responsabilité, en contrepartie d'une évaluation plus fine et plus systématique des résultats obtenus. Je sais que nous tenons là une des clefs pour rendre plus attractives les fonctions de responsabilité dans la fonction publique : recruter des cadres plus autonomes et plus responsables, amenés à rendre des comptes, c'est faire évoluer l'esprit de la fonction publique.
Face au scepticisme, poison endémique qui frappe les acteurs et les commentateurs de la réforme de l'Etat - la réforme que vous allez adopter constitue un antidote puissant. Qui aurait cru, il y a un an de cela, que le monument constitué par l'ordonnance du 2 janvier 1959 pourrait, compte-tenu de la culture des administrations financières et des administrations gestionnaires, être modifié à ce point ? Qui aurait cru que le calendrier actuel permettrait de mener, en moins d'un an, la réforme à son terme ?
Des comparaisons internationales, il ressort souvent que les processus de réforme de l'Etat sont nés de crises institutionnelles, de crises politiques et de crises sociales, dans des contextes économiques et budgétaires souvent défavorables. S'agissant de cette réforme, nous ne nous trouvons pas dans cette configuration et je crois que nous pouvons collectivement nous féliciter qu'il en soit ainsi. Collectivement, j'insiste sur ce terme. Nous avons tous ici en mémoire la genèse de ce texte, la ténacité du Président de l'Assemblée nationale Raymond FORNI et du rapporteur général de la commission des finances, Didier MIGAUD, à faire aboutir cette réforme, dans un environnement que je n'aurais pas spontanément qualifié de favorable il y a un an mais qui l'est certainement plus aujourd'hui.
A ceux qui disent que l'Etat est incapable de se réformer, d'évoluer vers la prise en compte des besoins des citoyens, de s'engager résolument dans des processus de modernisation, je tiens à montrer en exemple la réforme que nous sommes en train de construire. Fondée sur un esprit de consensus, sur une volonté commune d'améliorer et de moderniser la gestion publique, elle contredit tout le discours fondé aussi bien sur le grand soir de la réforme de l'Etat, que sur l'incapacité structurelle de l'Etat à se réformer. Nous sommes capables de réformer l'Etat, nous le prouvons, et vous le prouvez, en discutant ce texte et en menant à son terme la réforme de l'ordonnance de 1959.
Quant au contenu même du texte, à ce stade, grâce au travail qui a été réalisé par la commission spéciale, nous atteignons un équilibre très satisfaisant. Aussi bien sur la fongibilité des crédits, qui est la condition d'une véritable autonomie pour les gestionnaires publics, rendue effective par la nouvelle rédaction de l'article 44 du texte adopté par le Sénat, que sur le caractère interministériel de certaines politiques publiques, je crois que le texte qui vous est soumis aujourd'hui est le fruit d'un compromis parfaitement acceptable entre le principe de responsabilité ministérielle sur les programmes et la volonté d'affirmer, dans un texte de niveau quasi-constitutionnel, la possibilité de donner une validation interministérielle à certaines politiques publiques ou s'agissant enfin de la pluriannualité des crédits.
A cette grande réforme, l'administration se prépare dès aujourd'hui. Cette préparation est indispensable ; elle doit être minutieusement organisée.
Nous y travaillons : comme je vous l'indiquais lors de la première lecture de la proposition de loi, le comité interministériel de la réforme de l'Etat du 12 octobre dernier a mis en place 8 groupes de travail thématiques sur la mise en oeuvre de la réforme. La structure de pilotage interministérielle qui chapeaute ces travaux rendra ses conclusions dans les jours qui viennent : elle définira avec précision la méthode à suivre pour mettre en uvre la réforme budgétaire et comptable. Les questions qui se posent à nous sont diverses, et non des moindres : Comment lier programmes et gestionnaires de crédits ? Quelles conséquences la réforme aura-t-elle sur les modes de déconcentration des crédits ? Comment faire évoluer le contrôle interne et le contrôle financier ? Comment réorganiser les services et faire évoluer certains métiers ? Comment adapter les systèmes d'information budgétaires et comptables ?
Les administrations sont aujourd'hui sous tension pour mettre en uvre la réforme : elles poursuivront leurs efforts jusqu'en 2006.
Le ministre de la fonction publique est également attentif aux questions relatives à l'emploi public. Les premiers travaux de l'observatoire de l'emploi public, que j'ai installé en septembre dernier, déboucheront la semaine prochaine sur la remise au Parlement d'un premier rapport annuel sur les effectifs de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière. Il nous a semblé utile d'y ajouter une réflexion sur le passage de l'emploi budgétaire, celui que vous approuvez, et l'emploi réel, celui que nous connaissons encore si mal.
Cet exercice est essentiel : essentiel en soi pour la transparence qu'il apporte à l'utilisation de masses budgétaires considérables ; essentiel aussi car il préfigure la procédure qui consistera, sous l'empire de la nouvelle loi organique, à vérifier, à l'occasion de l'examen de la loi de règlement, comment a été appliquée l'autorisation donnée par le Parlement sur le stock d'emplois financés par le budget de l'Etat. Nous nous préparons dès aujourd'hui à cet exercice.
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
La réforme que vous allez voter aujourd'hui marque l'an I d'une gestion publique moderne. Elle est frappée, depuis sa conception, du sceau de la responsabilité. Et le bénéficiaire de la grande mutation qu'elle ouvre sera le " citoyen contribuable " au nom duquel vous votez le budget de la France, et le " citoyen usager " de services publics, services publics qui seront ainsi plus performants et efficaces.
Je vous remercie.
(source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 22 juin 2001)