Texte intégral
"Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, Madame
Guigou,
Merci de me poser cette question, parce qu'elle concerne un débat
sérieux qui mérite autre chose que les réactions outrancières basées
sur la seule publication d'un article de presse.
Qui peut dire aujourd'hui qu'il n'y a pas nécessité de réfléchir à la
procédure pénale dans notre pays ? Qui peut dire aujourd'hui que la
protection des libertés individuelles en France est satisfaisante ? Qui
n'a pas été choqué, sans remonter à Outreau, par des mises en détention
provisoires, par des gardes à vue totalement injustifiées au regard des
risques que faisaient peser les personnes concernées ?
Dans ces conditions, le président de la République a souhaité, et c'est
une question au fond qu'il remet entre nos mains, entre vos mains,
entre celles du Parlement, que s'ouvre un débat. Un débat d'abord sur
la question de la confusion des pouvoirs entre le juge, qui est chargé
de l'enquête, et celui qui est chargé de la défense des droits de la
personne. Vous savez très bien, que nous sommes d'ailleurs dans ce cas
en contradiction avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l'homme, qui dit simplement que ce ne peut pas être le même homme,
ce ne peut pas être le même juge, qui assure le déroulement de l'
enquête, et qui, en même temps, est chargé de la protection du droit de
celui qui est mis en examen.
Cette demande d'ouverture d'un débat du président de la République,
elle est par ailleurs légitime au regard de la question du secret de
l'instruction. Le secret de l'instruction est une farce dont nous nous
offusquons à tour de rôle, sans jamais prendre la moindre mesure
efficace pour le faire respecter.
Alors, qu'est-ce que nous avons souhaité ? D'abord, qu'une commission
qui est présidée par Philippe Léger, ancien avocat général à la Cour de
justice des Communautés européennes, travaille et nous fasse des
propositions. Sur la base de ces propositions, nous allons ouvrir un
débat. Est-ce qu'il faut, par exemple, qu'il y ait un juge indépendant
qui soit chargé de l'enquête ? Et un juge de l'instruction, qui soit
chargé de surveiller son déroulement, mais non pas de la conduire ?
Est-ce qu'il ne faut pas que nous réfléchissions ensemble à l'
instauration d'un véritable habeas corpus à la française pour qu'on ne
se retrouve plus dans des situations comme celles que j'évoquais tout à
l'heure ?
Moi, je vais vous dire, j'ai été choqué, même si ça n'a pas la gravité
de l'affaire d'Outreau, de voir qu'on avait mis en garde à vue une
infirmière il y a quelques semaines, alors même que cette infirmière
avait immédiatement avoué qu'elle avait commis une faute, et qu'elle ne
représentait en rien un danger.
Voilà le débat qui est ouvert. Je suis convaincu, madame Guigou, que
l'ensemble des parlementaires voudra y participer. C'est un débat que
nous prendrons le temps d'avoir dans le courant de cette année 2009.
Mais moi je ne me satisfais pas de la situation qui est la nôtre
actuellement en matière de libertés individuelles. Je pense qu'elle n'
est pas conforme à l'idée que je me fais du pays des Lumières au XXIe
siècle."source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 8 janvier 2009