Déclaration de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le projet de loi de modernisation sociale notamment en matière de licenciements économiques et de lutte contre la précarité des emplois, à l'Assemblée Nationale le 22 mai 2001.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Présentation en deuxième lecture du projet de loi de modernisation sociale, à l'Assemblée Nationale le 22 mai 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames, Messieurs les députés,
Depuis la première lecture devant votre assemblée en janvier dernier, le projet de loi de modernisation sociale a gagné en considération. Déjà porteur de nombreuses réformes dans le champ social, le voilà à présent sous les feux de l'actualité en particulier pour les dispositions relatives à la prévention des licenciements économiques.
Ce sujet important avait déjà fait l'objet, dès la première lecture, de débats très riches et de propositions essentielles sur lesquelles je reviendrai dans quelques instants. Mais les graves questions soulevées depuis lors par l'annonce concomitante de nombreux plans de restructuration entraînant des projets de licenciements massifs, ont mis en avant le souhait du Parlement et du Gouvernement de compléter encore notre législation.
C'est précisément ce que j'avais annoncé devant votre commission des affaires culturelles, familiales et sociales le 24 avril dernier, et ce que j'ai entrepris lors de la première lecture au Sénat à partir du 25 avril. C'est également la raison pour laquelle le Gouvernement a levé l'urgence qui avait été déclarée sur ce texte afin de permettre un débat approfondi et constructif.
Mais nous ne devons pas oublier que ce projet de loi ne se résume pas à la prévention des licenciements économiques. Si ce projet a été approuvé en première lecture par votre assemblée avec le soutien d'ensemble de la majorité plurielle, c'est bien qu'il comporte de nombres réponses aux attentes des Français, dans le domaine de la protection de leur santé, dans le renforcement de la solidarité à l'égard des plus fragiles d'entre eux, dans l'amélioration des relations de travail et des conditions de travail.
Je pense bien entendu aux acquis considérables déjà débattus et votés dans cette assemblée :
- l'abrogation de la loi Thomas sur les fonds de pension, pour préserver notre régime de retraites par répartition,
- la prévention et la sanction du harcèlement moral au travail,
- la lutte contre le recours abusif au travail précaire,
- la validation des acquis de l'expérience professionnelle pour permettre à un grand nombre de salariés de valoriser leur parcours professionnel,
- la création d'un statut des accueillants familiaux, pour mieux contrôler l'accueil des personnes âgées ou handicapées et pour améliorer les droits sociaux des familles accueillantes,
- la réforme des études médicales pour renforcer la place de la médecine générale, qui deviendra une spécialité à part entière,
- le renforcement de la protection sociale des français de l'étranger, pour permettre à nos concitoyens expatriés qui ont des revenus modestes de bénéficier d'une meilleure couverture maladie,
- la mise en uvre du protocole du 14 mars 2000 pour l'amélioration du fonctionnement de l'hôpital public, grâce notamment à l'instauration d'un projet social au sein de chaque établissement, et à la possibilité offerte au personnel de la fonction publique hospitalière de bénéficier d'un bilan de compétences.
Je suis persuadée que chacun mesure ici la portée de ces avancées sociales, pour ce qu'elles apportent comme services publics à l'usager, à la dignité de la personne et du salarié, à la promotion sociale et à la défense de notre modèle social. Certains de ces progrès incontestables, qui répondent bien souvent à des engagements de la majorité plurielle, ont cependant été corrigés par le Sénat. Il appartiendra à la majorité de l'Assemblée nationale, grâce à la vigilance de sa commission des affaires sociales, de proposer le rétablissement voire l'amélioration des dispositions votées en première lecture. Le Gouvernement lui-même vous fera un certain nombre de propositions sur quelques sujets, mais principalement, comme je l'ai déjà annoncé, sur la question des licenciements économiques.
* * *
Les licenciements économiques plongent dans la détresse des milliers d'hommes et de femmes dont l'emploi est menacé par des projets de restructuration de leurs entreprises.
Cette détresse, qui s'exprime aux portes même de votre Assemblée, j'ai pu en mesurer l'intensité en recevant des délégations de salariés ces dernières semaines.
C'est un drame que de perdre son emploi. Tout doit être fait pour éviter de telles situations, et, lorsqu'elles se présentent, tout doit être tenté pour assurer des reclassements
La situation d'aujourd'hui est d'autant plus difficile à admettre que la croissance économique est là, que les bénéfices des entreprises atteignent parfois des niveaux exceptionnels, et que la capitalisation boursière, il y a peu encore, battait jour après jour ses propres records.
Ces salariés ont contribué de façon déterminante au redressement économique par leurs efforts et leur engagement au service de la restauration de la performance de leurs entreprises. Il comprennent d'autant moins que la sécurité de l'emploi ne leur soit pas enfin garantie, quand leur entreprise est profitable.
Nous avons d'abord un devoir de solidarité envers ces salariés et leurs familles. Et nous l'exercerons en toute responsabilité, sans démagogie mais sans faiblesse à l'égard de la responsabilité sociale des chefs d'entreprises.
Il serait illusoire de nier que des restructurations sont nécessaires, parce que l'économie évolue, parce que les progrès technologiques sont utiles et parce qu'elles sont parfois la condition même de la survie des entreprises.
Mais ces restructurations peuvent se réaliser sans licenciements. C'est là le but que nous devons fixer.
Et, si des licenciements apparaissent inévitables, ils ne faut les admettre qu'en dernier ressort, en recherchant en tout état de cause des solutions de reclassement qui conviennent aux salariés concernés, dans les bassins d'emploi où ils résident et à l'activation économique desquels les entreprises doivent être intéressées.
Les chefs d'entreprise doivent assumer des responsabilités sociales et pas seulement économiques et financières.
Ces responsabilités doivent être précisées non seulement par la loi mais aussi par la négociation collective et par des initiatives concrètes au plan territorial associant l'Etat, les collectivités locales et les milieux professionnels et syndicaux.
La loi, et nous le ferons à nouveau, se doit tout à la fois d'apporter une protection aux salariés et de renforcer les obligations des chefs d'entreprise.
La négociation collective doit compléter les règles du jeu entre les employeurs et les représentants des salariés.
L'action locale pour dynamiser les bassins d'emploi doit retrouver un souffle qu'elle a eu tendance à perdre au cours des années de crise que nous avons traversées.
Enfin au plan européen ou international (comme c'est le cas avec l'OIT) nous devons continuer à agir pour adopter un corpus de règles harmonisant les législations et mettant les impératifs sociaux au même rang que les impératifs économiques.
C'est l'effort que nous avons entrepris, en particulier sous présidence française de l'Union Européenne. Et je veux rappeler que c'est notre gouvernement qui a mis à l'ordre du jour la directive Renault Vilvoorde, qui l'a défendue. Et c'est grâce à l'action du gouvernement que j'espère que le 11 juin prochain, nous obtiendrons le vote de la directive.
Telles sont les finalités de l'action que je vous propose d'entreprendre et dont je tiens à préciser les principes.
1. Les principes d'action
Dans notre histoire sociale récente, la définition du licenciement économique a été progressivement étendue, afin de mieux protéger les salariés.
Les procédures de contrôle des licenciements économiques par les représentants du personnel et le traitement de leurs conséquences par des plans sociaux sont en effet bien plus protectrices que les procédures de licenciement pour motif non économique.
Si l'on veut mieux protéger les salariés ce sont les procédures de contrôle internes à l'entreprise et les exigences des plans sociaux qu'il faut renforcer.
Le législateur, dans notre tradition juridique, est intervenu non pas pour interdire mais pour encadrer et fixer l'étendue de la responsabilité sociale des dirigeants d'entreprise dans leurs décisions de gestion. Nous devons encore progresser dans ce sens à l'égard des entreprises qui restructurent sans prendre en compte suffisamment l'avenir de l'emploi de leur salariés et celui des territoires où elles agissent.
(Ni la loi ni l'Etat ne doivent décider de la gestion des entreprises à la place de leurs responsables. C'est à ces derniers qu'appartient la responsabilité d'assurer le développement des entreprises et leur compétitivité dans l'intérêt tout à la fois de leurs salariés et de leurs actionnaires.
C'est pourquoi il n'est pas question de revenir à l'autorisation administrative des licenciements, directement ou indirectement. D'ailleurs, j'observe que plus personne ne la réclame parce que l'expérience a montré qu'elle n'empêchait pas de licencier dans la quasi totalité des cas, et parce qu'elle dédouanait le chef d'entreprise de sa responsabilité.
Certains estiment, par voie de conséquence qu'il devrait appartenir au juge de statuer sur la légitimité des projets de licenciement, en appréciant leur justification économique lorsqu'une divergence de vue s'exprime entre la direction de l'entreprise et les représentants du personnel. J'observe d'abord que le juge dispose déjà de compétences très larges et qu'il contrôle efficacement la réalité du motif économique ainsi que la qualité du plan social. je pense en particulier à la jurisprudence la plus récente, et notamment aux arrêts " MIKO " rendus par la Cour de Cassation les 23 juin et 1er décembre 1999, qui ont jugé que les licenciements doivent être justifiés par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et non par la seule volonté de rationalisation financière.
C''est une bonne chose. Le gouvernement est d'ailleurs prêt à donner leur plein effet, par la loi, à certaines de ces avancées de la jurisprudence, comme le travail de concertation que j'ai engagé ces derniers jours me porte à l'envisager. Je vous proposerai en particulier d'introduire dans la loi la jurisprudence Samaritaine qui frappe de nullité les licenciements prononcés sur la base d'une procédure irrégulière et d'un plan social insuffisant. Je rappelle que la nullité des licenciements aboutit à faire ordonner par le juge la réintégration.
Mais le Gouvernement ne souhaite pas que l'on confie au juge le soin de prendre les décisions de gestion à la place des chefs d'entreprise. Notre Constitution protège la liberté de commerce et d'industrie, mais elle proclame aussi le droit à l'emploi. Au juge d'assurer la conciliation de ces deux principes à valeur constitutionnelle.
(La limitation du pouvoir de gestion de l'employeur ne peut résulter que du principe de démocratisation de cette gestion, à l'intérieur même de l'entreprise, comme le constituant de 1946 l'a voulu, et comme l'évolution du droit des relations de travail l'a institué depuis lors, de façon d'ailleurs cohérente dans l'ensemble des pays de l'Union Européenne. Il convient de soumettre les choix économiques du chef d'entreprise au débat contradictoire avec les salariés et leurs représentants. C'est eux qui, si on leur en donne les moyens, sont les mieux à même de contrôler la gestion de l'entreprise, de faire des propositions alternatives et de peser pour orienter les décisions dans le respect du droit de l'emploi.
C'est l'option retenue il y a cinquante ans avec les grandes conquêtes sociales de la libération et elle reste celle du Gouvernement. C'est le choix de la responsabilité et de l'efficacité.
De façon continue en effet, le droit du travail n'a cessé d'étendre le droit des représentants du personnel et, à travers eux des salariés, d'être informés et consultés sur tout ce qui concerne la gestion, l'organisation et la marche de l'entreprise. Cette évolution s'est faite par apport conjoint de la négociation interprofessionnelle et de la loi avec des étapes marquantes en 1986, 1989 et 1993.
La même évolution est en cours au sein de l'Union Européenne et l'apport de la directive Renault Vilvoorde sur l'information et la consultation des travailleurs, après celle sur les comités de groupes européens, sera déterminant.
On voit donc que les représentants des salariés ne sont pas laissés seuls face au pouvoir des dirigeants des entreprises. Pour tenir leur rôle de force de proposition critique, ils bénéficient de l'appui de l'administration du travail et du juge.
Permettez-moi de rappeler la façon dont cet appui aux représentants des salariés s'exprime :
(l'Inspecteur du travail est chargé de veiller au respect des procédures d'information et de consultation. Les représentants du personnel peuvent le saisir et il peut dresser un procès verbal relevant les infractions commises par l'employeur. Il veille aussi à l'existence d'un plan social conforme aux prévisions de la loi, faire des propositions pour en améliorer le contenu et dresser un procès verbal de carence.
(le juge, s'il ne décide pas en dernier ressort à la place du chef d'entreprise, il exerce néanmoins un rôle déterminant pour le respect des règles du jeu social dans l'entreprise et pour la prise en compte des exigences sociales dans la décision de l'employeur :
-en référé, selon une procédure d'urgence dont l'efficacité est reconnue, le juge peut ordonner toute mesure pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Il peut aussi invalider le plan social s'il n'est pas conforme aux dispositions légales et, en l'absence de plan de reclassement, annuler la procédure pour la faire reprendre.
-en tant que juge du fond, il statue sur la conformité des licenciements aux motifs énumérés à l'article L321-1 du Code du travail. Il apprécie également la régularité des licenciements et, si le plan social a été invalidé, il peut les annuler.
-au plan pénal, il peut lourdement sanctionner les infractions commises et notamment l'entrave au fonctionnement du Comité d'entreprise ou aux fonctions des délégués du personnel.
Tel est déjà l'état du droit. Il repose sur une logique d'économie régulée et non d'économie administrée ou " judiciarisée ".
Il est bien sûr perfectible encore. Certainement. C'est ce que le gouvernement vous propose de faire en deuxième lecture, après que vous ayez déjà enrichi le projet de loi en première lecture. Dans cette perspective, votre Commission a déjà adopté des améliorations sensibles au texte que viendront compléter des amendements complémentaires significatifs du Gouvernement.
Mais avant de vous présenter plus précisément ces propositions, permettez-moi de vous rappeler brièvement les apports à la protection des salariés face aux licenciements économiques qui ont déjà été opérés lors de la première lecture de ce projet de loi par votre assemblée.
2. Les apports du projet de loi de modernisation sociale adopté en première lecture
Vous avez adopté en première lecture plusieurs dispositions juridiques essentielles, et vous avez enrichi le projet du Gouvernement :
(Au titre de l'affirmation des droits des représentants des salariés, vous avez encadré la procédure d'annonce publique, en rendant obligatoire l'information préalable des représentants des salariés lorsque le projet annoncé est susceptible d'avoir des incidences importantes sur les conditions de travail ou l'emploi.
(Au titre de la prévention des licenciements vous avez prévu :
-Une incitation à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pour adapter les salariés en permanence aux évolutions de l'entreprise ;
-Une obligation de conclure un accord sur les 35 heures avant d'envisager des mesures de licenciement, et, à défaut, d'engager des négociations de bonne foi sur ce sujet.
(Au titre, enfin, de l'amélioration du plan social et des obligations de reclassement le projet de loi prévoit:
-le renforcement des obligations pesant sur les entreprises s'agissant des mesures que doit comporter un plan social, en fixant le principe d'adaptation du contenu du plan social aux moyens de l'entreprise et en rendant obligatoire des propositions de reclassement avant toute décision de licenciement;
-des mesures de réduction du volume d'heures supplémentaires dans le cadre du plan social afin d'éviter des licenciements.
3. Les nouvelles propositions du gouvernement
Depuis la première lecture en janvier, j'ai eu l'occasion de faire le 24 avril dernier devant votre commission des affaires sociales, à l'invitation de Jean LE GARREC, un certain nombre de propositions nouvelles pour compléter la législation sur le licenciement économique. Conformément aux orientations annoncées par le Premier Ministre, ces propositions s'ordonnent autour de 3 axes :
1/Renchérir le coût des licenciements pour motif économique et donner la possibilité aux représentants du personnel de discuter du bien-fondé des projets de restructuration des entreprises.
2/Améliorer l'efficacité et la qualité du plan social.
3/Faire contribuer les plus grandes entreprises à l'effort de réactivation des bassins d'activité des sites totalement ou partiellement fermés.
Je voudrais revenir en détail sur ces propositions.
1/ Renchérir le coût des licenciements pour motif économique et donner la possibilité aux représentants du personnel de discuter du bien-fondé des projets de restructuration des entreprises.
Il est d'abord prévu pour les licenciements économiques, un doublement du montant de l'indemnité légale de licenciement est proposé. Le taux de cette indemnité est en effet non révisé depuis 22 ans. Il est d'un dixième de mois de salaire par année d'ancienneté, majoré d'un quinzième de mois au-delà de 10 ans,.
Je fais observer que cette amélioration de l'indemnisation bénéficiera à tous les salariés licenciés pour motif économique, quel que soit leur nombre et la taille de l'entreprise.
Pour les moyens donnés aux représentants du personnel.
Afin de s'assurer que les organes de direction des entreprises (CA et conseil de surveillance) ont bien mesuré l'ensemble des enjeux des décisions qu'ils s'apprêtent à prendre, les conséquences sociales et territoriales des restructurations envisagées par le chef d'entreprise devraient être obligatoirement présentées devant ces organes, c'est une modification du code du commerce.
L'amélioration des conditions du dialogue social au sein de l'entreprise est indispensable. Il convient à ce titre de mieux distinguer la phase de discussion contradictoire sur le bien-fondé des mesures de restructuration envisagées de celle qui porte sur la procédure de licenciement pour motif économique elle-même .
Ainsi, la consultation prévue par le livre IV du code du travail se déroulerait avant l'ouverture de la procédure du livre III, un minimum de deux réunions serait prévu et un droit d'expertise à la charge de l'entreprise ouvert pour le comité d'entreprise.
A l'issue de cette phase de débat , si le chef d'entreprise décide de maintenir son projet, les exigences de qualité du plan social seront renforcées.
2/ Améliorer l'efficacité et la qualité du plan social
Il s'agit là aussi de mesures qui concerneront tous les salariés menacés de licenciement et qui améliorent leur protection dans toutes les entreprises. C'est un " plus " y compris pour celles dont les pratiques sociales sont les plus élaborées .
Il s'agit d'abord de créer un droit effectif au reclassement.
L'idée d'une adéquation entre les mesures de reclassement contenues dans le plan social et les moyens de l'entreprise, principe jurisprudentiel déjà inscrit dans le texte voté en première lecture, pourrait être développée :
-s'agissant des grandes entreprises, les obligations de formation et d'aide au reclassement effectif des salariés seront accrues. Cela pourrait se faire au travers de la création d'un droit à un congé de reclassement maintenant le lien contractuel et favorisant le reclassement effectif du salarié ;
-pour l'ensemble des autres entreprises, au-delà des obligations actuelles, un dispositif de bilan de compétence et d'orientation et d'aide au reclassement, pourrait être organisé pendant la période de préavis ;
-les modalités de financement de ces deux dispositifs, à la charge des entreprises, pourraient être précisées par les partenaires sociaux dans un accord interprofessionnel ;
-l'offre de reclassement pourrait faire l'objet d'un encadrement protecteur pour le salarié, en prévoyant notamment une forme écrite systématique.
Pour renforcer le contrôle et le suivi des plans sociaux.
le contrôle des plans sociaux par l'administration du travail sera amélioré :
-avec l'allongement des délais impartis à l'administration pour constater la carence du plan social, en renvoyant cette intervention avant la dernière réunion du comité d'entreprise, afin de lui permettre d'examiner de façon approfondie la qualité du plan social proposé ;
-avec l'exigence d'une réponse aux suggestions d'amélioration du plan social présentées par l'administration en interdisant à l'employeur de notifier les licenciements en cas de non-réponse.
Un suivi de l'application effective des plans sociaux et du respect des engagements de l'entreprise sera organisé :
-avec la publication des décrets d'application de la loi du 4 Janvier 2001 (dite loi Robert HUE) sur le contrôle des aides publiques et la mise en place des structures locales et du droit d'intervention du comité d'entreprise prévu par le texte ;
-par le renforcement des droits du comité d'entreprise qui se verrait désormais consulté et non plus seulement informé, et cela de façon régulière , sur l'exécution du plan social ;
-par la mise en place systématique de structures de suivi spécifiques dans le cadre des plans sociaux concernant les grandes entreprises, au sein desquelles l'administration du travail serait représentée.
3/ Faire contribuer les plus grandes entreprises à l'effort de réactivation des bassins d'emploi des sites totalement ou partiellement fermés
Il s'agit là d'une novation essentielle qui, au-delà des obligations déjà inscrites dans le code du travail, mais de façon laconique sous les termes " créations d'activités nouvelles ", vise à affirmer et organiser la responsabilité des grandes entreprises à l'égard des territoires qu'elles délaissent en fermant totalement ou partiellement des sites.
Les plus grandes entreprises et les groupes se verraient imposer des obligations nouvelles en matière de contribution à la réactivation des bassins d'emploi affectés par les restructurations. Cette contribution figurerait parmi les mesures du plan social, soit sous forme de mesures engagées par l'entreprise elle-même par exemple sous la forme d'aide à la création d'activités, d'essaimage, soit sous la forme de conventions passées avec des organismes spécialisés ou encore sous les deux formes.
Outre ces modifications législatives, que j'avais déjà présentées à votre Commission des Affaires Sociales, le 24 avril, je vais vous présenter d'autres évolutions importantes.
Elles sont le fruit de la large concertation que j'ai mené ces derniers jours avec de nombreux responsables politiques et syndicaux. Ces innovations supplémentaires sont les suivantes.
Il s'agit de l'intégration dans la loi de la jurisprudence dite " samaritaine " de 1997 qui permet au juge de prononcer la nullité du licenciement et d'ouvrir droit à la réintégration du salarié, si celui-ci le souhaite, lorsque le juge a décidé la nullité du plan social.
J'ai souhaité également prévoir une procédure spécifique d'information entre les entreprises donneuses d'ordres et les entreprises sous-traitantes, afin que ces dernières ne soient pas contraintes de réagir au dernier moment lorsque l'entreprise pour laquelle elles travaillent procède à des restructurations entraînant des conséquences sur leur plan de charges.
Je pense aussi que la dénomination de " plan social " mérite d'être abandonnée. Elle est confuse et ne correspond pas à la réalité. L'objet du plan social comme je l'ai déjà indiqué est d'éviter au maximum les licenciements. Il est de protéger les salariés. C'est pourquoi je propose que l'on dénomme ce plan social plan de sauvegarde de l'emploi.
Enfin, il faut admettre que l'administration du travail puisse intervenir plus efficacement dans l'élaboration, la discussion du plan de sauvegarde l'emploi. C'est pourquoi, je propose que l'inspecteur du travail, dès lors qu'il constate une insuffisance du plan proposé par l'employeur, puisse demander à celui-ci d'organiser une nouvelle réunion du comité d'entreprise afin d'améliorer le plan de sauvegarde de l'emploi.
Telles sont, Mesdames et Messieurs les députés, les mesures que nous vous proposons d'examiner, pour répondre aux attentes qu'expriment les salariés menacés dans leurs emplois, et, avec eux l'opinion publique.
Je crois que ce sont des mesures fortes, protectrices du droit à l'emploi, mais respectueuses de la responsabilité des partenaires sociaux dans les entreprises à qui il revient de trouver les solutions de conciliation entre les nécessités de restructuration et le respect des droits sociaux. Et ce, dans un équilibre de pouvoirs et d'obligations amélioré.
* * *
Je ne veux pas oublier les autres mesures fortes qui viendront compléter ce dispositif de prévention des licenciements, notamment en matière de lutte contre la précarité des emplois. Le débat en première lecture avait déjà permis de décider un nombre conséquent d'avancées, que je rappelle brièvement :
-augmentation de la prime de précarité versée au salarié en fin de CDD ;
-modification du mode de calcul du délai de carence entre deux contrats pour exclure le week-end de ce calcul ;
-renforcement des sanctions pénales en cas de non-respect du principe d'égalité de rémunération entre salarié sous contrat temporaire et salarié sous CDI sur le même poste de travail ;
-possibilité pour le salarié sous CDD ou en mission d'intérim de rompre le contrat s'il justifie d'une embauche en CDI ;
-information des travailleurs en CDD ou en intérim, par le chef d'entreprise, de la liste des postes sous CDI de l'entreprise lorsqu'un tel dispositif existe dans l'entreprise pour les salariés sous CDD.
À ces mesures, qui constituent déjà des progrès importants au bénéfice des salariés précaires, le Gouvernement proposera d'ajouter la mise en place d'un droit d'alerte du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel en cas de recours abusif au travail précaire ; ce droit d'alerte pourra déboucher sur l'obligation faite à l'employeur, sur notification de l'inspecteur du travail, d'élaborer un plan de résorption de la précarité.
Le Gouvernement vous proposera également de prévoir que l'utilisation des quatre points d'augmentation de la prime de précarité puisse faire l'objet d'un accord entre partenaires sociaux, afin de consacrer tout ou partie de cette majoration à l'amélioration de la formation des salariés sous CDD.
Un autre sujet important a été intégré principalement par la voie d'amendements parlementaires : je veux bien entendu parler du harcèlement moral au travail. Il s'agit d'une situation douloureuse et complexe. Je me félicite d'ailleurs de la qualité des débats que nous avons eus ici même en première lecture, ainsi qu'au Sénat. Nous avons travaillé progressivement, en introduisant d'abord une définition puis, en nous appuyant sur les travaux du Conseil Economique et Social, afin de nous doter de moyens de prévention et de sanctions. Ce travail mérite encore certainement d'être approfondi ; votre commission a d'ailleurs formulé quelques propositions dont nous débattrons plus tard. Je crois que nous aurons au final franchi une étape importante et même déterminante pour l'amélioration des conditions de travail d'un nombre important de nos concitoyens.
J'en arrive à présent au chapitre relatif à la formation professionnelle. Concernant la validation des acquis de l'expérience, si un certain nombre de modifications apportées par le Sénat nous paraissent pouvoir être retenues, dans l'ensemble nous préférons revenir au texte adopté en première lecture par l'Assemblée. Un seul point a fait l'objet de deux amendements du Gouvernement : il s'agit des procédures de validation proprement dites qui ont été introduites au niveau de la loi par le Sénat, et sur lesquelles l'avis du Gouvernement diffère quelque peu de celui de votre commission, mais nous en reparlerons.
Pour l'apprentissage, en dehors de modifications rédactionnelles, le Gouvernement vous propose d'introduire dans la loi deux dispositions : l'une concerne l'obligation pour l'entreprise de s'acquitter d'abord du coût de formation de son apprenti avant de verser la taxe à un collecteur, l'autre à définir par arrêté, donc par une voie réglementaire rapide, le montant minimum de ressources dont un CFA doit pouvoir disposer.
S'agissant des instances de la formation professionnelle, le gouvernement soutiendra les dispositions nouvelles introduites par Gérard LINDEPERG, notamment en ce qui concerne le maintien du comité interministériel de la formation professionnelle et son groupe permanent de hauts fonctionnaires : ce n'est pas le moment de supprimer, comme le Sénat le propose, la seule instance où les départements ministériels peuvent se concerter en vue de définir une ligne de conduite cohérente pour la politique de l'Etat en matière de formation professionnelle. Mon intention est de réactiver la concertation entre ministères, et non d'y mettre fin.
J'en viens à présent aux dispositions du titre 1. Je veux souligner une nouvelle fois les avancées importantes que comporte ce texte et souligner les points sur lesquels, j'en suis certaine, le texte s'enrichit et s'enrichira de nos débats.
Pour l'hôpital tout d'abord, le Gouvernement tient les engagements qu'il a pris à l'égard des personnels de la fonction publique hospitalière en créant par la loi l'obligation, pour chaque établissement public de santé, de disposer d'un projet social inscrit dans le projet d'établissement. Le Sénat a adopté un amendement qui tend également à soumettre à cette obligation les établissements de santé privés participant à l'exécution du service public hospitalier. Le Gouvernement y est favorable. Je me félicite par ailleurs que l'article 2 ait été voté conforme. Il élargit le bénéfice du bilan de compétences aux personnels de la fonction publique hospitalière.
Votre commission a décidé d'améliorer et de compléter les propositions du Sénat pour faciliter la coopération hospitalière. Les dispositions proposées répondent effectivement sur le terrain à la nécessité de mieux organiser la réponse aux besoins de la population.
S'assurer que les praticiens et les personnels hospitaliers exercent leur métier dans un environnement favorable pour ce qui est de leurs conditions de travail, de leur formation ou de leurs qualifications, est un volet essentiel de la modernisation de l'hôpital et, partant, de la qualité des soins prodigués aux malades.
La réforme des études médicales fait de la médecine générale une spécialité médicale à part entière. Tous les étudiants ayant validé leur 2ème cycle accéderont à l'internat, à travers un nouveau concours. Cette réforme est très attendue de la communauté médicale, donnant ainsi à l'ensemble des praticiens, y compris les médecins généralistes, un niveau de formation élevé.
Ainsi, comme prévu, après avoir réformé les 2ème et 3ème cycles, le Gouvernement s'attellera à la réforme du 1er cycle, qui cette fois concernera l'ensemble des professionnels de santé.
Par ailleurs, un certain nombre de dispositions concernant les médecins, les chirurgiens et les pharmaciens à diplômes étrangers, va permettre de régulariser des situations individuelles de praticiens dont on connaît la qualité professionnelle et l'apport au bon fonctionnement de l'hôpital public.
Ce sont également nos dispositifs de solidarité nationale qu'il faut adapter et compléter pour répondre aux enjeux sociaux d'aujourd'hui.
Quelques dispositions concernent des personnes dont l'accès aux soins est difficile. Je pense tout d'abord à l'article concernant nos compatriotes résidant à l'étranger. Cet article 8 comporte parmi ses dispositions principales la création d'un tarif préférentiel grâce auquel nos compatriotes expatriés dont les revenus sont modestes pourront adhérer à la Caisse des Français de l'Etranger, et ainsi bénéficier d'une couverture maladie de qualité. A l'initiative de sénateurs de tous les bancs à la Haute assemblée, des amendements ont enrichi ces dispositions.
Pour ce qui concerne la réforme du contentieux technique de la sécurité sociale, le Gouvernement a décidé, à la suite notamment des débats au sein de votre assemblée, d'introduire un amendement au Sénat pour compléter cette réforme. Je veux souligner l'importance de cet amendement qui, par parallélisme avec la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT), met également en conformité les juridictions de première instance avec l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme.
Le texte qui revient en discussion aujourd'hui comporte également un article important pour l'accueil familial des personnes âgées et handicapées. Cet accueil est une alternative précieuse au maintien à domicile, qui n'est pas toujours possible, et à l'hébergement en établissement, qui n'est pas toujours désiré par les personnes concernées. L'article 14 du projet de loi renforce considérablement les droits sociaux des familles accueillantes, notamment en garantissant le bénéfice de congés payés et en fixant au niveau du SMIC la rémunération minimale. Il assure également aux personnes âgées ou handicapées les conditions d'un accueil de qualité, en précisant les conditions de l'agrément des familles et de son renouvellement.
Le Gouvernement a donné son accord au Sénat pour compléter les dispositions du présent article en ouvrant la possibilité aux personnes morales de droit public ou de droit privé gérant des institutions sociales et médico-sociales de passer, avec l'accord du Conseil Général, des contrats de travail, distincts du contrat d'accueil, avec des personnes accueillant des personnes âgées ou handicapées.
Je voudrais enfin souligner qu'en dépit de l'opposition du Gouvernement, la majorité sénatoriale a décidé d'abroger un certain nombre de dispositions du projet que vous avez examiné en première lecture. La portée de ces modifications ne peut nous laisser indifférent car il s'agit souvent de mesures fortes en matière de progrès social.
Je mentionnerai tout particulièrement le fait que le Sénat a souhaité revenir sur l'abrogation de la loi THOMAS sur les fonds de pension. Une fois encore, le Gouvernement entend réaffirmer son attachement à notre système de retraite de répartition, qui est fondé sur les principes de solidarité entre tous les Français et entre les générations. C'est pourquoi je remercie votre commission d'avoir par amendement rétabli l'abrogation de la loi Thomas, souhaitant que cette position soit définitivement validée par le Parlement.
* * *
Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je souhaitais dire en ouverture de cette seconde lecture du projet de loi de modernisation sociale.
Je vais souligner pour terminer que les dispositions de ce projet de loi sont attendues par de nombreux acteurs sociaux, parce qu'elles créent de nouveaux droits, améliorent la qualité de certains services et qu'elles protègent les droits des salariés.
L'actualité démontre à présent le niveau d'exigence qui pèse sur notre débat. Je crois que le Gouvernement a fait preuve de responsabilité en vous faisant des propositions très fortes pour répondre aux attentes qui se sont exprimées ces dernières semaines.
Je compte à présent sur l'engagement de votre assemblée et principalement sur l'engagement de toute la majorité pour faire aboutir ces réformes attendues de modernisation sociale, car ce sont des progrès qui sont à partager.
Je vous remercie.
(source http://www.social.gouv.fr, le 30 mai 2001)