Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, président du groupe groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche à l'Assemblée nationale, sur le travail parlementaire et notamment le droit d'amendement des parlementaires, à l'Assemblée nationale le 20 janvier 2009.

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Circonstance : Débat parlementaire sur le projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, à l'Assemblée nationale le 20 janvier 2009.

Texte intégral

Mes chers collègues,
A notre demande, nous abordons dès cette séance la discussion de l'article 13.
Chacun le sait bien, il est le coeur du débat autour de cette loi organique. Il instaure un crédit global qui menace le droit pour l'opposition comme pour chaque député d'amender et de défendre ses amendements.
Cette crainte a été exprimée par les députés SRC et GDR mais pas exclusivement. Je vous renvoie aux expressions de Daniel Guarrigue, Lionel Tardy (UMP), Thierry Mariani, Hervé Mariton ou Henri Cuq pour ne reprendre que ceux qui ont exprimés publiquement leurs réticences.
Comment le gouvernement se justifie-t-il ?
Sur son site Internet, on retrouve un argumentaire qui établit un parallélisme entre les limitations apportées à l'usage du 49-3 et par voie de conséquence, les possibles dérives de l'agenda parlementaire, ce qui suppose d'enfermer nos débats dans un « temps programmé ».
Comme cela a pu être observé par un observateur attentif de nos institutions (Patrick Roger sur le Monde.fr) ce parallélisme « revient à accréditer l'idée que par le biais de l'instauration du crédit temps, l'exécutif entend se dédommager de la concession faite lors de la réforme constitutionnelle » de juillet. En d'autres termes, ce qui a été donné d'une main nous est maintenant repris de l'autre. Ce qui nourrissait le discours du gouvernement sur un rééquilibrage des institutions au profit du Parlement nous est maintenant retiré.
Pour cette raison notre demande est la suppression de l'article 13.
C'est sur cette base que nous entrons dans le débat. En même temps nous ne sommes pas sourds. J'ai eu plusieurs conversations pendant le week-end avec le président de notre assemblée. J'ai eu le sentiment lors de nos échanges que nous pouvions partager ensemble le souci de parvenir à un fonctionnement négocié de notre assemblée. Ce qui signifie maintenant que chacun doit montrer sa disponibilité réelle à un accord.
Je veux donc vous faire une proposition.
Puisque le gouvernement établit un strict parallèle entre le crédit temps et la limitation de l'usage du 49-3, acceptons-en la logique.
Aujourd'hui le gouvernement pourra faire usage du 49-3 à 8 reprises chaque année. A 8 reprises ! Je n'invente rien. Je vous renvoie à nos débats de juillet
C'est Roger Karoutchi qui a déclaré le 24 juin - je le cite - que « il est possible de gouverner en restreignant l'usage du 49-3 au projet de loi de finances, au projet de loi de financement de la sécurité sociale ainsi qu'à un texte en session ordinaire et éventuellement à un autre en session extraordinaire ». Le texte adopté de la constitution fait référence à un « projet ou proposition de loi par session ». En 2008 le gouvernement aurait donc pu utiliser le 49-3 sur les deux lois de finances et une fois lors des trois sessions, une ordinaire et deux autres extraordinaires, c'est-à-dire au total à 5 reprises.
Mais les droits d'usage du 49-3 ne sont pas restreints à 5. Je vous renvoie au rapport de Jean-Luc Warsmann qui précise que - je cite encore - « cette faculté (le 49-3) pourra être ouverte mais pas nécessairement pour une seule lecture, ce qui signifie qu'un même texte pourra être adopté à chaque stade de son examen par l'Assemblée nationale grâce au recours à l'art 49-3, que ces différentes lectures interviennent au cours de la même session ou au cours de deux sessions ».
Si je compte bien, en 2008, le gouvernement avait donc la possibilité d'utiliser le 49-3 à 8 reprises[ il n'y a pas de 2e lecture sur les lois de finances et de financement de la sécurité sociale.].
Nous pourrions demander un parallélisme absolu et souhaiter que chaque président de groupe dispose d'un droit de veto, 8 fois par an, pour empêcher l'application du crédit global et ouvrir une discussion classique.
Nous ne le demandons pas. Nous vous faisons une proposition extrêmement raisonnable. Nous voulons simplement que chaque président de groupe puisse lever cette contrainte du crédit global à 4 reprises chaque année. C'est-à-dire la possibilité d'exercer un droit d'alerte sur quatre textes maximum.
Si vous pensez vraiment que ce texte n'a pas vocation à museler l'opposition, qu'il n'a pas pour unique vertu de mettre au pas toute contestation ou résistance - qu'elle vienne de la gauche ou de voix discordantes à droite - alors la pratique que vous aurez du crédit global lèvera nos soupçons et nos préventions. Le droit de veto deviendra alors exceptionnel et tombera progressivement en désuétude.
A l'inverse, si la mise en oeuvre du crédit global devait trouver une application très contraignante par ce gouvernement ou un autre qui lui succèderait, chacun d'entre nous serait heureux de trouver à disposition du débat démocratique ce droit de veto.
Il n'est pas imaginable de faire dépendre exclusivement de la majorité le temps de parole de l'opposition.
Voilà mes chers collègues, je pense vous avoir démontré que nous ne sommes pas fermés à toute avancée. Le président Accoyer a manifesté sa sagesse en ouvrant une porte à la discussion. Nous vous faisons une proposition concrète. Un accord est possible. C'est à vous maintenant de saisir la main qui vous est tendue. Si tel n'était pas le cas, je laisserai aux observateurs le soin d'interpréter votre refus.
Source http://www.deputessocialistes.fr, le 22 janvier 2009