Déclaration de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur les enjeux et la portée du projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle Environnement, à l'Assemblée nationale le 8 octobre 2008.

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Circonstance : Présentation du projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle Environnement, à l'Assemblée nationale le 8 octobre 2008

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Voici donc venu le temps du Parlement. Le temps pour le Parlement d’apprécier le diagnostic du Grenelle de l’Environnement, de fixer le cadre, les objectifs, le calendrier et les moyens de parvenir et d’accompagner une mutation sans précédent par son ampleur et par sa vitesse de notre économie, de notre modèle énergétique, de nos modes de consommation et de production, et de notre société. Temps du Parlement qui n’est évidemment pas un collège de plus du Grenelle de l’Environnement même s’il a été associé tout au long du processus dans les groupes de travail, dans les comités opérationnels, dans les groupes de suivi parlementaires, dans les commissions, mais bien le dépositaire ultime de ces conclusions, celui qui fixe de façon définitive et irrémédiable, le cap et la stratégie de la Nation, de chacun de ses acteurs, à un moment clef de l’histoire de notre pays, de l’Europe et du Monde. Permettez-moi d’abord de remercier et d’exprimer ma gratitude aux membres de la Commission des Affaires économiques, à son Président Patrick OLLIER, à son rapporteur, Christian JACOB, pour tout le travail accompli ces dernières semaines. J’associe également à ces remerciements le député Eric DIARD, rapporteur pour avis de la Commission des lois pour la qualité de ses propositions.
Pourquoi un Grenelle de l’Environnement, et qu’a-t-il été au fond ? Le Grenelle est né d’un événement, d’une volonté politique, d’un constat et d’une conviction.
L’événement est indiscutablement le Pacte écologique porté par Nicolas HULOT pendant la campagne présidentielle, qui a cristallisé un long processus réunissant de nombreux acteurs depuis de nombreuses années, scientifiques et associatifs dépassant tous les clivages politiques.
La volonté politique, c’est celle du Président de la République, déterminé à prendre à bras le corps cette révolution incontournable, volonté qui s’est traduite par deux décisions :
- La première c’est la création d’un Ministère organisant les décisions en matière de transport, d’énergie, d’urbanisme, de biodiversité, des mers et des océans, des infrastructures, de l’écologie de façon non contradictoire et parfaitement intégrée afin de modifier en profondeur l’action publique et mettre le développement durable au coeur de toute action.
- La deuxième c’est la nécessité de faire un diagnostic, une radiographie en profondeur de notre société, de nos modes de production et de consommation, de nos pratiques, de nos processus de décision, de nos modes de construction, des villes, des bureaux et des logements, de nos modes de transport, de nos modes de production agricole.
Une conviction enfin, celle que nous entrons dans un nouveau monde. Nous avons vécu un siècle et demi dans l’illusion de la profusion des ressources naturelles et des matières premières, de l’eau, des forêts, d’un climat stable, d’un air sans CO2, d’une biodiversité infinie, sans cesse renouvelée, de terres fertiles et agricoles, permettant une urbanisation sans fin. Oui, nous avons vécu dans une forme d’aveuglement, sans réaliser que tous nous actes de production et de consommation nécessitaient de prélever sur les fruits de la nature plus que celle-ci ne pouvait reconstituer. Et pourtant, bien sûr, tour à tour et sur des sujets différents, d’aucuns s’inquiétaient, lançaient des cris d’alarme.
Le GIEC sur le climat alors qu’on sait aujourd’hui, que la situation est plus grave que son scénario le plus pessimiste. D’autres, scientifiques tels Hubert REEVES, passionnés tels Jean-Louis ETIENNE, figures du monde associatif ont alerté sur la fonte des glaces au pôle du Nord et sur le réchauffement des mers. D’autres encore, comme FNE, la LPO, Greenpeace, WWF, ont alerté sur la biodiversité alors même qu’une espèce vivante sur huit est menacée de disparition. D’autres encore ont alerté sur l’assèchement du lac TCHAD, de la mer Morte, du lac Baïkal, sur la déforestation accélérée en Afrique. D’autres ont alerté sur l’après pétrole, sur ses conséquences économiques et sociales dans une société fondée sur les ressources fossiles, permettant la multiplication par quatorze des besoins énergétiques depuis 50 ans. D’autres ont alerté sur l’impossibilité pour les grands pays émergents de fonder leur croissance sur le même modèle que le nôtre et sur l’obligation pour les pays industriels de montrer l’exemple. D’autres aussi et parfois les mêmes ont alerté sur la crise alimentaire, sur les ressources en eau, ou encore sur l’étalement urbain. D’autres enfin ont alerté sur la production de déchets qui sont en train de provoquer l’émergence d’un 7ème continent dans le Pacifique. D’autres ont décrit les nouvelles migrations climatiques, les émeutes de la faim, l’état des fleuves et des rivières, partout dans le monde, y compris en France.
Et dans le même temps, d’autres niaient l’évidence, opposaient l’écologie à l’économie, le progrès social ou la puissance industrielle avec cette mutation nécessaire. Le débat était mal posé provoquant des affrontements réducteurs et faciles et au fond de cela, en réalité, un certain découragement sur le mode opératoire. Il était plus facile d’être dans le déni ou dans le mépris de l’autre, de lancer des anathèmes plutôt que d’élaborer avec tous les acteurs de la société un diagnostic à la fois réel, sincère et sans concession afin de trouver les moyens acceptables, partagés par tous, d’assumer cette transition.
Le Grenelle c’est d’abord ça : une radiographie en profondeur de notre société, de nos modes de production et de consommation, de notre organisation territoriale, de nos modes de gouvernance, de nos objectifs et des moyens réalistes d’y parvenir.
Et puis le Grenelle c’est une conviction sur une méthode : aucun corps social n’a seul la capacité de faire ce diagnostic et encore moins, aussi puissant soit-il d’imposer aux autres corps de la société, les solutions résultant de ce diagnostic.
Alors, oui, le Grenelle, a d’abord été la plus grande opération de radiographie collective et démocratique jamais faite par un pays occidental, commençant par un travail de diagnostic très en profondeur, réunissant des scientifiques, des économistes, des biologistes, des syndicalistes, des politiques, des acteurs engagés dans plusieurs milliers d’heures de discussions approfondies. Puis, un débat plus large : 14 000 contributions sur Internet, 300 000 internautes intervenants sur le forum du Grenelle, 15 000 participants à 19 réunions régionales pour aller au-delà des slogans, au-delà des raccourcis, au-delà des anathèmes, au-delà des réponses faciles.
Permettez-moi d’ailleurs de rendre hommage, à ces centaines d’experts et de spécialistes, qui dans des groupes de travail, dans l’anonymat le plus total, pour l’intérêt supérieur de notre pays et probablement de bien plus encore, n’ont ni compté leur peine, leurs échanges, faisant parfois évoluer leur point de vue pour rentrer à fond et au fond de ce débat, de ce diagnostic et pour dégager des pistes de solutions. La synthèse de ces travaux a ensuite fait l’objet d’une table ronde finale réunissant les entreprises françaises, les syndicats, les collectivités territoriales, les ONG et l’Etat. Ce fut le compromis du possible, validé pour l’essentiel par le Président de la République en présence de deux Prix Nobel de la Paix et du Président de la Commission européenne BARROSO. Compromis du possible où chacun était convaincu que le corps social qu’il représentait devait s’impliquer, devait accepter les compromis qui permettaient aux autres d’avancer au même rythme que lui.
Ce Grenelle, c’est la conviction d’une méthode, selon laquelle la mutation est tellement vaste et touche tellement de sujets de la société en même temps, qu’elle ne peut se faire que par la mise en mouvement de tous les acteurs.
Alors ce projet de loi est pour l’essentiel la reprise des conclusions du Grenelle Environnement, de ses propositions, de ses financements et de son calendrier, sous forme législative.
Ne vous laissez pas abuser par ceux qui n’y ont pas directement participé, ou par ceux qui ayant participé ne se souviennent que de leurs suggestions initiales et non pas de l’accord final. Ce travail de complexité a été fait puis prolongé et approfondi au sein de 33 comités opérationnels qui ont rassemblé plus de 1200 personnes, élus, professionnels, syndicalistes, salariés, entreprises dans l’objectif de dénouer tous les pièges opératoires, d’élaborer tous les processus opérationnels pour rendre le Grenelle techniquement réaliste, techniquement crédible, bref, techniquement possible. Aujourd’hui, ce travail gigantesque de la Nation toute entière revient devant le Parlement qui va devoir maintenant trancher, et donner au pays un cap clair, une feuille de route précise, avec des objectifs chiffrés, un calendrier et les moyens d’y parvenir.
Et ce n’est pas un hasard si dans le sondage SOFRES du 2 et 3 octobre 2008, 88% des Français considèrent que la méthodologie du Grenelle, ce mode de concertation, de rapprochement des points de vue, d’acceptation et de gestion des contradictions, est non seulement approuvé mais également souhaité pour d’autres chantiers économiques et sociaux. Alors bien sûr que tout ceci est complexe car on voit que l’économie et la technique seules ne suffiront pas à résoudre cette équation à plusieurs inconnues sans un travail essentiel sur les causes. Complexe parce que cette feuille de route doit réconcilier tous les acteurs de la société autour d’un projet commun, une société sobre en carbone, une société respectueuse de la nature et des fruits de la nature, une société réconciliant enfin le progrès et l’avenir. Complexe aussi parce qu’il s’agit d’atteindre la plus haute ambition possible en faisant progresser tous les acteurs en même temps. Complexe parce qu’on voit qu’on se situe bien au-delà d’un champ de compétence unique, bien au-delà de la seule sphère publique ou d’un ministère de la spécialité. Complexe enfin parce que cette mutation est tellement vaste qu’elle s’inscrit dans des échelles de temps incroyablement différentes.
Mais derrière ce diagnostic sans concession et parfois franchement alarmiste, il y a eu une conviction unanime, celle que nous pouvions changer radicalement la donne et répondre à cette urgence écologique. Et derrière ce constat du Grenelle, est apparue la possibilité d’une autre croissance, celle de l’efficacité, de la sobriété, de l’autonomie énergétique, celle de l’indépendance par rapport à des cours mondiaux qu’on ne maîtrise pas, celle de l’indépendance par rapport à des rentes de situation énergétiques et financières qui sont responsables d’une partie des déséquilibres actuels,…Oui, je crois qu’il y a un accord unanime de tous les acteurs du Grenelle, quelque soit le corps social qu’ils représentaient pour approuver les propos de Nicolas HULOT disant : « que la crise écologique constituait un horizon dépassable de l’Humanité ; qu’elle constituait aujourd’hui le centre de gravité de nos sociétés, l’occasion unique de réussir ce sur quoi nos sociétés ont peiné et échoué jusqu’ici, à savoir la combinaison de l’efficacité économique, de la solidarité sociale et de la vie démocratique ».
Cette feuille de route qui vous est proposée est à la fois un mode de gestion de la rareté inéluctable de certaines ressources mais aussi de la recherche de nouvelles formes d’abondance, parce que la force des marées est abondante, parce que le vent est abondant, parce que le soleil est abondant. Cette feuille de route doit permettre à notre société de faire un saut qualitatif ; au fond, la croissance verte ou sélective, est le chemin le plus court et le plus sûr vers une société de qualité : qualité de vie, qualité de l’air, qualité de l’air, qualité de l’alimentation, des biens et des services. Permettez-moi de dire que la crise financière que nous connaissons aujourd’hui, au-delà de son caractère conjoncturel, implique inéluctablement que le monde se tourne vers cette nouvelle croissance.
Il y a unanimité aussi pour penser que l’enjeu écologique est un facteur clef de la compétitivité de nos entreprises, parce qu’une économie qui consomme globalement moins d’énergie est nécessairement une économie qui dépense moins d’argent ; parce que les relais de croissance de demain, ils sont là, dans le bâtiment, dans les ENR qui représenteront près de 16% de l’emploi dans dix ans, dans le traitement de l’eau ou des déchets ; parce que les produits les plus compétitifs ou les plus demandés par les consommateurs seront les produits les plus sobres en carbone et en énergie. Ne nous trompons pas, le marché ira plus vite que nous et nous devons accompagner nos entreprises : déjà, dans l’automobile, la compétition ne porte plus sur le design ou sur la puissance des moteurs, mais sur la sobriété en carburant ; parce que le monde entier est sur ce combat là, la Chine, l’Inde, le Canada, les Etats-Unis…
Et puis enfin, nous sommes tous engagés dans le même projet de société, un projet du respect de l’autre, un projet où le libre échange laisse la place au juste échange, un projet où la certitude de la rareté laisse la place à la possibilité de l’abondance, un projet où chaque territoire, chaque région et chaque continent bénéfice d’une chance réelle et loyale de développement.
? A partir de là, il y a le Grenelle visible, celui qui a déjà commencé, et les premières décisions prises.
C’est l’arrêt du projet d’orpaillage de la Montagne de KAW, le 31 janvier 2008, pour protéger ce sanctuaire avec au fond, cette idée forte dans sa simplicité, que la France devait assumer pleinement et sereinement, sa responsabilité universelle de laboratoire du vivant dans toutes ses collectivités d’Outre-mer.
C’est le basculement progressif et volontaire de secteurs entiers de notre économie dans le développement durable.
- L’industrie aéronautique qui décide de réduire de 50% ses émissions de CO2, de 50% le bruit perçu et de 80% ses émissions de NoX.
- La grande distribution qui s’engage à augmenter la part du bio de 15% dans ses rayons et de réduire de 10% le volume des emballages.
- Les professionnels de la publicité qui élaborent, en étroite concertation avec les ONG, de nouvelles règles de déontologie.
- Les professionnels de l’immobilier qui choisissent de généraliser l’affichage du diagnostic de performance énergétique des logements.
C’est la loi sur la responsabilité environnementale du 22 juillet 2008 qui pour la première fois, reconnaît l’existence d’un préjudice écologique totalement déconnecté du préjudice économique ; qui pour la première fois depuis la catastrophe de l’ERIKA fait dire à notre droit « oui, la biodiversité a un prix », « oui, elle rend des services à la collectivité ».
C’est l’expérimentation du bonus écologique sur les voitures avec un déplacement massif, de près de 40%, du marché vers les véhicules les plus propres et les plus faiblement émetteurs. Bonus écologique qui a permis de réduire de 9g en 9 mois les émissions moyennes des véhicules alors que le rythme était plutôt de 1g tous les ans. Nous allons donc désormais dix fois plus vite. Et les constructeurs français sont déjà en train de concevoir de nouveaux modèles, en avance sur le calendrier parce qu’on sent bien que le marché a totalement changé de physionomie.
C’est la circulaire du Premier ministre sur l’Etat exemplaire…
Mais le Grenelle visible c’est surtout ce texte fondateur, ce cap, ce changement radical de stratégie qui vous est proposé dans les transports, dans l’énergie, dans l’aménagement urbain, dans la construction, dans l’agriculture : la division par quatre de nos émissions de CO2 entre 1990 et 2050, la réduction de 38% de la consommation énergétique dans le bâti existant, la baisse de 20% des émissions de CO2 dans les transports à l’horizon 2020, les 23% d’ENR dans le bouquet énergétique en 2020, 2% du territoire placé sous protection forte d’ici 10 ans, le bon état écologique des eaux à l’horizon 2015, 6% de la SAU en bio en 2013 et 20% en 2020, les 50% d’exploitations engagées dans une démarche environnementale en 2012, la trame verte et bleue…
Alors, bien sûr, on trouvera toujours des commentateurs pour dire qu’on ne va pas assez vite, qu’on ne va pas assez loin sur tel ou tel sujet ou sur tel ou tel chantier. Et puis, inversement, on trouvera toujours des gens pour dire qu’au contraire, on va beaucoup trop vite, beaucoup trop loin et beaucoup trop fort.
Ces interrogations ou ces inquiétudes ne doivent pas nous détourner de nos objectifs. Ce changement de stratégie, lourd, irréversible, que je vous propose aujourd’hui, se traduit de façon visible dans six grands chantiers :
- Le chantier thermique, la rénovation lourde des 4,2 millions de logement sociaux en commençant par les 800 000 les plus dégradés, des investissements annuels moyens de 16 milliards d’euros représentant près de 235 000 emplois d’ici 2020. C’est à terme, 20 milliards d’euros de travaux réalisés grâce à l’éco-prêt à taux zéro, pour un coût total pour l’Etat en rythme de croisière d’environ 1 milliard, soit un rapport de 1 à 20. C’est le crédit d’impôt développement durable qui représente une enveloppe d’1,5 milliards d’euros par an destinée aux travaux de rénovation thermique. C’est l’amélioration des dispositifs TEPA et PTZ dans le cas où un ménage décide d’acquérir un logement très performant sur le plan énergétique.
- C’est le chantier transport, la construction de 2000 km de lignes à grande vitesse supplémentaire, de 1500 kilomètres de lignes de transports collectifs dans nos villes avec un concours de l’Etat de 2,5 milliards d’euros sur une première tranche de 14 milliards, ce sont les autoroutes ferroviaires, les autoroutes maritimes pour un investissement total de 100 milliards d’euros d’ici 2020 et la création de près de 80 000 emplois.
- C’est le chantier énergétique, la décision de porter la part d’ENR à 23% de notre consommation d’énergie à l’horizon 2020, ce sont des investissements considérables et près de 220 000 emplois d’ici 2020. La prochaine programmation pluri annuelle des investissements qui vous sera proposée en sera la confirmation.
- Bref, les chantiers du Grenelle, représentent à terme plus de 400 milliards d’euros d’investissements injectés dans notre appareil de production industrielle d’ici 2020, 15 milliards d’euros de valeur ajoutée en moyenne par an, soit 0,8 point de croissance et 500 000 emplois à terme.
J’entends déjà ceux qui disent que ça coûte trop cher ou qu’on n’a pas les moyens. A ceux qui disent « ça coûte trop cher », je dis « non », car l’essentiel du processus est fondé sur des économies, des économies d’énergie, des économies de mobilité individuelle, des économies d’intrants et c’est par ces économies que nous financerons les nouvelles infrastructures, les travaux de rénovation thermiques grâce à un effet de levier massif. Parce que bien souvent, il s’agit d’engager des investissements rentables à la fois pour l’avenir et immédiatement, ou de substituer des investissements vertueux à des investissements non vertueux.
Et à ceux qui disent « vous n’avez pas les moyens », je réponds « faux ». L’ensemble des infrastructures et des moyens sont dans la loi de programmation et 13 des 24 mesures de la loi de finances initiales concernent directement des sujets Grenelle : l’éco-prêt à taux zéro, l’extension du crédit d’impôt développement durable, le verdissement de tous les dispositifs d’accession à la propriété, l’exonération facultative de taxe foncière sur les propriétés non bâties en faveur des modes de production biologiques, l’augmentation du crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique, l’instauration de la taxe poids lourds, la majoration du taux d’amortissement dégressif pour certains matériels des entreprises de première transformation du bois, le relèvement de la taxation sur les pesticides, l’aménagement de la taxe générale sur les activités polluantes…
Ainsi, avec le Grenelle 1 qui pose précisément les objectifs, les principes, les obligations, les normes, les programmes d’infrastructures, et la LFI pour 2009, nous avons un Grenelle complet, compact, déjà opérationnel. Il ne nous restera plus alors qu’à opérer aux derniers ajustements techniques ou juridiques dans notre droit. C’est tout l’objet du projet de loi de transition environnementale, qui est un texte d’ajustements, de finalisation, pour adapter notre législation en matière d’urbanisme par exemple sur certains points très techniques. Il sera transmis au Conseil d’Etat dans les jours qui viennent après avoir fait l’objet, lui aussi, d’une intense coproduction sociale et législative. Mais après ce débat sur le Grenelle 1 et après le débat sur la LFI, nous aurons l’essentiel du Grenelle déjà en application.
Et puis, à côté de ce Grenelle visible, il y a le Grenelle invisible, c'est-à-dire toutes les conséquences induites par ce processus, par le débat au Parlement que vous allez mener, sur le comportement des Français. Oui, l’étiquetage carbone expérimenté dans plusieurs grandes surfaces a déjà des effets sur le comportement des consommateurs. Oui, le bonus écologique a modifié en profondeur les critères de choix des consommateurs. Oui, les campagnes de sensibilisation sur les déchets et sur le recyclage ont déjà des effets perceptibles sur les ventes de produits. Oui, le Grenelle a déjà modifié le regard que chacun porte sur les conséquences collectives de ses actes. C’est dans le sondage SOFRES du 2 et 3 octobre, 73% des Français qui pensent que le Grenelle a permis au pays de prendre conscience des problèmes environnementaux. C’est 66% des sondés qui sont convaincus que le Grenelle a incité les Français à faire des efforts dans leur vie quotidienne. C’est 61% des Français qui pensent que le Grenelle a permis d’inciter les élus locaux à tenir compte des problèmes environnementaux dans la gestion de leurs collectivités. Ou encore 58% des Français qui pensent que le Grenelle a incité les entreprises à agir en faveur de l’environnement. Ou enfin, 61% des Français qui ont le sentiment que le Grenelle a permis de promouvoir un nouveau modèle de développement économique respectueux de l’environnement.
Et c’est pour cette raison que le débat d’aujourd’hui au Parlement doit se situer à la bonne hauteur parce que c’est le Parlement qui confirmera de façon claire et irréversible, le message adressé à la Nation. Oui votre responsabilité est de vous tenir à ce qui est difficile, à la recherche de cette croissance d’avenir, gage de notre cohésion Sociale et de la place de la France dans le monde.
?C’est donc ce message adressé par le Parlement à la Nation à un moment crucial de l’histoire de l’Humanité. Le long chemin engagé depuis Kyoto n’a pas toujours eu les effets attendus en termes de réduction d’émissions de CO2 et de sobriété en carbone. Ainsi, le monde se retrouve à son propre chevet, pour construire l’après Kyoto lors de deux rendez-vous de la dernière chance, à Poznan et à Copenhague.
Le Parlement adresse ce message à la Nation au moment où la France pilote les négociations sur le Paquet Energie Climat, négociations qui portent en elles la réussite ou l’échec des négociations planétaires à venir. Parce que dans un an, à Poznan et à Copenhague, il faut que les 450 millions d’européens puissent dire au reste du monde, qu’en dépit d’histoires industrielles différentes, en dépit de modes de développement différents, en dépit de conditions climatiques et géologiques différentes, nous avons réussi à nous mettre d’accord sur des objectifs communs, sur un calendrier, sur un mode opératoire…A Copenhague, chacun doit savoir que l’autre est déjà engagé. Derrière le Président de la République, nous ne ménageons pas nos efforts pour réussir à faire adopter le « fameux paquet-climat énergie » à Bruxelles et pour convaincre l’Afrique, l’Océanie, l’Amérique du Sud que ce processus est la seule voie possible du développement.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le Grenelle est un processus solide : solide parce que responsable. Solide parce que financé et techniquement possible. Solide parce que concerté. Solide parce que tous les acteurs ont donné leur accord sur l’essentiel. Solide enfin parce que sûr de son message d’avenir. Ce message, c’est à vous désormais de l’adresser à notre pays, et par extension à l’Europe et au reste du monde. Bref, c’est à vous qu’il revient d’engager la France, de façon à la fois responsable et irréversible, sur ce nouveau chemin de croissance, à la fois porteur d’unité, de progrès et de paix car comme le disait Victor HUGO, « le progrès n’est rien d’autre que la révolution faite à l’amiable ».
Alors engageons nous, aujourd’hui, résolument. Je vous remercie.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 9 octobre 2008