Interview de M. Jean-François Copé, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à RMC le 16 février 2009, sur le statut des enseignants chercheurs et sur la situation éconmique et sociale aux Antilles.

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Texte intégral

J.-J. Bourdin.- J.-F. Copé est notre invité ce matin, bonjour. Bonjour. Président du groupe UMP à l'Assemblée nationale. Alors négociation du 18 février, mercredi, les réformes universitaires contestées, l'Outre-mer qui gronde, on va parler de tout cela. Mais je voudrais commencer avec le procès Colonna, un témoin important qui a été le plus proche collaborateur du préfet Érignac affirme que 2 meurtriers présumés seraient toujours en liberté. Il affirme aussi que ces informations ont été gardées secrètes ; qui était informé ? Vous n'allez pas répondre et moi non plus, cette première question est dans tous les cas posée mais je vous en pose une seconde J.-F. Copé : le procès doit-il être suspendu ?
 
Ecoutez, moi je...
 
Vous êtes avocat...
 
D'accord, mais au risque de vous décevoir, je ne me prononcerai pas sur cette question parce que je suis très attentif à ce que chacun fasse son travail et que ça, ça relève vraiment de la décision de la justice. Donc...
 
Et du président du tribunal !
 
Exactement, donc n'attendez pas de moi de commentaire, pardon, moi qui, bien souvent, suis amené à en faire sur beaucoup de sujets, mais ça c'est vraiment de la compétence de la justice et seulement de la justice.
 
Bien. Les enseignants chercheurs : le Gouvernement, franchement, doit-il dire clairement qu'il renonce au décret réformant le statut des enseignants chercheurs ?
 
L'objectif n'est pas de renoncer, l'objectif est bien sûr de dialoguer, d'écouter mais aussi de remettre les choses en perspective. Quel est notre objectif et de priorité absolue ? Elle est double. Premièrement, veiller à ce que les moyens considérables que nous venons de mobiliser arrivent bien dans les universités, et ce sera le cas. Je rappelle qu'en moyenne, c'est plus de 10 % pour le budget des universités cette année. Et deuxième objectif, que leur autonomie soit garantie et c'est l'objet de la loi que nous avons votée en 2007. Alors dans ce contexte, il y a un décret d'application, comme toujours dans les lois, ce qui d'ailleurs me permet de dire que plus on arrivera - et c'est l'objet de notre nouvelle Constitution - à présenter les décrets en même temps que les lois au moins dans leur ligne générale, mieux ce sera pour éviter les décalages et l'utilisation par ceux qui ne veulent pas de la loi, de cela comme prétexte à débat et parfois polémique. L'objectif dans ce décret d'application, c'est de préciser un certain nombre de choses. La méthode retenue par V. Pécresse, qui consiste à poursuivre pendant quelques semaines avec cette médiatrice la discussion, me paraît permettre, d'amodier, le cas échéant, les choses ou les modalités.
 
Donc aujourd'hui, le Gouvernement n'a pas à dire « nous retirons ce décret pour préparer un nouveau texte » ?
 
Non, d'autant que je pense qu'un certain nombre d'ouvertures...
 
J'ai vu certains des députés UMP, dont D. Fasquelle que vous connaissez qui est député UMP, qui lui demande à ce que le Gouvernement dise clairement qu'il renonce au décret.
 
Oui, enfin si je peux préciser les choses, c'est moi qui ai nommé trois députés qui constituent donc un groupe de travail : D. Fasquelle, C. Goasguen et B. Apparu...
 
D. Fasquelle connaît bien la question puisqu'il est universitaire...
 
Oui, oui il est universitaire, il connaît très bien les sujets, moi-même j'ai eu l'occasion de parler très longuement avec lui et de mieux comprendre aussi la psychologie des uns et des autres. Parce que je vois bien derrière tout cela qu'il y a beaucoup aussi de malentendus, qu'il y a des précisions à donner, qu'on y ajoute, par exemple, le débat sur le nombre de postes qui, vous le voyez bien, est un peu connexe quand même par rapport à la question de l'autonomie des universités. Moi je pense que sur la question de l'évaluation, de la modulation, sur la question encore une fois de la gestion des carrières, il y a sans doute de quoi trouver des amodiations...
 
Mais pourquoi ne pas dire « on retire le décret, on prépare tous ensemble un nouveau texte et on avance » ?
 
Parce qu'on a déjà un support sur lequel on peut travailler et que vous savez que les symboles sont forts en politique...
 
Justement.
 
Justement, pourquoi voulez-vous que l'on...
 
D'un côté comme de l'autre.
 
Donc vous, vous trouvez que c'est bien qu'il y ait toujours un gagnant absolu et un perdant absolu ? Vous ne pensez pas que c'est mieux qu'on arrive à se mettre d'accord ensemble en travaillant sur des supports connus de tous ?
 
Je ne pense rien, je ne suis pas au pouvoir, chaque fois vous nous dites...
 
Ah, mais oui...
 
Non, non, mon cher J.-F. Copé...
 
Enlevons le fait de savoir quel est votre avis. Partons du principe que vous n'en avez aucun...
 
[Mon avis] Qui importe peu...
 
En revanche, simplement, ce que je veux vous dire, c'est que cette idée que nous avons - et qui est très française -, selon laquelle, il faut absolument qu'il y ait un grand gagnant et un grand perdant paraît totalement dépassé, surtout dans ces périodes de crise.
 
Bien. Alors parlons de la Guadeloupe, parlons de la Martinique, parlons des Antilles et de La Réunion aussi. Les revendications sont-elles légitimes ? On peut se poser la question. Je remarquais, vous l'avez remarqué, Y. Jégo l'a remarqué aussi lorsqu'il a conduit les négociations en Guadeloupe, il avait d'un côté les syndicats, c'était des Noirs, il avait de l'autre côté le patronat, c'était des Blancs et les médiateurs étaient aussi des Blancs. Est-ce que ce système qui date de l'époque coloniale est supportable ? Sans mettre ce problème de Guadeloupe sur le terrain racial, mais quand même.
 
Non, mais en même temps, je crois que vous avez raison de poser le problème comme vous le faites. Moi, je connais assez bien les Antilles, il se trouve que j'y ai travaillé assez longtemps dans mes jeunes années. Et j'ai été frappé à l'époque de voir une société, que ce soit d'ailleurs à la Martinique ou à la Guadeloupe, qui soit à ce point marquée par ce type de séparation, il y a trois mondes. A la Martinique, par exemple, il y a trois mondes : vous avez les Métropolitains qui sont plutôt dans la partie administrative, vous avez ce qu'on appelle les Békés qui sont dans la partie économique et la partie Antillaise qui est plutôt le pouvoir politique local. Et on voit bien que tout ça n'est pas tenable et que c'est certainement l'une des causes profondes des difficultés que l'on rencontre. Même si s'ajoute à ça des éléments très lourds, je pense en particulier à la cherté de la vie qui est un point très important, mais aussi à l'importance des subventions, des transferts sociaux qui sont donnés à nos compatriotes d'Outre-mer. Tout ça, ça fait une situation très difficile. Moi, la seule chose que je peux dire, c'est que je suis comme tout le monde extrêmement inquiet de la tournure des évènements et qu'il me paraît absolument indispensable que chacun prenne ses responsabilités.
 
Comment débloquer la situation ?
 
Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui ? Nous avons une économie qui est gravement menacée par cette grève, gravement menacée. Et donc, je pense qu'en tout état de cause, l'objectif maintenant, c'est absolument de retrouver les voies de l'apaisement. Je sais que ce sont des moments...
 
Et partager les profits ?
 
Non mais qu'il y ait... Enfin pas que la question des profits, les responsabilités...
 
Oui, les responsabilités, on est d'accord... Est-ce que les 200 euros demandés par les syndicats pour les plus bas salaires, c'est raisonnable ?
 
En l'espèce, tel que c'est présenté, ça ne peut pas l'être puisqu'il s'agit de demander à l'Etat de se substituer aux entreprises, donc ça déresponsabiliserait l'entrepreneur...
 
Est-ce que le patronat local ne veut pas...
 
Ce serait un précédent ingérable, ingérable.
 
Est-ce que le patronat local n'a pas envie qu'on aille vers le pire ?
 
D'abord, je ne peux pas l'imaginer et deuxièmement, posons le problème autrement...
 
Alors quelle solution trouver ?
 
Mais attendez, je vais vous dire, la solution elle ne peut pas arriver comme ça en claquant des doigts. En revanche, ce qui est sûr c'est qu'il faut maintenant qu'on aille absolument vers l'apaisement et que chacun comprenne que lorsque l'on est sur des demandes qui ne sont pas réalisables, par définition on créé les conditions de la pire des situations. C'est pour ça que tous les appels au calme, à l'apaisement, au retour au travail...
 
Ça a été fait notamment par les députés de l'opposition sur place...
 
Et puis ceux de la majorité. Je réunis d'ailleurs, dès cette semaine, avec Y. Jégo, l'ensemble des députés Outre-mer, parce que nous avons créé un groupe de travail, piloté d'ailleurs par trois députés métropolitains avec l'ensemble des députés ultramarins : E. Raoult, M. Diefenbaker et D. Quentin. Notre idée est assez simple : elle est que, au-delà de ce conflit immédiat dont il faut sortir, ça bien sûr, et ce sera difficile, c'est qu'on essaie d'avoir une réflexion plus globale, qui évoque tous les sujets, dont celui que vous indiquez, la question de la diversité, la question aussi des richesses de nos territoires d'Outre-mer, des perspectives de croissance, il y a beaucoup de choses sur lesquelles on peut travailler ensemble.
 
Et les fonctionnaires qui viennent de Métropole et qui sont payés 40 % de plus...
 
C'est un sujet ancien, moi quand j'étais ministre du Budget, j'avais eu l'occasion d'aborder ces questions. Bien sûr, bien sûr que ça fait partie des difficultés. Mais vous voyez, il y a une chose quand même qu'il faut comprendre par rapport à ça, je pense que c'est une période de grande tension, et comme toujours, notamment aux Antilles, la tension elle monte très vite, dans lequel chacun doit se sentir aussi en responsabilité. Moi je suis inquiet quand même, quand je vois Besancenot expliquer qu'il faudrait s'inspirer de ce que l'on voit aux Antilles pour transférer ce type de "lutte" - pour reprendre son terme - en Métropole. Je suis inquiet aussi de voir que certains responsables de l'opposition, quand même, mettent de l'huile sur le feu. On est dans une période où ça vaut la peine pour tout le monde, dans le cadre de la République, d'aller plutôt vers l'apaisement et de trouver par les seules voies du dialogue des solutions. On ne va pas tout régler et on ne va pas tout régler sur la question existentielle qui est derrière, mais il faut tout de même avancer. Actuellement l'activité touristique des deux îles est totalement bloquée, totalement bloquée !
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 16 février 2009