Déclaration de Mme Roselyne-Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur le projet de loi "hôpital, patients, santé et territoires", Assemblée nationale le 10 février 2009.

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Circonstance : Discussion générale du projet de loi "Hôpital, patients, santé et territoires" à l'Assemblée nationale le 10 février 2009

Texte intégral

Monsieur le président,
Messieurs les présidents,
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les députés,
Maintenir les valeurs qui fondent notre système de santé, le sauvegarder durablement et préparer son avenir : tel est notre devoir le plus impérieux.
C'est pour cela que le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires », a été conçu : pour préserver notre système de santé en le modernisant.
J'écouterai avec une grande attention, comme je l'ai fait pendant la longue phase d'élaboration du projet, tous les enrichissements que vous lui apporterez.
Je sais que vous aurez à coeur de vous approprier ce projet ambitieux, avec toute la rigueur et le sérieux qu'imposent des questions aussi cruciales que la qualité des soins, la prévention, ou l'accès aux soins pour tous.
Je veux remercier d'emblée Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui a apporté à nos travaux toute sa rigueur intellectuelle et sa hauteur de vue, ainsi que Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, commission qui nous a donné, sous son égide, une lecture territoriale qui confère à nos débats et au texte une tonalité nouvelle.
Je veux saluer le travail exceptionnel de nos deux rapporteurs, et tout d'abord celui de Jean-Marie Rolland, à qui l'inspiration et la finesse d'analyse n'ont jamais fait défaut, et André Flajolet, qui nous a apporté le regard lucide de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Je mesure notre chance d'avoir pu bénéficier de leur compétence et de leur intégrité. Ayons pleinement conscience de tout ce que cette loi leur devra.
Je veux également remercier celles et ceux d'entre vous qui ont pris une part active à la préparation de ce projet, dans le cadre des états généraux de l'organisation de la santé ou des différentes missions ou réflexions conduites pendant plusieurs mois par Marc Bernier et Christian Paul ou, plus récemment, Pierre Lasbordes. Je pense aussi aux remarquables contributions d'Yves Bur, de Jean-Pierre Door, de Philippe Boënnec et de Valérie Boyer.
Cette réforme, vous le savez, il est plus que temps de l'entreprendre.
Depuis des années, j'entends dire qu'il faut mettre fin à la complexité et aux cloisonnements de notre système de santé, dont nos concitoyens sont les premiers à souffrir.
De toute évidence, personne ne trouve normal que certains malades, perdus, aillent aux urgences alors que leur médecin aurait pu les recevoir.
Personne ne tolère que le transfert d'une personne âgée de l'hôpital vers une maison de retraite - quand il y a de la place ! - soit un véritable parcours du combattant pour ses proches.
J'entends le constat ; il fallait la solution, il fallait les outils.
Le statu quo est-il tenable ?
Depuis des années, j'entends dire qu'il faut lutter contre les inégalités territoriales d'accès aux soins et les déserts médicaux.
Faut-il attendre, pour agir, que plus aucun Français ne puisse trouver de médecin dans les zones rurales ou périurbaines ?
Non, le statu quo n'est plus tenable !
Grâce à ce projet de loi, pour la première fois, nous disposons d'une matrice offrant les outils pour nous aider à mettre en oeuvre nos ambitions.
Au-delà de la technicité de certains de ces outils, au-delà de nos divergences politiques, ce sur quoi vous aurez à vous prononcer peut finalement se résumer en quelques mots : oui ou non, pouvons-nous continuer à observer les fragilités de notre système sans agir ?
Je vous le dis avec force : il faut mettre fin à ces dysfonctionnement ; il faut améliorer l'accès aux soins de nos concitoyens.
Comment pourrait-il en être autrement ?
J'ai longuement écouté les professionnels de santé et les représentants des usagers. Ils m'ont exprimé leurs besoins et leurs attentes.
Les aspirations ne sont plus les mêmes aujourd'hui qu'hier.
Nos concitoyens souhaitent désormais être acteurs de leur propre santé. Ils désirent bénéficier des soins ou de la prévention adaptés à leurs particularités et à leurs besoins.
Ils ne veulent plus être victimes de l'éclatement des structures, de la multiplicité des interlocuteurs, du manque de coordination, ou de la lenteur des décisions.
Les professionnels médicaux et paramédicaux, notamment les nouvelles générations, réclament de nouveaux modes d'organisation et d'exercice, plus souples, plus cohérents et plus efficaces.
De la même manière que je veux les écouter, j'ai choisi de ne pas ignorer les défis et les évolutions majeurs auxquels notre système de santé est confronté.
Ne nous y trompons pas : ni la force de l'attachement des Français à notre système de santé, ni le positionnement favorable de notre pays en termes d'indicateurs de santé ne doivent faire illusion. C'est la survie de notre modèle solidaire qui est en jeu.
Je n'ai pas peur de le dire : nous ne sommes encore qu'à l'aube des défis que nous aurons à relever.
Ce ne sont peut-être encore que des signaux, mais qui peut nier leur importance et leur gravité ?
Alors que les passages aux urgences ont doublé depuis dix ans, peut-on décemment refuser de prendre ses responsabilités ?
Alors que la densité médicale est de 830 médecins pour 100 000 habitants à Paris, et seulement de 198 dans l'Eure, peut-on laisser la répartition des médecins sur le territoire se dégrader sans agir ?
Je vous le demande instamment : ayez conscience des changements que nous sommes en train de vivre, et tirez-en toutes les conséquences nécessaires.
La population vieillit. Nous sommes actuellement en pleine transition démographique. Ce défi d'envergure nous pousse à développer les soins de suite et le secteur médico-social.
Les inégalités sociales et territoriales d'accès aux soins se creusent. Il nous faut impérativement réduire ces écarts intolérables.
Les progrès techniques se multiplient. Ils nous incitent à repenser l'organisation des soins, dans un souci constant de qualité et de sécurité.
Nos politiques de santé, enfin, ne sont pas assez adaptées aux spécificités de chaque région. Une approche territorialisée des besoins et de l'offre est indispensable pour apporter des réponses plus efficaces.
Les outils que le texte nous offre pour relever ces défis sont nombreux et variés.
Je veux souligner, cependant, qu'il s'agit là d'un ensemble de mesures cohérentes, répondant aux exigences d'une politique de prévention ambitieuse.
Comment transmettre sans dommage notre système de santé aux générations futures ? Comment garantir, aujourd'hui et demain, la qualité et la sécurité des soins ? Comment assurer, partout en France et à tous les Français, un égal accès aux soins ? Comment offrir aux établissements de santé et aux professionnels les moyens de mieux accomplir leurs missions ?
En un mot, comment préserver les principes de qualité, de solidarité et de justice ?
Ce projet de loi procède ainsi d'une visée résolument prospective. Nicolas Sarkozy et François Fillon l'ont voulu ainsi.
Il nous faut, en effet, agir sur le long terme et anticiper les dégradations prévisibles de notre patrimoine.
De quoi notre système de santé a-t-il besoin ?
De moyens et d'organisation. Pourquoi opposer les deux ?
Les moyens dont notre système a besoin, nous les lui donnons.
Sur plusieurs années, nous investissons pour donner aux hôpitaux, pour donner à l'ensemble de notre système de santé, les moyens de fonctionner et de se moderniser.
La dernière loi de financement de la sécurité sociale, au terme d'un débat que nous avons conduit ensemble, a prévu d'accorder pour 2009 près de 5 milliards d'euros de plus qu'en 2008, soit une progression de 3,1 % pour l'hôpital comme pour la médecine de ville.
Le plan Hôpital 2012 mobilisera, pour la période 2008-2012, près de 10 milliards d'euros d'investissements.
279 projets ont d'ores et déjà été notifiés, pour un montant d'environ 2,5 milliards d'euros.
Mais notre système de santé a aussi besoin d'organisation, pour assurer partout et toujours la qualité et la sécurité des soins.
Malgré le dévouement et le talent de tous les professionnels de santé, auxquels je veux rendre un plein et sincère hommage, notre système présente des fragilités auxquelles nous devons remédier.
Dans cette perspective, il m'a paru essentiel de proposer, pour la première fois, la mise en place d'un véritable système de santé.
Ce terme doit s'entendre dans son sens le plus plein.
Qu'est-ce qu'un système, sinon un ensemble d'éléments réunis pour former un tout organisé et cohérent ?
Nous ne pouvons plus continuer à parler de « système de santé » sans que soient mises en cohérence l'organisation de la médecine libérale, celles de l'hôpital, de la prévention et du médico-social.
Sans rapprocher l'organisation et le financement.
Sans mettre fin au cloisonnement d'entités performantes mais trop souvent isolées, trop souvent enclines à agir pour leur propre compte et à se rejeter la responsabilité d'un dysfonctionnement.
Il s'agit donc de repenser l'organisation de notre système, dans une perspective de santé durable et solidaire.
La base de ce système, ce sont les agences régionales de santé (ARS), conçues pour unir nos forces au lieu de les disperser.
La création des ARS vise à simplifier notre système en réunissant, au niveau régional, sept organismes différents, services de l'Etat et de l'Assurance maladie.
On a trop longtemps séparé l'organisation des soins de leur financement.
Encore une fois, le statu quo n'est plus possible.
Il faut cesser de croire que l'organisateur et le financeur peuvent continuer à rester séparés. C'est mettre en danger non seulement l'efficacité de notre réponse, mais aussi la préservation même de notre système.
Il faut cesser de croire que l'organisateur peut organiser sans se préoccuper du financement et des éventuels déficits, et que le financeur peut financer sans penser à l'organisation et aux territoires.
Le résultat, nous le connaissons tous : il est catastrophique ! Aujourd'hui, qu'a-t-on obtenu ? : les déficits et les inégalités territoriales !
Les agences régionales de santé sont un outil indispensable de réconciliation, d'autant plus qu'elles ont aussi pour but de dépasser les cloisonnements sectoriels en investissant l'ensemble du champ de la santé et de l'autonomie.
Les ARS permettront ainsi une réponse plus efficace et plus cohérente, ainsi qu'une meilleure efficience dans la gestion des dépenses.
La mise en place des agences régionales consacre également la territorialisation de nos politiques de santé.
Elles auront pour rôle, en effet, de renforcer l'ancrage territorial des politiques de santé en tenant mieux compte des besoins et des spécificités de chaque territoire.
Leur mission sera en particulier d'organiser l'offre de santé sur tout le territoire, dans une perspective d'amélioration de l'accès aux soins et de l'état de santé de nos concitoyens.
Les membres du conseil de surveillance contribueront à la définition de la stratégie de l'agence.
La composition du conseil de surveillance est fondée, en effet, sur une double volonté : une volonté d'équilibre entre l'Etat et l'Assurance maladie, et une volonté d'ouverture à la démocratie sanitaire, à la démocratie politique, représentée par les élus locaux, à la démocratie sociale, représentée par les partenaires sociaux, et à la présence de représentants des usagers.
Dans la définition de la politique régionale de santé, les agences s'appuieront sur les conférences régionales de santé, lieu de concertation entre les agences et tous les acteurs régionaux, notamment les élus.
Sur un territoire de santé dont elle sera libre de déterminer le périmètre, l'agence régionale de santé pourra également constituer des conférences de territoire. Celles-ci permettront de conjuguer les expertises en partageant avec les acteurs locaux les analyses précises des besoins existants et la définition des actions adaptées aux réalités concrètes de ces territoires.
Par ailleurs, la volonté d'ouverture et de dialogue avec les partenaires légitimes de l'agence se marque par une concertation étroite de l'ARS avec l'Union régionale des professionnels de santé.
On m'a beaucoup parlé, pour unifier le dispositif, du principe d'une Agence nationale de santé.
A l'appui de cette proposition, quel n'a pas été mon étonnement d'entendre un argument bien curieux : il faudrait « protéger le politique » !
Qu'est-ce que cette infantilisation du politique ? Pourquoi le politique aurait-il besoin d'être protégé ?
D'ailleurs, pensez-vous un seul instant que la santé ne soit pas un sujet politique ?
Si vos amendements sont aussi nombreux, c'est bien que la santé n'est pas un sujet technocratique. C'est fondamentalement un sujet politique.
Le ministère chargé de la santé a la responsabilité, mais il n'a pas toujours les leviers.
Je ne crois pas une seconde qu'il soit nécessaire de construire des usines à gaz ou des silos étanches pour coordonner un système de santé éparpillé.
Ce type de structure technocratique serait en totale contradiction avec l'esprit même des agences régionales et de la réforme : être enraciné dans le terrain, pour mieux répondre aux spécificités de chaque territoire.
Mon projet de loi offre une solution : celle de la coordination.
Cette coordination saura, avec le temps, être consolidée, nourrie, mais à ce stade, elle devra assurer une mission : faire en sorte qu'à tout moment, les ARS disposent d'instructions cohérentes, malgré la multiplicité des donneurs d'ordre.
L'un des enjeux majeurs de cette territorialisation de nos politiques de santé est l'amélioration de l'accès aux soins.
L'accès aux soins est une priorité absolue ; nous devons, collectivement, une réponse aux Français.
Chacun doit pouvoir avoir accès à la même qualité de soins, quels que soient son lieu de vie ou ses moyens financiers.
Un plus juste accès aux soins suppose ainsi de réduire les inégalités financières d'accès aux soins, en s'attaquant aux refus de soins.
Puisque cette réforme se veut préventive, nous devons aussi nous donner les moyens de mieux organiser l'offre de soins, dans le respect de la liberté d'installation.
Nous devons agir, pour réguler et pour anticiper.
Je le dis d'emblée : les mesures présentées procèdent d'une logique de confiance tout autant que d'efficacité.
Notre pari est celui de la responsabilité, de l'implication de médecins libéraux disposant d'un grand nombre d'atouts et investis au quotidien pour répondre aux besoins des patients.
Etant donné que 70 % des médecins s'installent dans la région où ils ont fait leurs études, il importe de former les médecins là où leur présence est la plus nécessaire.
Ainsi, ce projet de loi prévoit que le numerus clausus de première année et la répartition des internes dans les régions au moment de l'examen national classant ne se fassent plus à la discrétion de quelques-uns, mais en fonction des besoins constatés de la population et de l'état de l'offre de soins en ville et à l'hôpital.
Parallèlement, il s'agit de définir un schéma d'aménagement de l'offre de soins de premier recours sur l'ensemble du territoire, et pas uniquement dans les zones en difficulté.
Les professionnels de santé et les élus contribueront à la définition de ce schéma par l'ARS, schéma ambulatoire qui viendra compléter les schémas hospitalier, de prévention et médico-social.
Enfin, pour améliorer l'accès de nos concitoyens à des soins de qualité, les coopérations entre professionnels au niveau local doivent être renforcées.
Les défis sociaux, économiques et démographiques qui se présentent à nous nous imposent de faire évoluer les pratiques et d'instaurer des modes de prise en charge différents.
Je suis attachée à ce que ces coopérations soient mises en oeuvre à partir du terrain, entre des professionnels de santé volontaires qui y trouvent un intérêt pour mieux prendre en charge leurs patients.
De fait, ces pratiques correspondent aux aspirations des jeunes médecins. Le modèle du médecin isolé est révolu.
Les maisons de santé ou pôles de santé ont largement fait leurs preuves. Même dans les zones les moins dotées, les maisons de santé n'ont aucun problème de recrutement.
Ainsi, ce projet de loi est aussi un projet de loi d'aménagement du territoire.
Tout comme la territorialisation de nos politiques de santé, l'amélioration de la répartition de l'offre de soins sur le territoire ne poursuit qu'un seul but : mieux répondre aux besoins des Français.
La réforme de la biologie médicale s'inscrit parfaitement dans ces grandes orientations.
Cette réforme structurelle, profonde, est impérative et urgente.
Permettre à chacun d'avoir accès à une biologie médicale de qualité prouvée, payée à son juste prix est, en effet, un objectif que nous ne pouvons plus retarder.
Peut-on laisser des défauts de fiabilité perdurer, alors que le diagnostic et les décisions thérapeutiques dépendent de cette étape cruciale du parcours de soins ?
Ce projet de loi fait, pour la biologie, le choix de la médicalisation et de l'amélioration du maillage territorial, dans l'intérêt du patient.
Pour mieux répondre aux besoins de nos concitoyens, la réforme de notre système hospitalier procède d'une logique similaire, puisqu'elle vise à mieux adapter l'hôpital aux situations réelles.
Il est impératif, en ce sens, de moderniser notre hôpital, de simplifier les procédures et d'assouplir l'organisation interne des établissements.
Que n'ai-je pas entendu sur la gouvernance des hôpitaux ?
Non, gouverner, ce n'est pas se mêler de tout. Non, gouverner, ce n'est pas harceler. Non, gouverner, ce n'est pas caporaliser.
C'est donner les moyens d'atteindre ses objectifs, c'est donner les moyens de prendre des décisions positives.
J'ai toute confiance dans les ressources humaines de l'hôpital public, dans les professionnels de santé et dans les directeurs. Je veux leur donner, aux soignants, médecins ou paramédicaux, aux cadres, aux personnels administratifs et médico-techniques, les moyens de porter haut les valeurs de l'hôpital public.
Certains vous font croire que ce projet prive les médecins de pouvoir : c'est le contraire !
Entendons-nous bien : en plaçant le président de la CME dans une position déterminante au sein de l'exécutif, le projet de loi, bien au contraire, renforce le projet médical. Car c'est ce projet médical que mettront en oeuvre le président du directoire et le directoire.
De la même manière qu'on ne peut pas opposer organisation et financement, on ne peut pas opposer soin et administration de l'hôpital.
L'acte de soin est un acte d'équipe, qui engage toute la communauté hospitalière.
J'entends que soit mise en place une gouvernance unie, soudée, autour d'un projet médical.
Il ne faut pas confondre, à ce sujet, indépendance de la décision médicale et individualisme.
Croyez-vous vraiment que le directeur ne se préoccupe pas du soin et que le médecin ne se soucie pas de l'avenir de son établissement, et donc de sa soutenabilité financière ?
Des directeurs et des présidents de CME, j'en ai rencontré beaucoup ; j'ai vu combien ils étaient solidaires, le premier illustrant sans cesse les talents du second, le second prenant sans cesse la défense du premier.
Je les ai vus, je les ai entendus, et je ne peux pas faire mine de l'oublier.
Réformer l'hôpital, c'est aussi mieux prendre en compte la gradation des besoins et y répondre par une gradation des structures.
Les besoins de santé ne sont pas les mêmes partout et pour tous les malades.
Dans une logique de gradation des soins et de complémentarités, les communautés hospitalières de territoire offriront la garantie d'une offre cohérente, bien visible et adaptée aux besoins de santé sur chaque territoire.
A aucun moment je ne l'oublie : les hôpitaux de proximité sont un maillon essentiel de l'offre de soins. Ils ont un vrai rôle et un vrai poids dans l'économie locale. Ils sont facteurs d'attractivité pour les professionnels de santé libéraux.
Ces coopérations renforcées entre établissements leur redonneront toute leur place.
J'en suis convaincue : des hôpitaux mieux adaptés sont aussi des hôpitaux plus sûrs.
Doit-on condamner, en effet, certains de nos concitoyens à des soins de qualité discutable, pour des pathologies parfois graves, au nom de la proximité ? Je ne le crois pas.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que certains hôpitaux convertissent ou fassent évoluer certaines de leurs activités.
Je veux garantir à tous la qualité et la sécurité des soins.
Je veux préserver et renforcer les valeurs de service public auxquelles nous sommes tous profondément attachés.
La modernisation de nos structures aura ainsi pour effet de consolider la réputation d'excellence de notre système hospitalier.
Mieux adapter l'hôpital, c'est aussi mieux prendre en compte l'évolution des parcours de soins.
Les soins et hospitalisations à domicile se développent, la population âgée en maisons de retraite et en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) est de plus en plus nombreuse. Il est donc impératif de faciliter les transferts par un décloisonnement de notre système de santé.
J'entends renforcer le dialogue entre l'hôpital, le secteur ambulatoire et le secteur médico-social.
Une meilleure continuité des soins sera ainsi assurée.
Pour conclure sur notre système hospitalier, je dirai un mot de la mission que le président de la République a confiée au professeur Marescaux.
Car cette mission est cruciale pour l'avenir de notre pays.
Je veux rappeler toute sa nécessité : la recherche doit avoir une meilleure place au sein des CHU, une place plus importante, une place plus visible, une place mieux financée ; il ne faut pas hésiter à le dire.
Le Gouvernement sera très attentif aux conclusions de cette mission, qui trouveront une traduction rapide selon les modes appropriés, législatifs quand ce sera nécessaire, réglementaires sinon. Les conclusions de cette mission seront insérées dans le dispositif législatif le plus proche possible et le projet de loi que nous discutons en sera la matrice.
Enfin, ce projet de loi, prospectif et responsable, est avant tout un projet consacré à la prévention. La prévention infuse tout le texte. La politique de prévention, si essentielle et trop souvent oubliée, mais aussi la prévention des difficultés futures de notre système de santé.
Améliorer l'état de santé de nos concitoyens et les aider à préserver, le plus longtemps possible, leur autonomie est un impératif essentiel.
Vous connaissez le poids croissant des maladies chroniques : plus d'un Français sur cinq est concerné.
L'éducation thérapeutique du patient doit être développée pour améliorer la qualité de vie et réduire les complications.
Les programmes d'éducation thérapeutique et d'accompagnement doivent trouver toute leur place dans le parcours de soins des malades. C'est pourquoi il est important qu'ils figurent dans le code de la santé publique. Cet article consacre une nouvelle étape franchie dans la relation du patient et de son entourage avec les professionnels de santé et les associations de malade.
Certes, de nombreuses initiatives existent d'ores et déjà sur le terrain. Nous devons nous en inspirer, les structurer et assurer leur développement dans des conditions de qualité et de proximité.
Bien entendu, il faut aussi agir en amont.
Le tabac et l'alcool ont clairement été identifiés comme facteurs de risques.
Nous savons qu'il s'agit là des premières causes de mortalité évitable.
Il est impératif, en particulier, de protéger les plus jeunes, qui sont aussi les plus vulnérables.
La consommation d'alcool chez les jeunes est en constante augmentation.
Nous sommes par ailleurs aujourd'hui confrontés à un changement radical des modes de consommation, avec une hausse des ivresses alcooliques. La proportion de jeunes hospitalisés pour ivresse aiguë a bondi de 50 % chez les 15-24 ans entre 2003 et 2007.
Est-il besoin de vous le rappeler : les jeunes continuent de payer un lourd tribut sur les routes. Les 15-24 ans représentent 12,6 % de la population, mais 25,6 % des personnes tuées sur la route en 2007 !
Chaque semaine, en France, 25 jeunes perdent la vie dans un accident de la route, soit 41 % des causes de décès chez les garçons de 15 à 19 ans.
Vous qui avez choisi d'exercer de hautes fonctions politiques et administratives, je voudrais que vous répondiez à cette question : choisit-on d'être maire, choisit-on d'être sous-préfet, pour annoncer à des parents, que l'on tire de leur sommeil un dimanche matin, que leur enfant de 19 ans est décédé sur la route pour avoir trop bu ?
Lorsque vous examinerez des articles que d'aucuns considèrent comme trop coercitifs, je vous demande de ne pas l'oublier.
Je vous demande de garder à l'esprit qu'il est de la responsabilité des pouvoirs publics de protéger la santé de nos concitoyens, en particulier des plus fragiles.
Cette responsabilité, je refuse de la fuir. Nous continuerons à lui donner une nouvelle impulsion avec des textes importants à venir, relatifs à la santé publique ou encore à la psychiatrie.
Vous l'aurez compris, c'est bien le patient, patient incarné, patient concrètement situé, qui est au coeur de nos préoccupations.
C'est bien la philosophie du pacte de 1945 qui inspire tous les choix d'une telle réforme.
Rappeler les exigences de solidarité et de justice est non seulement utile, mais indispensable. Rappeler que ces principes fondamentaux sont mis en péril par les cloisonnements de notre système ou par les déserts médicaux est une évidence.
Pour autant, ces vieux refrains ne doivent pas rester de vaines incantations, coupées de toute réalisation concrète, pragmatique et efficace.
Cette santé durable et solidaire que nous appelons de nos voeux dépend de notre action commune, de notre implication collective.
Le statu quo n'est plus possible.
Le débat que nous engageons aujourd'hui déterminera en grande partie l'avenir de notre système de santé.
Pour ma part, j'entre dans ce débat avec gravité, consciente de la responsabilité qui est la nôtre.
Je vous invite à faire de même. Evitons les caricatures et les raccourcis.
J'y entre aussi avec conviction et enthousiasme, persuadée que cette réforme saura, de manière pérenne, donner corps à notre ambition partagée : celle d'un patrimoine commun consolidé.
Je vous remercie.Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 17 février 2009