Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur la proposition de loi modifiant le code minier, à l'Assemblée nationale le 16 mars 1999.

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Circonstance : Discussion de la proposition de loi modifiant le Code minier, à l'Assemblée nationale le 16 mars 1999

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés,
La fermeture des grands bassins miniers pose des problèmes humains, techniques et juridiques qui n'ont pas reçu de réponse satisfaisante à ce jour. Elle demande des mesures législatives urgentes pour corriger et compléter le dispositif juridique prévu par le code minier, qui n'avait pas correctement pris en compte toutes les questions posées par la fermeture des mines. En effet, notre code minier avait été essentiellement rédigé pour accompagner le développement de l'exploitation des mines et pour en définir les conditions. Cela était naturel, car l'exploitation minière était à l'époque un des principaux piliers de notre développement industriel et économique.
Nous devons aujourd'hui définir le cadre technique, juridique et administratif dans lequel seront exercées toutes les responsabilités qui devront perdurer après la fin de l'exploitation, pendant des périodes qui peuvent être très longues et même n'avoir pas de terme prévisible. Il s'agit de la surveillance et de la prévention des risques, en particulier des risques d'affaissements miniers ; de la gestion des eaux après la fin de l'exploitation ; du dédommagement des dégâts causés par les séquelles minières. Trois principes clés doivent dans ce domaine être appliqués :
- reconnaître l'existence des séquelles minières - et ceci est une nouveauté : l'ancien code minier supposait en effet qu'aucune séquelle ne demeurerait après les travaux de fermeture, ce que la réalité contredit ; notre droit doit donc être considérablement modifié sur ce point essentiel
- renforcer la responsabilité de l'ancien exploitant, en clarifiant le champ de sa responsabilité civile dans le prolongement de la jurisprudence actuelle,
- garantir l'indemnisation des victimes. La détresse des sinistrés, à laquelle j'ai été confronté dès le mois de juin 97, a renforcé ma conviction que l'indemnisation des victimes devait dans tous les cas être assurée. C'est une obligation de solidarité nationale et ce principe doit être inscrit dans notre droit.
Les groupes parlementaires, tant du Sénat que de l'Assemblée Nationale, ont parfaitement analysé ces points, ont établi la nécessité d'une réforme du code minier, et en ont révélé l'urgence en déposant tous des propositions de loi.
L'urgence est en effet grande, car c'est aujourd'hui, au moment de la fermeture des mines, que doit être organisé l'" après-mine ". Elle est grande car les accidents qui se sont récemment produits - à Auboué, à Moutiers, plus récemment encore à Moyeuvre - ont révélé de manière dramatique les insuffisances de la situation actuelle. Au-delà des problèmes techniques qui relèvent de la législation minière, je sais que la vie économique et sociale des bassins concernés soufre de cette situation. Ce n'est pas au code minier qu'il appartient de donner des réponses à ces problèmes mais je veux vous assurer que le gouvernement a conscience des difficultés à surmonter. C'est dans cet esprit que, pour ma part, j'ai travaillé à une réorganisation du FIBM.
C'est en tout cas avec beaucoup de satisfaction que j'ai vu les parlementaires, du Sénat comme de l'Assemblée Nationale, travailler sur ce sujet, de manière approfondie. Parallèlement, et dès ma prise de fonctions, j'ai demandé à mon administration un travail en profondeur. J'ai confié à un Ingénieur Général des Mines, Dominique Petit, le soin de faire une analyse détaillée de la situation. Sur le fondement de son constat et ses propositions, j'ai fait une première communication en conseil des ministres en janvier 98. Les directions de mon ministère ont rédigé un projet de loi qui a ensuite été examiné par le Conseil Général des Mines avant de faire l'objet de discussions interministérielles. Après examen en Conseil d'Etat au début de 1999, le Conseil des Ministres a finalement adopté le projet de loi modifiant le code minier le 20 janvier dernier. Je sais que ces délais ont paru longs à ceux qui sont confrontés sur le terrain à des situations difficiles et je le comprends. Soyez assurés que ce temps aura été utilement utilisé et que sur un sujet aussi complexe que le droit minier il n'était pas possible de se dispenser des différentes étapes de validation, notamment de l'avis technique du Conseil Général des Mines et de l'avis juridique du Conseil d'Etat.
La proposition de loi que vous examinez aujourd'hui est le fruit d'un travail collectif du Sénat, entrepris par tous les groupes dans un esprit constructif, afin de doter notre pays du dispositif juridique indispensable pour traiter dans la dignité, dans l'équité et avec efficacité les difficiles problèmes posés par l'après-mine. L'urgence des mesures à prendre, la situation des sinistrés, la volonté d'agir vite et efficacement l'ont emporté sur les divergences traditionnelles lors de l'examen en première lecture au Sénat le 28 janiver dernier. Nous examinons aujourd'hui un texte qui constitue la synthèse consensuelle des propositions de loi d'origine parlementaire et du projet de loi du Gouvernement. Ce texte, même si certains peuvent en toute bonne foi juger qu'il n'est pas parfait, pose des principes essentiels, réalise des avancées juridiques notables, et met en place un dispositif qui répond aux préoccupations que vous avez soulevées sur tous les bans de cette Assemblée. Il est solide du point du vue juridique, il est opérationnel, et il sera appliqué sans délai.
Ce dispositif répond aux préoccupations que les uns et les autres vous avez défendues :
- il garantit l'indemnisation de l'ensemble des victimes touchées par un affaissement minier, y compris celles qui sont liées par une clause minière;
- il définit d'une nouvelle procédure de fermeture des mines qui renforce les contraintes qui pèsent sur l'exploitant, qui reconnaît et qui traite, pour la première fois, la réalité des séquelles minière ;
- il instaure un dispositif de surveillance des risques résiduels de l'activité minière par l'Etat, avec l'appui d'une agence spécialisée.
Ce dispositif est de plus immédiatement opérationnel. Il présente le très grand avantage de pouvoir répondre rapidement à l'urgence qui s'impose à nous tous, et ce de manière très innovante.
Je n'ignore pas les demandes qui se sont exprimés pour compléter la proposition de loi, pour améliorer encore les garanties données aux victimes. Des amendements ont été déposés ou préparés dans ce sens. Le Gouvernement sera amené à invoquer l'article 40 de la Constitution si certains amendements le justifiaient. J'ai en particulier compris que l'adjectif " soudain ", qui figure dans la définition des sinistres miniers donnant droit à indemnisation aux propriétaires d'habitations soumises à une clause minière, faisait craindre une interprétation très limitative, trop limitative, des conditions dans lesquelles devrait jouer ce mécanisme d'indemnisation. Je tiens à vous rassurer sur ce point : le terme " soudain " ne doit pas être sur-interprété. Les affaissements qui se sont produits à Auboué, à Moutiers, à Moyeuvre comme tous ceux qui pourraient se produire avec des caractéristiques comparables sont des affaissements soudains au sens de cette loi. Le décret d'application de la loi sur ce sujet sera parfaitement explicite et dissipera encore plus, si besoin était, les interrogations qui pourraient subsister. J'en prends l'engagement devant vous aujourd'hui et ce décret sera élaboré en concertation avec les élus concernés au cours des prochains mois. Il en va de même de l'adjectif " substantiel ", qui se rapporte aux dégâts : nous sommes bien là dans un domaine où nous constatons que les dommages sont substantiels, que les victimes n'ont plus de toit et doivent parfois être évacuées, et que sans l'intervention de l'Etat au titre de la solidarité nationale elles n'auraient plus de quoi se loger. Partout où il le devra, comme il l'a fait ou le fait à Moutiers, à Auboué, à Moyeuvre Grande, l'Etat jouera son rôle de garant des victimes. Il continuera à le faire, avec le souci de la solidarité nationale qui lui incombe, et je puis vous assurer que ces adjectifs ne cachent aucune intention, aucune interprétation contraire. Je l'ai déjà écrit au rapporteur, au Président de la Commission de la Production et aux Députés qui s'en inquiétaient avant notre séance d'aujourd'hui.
La proposition de loi, telle qu'elle vous est présentée aujourd'hui, fait, je crois, réaliser un progrès considérable à notre droit minier, tant en ce qui concerne la gestion des séquelles minières que l'indemnisation des victimes. Elle est attendue, vous le savez mieux que moi, dans les grandes régions minières comme le Nord-Pas-de-Calais, l'Alsace ou la Lorraine. Ne nous privons pas de la possibilité que nous avons de la faire entrer dans les faits dès aujourd'hui, de disposer dès les prochains jours d'un dispositif juridique complet, novateur et opérationnel. C'est d'ailleurs pourquoi le Gouvernement, malgré un ordre du jour chargé, a accepté de réserver cette fenêtre dans l'ordre du jour prioritaire pour aboutir à un texte définitif ce soir.
Cette proposition de loi procède d'une démarche consensuelle. Au-delà des appréciations politiques divergentes, elle témoigne de la capacité du Parlement et du Gouvernement à se réunir dans l'intérêt des populations concernées afin d'apporter une réponse concrète et rapide à de graves problèmes humains. Les uns et les autres, vous avec vos propositions de loi, nous avec notre projet de loi, nous ne cherchons aucune gloire, aucun avantage politique puisque le texte définitif sera une fructueuse synthèse des deux séries de texte. Mais nous visons à la résolution d'un problème juridique complexe, aux conséquences difficiles pour nos compatriotes. Les personnes concernées par les séquelles de l'activité minière, souvent d'origine modeste, ne comprendraient pas que, collectivement, nous ne soyons pas capables de progresser aujourd'hui, de leur faire bénéficier tout de suite de toutes les garanties qui figurent dans la proposition. Un vote conforme est seul à même d'apporter une réponse immédiate à la détresse des populations concernées. A défaut, nous prendrions le risque d'un allongement des délais important et difficilement maîtrisable. L'urgence à légiférer est reconnue par tous : sachons y répondre en adoptant cette proposition de loi en l'état.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 23 mars 1999)