Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir et d'intérêt que j'ai accepté l'invitation de Maurice LIGOT de prendre la parole devant le groupe d'études " Aménagement du territoire et décentralisation ".
En premier lieu car il est important de donner au débat sur les transports une audience et une résonance qui lui font trop souvent défaut, alors même qu'il s'agit d'un sujet éminemment politique. En second lieu parce que l'aménagement du territoire est un élément essentiel de la politique des transports. Il renvoie en effet à deux responsabilités essentielles de l'Etat, celle d'aménageur et celle de régulateur.
Je souhaite donc revenir sur ces deux grandes missions que l'Etat exerce dans le domaine des transports :
- celle d'aménageur, à travers laquelle l'Etat est le garant de l'équilibre du territoire et d'une certaine forme d'égalité des chances pour les différentes régions ;
- celle de régulateur, à travers laquelle il doit veiller à la loyauté de la concurrence mais aussi à la satisfaction du " droit aux transports " qui caractérise le service public.
Avant de développer ces deux thèmes, je tiens à souligner qu'il convient de les aborder dans une logique résolument intermodale. On ne peut plus en effet raisonner mode par mode et il faut réfléchir en termes de complémentarité et de cohérence entre eux des différents modes. J'aurai l'occasion d'y revenir.
Les schémas directeurs d'infrastructures
Comme vous le savez mon ministère est engagé dans l'élaboration des cinq schémas directeurs d'infrastructures de transport à l'horizon 2015 qui ont été prévus par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire dans le cadre du schéma national d'aménagement du territoire. La responsabilité de l'Etat aménageur dans le domaine des transports se retrouve aussi placée au coeur de la politique d'aménagement du territoire.
Ces cinq schémas directeurs concernent, je vous le rappelle, l'ensemble des modes de transport :
- le schéma routier pour lequel il s'agit surtout d'une actualisation puisque l'actuel ne date que de 1992 ;
- le schéma ferroviaire, qui constituera une nouveauté, sauf pour le cas des liaisons à grande vitesse, et à travers lequel l'Etat devra assumer la responsabilité qui est désormais clairement la sienne en matière de consistance et de caractéristiques du réseau ferré ; s'agissant du sujet particulier des TGV, nous avons chargé Monsieur Philippe ROUVILLOIS, qui doit nous rendre ses conclusions dans les tout prochains jours, d'une mission particulière afin d'éclairer le gouvernement à travers une remise à plat des projets, l'esquisse d'une programmation possible et la recherche de nouvelles modalités de financement ;
- le schéma des voies navigables, qui révisera le schéma directeur de 1985 et qui devra être mis en conformité avec le schéma européen ;
- le schéma des plateformes aéroportuaires, pour lequel aucun précédent n'existe ;
- le schéma des ports maritimes et de leur desserte terrestre, qui doit permettre de tirer le meilleur parti de l'atout irremplaçable que confère à la France une façade maritime unique en Europe.
En accord avec Jean-Claude GAUDIN, j'ai décidé de compléter ces cinq schémas prévus par la loi par un schéma des plateformes multimodales et du transport combiné, afin d'introduire une cohérence entre des initiatives dispersées, voire concurrentes, qui risquent de se nuire alors même que leur financement fait largement appel à des concours publics. Ce travail, pour lequel nous venons de confier une mission au Député Marc-Philippe DAUBRESSE, qui est le Président du Conseil national du transport combiné, doit permettre, comme pour les cinq schémas d'infrastructures, de structurer le territoire et d'optimiser les investissements pour une réelle efficacité.
Priorité à l'intermodalité
J'entends conduire l'élaboration de ces six schémas directeurs dans le cadre d'une approche résolument intermodale. Cela ne procède pas d'une mode ou de je ne sais quel air du temps auquel il serait de bon ton de sacrifier. Le choix de l'intermodalité résulte d'une priorité politique, d'un choix économique et d'une contrainte.
La priorité politique, c'est celle que Bernard PONS et moi-même avons retenue dès les premiers jours de notre action au gouvernement en décidant de placer l'usager au premier rang. On ne réalise pas des infrastructures pour faire plaisir à tel ou tel lobby ou pour respecter un volume annuel d'investissement dans un secteur. Non, on doit réaliser les infrastructures qui sont les plus à même de satisfaire les besoins des usagers.
Le choix économique résulte directement de cette priorité politique, c'est de raisonner en termes de service, c'est-à-dire en termes d'objectifs de transport. Ainsi, il faut d'abord se poser deux questions :
- quelle qualité de service veut-on assurer pour chaque liaison à desservir ?
- quelle est la meilleure réponse au meilleur coût ?
Quelle qualité, c'est-à-dire quel temps de transport ? quel confort ? quel prix ? quelle fréquence ? quelle proximité des arrêts ? Quant à la réponse au meilleur coût, c'est en quelque sorte le meilleur rapport qualité-prix. Il faut ainsi s'interroger pour savoir si la meilleure réponse, c'est le TGV ou l'avion ? la micheline ou l'autocar ? l'autoroute nouvelle ou l'aménagement de la route existante ? le TGV ou l'amélioration de la ligne existante ?
Si une approche intermodale doit ainsi conduire à examiner des réponses alternatives pour satisfaire les besoins de transports, elle doit également s'exprimer en termes de complémentarité des modes dans la chaîne de transport. Il s'agit d'assurer la continuité des différents modes de manière à permettre l'utilisation de chaque mode là où il est le plus pertinent tout en assurant un service pour ainsi dire " porte à. porte ".
L'intermodalité ne peut donc être réduite à la superposition des cartes des différents modes et il est essentiel d'examiner de très près les points nodaux où s'assure l'interconnexion. Cette bonne articulation entre les modes est fondamentale à mes yeux : elle constitue l'une des solutions privilégiées pour accélérer l'aménagement du territoire et la compétitivité économique globale de notre système de transports.
Le choix de l'intermodalité résulte ainsi d'une priorité politique et d'un choix économique, mais aussi d'une contrainte : la rareté des financements, et tout particulièrement des financements publics, qui exige que l'on soit rigoureux et sélectif, que l'on ne doublonne pas les investissements et que l'on alloue les crédits disponibles aux projets les plus utiles aux usagers et à la collectivité.
A cet égard, ne nous y trompons pas. Il n'existe que deux sources de financement des infrastructures de transport : le contribuable d'une part, l'usager d'autre part puisque c'est lui en définitive qui est derrière les financements dits " privés "
Je suis personnellement très attachée à cette approche par le niveau de service et l'intermodalité car elle replace les usagers et leurs besoins en amont de la politique des transports, au premier plan.
Elle peut sembler relever d'un bon sens évident, mais elle est en vérité assez nouvelle dans un pays où l'administration a été organisée mode par mode et où la planification s'est généralement exercée à l'intérieur de chaque mode avec l'objectif de couvrir le territoire aussi uniformément que possible.
La loi d'orientation et ses cinq schémas directeurs d'infrastructure constituent donc une opportunité exceptionnelle. J'ai demandé à mes services d'aborder l'exercice de manière collégiale et coordonnée, en réfrénant leur tendance naturelle à commencer par des cartes, qui ne constituent à mes yeux qu'un objectif final. Les premiers travaux, qui ont été présentés récemment à la Commission nationale d'aménagement du territoire, ont donc porté sur l'établissement de prévisions de trafic communes et sur des perspectives financières visant à répondre aux deux questions suivantes :
- quelle part des ressources publiques peut être consacrée aux transports par la collectivité ?
- dans chaque mode, quelle peut être et quelle doit être la part supportée par le client pour couvrir les coûts d'exploitation et les coûts d'investissement ?
Ce n'est que dans un deuxième temps, sur la base d'une grille de qualité de service définissant les objectifs de transport à atteindre selon les zones du territoire, que l'on en viendra à élaborer les premières cartes, qui devraient ainsi être disponibles à l'automne.
Voilà Mesdames et Messieurs, l'esprit dans lequel Bernard PONS et moi abordons la préparation des schémas directeurs, étant entendu que trois dimensions politiques seront pleinement intégrées :
- la dimension européenne, c'est-à-dire celle de l'intégration de notre pays dans, l'espace européen ;
- la préservation de l'environnement et le développement durable ;
- et, bien entendu, l'emploi.
Le service public
Je souhaiterais à présent évoquer la question du service public qui est essentielle et souvent à l'origine d'incompréhensions. L'Etat est le garant du service public de transport, c'est-à-dire de la satisfaction du " droit au transport " que la LOTI de 1982 a reconnu à chacun. Je suis pour ma part très attachée à la définition de ce droit au transport, telle qu'elle figure dans l'article 1 de la loi : " la satisfaction des besoins de l'usager dans les conditions économiques et sociales les plus avantageuses pour la collectivité ".
Cette définition atteste bien que le service public, c'est le service du public. C'est-à-dire qu'il ne peut être indépendant de la demande de transport et que le service public ne peut se concevoir dans une stricte logique d'offre. Il faut du reste sans doute voir dans une approche trop exclusivement fondée sur l'offre l'une des principales causes de désaffection pour les transports Publics.
Deux constats déroulent directement des principes ainsi posés par la LOTI :
- le service public n'est pas lié à un mode de transport ou, si vous préférez, aucun mode de transport n'est un service public en soi ;
- l'organisation du marché doit tenir compte de la préservation d'un service public, ce qui suppose que les missions de service public soient clairement identifiées de même que les responsabilités de chacun des acteurs dans leur définition et dans leur mise en oeuvre.
Ces deux constats sont fondamentaux. Le fait que le service public ne soit lié à aucun mode de transport spécifique signifie qu'il n'existe pas de service public ferroviaire ou de service public aérien, mais que le service public doit être organisé par les pouvoirs publics - au niveau idoine - en combinant les différents modes disponibles dans le cadre de la recherche du meilleur rapport qualité de service/coût mais aussi dans le respect des principes fondateurs du service public : égalité d'accès et de traitement des usagers, continuité, adaptabilité.
La réponse appropriée doit être recherchée pour chaque situation. Elle ne saurait être univoque, même s'il est certain que la route est aujourd'hui le mode universel qui, seul, permet une desserte fine du territoire.
La réforme ferroviaire
Vous souhaitiez, Monsieur le ministre, que j'évoque les questions d'actualité dans le domaine des transports. C'est donc tout naturellement que je vous parlerais du transport ferroviaire. Nous venons, Bernard PONS et moi, de présenter au Parlement, le 11 juin à l'Assemblée nationale, hier au Sénat, la solution française originale que nous avons mise au point ensemble pour apporter une solution de redressement durable à la crise de la SNCF.
Cette solution, qui s'inspire directement des conclusions du grand débat national mené depuis le début de l'année, repose, vous le savez. sur deux piliers équilibrés :
- une nouvelle organisation du chemin de fer en France permettant de traiter durablement le problème de l'infrastructure et de désendetter la SNCF de 125 milliards de francs ;
- le lancement expérimental du transfert aux régions des services régionaux de voyageurs dans six régions expérimentales.
A travers cette solution, la France fait la preuve, non seulement qu'elle ne reste pas en marge du mouvement des réformes structurelles engagées dans de nombreux pays européens, mais également qu'il existe, dans ce domaine aussi, une voie de modernisation respectueuse de nos spécificités et de nos valeurs.
Cette réforme ambitieuse maintient l'unité de l'entreprise, chargée à la fois de l'exploitation ferroviaire et de la gestion de l'infrastructure. Elle allège la SNCF de la charge de la partie de sa dette liée à l'infrastructure et clarifie les responsabilités de l'Etat et de la SNCF, en conduisant l'Etat à assumer la pleine responsabilité du réseau.
Je suis convaincue que cette réforme, dans ses deux facettes, est de nature à favoriser la place du chemin de fer dans la politique d'aménagement du territoire. En particulier, l'implication accrue des régions dans l'organisation des transports régionaux de voyageurs, qui était prévue d'ailleurs par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, constitue à mes yeux un vecteur privilégié de modernisation du service public de transport et de développement du transport collectif sur moyennes et courtes distances dans le cadre des schémas régionaux de transport.
La clarification des responsabilités sur l'infrastructure permettra dans le même temps à l'Etat d'assumer directement, et complètement, les choix qu'il estime devoir faire au nom de l'équipement des territoires. La politique dans un cadre cohérent, favorisant les choix volontaristes.
Je ne m'étendrai pas plus sur cette réforme majeure à ce stade, mais je ne doute pas que j'aurai l'occasion d'y revenir en réponse à certains questions. Je voudrais en effet évoquer rapidement le transport aérien, qui joue un rôle important dans l'aménagement du territoire.
Le transport aérien
L'Etat a souhaité s'assurer que le mouvement de libéralisation, dont l'usager est aujourd'hui le principal bénéficiaire, ne s'opère pas au détriment du service du public sur des lignes dont l'existence s'inscrivait dans une forme de péréquation interne à Air Inter entre des lignes rentables et des lignes déficitaires. Aussi, afin de préserver les exigences d'aménagement du territoire dont il est le garant, l'Etat a créé le fonds de péréquation des transports aériens, le FPTA. Le FPTA permet de maintenir le principe d'une solidarité entre les usagers, puisque la ressource du fonds provient d'une taxe payée par les usagers et permet de couvrir le déficit de lignes peu fréquentées, sur la base d'obligations de service public précises et d'un appel d'offres.
Au total, le service public est préservé, souvent renforcé, et la compensation financière de l'opérateur est attribuée dans la transparence. C'est à mes yeux une approche moderne conciliant efficacité économique, service public et aménagement du territoire.
Conclusion
Ainsi, Mesdames et Messieurs, vous aurez pu constater à travers ce survol que l'aménagement du territoire est bien au coeur des questions que soulève actuellement la politique des transports. Nous n'en avons pas une vision statique. Bien au contraire, il s'agit d'intégrer une dimension dynamique et prospective, sans oublier les exigences immédiates qu'impose la recherche d 'un équilibre entre les territoires.
Le rôle des élus, au premier rang desquels les parlementaires, est essentiel pour éclairer nos décisions. C'est pourquoi je me réjouis de notre rencontre d'aujourd'hui.
Je vous remercie.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir et d'intérêt que j'ai accepté l'invitation de Maurice LIGOT de prendre la parole devant le groupe d'études " Aménagement du territoire et décentralisation ".
En premier lieu car il est important de donner au débat sur les transports une audience et une résonance qui lui font trop souvent défaut, alors même qu'il s'agit d'un sujet éminemment politique. En second lieu parce que l'aménagement du territoire est un élément essentiel de la politique des transports. Il renvoie en effet à deux responsabilités essentielles de l'Etat, celle d'aménageur et celle de régulateur.
Je souhaite donc revenir sur ces deux grandes missions que l'Etat exerce dans le domaine des transports :
- celle d'aménageur, à travers laquelle l'Etat est le garant de l'équilibre du territoire et d'une certaine forme d'égalité des chances pour les différentes régions ;
- celle de régulateur, à travers laquelle il doit veiller à la loyauté de la concurrence mais aussi à la satisfaction du " droit aux transports " qui caractérise le service public.
Avant de développer ces deux thèmes, je tiens à souligner qu'il convient de les aborder dans une logique résolument intermodale. On ne peut plus en effet raisonner mode par mode et il faut réfléchir en termes de complémentarité et de cohérence entre eux des différents modes. J'aurai l'occasion d'y revenir.
Les schémas directeurs d'infrastructures
Comme vous le savez mon ministère est engagé dans l'élaboration des cinq schémas directeurs d'infrastructures de transport à l'horizon 2015 qui ont été prévus par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire dans le cadre du schéma national d'aménagement du territoire. La responsabilité de l'Etat aménageur dans le domaine des transports se retrouve aussi placée au coeur de la politique d'aménagement du territoire.
Ces cinq schémas directeurs concernent, je vous le rappelle, l'ensemble des modes de transport :
- le schéma routier pour lequel il s'agit surtout d'une actualisation puisque l'actuel ne date que de 1992 ;
- le schéma ferroviaire, qui constituera une nouveauté, sauf pour le cas des liaisons à grande vitesse, et à travers lequel l'Etat devra assumer la responsabilité qui est désormais clairement la sienne en matière de consistance et de caractéristiques du réseau ferré ; s'agissant du sujet particulier des TGV, nous avons chargé Monsieur Philippe ROUVILLOIS, qui doit nous rendre ses conclusions dans les tout prochains jours, d'une mission particulière afin d'éclairer le gouvernement à travers une remise à plat des projets, l'esquisse d'une programmation possible et la recherche de nouvelles modalités de financement ;
- le schéma des voies navigables, qui révisera le schéma directeur de 1985 et qui devra être mis en conformité avec le schéma européen ;
- le schéma des plateformes aéroportuaires, pour lequel aucun précédent n'existe ;
- le schéma des ports maritimes et de leur desserte terrestre, qui doit permettre de tirer le meilleur parti de l'atout irremplaçable que confère à la France une façade maritime unique en Europe.
En accord avec Jean-Claude GAUDIN, j'ai décidé de compléter ces cinq schémas prévus par la loi par un schéma des plateformes multimodales et du transport combiné, afin d'introduire une cohérence entre des initiatives dispersées, voire concurrentes, qui risquent de se nuire alors même que leur financement fait largement appel à des concours publics. Ce travail, pour lequel nous venons de confier une mission au Député Marc-Philippe DAUBRESSE, qui est le Président du Conseil national du transport combiné, doit permettre, comme pour les cinq schémas d'infrastructures, de structurer le territoire et d'optimiser les investissements pour une réelle efficacité.
Priorité à l'intermodalité
J'entends conduire l'élaboration de ces six schémas directeurs dans le cadre d'une approche résolument intermodale. Cela ne procède pas d'une mode ou de je ne sais quel air du temps auquel il serait de bon ton de sacrifier. Le choix de l'intermodalité résulte d'une priorité politique, d'un choix économique et d'une contrainte.
La priorité politique, c'est celle que Bernard PONS et moi-même avons retenue dès les premiers jours de notre action au gouvernement en décidant de placer l'usager au premier rang. On ne réalise pas des infrastructures pour faire plaisir à tel ou tel lobby ou pour respecter un volume annuel d'investissement dans un secteur. Non, on doit réaliser les infrastructures qui sont les plus à même de satisfaire les besoins des usagers.
Le choix économique résulte directement de cette priorité politique, c'est de raisonner en termes de service, c'est-à-dire en termes d'objectifs de transport. Ainsi, il faut d'abord se poser deux questions :
- quelle qualité de service veut-on assurer pour chaque liaison à desservir ?
- quelle est la meilleure réponse au meilleur coût ?
Quelle qualité, c'est-à-dire quel temps de transport ? quel confort ? quel prix ? quelle fréquence ? quelle proximité des arrêts ? Quant à la réponse au meilleur coût, c'est en quelque sorte le meilleur rapport qualité-prix. Il faut ainsi s'interroger pour savoir si la meilleure réponse, c'est le TGV ou l'avion ? la micheline ou l'autocar ? l'autoroute nouvelle ou l'aménagement de la route existante ? le TGV ou l'amélioration de la ligne existante ?
Si une approche intermodale doit ainsi conduire à examiner des réponses alternatives pour satisfaire les besoins de transports, elle doit également s'exprimer en termes de complémentarité des modes dans la chaîne de transport. Il s'agit d'assurer la continuité des différents modes de manière à permettre l'utilisation de chaque mode là où il est le plus pertinent tout en assurant un service pour ainsi dire " porte à. porte ".
L'intermodalité ne peut donc être réduite à la superposition des cartes des différents modes et il est essentiel d'examiner de très près les points nodaux où s'assure l'interconnexion. Cette bonne articulation entre les modes est fondamentale à mes yeux : elle constitue l'une des solutions privilégiées pour accélérer l'aménagement du territoire et la compétitivité économique globale de notre système de transports.
Le choix de l'intermodalité résulte ainsi d'une priorité politique et d'un choix économique, mais aussi d'une contrainte : la rareté des financements, et tout particulièrement des financements publics, qui exige que l'on soit rigoureux et sélectif, que l'on ne doublonne pas les investissements et que l'on alloue les crédits disponibles aux projets les plus utiles aux usagers et à la collectivité.
A cet égard, ne nous y trompons pas. Il n'existe que deux sources de financement des infrastructures de transport : le contribuable d'une part, l'usager d'autre part puisque c'est lui en définitive qui est derrière les financements dits " privés "
Je suis personnellement très attachée à cette approche par le niveau de service et l'intermodalité car elle replace les usagers et leurs besoins en amont de la politique des transports, au premier plan.
Elle peut sembler relever d'un bon sens évident, mais elle est en vérité assez nouvelle dans un pays où l'administration a été organisée mode par mode et où la planification s'est généralement exercée à l'intérieur de chaque mode avec l'objectif de couvrir le territoire aussi uniformément que possible.
La loi d'orientation et ses cinq schémas directeurs d'infrastructure constituent donc une opportunité exceptionnelle. J'ai demandé à mes services d'aborder l'exercice de manière collégiale et coordonnée, en réfrénant leur tendance naturelle à commencer par des cartes, qui ne constituent à mes yeux qu'un objectif final. Les premiers travaux, qui ont été présentés récemment à la Commission nationale d'aménagement du territoire, ont donc porté sur l'établissement de prévisions de trafic communes et sur des perspectives financières visant à répondre aux deux questions suivantes :
- quelle part des ressources publiques peut être consacrée aux transports par la collectivité ?
- dans chaque mode, quelle peut être et quelle doit être la part supportée par le client pour couvrir les coûts d'exploitation et les coûts d'investissement ?
Ce n'est que dans un deuxième temps, sur la base d'une grille de qualité de service définissant les objectifs de transport à atteindre selon les zones du territoire, que l'on en viendra à élaborer les premières cartes, qui devraient ainsi être disponibles à l'automne.
Voilà Mesdames et Messieurs, l'esprit dans lequel Bernard PONS et moi abordons la préparation des schémas directeurs, étant entendu que trois dimensions politiques seront pleinement intégrées :
- la dimension européenne, c'est-à-dire celle de l'intégration de notre pays dans, l'espace européen ;
- la préservation de l'environnement et le développement durable ;
- et, bien entendu, l'emploi.
Le service public
Je souhaiterais à présent évoquer la question du service public qui est essentielle et souvent à l'origine d'incompréhensions. L'Etat est le garant du service public de transport, c'est-à-dire de la satisfaction du " droit au transport " que la LOTI de 1982 a reconnu à chacun. Je suis pour ma part très attachée à la définition de ce droit au transport, telle qu'elle figure dans l'article 1 de la loi : " la satisfaction des besoins de l'usager dans les conditions économiques et sociales les plus avantageuses pour la collectivité ".
Cette définition atteste bien que le service public, c'est le service du public. C'est-à-dire qu'il ne peut être indépendant de la demande de transport et que le service public ne peut se concevoir dans une stricte logique d'offre. Il faut du reste sans doute voir dans une approche trop exclusivement fondée sur l'offre l'une des principales causes de désaffection pour les transports Publics.
Deux constats déroulent directement des principes ainsi posés par la LOTI :
- le service public n'est pas lié à un mode de transport ou, si vous préférez, aucun mode de transport n'est un service public en soi ;
- l'organisation du marché doit tenir compte de la préservation d'un service public, ce qui suppose que les missions de service public soient clairement identifiées de même que les responsabilités de chacun des acteurs dans leur définition et dans leur mise en oeuvre.
Ces deux constats sont fondamentaux. Le fait que le service public ne soit lié à aucun mode de transport spécifique signifie qu'il n'existe pas de service public ferroviaire ou de service public aérien, mais que le service public doit être organisé par les pouvoirs publics - au niveau idoine - en combinant les différents modes disponibles dans le cadre de la recherche du meilleur rapport qualité de service/coût mais aussi dans le respect des principes fondateurs du service public : égalité d'accès et de traitement des usagers, continuité, adaptabilité.
La réponse appropriée doit être recherchée pour chaque situation. Elle ne saurait être univoque, même s'il est certain que la route est aujourd'hui le mode universel qui, seul, permet une desserte fine du territoire.
La réforme ferroviaire
Vous souhaitiez, Monsieur le ministre, que j'évoque les questions d'actualité dans le domaine des transports. C'est donc tout naturellement que je vous parlerais du transport ferroviaire. Nous venons, Bernard PONS et moi, de présenter au Parlement, le 11 juin à l'Assemblée nationale, hier au Sénat, la solution française originale que nous avons mise au point ensemble pour apporter une solution de redressement durable à la crise de la SNCF.
Cette solution, qui s'inspire directement des conclusions du grand débat national mené depuis le début de l'année, repose, vous le savez. sur deux piliers équilibrés :
- une nouvelle organisation du chemin de fer en France permettant de traiter durablement le problème de l'infrastructure et de désendetter la SNCF de 125 milliards de francs ;
- le lancement expérimental du transfert aux régions des services régionaux de voyageurs dans six régions expérimentales.
A travers cette solution, la France fait la preuve, non seulement qu'elle ne reste pas en marge du mouvement des réformes structurelles engagées dans de nombreux pays européens, mais également qu'il existe, dans ce domaine aussi, une voie de modernisation respectueuse de nos spécificités et de nos valeurs.
Cette réforme ambitieuse maintient l'unité de l'entreprise, chargée à la fois de l'exploitation ferroviaire et de la gestion de l'infrastructure. Elle allège la SNCF de la charge de la partie de sa dette liée à l'infrastructure et clarifie les responsabilités de l'Etat et de la SNCF, en conduisant l'Etat à assumer la pleine responsabilité du réseau.
Je suis convaincue que cette réforme, dans ses deux facettes, est de nature à favoriser la place du chemin de fer dans la politique d'aménagement du territoire. En particulier, l'implication accrue des régions dans l'organisation des transports régionaux de voyageurs, qui était prévue d'ailleurs par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, constitue à mes yeux un vecteur privilégié de modernisation du service public de transport et de développement du transport collectif sur moyennes et courtes distances dans le cadre des schémas régionaux de transport.
La clarification des responsabilités sur l'infrastructure permettra dans le même temps à l'Etat d'assumer directement, et complètement, les choix qu'il estime devoir faire au nom de l'équipement des territoires. La politique dans un cadre cohérent, favorisant les choix volontaristes.
Je ne m'étendrai pas plus sur cette réforme majeure à ce stade, mais je ne doute pas que j'aurai l'occasion d'y revenir en réponse à certains questions. Je voudrais en effet évoquer rapidement le transport aérien, qui joue un rôle important dans l'aménagement du territoire.
Le transport aérien
L'Etat a souhaité s'assurer que le mouvement de libéralisation, dont l'usager est aujourd'hui le principal bénéficiaire, ne s'opère pas au détriment du service du public sur des lignes dont l'existence s'inscrivait dans une forme de péréquation interne à Air Inter entre des lignes rentables et des lignes déficitaires. Aussi, afin de préserver les exigences d'aménagement du territoire dont il est le garant, l'Etat a créé le fonds de péréquation des transports aériens, le FPTA. Le FPTA permet de maintenir le principe d'une solidarité entre les usagers, puisque la ressource du fonds provient d'une taxe payée par les usagers et permet de couvrir le déficit de lignes peu fréquentées, sur la base d'obligations de service public précises et d'un appel d'offres.
Au total, le service public est préservé, souvent renforcé, et la compensation financière de l'opérateur est attribuée dans la transparence. C'est à mes yeux une approche moderne conciliant efficacité économique, service public et aménagement du territoire.
Conclusion
Ainsi, Mesdames et Messieurs, vous aurez pu constater à travers ce survol que l'aménagement du territoire est bien au coeur des questions que soulève actuellement la politique des transports. Nous n'en avons pas une vision statique. Bien au contraire, il s'agit d'intégrer une dimension dynamique et prospective, sans oublier les exigences immédiates qu'impose la recherche d 'un équilibre entre les territoires.
Le rôle des élus, au premier rang desquels les parlementaires, est essentiel pour éclairer nos décisions. C'est pourquoi je me réjouis de notre rencontre d'aujourd'hui.
Je vous remercie.