Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Messieurs les membres des Cours constitutionnelles,
Messieurs les Professeurs et Doyens,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Lorsque mon ami Patrice GELARD m'a demandé si le Sénat pourrait accueillir les Constitutionnalistes du monde au palais du Luxembourg, je lui ai naturellement donné un accord enthousiaste. Je savais en effet qu'il avait été l'un des fondateurs de votre Association et je connais le travail qu'il accomplit depuis longtemps en faveur de l'internationalisation du droit constitutionnel.
Je me réjouis de voir à ses côtés mon ancien collègue et ami Yves GUÉNA qui préside aujourd'hui, avec l'autorité, le talent et l'élégance que l'on sait, notre Conseil Constitutionnel.
Je salue naturellement tous nos amis étrangers et, plus particulièrement, M. le professeur ROSENFELD, président de l'Association. Je vois un signe très positif dans le fait que la présidence de l'Association internationale ait été confiée à un citoyen des Etats-Unis, par ailleurs parfaitement francophone. Ainsi se trouve consacrée une amitié entre nos deux pays qui, en dépit des " malentendus transatlantiques ", chers à Henry Kissinger, ne s'est jamais démentie sur la durée.
Enfin je me réjouis de voir à cette table Didier MAUS, vieil ami du Sénat, et que je salue avec plaisir en sa qualité de président de l'Association française des Constitutionnalistes.
Au-delà des considérations amicales, ce sont des raisons de fond qui conduisent le Président du Sénat à se réjouir d'être entouré par un semblable aréopage.
La première raison tient au fait que vous êtes tous passionnés d'institution et il est toujours sain et fructueux d'essayer de confronter les analyses textuelles et les élaborations doctrinales avec la réalité du fonctionnement au jour le jour.
La seconde raison est que j'ai toujours accordé une grande importance à l'écoute du monde extérieur et au développement d' un dialogue particulier et privilégié avec le monde de l'université et de la recherche.
Dialoguer avec l'extérieur est vital pour une institution comme le Sénat, naturellement plus attentive aux courants de fond qui parcourent la société et tournée vers la perspective.
Cela ne signifie pas pour autant que le Sénat soit particulièrement friand de mécanique institutionnelle. En raison de sa fonction d'incarnation du " temps et la durée " dans les institutions, il est au contraire, tel les sages auxquels on le compare parfois, un élément de continuité et d'évolution plus que de révolution.
On ne change pas la société par la loi, ni même par la Constitution ; une bonne constitution est une constitution qui prend en compte les divers éléments spécifiques qui fondent l'identité d'une société. C'est aussi naturellement celle qui sait mettre en place les garde-fous indispensables pour éviter les dérives des institutions, encadrer les emportements des individus et à canaliser leurs attentes par le truchement de la représentation.
Il est une raison plus conjoncturelle qui nous réunit de manière très naturelle, c'est la formidable intrusion de la vie internationale dans nos institutions. C'est la vie internationale qui, au cours de ces vingt années, a apporté à nos démocraties les plus beaux cadeaux. La chute du mur de Berlin, pour ne citer que l'événement le plus emblématique de ces dernières années, n'a cependant pas été, en tout cas de mon point de vue, la sanction de la faillite d'un système, non plus que le triomphe d'un camp sur l'autre. J'ai davantage perçu cet événement comme l'un de ces moments de réconciliation qui interviennent parfois dans les meilleures familles après des années de malentendus.
Je crois que nous avons beaucoup à apprendre des sociétés de l'Est européen qui, précisément parce qu'elles ont manqué de liberté, ont eu l'occasion de méditer sur la démocratie.
L'internationalisation est au coeur de ma présidence au Sénat. C'est en son nom que j'ai contribué, avec mes collègues, à affirmer le rôle international des parlements. Nous venons d'ailleurs de consacrer cette évolution avec mon collègue président de l'Assemblée nationale à l'occasion du colloque que nous avons organisé ensemble sur " la Diplomatie parlementaire ". C'est au nom de cette internationalisation que j'ai réuni à Paris, en avril 2000, tous les Sénats du monde et que cette manifestation se décline maintenant sur le plan régional, en Afrique mais aussi en Europe. C'est dans ce cadre que j'accueillerai la semaine prochaine, la réunion de l'Association des Sénats d'Europe qui rassemble les secondes chambres de la partie occidentale comme de la partie orientale de notre continent. Les fonctions et les enjeux du bicamérisme, voici un champ de recherche qui pourrait être heureusement renouvelé et sur lequel le Sénat serait prêt à faire cause commune avec les universités pour encourager les étudiants sur cette voie.
C'est, plus largement, l'internationalisation du droit qu'il nous convient aujourd'hui de célébrer. J'ai vu que vous vous étiez donné comme défi d'appréhender le " droit constitutionnel entre deux siècles ". Aussi, si vous le voulez bien, je voudrais esquisser quelques réflexions à ce sujet, qui pourraient être des éléments à verser à vos débats.
Cette internationalisation du droit est très largement le fruit des échanges mais aussi d'une évolution profonde.
Cette internationalisation du droit s'est manifestée d'abord à mes yeux par la popularisation de la notion de constitution, elle-même consubstantiellement liée à la notion d'état de droit, concept désormais partagé par tous. Cette constitutionnalisation, plusieurs expériences nous l'ont montré, ne suffit pas cependant à assurer les garanties suffisantes pour la démocratie.
Le deuxième élément tient dans le développement du rôle du juge, que ce soit au plan international ou au plan interne. Au plan international, l'institution judiciaire, ou plus exactement juridictionnelle, est sans doute parfaitement adaptée à une société diffuse, difficile à appréhender et où les Etats répugnent encore -et souvent légitimement- à consentir des transferts de souveraineté. Par son caractère progressif, s'appuyant sur des situations concrètes, le droit jurisprudentiel est naturellement propice aux évolutions lentes et adapté -du moins peut on le souhaiter- aux attentes évolutives de nos sociétés.
Sa pénétration dans le domaine constitutionnel, j'allais dire même dans un pays comme le mien, particulièrement réfractaire à ce type d'évolution est susceptible d'aboutir à une modification de la notion même de constitutionnalisme.
Tout en mesurant à sa juste valeur cette évolution, je souhaite verser à vos débats l'idée que la progression de l'état de droit ne peut pas être assimilée totalement à un progrès de la démocratie.
La démocratie est sans doute un corps de règles. Elle est aussi, et surtout, une culture et une culture vivante. C'est la raison pour laquelle il me semble que l'état de droit ne peut se développer sans que, parallèlement, une attention toujours plus grande soit portée au phénomène de représentation des citoyens.
Ce qui ne peut manquer de nous frapper, que l'on soit professeur ou politique, c'est que dans tous nos pays se manifestent à la fois une perte de repères institutionnels et une tendance au développement des institutions. A cet égard,comment ne pas être frappé par le refus d'une réglementation tatillonne, de la centralisation et, en même temps, par la demande sans cesse croissante d'instances de régulation c'est-à-dire d'émetteurs de normes contraignantes ?
Nous avons le devoir de tenter de discerner à travers ces mouvements ce qui relève de la nécessaire gestion d'une société complexe et de plus en plus diversifiée, de ce qui pourrait relever d'un substitut désincarné d'un lien social qui se distend.
Je crois pour ma part qu'à côté de la notion d'état de droit nous devons restaurer l'importance du politique. Comment ne pas être frappé par le fait que la multiplication des centres de décision ne suffit pas à répondre aux attentes de nos concitoyens ?
Comment également ne pas être interpellé par la difficulté, en dépit du constat maintes fois dressé des insuffisances de la démocratie représentative, de la lenteur de mise en place de procédures véritables de démocratie directe ?
Nous devons réhabiliter ce miracle permanent qui fait qu' à partir de la multiplicité d'individus qui se reconnaissent suffisamment de points communs pour vivre ensemble ,nos systèmes parviennent à mettre en place des instances reconnues comme expression de la souveraineté. Il ne vous aura pas échappé que, dans mon esprit, le mécanisme encore le mieux adapté à l'expression du politique est l'institution parlementaire.
Or il me semble que dans son appréhension, on a tendance à négliger plusieurs de ses fonctions et à se méprendre sur sa véritable place dans les institutions. Pourquoi continuer de juger de l'efficacité du parlement par rapport à un système idéal où il aurait été en quelque sorte la loi et le prophète et où tout découlerait de lui ? Un tel système, sauf peut-être à l'époque des sénats romain ou vénitien, et encore, n'a jamais existé. Le parlement doit être considéré comme une enceinte où se confrontent les opinions. C'est déjà une fonction essentielle en soi. Le parlement est par là même porteur de transparence et de consensus potentiel.
J'étais hier à Marseille à la rencontre des habitants de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur où je présentais une exposition sur le Sénat . A Marseille comme ailleurs, j'ai été particulièrement frappé par l'adhésion que suscitent les institutions dès lors qu'on veut bien les présenter d'une manière susceptible d'être comprise dans une société qui a profondément changé. Tout se passe comme si les citoyens vivaient non pas contre mais à côté des institutions.
Cette exigence de représentation et de politique si évidente au plan national, est aujourd'hui perceptible au plan international. Je suis particulièrement frappé comme vous tous par l'accélération de l'émergence d'une conscience mondiale. Au fond nous sommes en présence d'une nouvelle société faite d'interdépendance à une échelle planétaire, capable de produire des échanges matériels et humains considérables et qui ne peut pas encore admettre que, comme toute société politique, elle a besoin de chemins vers l'expression organisée des opinions.
Retrouver le lien social à travers l'expression politique et non contre elle, affirmer l'actualité du constitutionnalisme comme cadre d'un équilibre souhaitable entre les diverses sources du droit, contribuer à l'avènement d'une société mondiale par le droit, tels sont les défis que je vous propose de relever pour les vingt années qui s'annoncent. Permettez-moi cependant une confidence : j'ai peur qu'elles ne soient pas suffisantes !
(Source http://www.senat.fr, le 1er juin 2001)
Messieurs les membres des Cours constitutionnelles,
Messieurs les Professeurs et Doyens,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Lorsque mon ami Patrice GELARD m'a demandé si le Sénat pourrait accueillir les Constitutionnalistes du monde au palais du Luxembourg, je lui ai naturellement donné un accord enthousiaste. Je savais en effet qu'il avait été l'un des fondateurs de votre Association et je connais le travail qu'il accomplit depuis longtemps en faveur de l'internationalisation du droit constitutionnel.
Je me réjouis de voir à ses côtés mon ancien collègue et ami Yves GUÉNA qui préside aujourd'hui, avec l'autorité, le talent et l'élégance que l'on sait, notre Conseil Constitutionnel.
Je salue naturellement tous nos amis étrangers et, plus particulièrement, M. le professeur ROSENFELD, président de l'Association. Je vois un signe très positif dans le fait que la présidence de l'Association internationale ait été confiée à un citoyen des Etats-Unis, par ailleurs parfaitement francophone. Ainsi se trouve consacrée une amitié entre nos deux pays qui, en dépit des " malentendus transatlantiques ", chers à Henry Kissinger, ne s'est jamais démentie sur la durée.
Enfin je me réjouis de voir à cette table Didier MAUS, vieil ami du Sénat, et que je salue avec plaisir en sa qualité de président de l'Association française des Constitutionnalistes.
Au-delà des considérations amicales, ce sont des raisons de fond qui conduisent le Président du Sénat à se réjouir d'être entouré par un semblable aréopage.
La première raison tient au fait que vous êtes tous passionnés d'institution et il est toujours sain et fructueux d'essayer de confronter les analyses textuelles et les élaborations doctrinales avec la réalité du fonctionnement au jour le jour.
La seconde raison est que j'ai toujours accordé une grande importance à l'écoute du monde extérieur et au développement d' un dialogue particulier et privilégié avec le monde de l'université et de la recherche.
Dialoguer avec l'extérieur est vital pour une institution comme le Sénat, naturellement plus attentive aux courants de fond qui parcourent la société et tournée vers la perspective.
Cela ne signifie pas pour autant que le Sénat soit particulièrement friand de mécanique institutionnelle. En raison de sa fonction d'incarnation du " temps et la durée " dans les institutions, il est au contraire, tel les sages auxquels on le compare parfois, un élément de continuité et d'évolution plus que de révolution.
On ne change pas la société par la loi, ni même par la Constitution ; une bonne constitution est une constitution qui prend en compte les divers éléments spécifiques qui fondent l'identité d'une société. C'est aussi naturellement celle qui sait mettre en place les garde-fous indispensables pour éviter les dérives des institutions, encadrer les emportements des individus et à canaliser leurs attentes par le truchement de la représentation.
Il est une raison plus conjoncturelle qui nous réunit de manière très naturelle, c'est la formidable intrusion de la vie internationale dans nos institutions. C'est la vie internationale qui, au cours de ces vingt années, a apporté à nos démocraties les plus beaux cadeaux. La chute du mur de Berlin, pour ne citer que l'événement le plus emblématique de ces dernières années, n'a cependant pas été, en tout cas de mon point de vue, la sanction de la faillite d'un système, non plus que le triomphe d'un camp sur l'autre. J'ai davantage perçu cet événement comme l'un de ces moments de réconciliation qui interviennent parfois dans les meilleures familles après des années de malentendus.
Je crois que nous avons beaucoup à apprendre des sociétés de l'Est européen qui, précisément parce qu'elles ont manqué de liberté, ont eu l'occasion de méditer sur la démocratie.
L'internationalisation est au coeur de ma présidence au Sénat. C'est en son nom que j'ai contribué, avec mes collègues, à affirmer le rôle international des parlements. Nous venons d'ailleurs de consacrer cette évolution avec mon collègue président de l'Assemblée nationale à l'occasion du colloque que nous avons organisé ensemble sur " la Diplomatie parlementaire ". C'est au nom de cette internationalisation que j'ai réuni à Paris, en avril 2000, tous les Sénats du monde et que cette manifestation se décline maintenant sur le plan régional, en Afrique mais aussi en Europe. C'est dans ce cadre que j'accueillerai la semaine prochaine, la réunion de l'Association des Sénats d'Europe qui rassemble les secondes chambres de la partie occidentale comme de la partie orientale de notre continent. Les fonctions et les enjeux du bicamérisme, voici un champ de recherche qui pourrait être heureusement renouvelé et sur lequel le Sénat serait prêt à faire cause commune avec les universités pour encourager les étudiants sur cette voie.
C'est, plus largement, l'internationalisation du droit qu'il nous convient aujourd'hui de célébrer. J'ai vu que vous vous étiez donné comme défi d'appréhender le " droit constitutionnel entre deux siècles ". Aussi, si vous le voulez bien, je voudrais esquisser quelques réflexions à ce sujet, qui pourraient être des éléments à verser à vos débats.
Cette internationalisation du droit est très largement le fruit des échanges mais aussi d'une évolution profonde.
Cette internationalisation du droit s'est manifestée d'abord à mes yeux par la popularisation de la notion de constitution, elle-même consubstantiellement liée à la notion d'état de droit, concept désormais partagé par tous. Cette constitutionnalisation, plusieurs expériences nous l'ont montré, ne suffit pas cependant à assurer les garanties suffisantes pour la démocratie.
Le deuxième élément tient dans le développement du rôle du juge, que ce soit au plan international ou au plan interne. Au plan international, l'institution judiciaire, ou plus exactement juridictionnelle, est sans doute parfaitement adaptée à une société diffuse, difficile à appréhender et où les Etats répugnent encore -et souvent légitimement- à consentir des transferts de souveraineté. Par son caractère progressif, s'appuyant sur des situations concrètes, le droit jurisprudentiel est naturellement propice aux évolutions lentes et adapté -du moins peut on le souhaiter- aux attentes évolutives de nos sociétés.
Sa pénétration dans le domaine constitutionnel, j'allais dire même dans un pays comme le mien, particulièrement réfractaire à ce type d'évolution est susceptible d'aboutir à une modification de la notion même de constitutionnalisme.
Tout en mesurant à sa juste valeur cette évolution, je souhaite verser à vos débats l'idée que la progression de l'état de droit ne peut pas être assimilée totalement à un progrès de la démocratie.
La démocratie est sans doute un corps de règles. Elle est aussi, et surtout, une culture et une culture vivante. C'est la raison pour laquelle il me semble que l'état de droit ne peut se développer sans que, parallèlement, une attention toujours plus grande soit portée au phénomène de représentation des citoyens.
Ce qui ne peut manquer de nous frapper, que l'on soit professeur ou politique, c'est que dans tous nos pays se manifestent à la fois une perte de repères institutionnels et une tendance au développement des institutions. A cet égard,comment ne pas être frappé par le refus d'une réglementation tatillonne, de la centralisation et, en même temps, par la demande sans cesse croissante d'instances de régulation c'est-à-dire d'émetteurs de normes contraignantes ?
Nous avons le devoir de tenter de discerner à travers ces mouvements ce qui relève de la nécessaire gestion d'une société complexe et de plus en plus diversifiée, de ce qui pourrait relever d'un substitut désincarné d'un lien social qui se distend.
Je crois pour ma part qu'à côté de la notion d'état de droit nous devons restaurer l'importance du politique. Comment ne pas être frappé par le fait que la multiplication des centres de décision ne suffit pas à répondre aux attentes de nos concitoyens ?
Comment également ne pas être interpellé par la difficulté, en dépit du constat maintes fois dressé des insuffisances de la démocratie représentative, de la lenteur de mise en place de procédures véritables de démocratie directe ?
Nous devons réhabiliter ce miracle permanent qui fait qu' à partir de la multiplicité d'individus qui se reconnaissent suffisamment de points communs pour vivre ensemble ,nos systèmes parviennent à mettre en place des instances reconnues comme expression de la souveraineté. Il ne vous aura pas échappé que, dans mon esprit, le mécanisme encore le mieux adapté à l'expression du politique est l'institution parlementaire.
Or il me semble que dans son appréhension, on a tendance à négliger plusieurs de ses fonctions et à se méprendre sur sa véritable place dans les institutions. Pourquoi continuer de juger de l'efficacité du parlement par rapport à un système idéal où il aurait été en quelque sorte la loi et le prophète et où tout découlerait de lui ? Un tel système, sauf peut-être à l'époque des sénats romain ou vénitien, et encore, n'a jamais existé. Le parlement doit être considéré comme une enceinte où se confrontent les opinions. C'est déjà une fonction essentielle en soi. Le parlement est par là même porteur de transparence et de consensus potentiel.
J'étais hier à Marseille à la rencontre des habitants de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur où je présentais une exposition sur le Sénat . A Marseille comme ailleurs, j'ai été particulièrement frappé par l'adhésion que suscitent les institutions dès lors qu'on veut bien les présenter d'une manière susceptible d'être comprise dans une société qui a profondément changé. Tout se passe comme si les citoyens vivaient non pas contre mais à côté des institutions.
Cette exigence de représentation et de politique si évidente au plan national, est aujourd'hui perceptible au plan international. Je suis particulièrement frappé comme vous tous par l'accélération de l'émergence d'une conscience mondiale. Au fond nous sommes en présence d'une nouvelle société faite d'interdépendance à une échelle planétaire, capable de produire des échanges matériels et humains considérables et qui ne peut pas encore admettre que, comme toute société politique, elle a besoin de chemins vers l'expression organisée des opinions.
Retrouver le lien social à travers l'expression politique et non contre elle, affirmer l'actualité du constitutionnalisme comme cadre d'un équilibre souhaitable entre les diverses sources du droit, contribuer à l'avènement d'une société mondiale par le droit, tels sont les défis que je vous propose de relever pour les vingt années qui s'annoncent. Permettez-moi cependant une confidence : j'ai peur qu'elles ne soient pas suffisantes !
(Source http://www.senat.fr, le 1er juin 2001)