Texte intégral
C. Roux, M. Biraben et L. Mercadet.- M. Biraben : Le ministre du Budget et des comptes publics, E. Woerth, est notre invité, Caroline.
C. Roux : En ce moment, comme les autres ministres de Bercy, il doit résoudre une drôle d'équation : taper sur les patrons qui ne jouent pas le jeu de la crise pour contenter l'opinion, mais ne pas insulter l'avenir et les ménager en prévision de la reprise. Entre légalité et moralité, pas facile de naviguer, surtout quand, chaque jour, un nouveau patron fait une sortie de route. Bonjour.
Bonjour.
M. Biraben : Bonjour. Merci à vous E. Woerth d'être avec nous ce matin. On est ravi de vous recevoir. On apprend, et j'imagine que vous l'avez lu, à la Une de Libé, que le PDG de Valeo part avec 3,2 millions d'euros en poche. T. Morin quitte une entreprise aidée par l'Etat à hauteur de dix-neuf millions, une entreprise qui supprime 1.600 emplois. Vous trouvez ça normal ?
Non, je ne trouve pas ça normal. Je trouve ça donc anormal et provocateur, à un moment donné où, évidemment, les opinions publiques, enfin, globalement, personne n'est prêt à ça. Et c'est, je pense, ne pas comprendre du tout ce qui se passe que d'agir comme ??a...
C. Roux : Mais il faut qu'il renonce à cette somme ?
Enfin, c'est au conseil d'administration de décider, mais je pense qu'il serait plus juste de renoncer à ce type de somme. Si vous voulez, je crois que ce type de comportement montre qu'au fond... enfin, ils n'ont rien compris, voilà, ils n'ont rien compris.
C. Roux : Qui n'a rien compris, les patrons, d'une manière générale ?
De manière générale, mais je ne veux pas dire "les patrons", parce qu'il y a plein de gens différents, mais ceux qui procèdent ainsi n'ont rien compris, ils n'ont rien compris au fait que l'opinion publique n'en peut plus, et que tous les jours, il y a des plans sociaux qui sortent, et des personnes qui sont exposées à la crise d'une façon très grave, de l'autre côté, il y a un Etat, un gouvernement, un président de la République qui agit sur le plan international et national pour éviter cela et pour mettre à la fois de la justice, et puis, en même temps, de l'efficacité dans les plans de relance. Et quand on voit ça, c'est anormal. Je crois qu'il y a trois types de...
C. Roux : Mais il n'y a pas de problème de légalité, pardon de vous interrompre, il n'y a pas de problème de légalité, là ; ce qu'il fait, c'est en conformité avec son contrat de travail, donc c'est un problème de moralité, c'est ça ?
Je pense que c'est un problème de morale, oui, c'est un problème de comportement tout simplement, vous voyez bien que toutes ces décisions, elles sont transparentes, heureusement, elles sont sur la place publique. Donc les gens se disent : mais comment, je suis moi-même licencié dans des conditions que je ne comprends pas, et en même temps, de l'autre côté, quelqu'un touche des sommes faramineuses ; je crois qu'il y a plusieurs types, en réalité, de problèmes. Le premier problème, c'est les rémunérations ou la méthode de rémunération des patrons ou des cadres dirigeants, qui sont dans des entreprises qui touchent de l'argent de l'Etat. Et ça a été le cas par exemple de Valeo, parce que c'est un équipementier automobile et qu'il y a un plan sur l'automobile public. Donc là, ça nécessite - enfin, toutes les entreprises doivent être exemplaires - mais ça nécessite une exemplarité encore plus forte, l'entreprise avait touché de l'argent du contribuable. Madame Machin qui paie des impôts à un endroit, elle a donné une petite partie de ses impôts pour au fond cette entreprise. Donc, il faut que l'exemplarité soit totale.
C. Roux : Alors, ça, le constat, très bien, mais il faut que l'exemplarité... Là, le Gouvernement a son mot à dire, qu'est-ce qu'il dit dans ce cas-là ?
Bien sûr. Enfin, je pense que le débat va être tranché, parce qu'il faut remettre de l'ordre là-dedans, et ce soir, le président de la République va parler à Saint-Quentin, et j'imagine que c'est un sujet qu'il va évidemment aborder...
C. Roux : Mais vous, qu'est-ce que vous souhaiteriez ? Vous souhaiteriez une loi, est-ce qu'il faut passer par la voie législative ?
Je pense qu'il y a aujourd'hui un code de déontologie qui a été décidé entre les patrons, et c'est pas mal que les gens se mettent...
C. Roux : La preuve, c'est qu'il marche bien ce code de déontologie, là...
C'est pas mal que les gens se mettent d'accord ensemble, les partenaires sociaux, quand c'est le cas, enfin, voyez, ne pas toujours faire appel à la loi. Mais là, on doit constater que ça ne marche pas, c'est-à-dire que ce code de déontologie, qui a été voulu par les patrons, le Medef, à la demande du Gouvernement... au fond "mettez de l'ordre chez vous avant que l'Etat ne le asse" ça ne marche pas, donc il faut évidemment une intervention de l'Etat, d'une façon ou d'une autre, on verra quelle forme elle prend.
C. Roux : Alors ça veut dire, une intervention de l'Etat, mais pas une loi, qu'est-ce que ça veut dire ?
Non, mais peut-être une loi, je ne sais pas, je pense que... il faut regarder tous les éléments... enfin, si vous voulez, je n'ai pas dans la boîte à outils quelque chose de prêt. Et puis, plusieurs personnes s'expriment, certains disent : il faut une loi, d'autres disent qu'il faut procéder autrement...
C. Roux : Mais que dit E. Woerth, c'est la question.
Non, mais moi, franchement, je pense qu'il faut remettre de l'ordre, il faut qu'il y ait des règles qui soient précises, il faut que ce soit transparent. Premièrement, quand une entreprise touche de l'argent de l'Etat, évidemment, la rémunération, elle doit être claire et nette, elle ne doit pas être indexée. Deuxièmement, quand une entreprise n'a pas touché d'argent de l'Etat, mais qu'en même temps, elle connaît un échec, c'est-à-dire qu'elle licencie, évidemment, elle doit être quasiment dans le même cas. On ne peut pas à la fois licencier et puis, en même temps, toucher de l'argent supplémentaire, c'est incompréhensible, personne ne peut comprendre ça. Et puis troisième élément, je pense qu'il faut une clarté sur les écarts de rémunérations ; plus largement, cette crise, elle dit quoi, elle dit que les Français - mais c'est vrai pour tous les pays du monde, pour tous les peuples du monde - se disent : on est d'accord pour que les gens gagnent plus d'argent, parce que c'est naturel quand ils réussissent et quand ils tirent une entreprise qui va bien...
C. Roux : Travailler plus pour gagner plus, ça marche toujours, même pour les patrons ?
Bien sûr, bien sûr, et qu'en même temps, ils peuvent toucher de l'argent de plus, parce que... mais tout ça doit être clair et net dans des systèmes transparents. Donc faut-il des stocks options, faut-il des bonus, faut-il des traitements indexés, enfin, tout cela doit être remis en ordre...
C. Roux : En tout cas, on a le sentiment qu'on a atteint un seuil, un cap, avec ce qui s'est passé à la Société Générale, avec ce qui se passé à Valeo, que le Gouvernement va siffler la fin de la récré. Oui. C. Roux : C'est ça ?
Ah, je pense que oui, et je pense que, aujourd'hui, si vous voulez, la récréation, elle n'est pas drôle du tout. C'est une récréation très triste, même sinistre. Donc ce n'est pas possible d'avoir tous les jours un plan social, et je fais partie d'un département dans lequel il y a l'usine de Continental, comment voulez-vous expliquer à 1.000 salariés qui sont, au fond, licenciés dans le cadre d'une restructuration internationale, dont on ne comprend rien, qui est anormale, dans laquelle ils ont été, en partie, trompés - on va vérifier la légalité de tout cela - et puis, de l'autre, voir des personnes qui s'octroient des éléments de rémunération qui ne sont pas décents par les temps qui courent. Donc il faut...
C. Roux : Alors, il n'y a pas...
Enfin, cette crise, il faut qu'on l'utilise, il faut qu'après la crise, on ait changé la méthode de rémunération, je ne dis pas plafonner, tout cela, je pense qu'il ne faut pas tomber dans la démagogie...
C. Roux : Alors, voilà, parce qu'il y a des propositions qui viennent de votre camp, de l'UMP ; on a par exemple C. Estrosi ce matin, qui dit qu'il faut limiter le salaire à 40.000 euros pour les patrons des entreprises qui ont bénéficié des aides publiques. Ça, c'est une bonne idée ou pas ?
Toutes les propositions viennent de l'UMP, vous remarquerez le silence de la gauche. Moi, je vois que toutes les propositions viennent aujourd'hui de l'UMP...
C. Roux : Il n'y a pas une surenchère à l'UMP, justement ?
Et ça fait débat. Je pense qu'il faut éviter la surenchère, il faut éviter la sur-démagogie, mais il faut au contraire être extraordinairement clair. Et quand une entreprise touche de l'argent de l'Etat, il y a les salaires qui sont mis sur la place publique en ce qui concerne les dirigeants, et puis plus globalement, tout le monde, il faut que l'écart de rémunération soit acceptable par tous, et il faut que la progression des salaires, tout compris, du salaire avec éventuellement ce qui va autour, soit parfaitement clarifié. Et quand une entreprise touche de l'argent de l'Etat, évidemment, les salaires doivent être bloqués, et encore plus transparents. Et quand une entreprise perd de l'argent ou quand une entreprise licencie, je pense que c'est la même règle qui doit jouer, car on ne peut pas comprendre, et personne ne peut comprendre. Et franchement, on ne sortira pas de la crise s'il y a de l'incompréhension. Ce n'est pas possible, il faut de l'unité.
M. Biraben : Alors, on va voir ce qu'en pensent les téléspectateurs. Il y a une question...
L. Mercadet : Nous, on a une question oblique de Stéphane sur ce sujet, qui vous demande : mais comment se fait-il que ça soit les médias qui fassent votre travail de surveiller l'argent distribué aux banques et à certains patrons...
M. Biraben : Il fait allusion à la Une de Libé...
L. Mercadet : Oui, en effet, on a l'impression que c'est les médias qui tirent la sonnette d'alarme et que vous l'apprenez en lisant Libé.
Attendez, moi, je n'apprends rien - enfin, je n'apprends rien - si, j'apprends la rémunération de monsieur... du patron de Valeo, mais enfin, il y a des... on n'est pas au conseil d'administration de Valeo. Donc il y a des conventions, dans les conventions...
M. Biraben : Non, mais quand vous parliez de transparence tout à l'heure, elle n'est pas si évidente que ça...
... Eh bien, la preuve que si. Je veux dire que, heureusement que les choses se savent. Vous savez, les pouvoirs, c'est le Gouvernement, c'est la presse, c'est le Parlement, dans une démocratie qui fonctionne bien. Et la nôtre, elle fonctionne bien, c'est tout cela, et c'est tant mieux. Mais il faut que dans les conventions, qui sont signées avec les entreprises qui touchent de l'argent, il y ait évidemment une convention qui, à la fois, dise que les rémunérations sont encadrées, et dire comment elles sont encadrées, de quelle façon elles sont encadrées, et puis, deuxième point, il faut aussi évidemment que tout ce qui concerne les paradis fiscaux, parce que voilà un autre sujet très, très important...
C. Roux : C'est votre sujet...
Que les paradis fiscaux ne soient pas l'objet... enfin, en tout cas que ces entreprises ne passent pas par des paradis fiscaux. Et là-dessus, on a fait des progrès incroyables depuis une année, et j'en suis évidemment particulièrement satisfait, et le Président en parlera au G20.
C. Roux : Une toute dernière question : est-ce que vous diriez que la crise a tendu les rapports entre le Gouvernement et les patrons ?
Je pense qu'il y a toujours tension quand il y a incompréhension, et il y a aujourd'hui incompréhension du comportement...
C. Roux : Entre le Gouvernement et les patrons ?
Il y a incompréhension avec un certain nombre de patrons ; ceux qui aujourd'hui se comportent comme cela, il ne peut y avoir que, évidemment, beaucoup d'incompréhension. Donc ça veut dire : tension, incompréhension, réaction, donc le Gouvernement, il va réagir.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 24 mars 2009
C. Roux : En ce moment, comme les autres ministres de Bercy, il doit résoudre une drôle d'équation : taper sur les patrons qui ne jouent pas le jeu de la crise pour contenter l'opinion, mais ne pas insulter l'avenir et les ménager en prévision de la reprise. Entre légalité et moralité, pas facile de naviguer, surtout quand, chaque jour, un nouveau patron fait une sortie de route. Bonjour.
Bonjour.
M. Biraben : Bonjour. Merci à vous E. Woerth d'être avec nous ce matin. On est ravi de vous recevoir. On apprend, et j'imagine que vous l'avez lu, à la Une de Libé, que le PDG de Valeo part avec 3,2 millions d'euros en poche. T. Morin quitte une entreprise aidée par l'Etat à hauteur de dix-neuf millions, une entreprise qui supprime 1.600 emplois. Vous trouvez ça normal ?
Non, je ne trouve pas ça normal. Je trouve ça donc anormal et provocateur, à un moment donné où, évidemment, les opinions publiques, enfin, globalement, personne n'est prêt à ça. Et c'est, je pense, ne pas comprendre du tout ce qui se passe que d'agir comme ??a...
C. Roux : Mais il faut qu'il renonce à cette somme ?
Enfin, c'est au conseil d'administration de décider, mais je pense qu'il serait plus juste de renoncer à ce type de somme. Si vous voulez, je crois que ce type de comportement montre qu'au fond... enfin, ils n'ont rien compris, voilà, ils n'ont rien compris.
C. Roux : Qui n'a rien compris, les patrons, d'une manière générale ?
De manière générale, mais je ne veux pas dire "les patrons", parce qu'il y a plein de gens différents, mais ceux qui procèdent ainsi n'ont rien compris, ils n'ont rien compris au fait que l'opinion publique n'en peut plus, et que tous les jours, il y a des plans sociaux qui sortent, et des personnes qui sont exposées à la crise d'une façon très grave, de l'autre côté, il y a un Etat, un gouvernement, un président de la République qui agit sur le plan international et national pour éviter cela et pour mettre à la fois de la justice, et puis, en même temps, de l'efficacité dans les plans de relance. Et quand on voit ça, c'est anormal. Je crois qu'il y a trois types de...
C. Roux : Mais il n'y a pas de problème de légalité, pardon de vous interrompre, il n'y a pas de problème de légalité, là ; ce qu'il fait, c'est en conformité avec son contrat de travail, donc c'est un problème de moralité, c'est ça ?
Je pense que c'est un problème de morale, oui, c'est un problème de comportement tout simplement, vous voyez bien que toutes ces décisions, elles sont transparentes, heureusement, elles sont sur la place publique. Donc les gens se disent : mais comment, je suis moi-même licencié dans des conditions que je ne comprends pas, et en même temps, de l'autre côté, quelqu'un touche des sommes faramineuses ; je crois qu'il y a plusieurs types, en réalité, de problèmes. Le premier problème, c'est les rémunérations ou la méthode de rémunération des patrons ou des cadres dirigeants, qui sont dans des entreprises qui touchent de l'argent de l'Etat. Et ça a été le cas par exemple de Valeo, parce que c'est un équipementier automobile et qu'il y a un plan sur l'automobile public. Donc là, ça nécessite - enfin, toutes les entreprises doivent être exemplaires - mais ça nécessite une exemplarité encore plus forte, l'entreprise avait touché de l'argent du contribuable. Madame Machin qui paie des impôts à un endroit, elle a donné une petite partie de ses impôts pour au fond cette entreprise. Donc, il faut que l'exemplarité soit totale.
C. Roux : Alors, ça, le constat, très bien, mais il faut que l'exemplarité... Là, le Gouvernement a son mot à dire, qu'est-ce qu'il dit dans ce cas-là ?
Bien sûr. Enfin, je pense que le débat va être tranché, parce qu'il faut remettre de l'ordre là-dedans, et ce soir, le président de la République va parler à Saint-Quentin, et j'imagine que c'est un sujet qu'il va évidemment aborder...
C. Roux : Mais vous, qu'est-ce que vous souhaiteriez ? Vous souhaiteriez une loi, est-ce qu'il faut passer par la voie législative ?
Je pense qu'il y a aujourd'hui un code de déontologie qui a été décidé entre les patrons, et c'est pas mal que les gens se mettent...
C. Roux : La preuve, c'est qu'il marche bien ce code de déontologie, là...
C'est pas mal que les gens se mettent d'accord ensemble, les partenaires sociaux, quand c'est le cas, enfin, voyez, ne pas toujours faire appel à la loi. Mais là, on doit constater que ça ne marche pas, c'est-à-dire que ce code de déontologie, qui a été voulu par les patrons, le Medef, à la demande du Gouvernement... au fond "mettez de l'ordre chez vous avant que l'Etat ne le asse" ça ne marche pas, donc il faut évidemment une intervention de l'Etat, d'une façon ou d'une autre, on verra quelle forme elle prend.
C. Roux : Alors ça veut dire, une intervention de l'Etat, mais pas une loi, qu'est-ce que ça veut dire ?
Non, mais peut-être une loi, je ne sais pas, je pense que... il faut regarder tous les éléments... enfin, si vous voulez, je n'ai pas dans la boîte à outils quelque chose de prêt. Et puis, plusieurs personnes s'expriment, certains disent : il faut une loi, d'autres disent qu'il faut procéder autrement...
C. Roux : Mais que dit E. Woerth, c'est la question.
Non, mais moi, franchement, je pense qu'il faut remettre de l'ordre, il faut qu'il y ait des règles qui soient précises, il faut que ce soit transparent. Premièrement, quand une entreprise touche de l'argent de l'Etat, évidemment, la rémunération, elle doit être claire et nette, elle ne doit pas être indexée. Deuxièmement, quand une entreprise n'a pas touché d'argent de l'Etat, mais qu'en même temps, elle connaît un échec, c'est-à-dire qu'elle licencie, évidemment, elle doit être quasiment dans le même cas. On ne peut pas à la fois licencier et puis, en même temps, toucher de l'argent supplémentaire, c'est incompréhensible, personne ne peut comprendre ça. Et puis troisième élément, je pense qu'il faut une clarté sur les écarts de rémunérations ; plus largement, cette crise, elle dit quoi, elle dit que les Français - mais c'est vrai pour tous les pays du monde, pour tous les peuples du monde - se disent : on est d'accord pour que les gens gagnent plus d'argent, parce que c'est naturel quand ils réussissent et quand ils tirent une entreprise qui va bien...
C. Roux : Travailler plus pour gagner plus, ça marche toujours, même pour les patrons ?
Bien sûr, bien sûr, et qu'en même temps, ils peuvent toucher de l'argent de plus, parce que... mais tout ça doit être clair et net dans des systèmes transparents. Donc faut-il des stocks options, faut-il des bonus, faut-il des traitements indexés, enfin, tout cela doit être remis en ordre...
C. Roux : En tout cas, on a le sentiment qu'on a atteint un seuil, un cap, avec ce qui s'est passé à la Société Générale, avec ce qui se passé à Valeo, que le Gouvernement va siffler la fin de la récré. Oui. C. Roux : C'est ça ?
Ah, je pense que oui, et je pense que, aujourd'hui, si vous voulez, la récréation, elle n'est pas drôle du tout. C'est une récréation très triste, même sinistre. Donc ce n'est pas possible d'avoir tous les jours un plan social, et je fais partie d'un département dans lequel il y a l'usine de Continental, comment voulez-vous expliquer à 1.000 salariés qui sont, au fond, licenciés dans le cadre d'une restructuration internationale, dont on ne comprend rien, qui est anormale, dans laquelle ils ont été, en partie, trompés - on va vérifier la légalité de tout cela - et puis, de l'autre, voir des personnes qui s'octroient des éléments de rémunération qui ne sont pas décents par les temps qui courent. Donc il faut...
C. Roux : Alors, il n'y a pas...
Enfin, cette crise, il faut qu'on l'utilise, il faut qu'après la crise, on ait changé la méthode de rémunération, je ne dis pas plafonner, tout cela, je pense qu'il ne faut pas tomber dans la démagogie...
C. Roux : Alors, voilà, parce qu'il y a des propositions qui viennent de votre camp, de l'UMP ; on a par exemple C. Estrosi ce matin, qui dit qu'il faut limiter le salaire à 40.000 euros pour les patrons des entreprises qui ont bénéficié des aides publiques. Ça, c'est une bonne idée ou pas ?
Toutes les propositions viennent de l'UMP, vous remarquerez le silence de la gauche. Moi, je vois que toutes les propositions viennent aujourd'hui de l'UMP...
C. Roux : Il n'y a pas une surenchère à l'UMP, justement ?
Et ça fait débat. Je pense qu'il faut éviter la surenchère, il faut éviter la sur-démagogie, mais il faut au contraire être extraordinairement clair. Et quand une entreprise touche de l'argent de l'Etat, il y a les salaires qui sont mis sur la place publique en ce qui concerne les dirigeants, et puis plus globalement, tout le monde, il faut que l'écart de rémunération soit acceptable par tous, et il faut que la progression des salaires, tout compris, du salaire avec éventuellement ce qui va autour, soit parfaitement clarifié. Et quand une entreprise touche de l'argent de l'Etat, évidemment, les salaires doivent être bloqués, et encore plus transparents. Et quand une entreprise perd de l'argent ou quand une entreprise licencie, je pense que c'est la même règle qui doit jouer, car on ne peut pas comprendre, et personne ne peut comprendre. Et franchement, on ne sortira pas de la crise s'il y a de l'incompréhension. Ce n'est pas possible, il faut de l'unité.
M. Biraben : Alors, on va voir ce qu'en pensent les téléspectateurs. Il y a une question...
L. Mercadet : Nous, on a une question oblique de Stéphane sur ce sujet, qui vous demande : mais comment se fait-il que ça soit les médias qui fassent votre travail de surveiller l'argent distribué aux banques et à certains patrons...
M. Biraben : Il fait allusion à la Une de Libé...
L. Mercadet : Oui, en effet, on a l'impression que c'est les médias qui tirent la sonnette d'alarme et que vous l'apprenez en lisant Libé.
Attendez, moi, je n'apprends rien - enfin, je n'apprends rien - si, j'apprends la rémunération de monsieur... du patron de Valeo, mais enfin, il y a des... on n'est pas au conseil d'administration de Valeo. Donc il y a des conventions, dans les conventions...
M. Biraben : Non, mais quand vous parliez de transparence tout à l'heure, elle n'est pas si évidente que ça...
... Eh bien, la preuve que si. Je veux dire que, heureusement que les choses se savent. Vous savez, les pouvoirs, c'est le Gouvernement, c'est la presse, c'est le Parlement, dans une démocratie qui fonctionne bien. Et la nôtre, elle fonctionne bien, c'est tout cela, et c'est tant mieux. Mais il faut que dans les conventions, qui sont signées avec les entreprises qui touchent de l'argent, il y ait évidemment une convention qui, à la fois, dise que les rémunérations sont encadrées, et dire comment elles sont encadrées, de quelle façon elles sont encadrées, et puis, deuxième point, il faut aussi évidemment que tout ce qui concerne les paradis fiscaux, parce que voilà un autre sujet très, très important...
C. Roux : C'est votre sujet...
Que les paradis fiscaux ne soient pas l'objet... enfin, en tout cas que ces entreprises ne passent pas par des paradis fiscaux. Et là-dessus, on a fait des progrès incroyables depuis une année, et j'en suis évidemment particulièrement satisfait, et le Président en parlera au G20.
C. Roux : Une toute dernière question : est-ce que vous diriez que la crise a tendu les rapports entre le Gouvernement et les patrons ?
Je pense qu'il y a toujours tension quand il y a incompréhension, et il y a aujourd'hui incompréhension du comportement...
C. Roux : Entre le Gouvernement et les patrons ?
Il y a incompréhension avec un certain nombre de patrons ; ceux qui aujourd'hui se comportent comme cela, il ne peut y avoir que, évidemment, beaucoup d'incompréhension. Donc ça veut dire : tension, incompréhension, réaction, donc le Gouvernement, il va réagir.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 24 mars 2009