Texte intégral
Je voudrais tout d'abord vous dire le plaisir que j'ai à intervenir dans le cadre des Etats généraux de la Garonne, et à pouvoir m'adresser, au-delà, aux acteurs de la gestion de l'eau de ce bassin. Je voudrais aussi et surtout remercier Mme Evelyne-Jean BAYLET, présidente du syndicat mixte d'études et d'aménagement de la Garonne (SMEAG) d'en avoir pris l'initiative et de m'y avoir invité.
Le bassin Adour-Garonne est un bassin sensible, sensible à plus d'un titre : à mon cur en tout premier lieu, puisque comme certains le savent, je vis au bord de l'Adour, mes fenêtres donnant sur des champs de maïs irrigués ; sensible, aussi et surtout, en raison de la tension forte qui existe en Adour-Garonne entre la ressource disponible et les besoins, notamment d'origine agricole. Un seul chiffre : en Adour-Garonne, les prélèvements liés à l'irrigation représentent 40 % du total des prélèvements au plan national ; de même, les surfaces irriguées dans ce bassin représentent 44 % des surfaces irriguées au plan national.
En eux-mêmes, ces chiffres n'ont rien d'injustifié. L'irrigation est particulièrement développée là où elle est indispensable, c'est-à-dire sur une partie limitée des surfaces agricoles : l'irrigation couvre moins de 7 % de la SAU et concerne 1 exploitation sur 7.
Dans le sud-est et le sud-ouest, elle n'est donc pas un luxe mais une nécessité, elle est un gage de qualité des productions (notamment légumières et fruitières), de sécurisation des rendements et un facteur d'aménagement du territoire par le maintien d'une surface agricole dans des régions où il n'existe pas de cultures alternatives.
Je relève d'ailleurs que notre taux d'irrigation est encore inférieur à certains pays du nord de l'Europe, comme les Pays-Bas ou le Danemark. Par rapport à nos voisins du sud (Espagne et Italie), notre irrigation était encore en 1991 deux fois moins développée.
Si l'on raisonne en prélèvements sur la ressource disponible : l'irrigation en France représente 42 % des consommations humaines mais 3 % seulement des ressources en eau renouvelable. Pour mémoire, ce dernier chiffre - de 3 % pour la France - atteint 19 % en Espagne et 9 % en Italie.
Evidemment, le rapport entre ressources disponibles et prélèvements peut être beaucoup plus tendu dans les zones fortement déficitaires en ressources et donc très dépendantes de l'irrigation. C'est le cas de certains bassins hydrographiques en France comme celui, assez largement, d'Adour-Garonne.
Or, si l'eau est un facteur de production essentiel, tout à fait vital dans les régions du sud de la France, elle est aussi une ressource fragile et parfois rare qu'il faut gérer avec responsabilité.
Les principes directeurs d'une telle gestion responsable et solidaire de l'eau sont maintenant bien connus. Ils reposent sur une double discipline :
- le consommateur d'eau, qu'il soit industriel, agriculteur ou ménage, doit compter l'eau qu'il consomme ;
- les autorisations de prélèvement, fixées en volume et pas seulement en surface, doivent être compatibles avec la ressource disponible et donc avec le débit d'objectif d'étiage fixé par le SDAGE.
Ces principes d'une gestion responsable de l'eau devrait être au cur de la prochaine loi sur l'eau dont le Premier ministre a indiqué, le 12 avril dernier, qu'elle serait présentée en conseil des ministres avant l'été. Ce texte a fait l'objet d'un gros travail interministériel - auquel le ministère de l'agriculture a pris toute sa part - et qui a porté notamment sur la logique même du dispositif des nouvelles redevances.
Celles-ci reposeront fondamentalement sur le principe de responsabilité des redevables. Ainsi, la structure et le niveau des tarifs fixés pour la redevance portant sur la consommation d'eau - qui intéresse l'irrigation - seront fondamentalement différents selon que les agriculteurs s'engagent ou non dans une démarche collective de gestion, quelle que soit leur situation géographique, c'est-à-dire qu'ils se situent dans des bassins équilibrés ou déséquilibrés.
Deux raisons profondes renvoyant à un principe d'équité conduisent à privilégier ainsi une logique fondée sur la responsabilité des acteurs :
- il n'est pas acceptable que deux agriculteurs qui l'un comme l'autre gèrent l'eau de manière raisonnée puissent payer l'eau à des prix sensiblement différents au motif que l'un se situe dans une zone favorisée et l'autre dans une zone défavorisée ;
- en revanche, il n'est pas normal qu'un agriculteur qui gère bien l'eau paye le même niveau de redevance qu'un autre qui ne la gère pas.
Aujourd'hui, on estime qu'en France, près de la moitié des irriguants sont déjà engagés dans de telles démarches de gestion collective. J'invite donc les autres à les rejoindre dans les meilleurs délais, et si possible avant 2003, première année de mise en uvre des nouvelles redevances prévues par le projet de loi.
Sans pouvoir en rendre public le détail qui fait actuellement l'objet de derniers arbitrages par le Premier ministre, le dispositif devrait ainsi aboutir, pour les irriguants engagés dans une pratique de gestion responsable, à une quasi stabilité des redevances par rapport au niveau actuel. Pour les autres, le nouveau système de redevance est conçu pour les y inciter progressivement.
Cette conception fondée sur le comportement des acteurs, autant voire davantage que sur la situation de la ressource dans les bassins hydrographiques s'écarte, vous l'avez compris, d'une approche fondée sur la régulation par le prix. Une telle logique frapperait l'irrigation en tant que telle et non pas les comportements d'irrigation non maîtrisés.
L'augmentation globale du produit de la redevance n'interviendra donc que pour ceux des irriguants qui continueront de s'écarter des règles de gestion que j'ai rappelées à l'instant.
Dernier élément - particulièrement important dans ce bassin où près de 70 % des irriguants ont moins de 20 hectares irrigués - le système devrait prévoir un niveau de tarif réduit pour les premiers mètres cube utilisés par chaque irriguant : cette spécificité revêt un caractère social mais se justifie aussi au plan environnemental, les premiers mètres cube prélevés ne portant pas la même atteinte à la ressource que les derniers.
Ainsi, au total, l'augmentation globale de la redevance perçue sur l'irrigation sera ciblée, dégressive à mesure que les comportements s'amélioreront et, pour ces raisons, aboutira à des chiffres très inférieurs à ceux qui ont circulé depuis quelques mois - de l'ordre de plusieurs centaines de francs par hectare - et qui ont été de nature à susciter légitimement, peut-être délibérément, l'affolement.
Ce nouveau dispositif d'incitation à de meilleures pratiques s'inscrit dans le cadre d'une politique engagée par ailleurs depuis deux ans dans le cadre de l'éco-conditionnalité que la France a mise en place en matière de versement des aides PAC, dans le domaine de la gestion de l'eau.
J'ai souhaité en effet renforcé la cohérence entre les aides majorées apportées aux cultures irriguées et le respect de la loi sur l'eau de 1992. Ainsi dès l'année 2000 a été instaurée la condition de respect de l'article 10 de cette loi, c'est à dire le respect de la procédure d'autorisation des pompages. La démarche se poursuit cette année avec la prise en compte de l'article 12 qui concerne les dispositifs de mesure et d'évaluation des consommations.
Par cette dernière notion, nous privilégions des systèmes de comptage volumétrique. La mise en place de ces dispositifs, avec l'aide financière des agences de l'eau, a été l'occasion, pour la profession agricole, à la fois d'une prise de conscience et d'un engagement résolu dans la transparence. Connaître pour mieux gérer, tel est en effet l'objectif visé.
Pour 2001, il nous appartiendra de tenir compte de ce que tous les irriguants n'auront encore pu s'équiper en compteurs. Je rappelle cependant qu'à défaut, tous doivent être dotés, et depuis un certain nombre d'années, de systèmes de mesure et d'évaluation. Les DDAF recevront prochainement les éléments utiles pour pouvoir apprécier de manière homogène les conditions de mise en uvre de cette 2ème phase de l'éco-conditionnalité.
Ainsi, la politique de la ressource en eau dans le domaine agricole doit se refonder sur les deux principes suivants :
- d'une part, engager l'irrigation dans une démarche de gestion raisonnée de la ressource sur la base des principes que j'évoquais précédemment : autorisation individuelle ; compter sa consommation ; maîtriser ses prélèvements. ;
- d'autre part, mobiliser des ressources nouvelles destinées à la fois à la sécurisation de l'irrigation et à la restauration de la salubrité.
Je suis en effet convaincu que les efforts de gestion, s'ils sont indispensables, ne sont pas suffisants pour restaurer complètement l'équilibre d'un bassin hydrographique où les demandes sont fortes et la ressource en eau est fragile. Nous devons donc poursuivre nos investissements pour accroître les ressources disponibles.
C'est d'ailleurs pour cela que mon ministère poursuit son effort financier comme il l'a fait en Midi-Pyrénées en inscrivant 168 MF sur le volet hydraulique du contrat de plan signé avec la Région Midi-Pyrénées, dont une partie ira au financement d'ouvrages de stockage. Une vingtaine de projets a été recensée même s'ils sont à des stades d'avancement très inégaux, pour un total de plus de 80 millions de mètres cube.
Une partie de ces ouvrages pourra donner lieu à réalisation au cours du prochain contrat de plan, sous réserve qu'ils répondent à une double condition, fondamentale pour l'attribution de crédits publics, et notamment des agences de l'eau :
- être équilibré dans leur vocation destinée à la fois au soutien de l'irrigation et de la salubrité du cours d'eau ;
- porter sur des bassins engagés dans des démarches de gestion collective de l'eau.
Je me félicite, à ce propos, que pour le bassin Adour-Garonne, les choses soient avancées : je rappellerai le plan de gestion des étiages (PGE) réalisé en 1999 sur l'Adour, je salue les initiatives en cours sur le bassin Garonne, avec un PGE piloté par le SMEAG, et sur la Neste sous l'égide de la CACG.
Tels sont les grands axes de notre politique de l'eau en agriculture, équilibrée, responsable et incitative, visant à la préservation de l'irrigation mais aussi une meilleure gestion de la ressource.
Nos obligations de progrès sont tout aussi évidents dans le domaine de la limitation des impacts des activités agricoles sur la qualité de l'eau. Là encore, il ne s'agit pas de céder à un discours caricatural qui reposerait sur l'idée fausse que l'activité agricole serait par définition polluante et en elle-même devrait être sanctionnée, notamment au plan financier.
Le bilan écologique de l'agriculture est en réalité beaucoup plus équilibré. Mais il reste que les effets des apports azotés et des pesticides utilisés par l'agriculture ont contribué, parmi d'autres facteurs, à la dégradation observée de la qualité de l'eau potable.
Pour ce qui concerne le nitrate, les chiffres dont nous disposons font apparaître, entre 1995 et 1997, une légère détérioration du bilan azoté de l'agriculture : l'excédent passe de 9 % à 11 %. Cette évolution s'explique par la remise en culture d'importantes surfaces de cultures gelées dans le cadre de la PAC ; à l'inverse, le bilan azote de l'élevage s'est amélioré par l'effet d'une réduction du cheptel bovin et ovin et par l'effet des programmes d'amélioration des équipements dans les exploitations.
Dans le domaine des pesticides, les teneurs relevées dans les captage sont généralement plus éloignées des valeurs-seuil même si des dépassements inquiétants commencent à être observés par rapport aux normes fixés par le conseil supérieur d'hygiène publique de France (notamment dans notre bassin, et notamment dans un canton que je connais bien).
La réponse des pouvoirs publics à la nécessité de maîtriser ces pollutions d'origine agricole doit se fonder sur l'utilisation combinée des différents outils dont nous disposons.
En premier lieu, nous devons reconnaître et continuer d'encourager les efforts engagés spontanément par de nombreux agriculteurs pour raisonner leurs apports en engrais ou en produits phytosanitaires. Les CTE constituent l'outil contractuel privilégié qui doit permettre d'accompagner financièrement les agriculteurs qui décident d'aller au-delà de leurs obligations réglementaires.
L'instrument de l'incitation financière, s'il peut fonctionner positivement, comme dans le cas du CTE ou des mesures agro-environnementaux ou encore du PMPOA, peut aussi être utilisé pour sanctionner les comportements abusifs. C'est l'esprit du projet de texte de loi sur l'eau qui, s'il était voté par le Parlement, instituerait une nouvelle redevance non pas sur l'apport d'azote mais sur les excédents azotés.
L'idée initiale d'une taxation au 1er kilo a en effet été abandonnée au profit d'une redevance sur les excédents azotés. Le dispositif élaboré vise, à partir d'éléments disponibles en comptabilité, à calculer un bilan qui constitue un signal technique utilisable par l'exploitant. L'ordre de grandeur des taux envisagés ainsi que les éléments d'abattement prévus doivent inciter à l'amélioration des performances environnementales, sans pour autant peser excessivement sur les revenus des exploitations.
Dans le même esprit, le dispositif de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les phytosanitaires repose sur une graduation du montant payé en fonction des caractéristiques des produits. La logique vise à inciter l'exploitant agricole à choisir les produits les moins nocifs et les moins rémanents dans le milieu.
Il reste que ceux des produits phytosanitaires les plus nocifs qui sont d'ailleurs aussi souvent les moins chers, sont à l'origine de l'essentiel des pollutions des nappes par les pesticides. Il nous appartient donc de réexaminer régulièrement leur dangerosité relative par rapport aux autres produits afin de mieux encadrer ou limiter leur usage, surtout lorsque des produits de substitution existent sur le marché.
En conclusion de ce propos, je souhaiterais vous convaincre d'une conviction : la prise en compte des nouvelles règles du jeu et la poursuite des efforts entrepris s'impose à l'agriculture dans le domaine de la gestion - tant quantitative que qualitative - de l'eau. Non pas que cet effort ne s'impose qu'à l'agriculture - ce n'est pas le cas - ; non pas que ces efforts ne soient pas déjà engagés par beaucoup - je le sais - mais parce que c'est la condition pour mieux asseoir une nouvelle place de l'agriculture dans la société ; parce que cet élément constitue d'un des éléments clés du nouveau contrat qui se redéfinit entre l'agriculture et la société.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 2 juillet 2001)
Le bassin Adour-Garonne est un bassin sensible, sensible à plus d'un titre : à mon cur en tout premier lieu, puisque comme certains le savent, je vis au bord de l'Adour, mes fenêtres donnant sur des champs de maïs irrigués ; sensible, aussi et surtout, en raison de la tension forte qui existe en Adour-Garonne entre la ressource disponible et les besoins, notamment d'origine agricole. Un seul chiffre : en Adour-Garonne, les prélèvements liés à l'irrigation représentent 40 % du total des prélèvements au plan national ; de même, les surfaces irriguées dans ce bassin représentent 44 % des surfaces irriguées au plan national.
En eux-mêmes, ces chiffres n'ont rien d'injustifié. L'irrigation est particulièrement développée là où elle est indispensable, c'est-à-dire sur une partie limitée des surfaces agricoles : l'irrigation couvre moins de 7 % de la SAU et concerne 1 exploitation sur 7.
Dans le sud-est et le sud-ouest, elle n'est donc pas un luxe mais une nécessité, elle est un gage de qualité des productions (notamment légumières et fruitières), de sécurisation des rendements et un facteur d'aménagement du territoire par le maintien d'une surface agricole dans des régions où il n'existe pas de cultures alternatives.
Je relève d'ailleurs que notre taux d'irrigation est encore inférieur à certains pays du nord de l'Europe, comme les Pays-Bas ou le Danemark. Par rapport à nos voisins du sud (Espagne et Italie), notre irrigation était encore en 1991 deux fois moins développée.
Si l'on raisonne en prélèvements sur la ressource disponible : l'irrigation en France représente 42 % des consommations humaines mais 3 % seulement des ressources en eau renouvelable. Pour mémoire, ce dernier chiffre - de 3 % pour la France - atteint 19 % en Espagne et 9 % en Italie.
Evidemment, le rapport entre ressources disponibles et prélèvements peut être beaucoup plus tendu dans les zones fortement déficitaires en ressources et donc très dépendantes de l'irrigation. C'est le cas de certains bassins hydrographiques en France comme celui, assez largement, d'Adour-Garonne.
Or, si l'eau est un facteur de production essentiel, tout à fait vital dans les régions du sud de la France, elle est aussi une ressource fragile et parfois rare qu'il faut gérer avec responsabilité.
Les principes directeurs d'une telle gestion responsable et solidaire de l'eau sont maintenant bien connus. Ils reposent sur une double discipline :
- le consommateur d'eau, qu'il soit industriel, agriculteur ou ménage, doit compter l'eau qu'il consomme ;
- les autorisations de prélèvement, fixées en volume et pas seulement en surface, doivent être compatibles avec la ressource disponible et donc avec le débit d'objectif d'étiage fixé par le SDAGE.
Ces principes d'une gestion responsable de l'eau devrait être au cur de la prochaine loi sur l'eau dont le Premier ministre a indiqué, le 12 avril dernier, qu'elle serait présentée en conseil des ministres avant l'été. Ce texte a fait l'objet d'un gros travail interministériel - auquel le ministère de l'agriculture a pris toute sa part - et qui a porté notamment sur la logique même du dispositif des nouvelles redevances.
Celles-ci reposeront fondamentalement sur le principe de responsabilité des redevables. Ainsi, la structure et le niveau des tarifs fixés pour la redevance portant sur la consommation d'eau - qui intéresse l'irrigation - seront fondamentalement différents selon que les agriculteurs s'engagent ou non dans une démarche collective de gestion, quelle que soit leur situation géographique, c'est-à-dire qu'ils se situent dans des bassins équilibrés ou déséquilibrés.
Deux raisons profondes renvoyant à un principe d'équité conduisent à privilégier ainsi une logique fondée sur la responsabilité des acteurs :
- il n'est pas acceptable que deux agriculteurs qui l'un comme l'autre gèrent l'eau de manière raisonnée puissent payer l'eau à des prix sensiblement différents au motif que l'un se situe dans une zone favorisée et l'autre dans une zone défavorisée ;
- en revanche, il n'est pas normal qu'un agriculteur qui gère bien l'eau paye le même niveau de redevance qu'un autre qui ne la gère pas.
Aujourd'hui, on estime qu'en France, près de la moitié des irriguants sont déjà engagés dans de telles démarches de gestion collective. J'invite donc les autres à les rejoindre dans les meilleurs délais, et si possible avant 2003, première année de mise en uvre des nouvelles redevances prévues par le projet de loi.
Sans pouvoir en rendre public le détail qui fait actuellement l'objet de derniers arbitrages par le Premier ministre, le dispositif devrait ainsi aboutir, pour les irriguants engagés dans une pratique de gestion responsable, à une quasi stabilité des redevances par rapport au niveau actuel. Pour les autres, le nouveau système de redevance est conçu pour les y inciter progressivement.
Cette conception fondée sur le comportement des acteurs, autant voire davantage que sur la situation de la ressource dans les bassins hydrographiques s'écarte, vous l'avez compris, d'une approche fondée sur la régulation par le prix. Une telle logique frapperait l'irrigation en tant que telle et non pas les comportements d'irrigation non maîtrisés.
L'augmentation globale du produit de la redevance n'interviendra donc que pour ceux des irriguants qui continueront de s'écarter des règles de gestion que j'ai rappelées à l'instant.
Dernier élément - particulièrement important dans ce bassin où près de 70 % des irriguants ont moins de 20 hectares irrigués - le système devrait prévoir un niveau de tarif réduit pour les premiers mètres cube utilisés par chaque irriguant : cette spécificité revêt un caractère social mais se justifie aussi au plan environnemental, les premiers mètres cube prélevés ne portant pas la même atteinte à la ressource que les derniers.
Ainsi, au total, l'augmentation globale de la redevance perçue sur l'irrigation sera ciblée, dégressive à mesure que les comportements s'amélioreront et, pour ces raisons, aboutira à des chiffres très inférieurs à ceux qui ont circulé depuis quelques mois - de l'ordre de plusieurs centaines de francs par hectare - et qui ont été de nature à susciter légitimement, peut-être délibérément, l'affolement.
Ce nouveau dispositif d'incitation à de meilleures pratiques s'inscrit dans le cadre d'une politique engagée par ailleurs depuis deux ans dans le cadre de l'éco-conditionnalité que la France a mise en place en matière de versement des aides PAC, dans le domaine de la gestion de l'eau.
J'ai souhaité en effet renforcé la cohérence entre les aides majorées apportées aux cultures irriguées et le respect de la loi sur l'eau de 1992. Ainsi dès l'année 2000 a été instaurée la condition de respect de l'article 10 de cette loi, c'est à dire le respect de la procédure d'autorisation des pompages. La démarche se poursuit cette année avec la prise en compte de l'article 12 qui concerne les dispositifs de mesure et d'évaluation des consommations.
Par cette dernière notion, nous privilégions des systèmes de comptage volumétrique. La mise en place de ces dispositifs, avec l'aide financière des agences de l'eau, a été l'occasion, pour la profession agricole, à la fois d'une prise de conscience et d'un engagement résolu dans la transparence. Connaître pour mieux gérer, tel est en effet l'objectif visé.
Pour 2001, il nous appartiendra de tenir compte de ce que tous les irriguants n'auront encore pu s'équiper en compteurs. Je rappelle cependant qu'à défaut, tous doivent être dotés, et depuis un certain nombre d'années, de systèmes de mesure et d'évaluation. Les DDAF recevront prochainement les éléments utiles pour pouvoir apprécier de manière homogène les conditions de mise en uvre de cette 2ème phase de l'éco-conditionnalité.
Ainsi, la politique de la ressource en eau dans le domaine agricole doit se refonder sur les deux principes suivants :
- d'une part, engager l'irrigation dans une démarche de gestion raisonnée de la ressource sur la base des principes que j'évoquais précédemment : autorisation individuelle ; compter sa consommation ; maîtriser ses prélèvements. ;
- d'autre part, mobiliser des ressources nouvelles destinées à la fois à la sécurisation de l'irrigation et à la restauration de la salubrité.
Je suis en effet convaincu que les efforts de gestion, s'ils sont indispensables, ne sont pas suffisants pour restaurer complètement l'équilibre d'un bassin hydrographique où les demandes sont fortes et la ressource en eau est fragile. Nous devons donc poursuivre nos investissements pour accroître les ressources disponibles.
C'est d'ailleurs pour cela que mon ministère poursuit son effort financier comme il l'a fait en Midi-Pyrénées en inscrivant 168 MF sur le volet hydraulique du contrat de plan signé avec la Région Midi-Pyrénées, dont une partie ira au financement d'ouvrages de stockage. Une vingtaine de projets a été recensée même s'ils sont à des stades d'avancement très inégaux, pour un total de plus de 80 millions de mètres cube.
Une partie de ces ouvrages pourra donner lieu à réalisation au cours du prochain contrat de plan, sous réserve qu'ils répondent à une double condition, fondamentale pour l'attribution de crédits publics, et notamment des agences de l'eau :
- être équilibré dans leur vocation destinée à la fois au soutien de l'irrigation et de la salubrité du cours d'eau ;
- porter sur des bassins engagés dans des démarches de gestion collective de l'eau.
Je me félicite, à ce propos, que pour le bassin Adour-Garonne, les choses soient avancées : je rappellerai le plan de gestion des étiages (PGE) réalisé en 1999 sur l'Adour, je salue les initiatives en cours sur le bassin Garonne, avec un PGE piloté par le SMEAG, et sur la Neste sous l'égide de la CACG.
Tels sont les grands axes de notre politique de l'eau en agriculture, équilibrée, responsable et incitative, visant à la préservation de l'irrigation mais aussi une meilleure gestion de la ressource.
Nos obligations de progrès sont tout aussi évidents dans le domaine de la limitation des impacts des activités agricoles sur la qualité de l'eau. Là encore, il ne s'agit pas de céder à un discours caricatural qui reposerait sur l'idée fausse que l'activité agricole serait par définition polluante et en elle-même devrait être sanctionnée, notamment au plan financier.
Le bilan écologique de l'agriculture est en réalité beaucoup plus équilibré. Mais il reste que les effets des apports azotés et des pesticides utilisés par l'agriculture ont contribué, parmi d'autres facteurs, à la dégradation observée de la qualité de l'eau potable.
Pour ce qui concerne le nitrate, les chiffres dont nous disposons font apparaître, entre 1995 et 1997, une légère détérioration du bilan azoté de l'agriculture : l'excédent passe de 9 % à 11 %. Cette évolution s'explique par la remise en culture d'importantes surfaces de cultures gelées dans le cadre de la PAC ; à l'inverse, le bilan azote de l'élevage s'est amélioré par l'effet d'une réduction du cheptel bovin et ovin et par l'effet des programmes d'amélioration des équipements dans les exploitations.
Dans le domaine des pesticides, les teneurs relevées dans les captage sont généralement plus éloignées des valeurs-seuil même si des dépassements inquiétants commencent à être observés par rapport aux normes fixés par le conseil supérieur d'hygiène publique de France (notamment dans notre bassin, et notamment dans un canton que je connais bien).
La réponse des pouvoirs publics à la nécessité de maîtriser ces pollutions d'origine agricole doit se fonder sur l'utilisation combinée des différents outils dont nous disposons.
En premier lieu, nous devons reconnaître et continuer d'encourager les efforts engagés spontanément par de nombreux agriculteurs pour raisonner leurs apports en engrais ou en produits phytosanitaires. Les CTE constituent l'outil contractuel privilégié qui doit permettre d'accompagner financièrement les agriculteurs qui décident d'aller au-delà de leurs obligations réglementaires.
L'instrument de l'incitation financière, s'il peut fonctionner positivement, comme dans le cas du CTE ou des mesures agro-environnementaux ou encore du PMPOA, peut aussi être utilisé pour sanctionner les comportements abusifs. C'est l'esprit du projet de texte de loi sur l'eau qui, s'il était voté par le Parlement, instituerait une nouvelle redevance non pas sur l'apport d'azote mais sur les excédents azotés.
L'idée initiale d'une taxation au 1er kilo a en effet été abandonnée au profit d'une redevance sur les excédents azotés. Le dispositif élaboré vise, à partir d'éléments disponibles en comptabilité, à calculer un bilan qui constitue un signal technique utilisable par l'exploitant. L'ordre de grandeur des taux envisagés ainsi que les éléments d'abattement prévus doivent inciter à l'amélioration des performances environnementales, sans pour autant peser excessivement sur les revenus des exploitations.
Dans le même esprit, le dispositif de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les phytosanitaires repose sur une graduation du montant payé en fonction des caractéristiques des produits. La logique vise à inciter l'exploitant agricole à choisir les produits les moins nocifs et les moins rémanents dans le milieu.
Il reste que ceux des produits phytosanitaires les plus nocifs qui sont d'ailleurs aussi souvent les moins chers, sont à l'origine de l'essentiel des pollutions des nappes par les pesticides. Il nous appartient donc de réexaminer régulièrement leur dangerosité relative par rapport aux autres produits afin de mieux encadrer ou limiter leur usage, surtout lorsque des produits de substitution existent sur le marché.
En conclusion de ce propos, je souhaiterais vous convaincre d'une conviction : la prise en compte des nouvelles règles du jeu et la poursuite des efforts entrepris s'impose à l'agriculture dans le domaine de la gestion - tant quantitative que qualitative - de l'eau. Non pas que cet effort ne s'impose qu'à l'agriculture - ce n'est pas le cas - ; non pas que ces efforts ne soient pas déjà engagés par beaucoup - je le sais - mais parce que c'est la condition pour mieux asseoir une nouvelle place de l'agriculture dans la société ; parce que cet élément constitue d'un des éléments clés du nouveau contrat qui se redéfinit entre l'agriculture et la société.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 2 juillet 2001)