Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, à France Info le 9 juin 2009, sur les élections européennes et la majorité UMP, le Grenelle de la mer et le livre blanc "Pour une contribution climat-énergie".

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Média : France Info

Texte intégral

R. Duchemin.- Bonjour J.-L. Borloo, merci d'être en direct ce matin sur France Info pour parler évidemment des européennes, mais aussi du Grenelle de l'environnement, Grenelle qui revient effectivement à l'Assemblée aujourd'hui. Le Grenelle de la mer aussi, enfin beaucoup de dossiers. Mais avant, j'aimerais votre réaction sur ce que vient de dire V. Giscard d'Estaing à propose d'O. Bongo, dont le décès a été confirmé hier par le Gabon. Visiblement, V. Giscard d'Estaing affirme ce matin qu'il avait financé la campagne de J. Chirac en 81 ? Ma foi ! Ça vous étonne ? On a beaucoup parlé de "corruption", "d'affaires" avec le Gabon...

Ecoutez, honnêtement, je ne me sens pas qualifié, je n'ai aucune information, aucune opinion, aucune... Je ne commenterai donc pas. La seule chose qui m'intéresse sur le Gabon, c'est la forêt, la forêt gabonaise, qu'il faut protéger, c'est sa biodiversité, c'est les énergies renouvelables. C'est un pays absolument magnifique. Pour le reste, je ne vais pas commenter ça, non.

Petite précision aussi : vous êtes le ministre de tutelle en charge de tout ce qui s'est passé autour de la catastrophe d'Air France, du vol 447. Il y a ce matin 24 corps au total qui ont été repêchés. L'identification va maintenant pouvoir commencer ?

Oui, elle se fait en coordination avec les autorités brésiliennes, bien entendu. C'est toujours un moment affreusement douloureux, mais tout aussi nécessaire. On a ça, on le doit évidemment aux familles, ainsi que la totale transparence. Et puis, on a des moyens coordonnés avec le Brésil extrêmement importants pour essayer de retrouver évidemment les corps et les boîtes noires, pour savoir exactement ce qui s'est passé. On a un navire, ça a un rapport avec le Grenelle de la mer, d'Ifremer, de recherche scientifique, qui est sur place, enfin, qui sera sur zone dans 48 heures...

Avec le Nautile, avec...

Oui. La France est le seul pays qui est équipé- il y a un peu le Japon mais... - de capacités sous-marines comme ça, à 6.000 mètres. Voilà. Ça ne règle pas évidemment le drame des familles.

On va en venir aux élections. En tant que ministre du Développement durable, vous voyez plutôt, je suppose, d'un bon oeil un groupe "Europe Ecologie" arriver comme ça au Parlement européen, en force. 14 élus quand même ! Vous considérez que vous avez votre part, vous, dans la réussite de ce mouvement ?

Je ne sais pas, mais ce qui est clair c'est que, sur ces sujets-là, la France avait quand même un retard, je crois qu'on peut dire, y compris de prise de conscience. Et puis il y a eu le Pacte écologique de N. Hulot, il faut vraiment...Personne n'est important dans une mini séquence, pas plus les uns que les autres, pas plus moi que les autres. En revanche, il y a eu vraiment ça. Il y a eu la présidentielle, où tout le monde s'est engagé sur ce Pacte écologie ; après, vous êtes...vous êtes...il y a le président de la République qui a dit : eh bien on va le faire, on va le faire de manière démocratique, on va le faire tous ensemble, on va faire ce processus, y compris les confrontations. Et puis la mise en route. Et alors ce qui est extraordinaire, c'est que cette action aujourd'hui, qui est extrêmement rapide se passe sans aucun heurt. D'ailleurs, il n'y a pas de côté spectaculaire, il n'y a pas de tension sociale, alors que beaucoup de pays ont peur des tensions sociales, sur ces sujets-là. L'Europe vient de donner les chiffres. La France réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 25 %, ce qui est tout à fait considérable pour un pays industriel. Le plan de croissance verte du Président - parce que il y a un moment, c'est quand même lui qui m'a soutenu en permanence - de 440 milliards, est le plus important actuellement au monde.

Mais alors quel est le message là, envoyé par les électeurs...

Eh bien, il faut continuer...

...il faut aller plus loin ?

Mais bien entendu...

On n'est pas allé assez loin, c'est pour ça qu'on met "Europe Ecologie" au Parlement européen ?

Mais bien sûr, parce que le Parlement européen... Enfin, d'abord...

Ca veut dire que les Français ont compris que c'était là-bas que ça se passait aussi ?

Oui, parce que... Et puis, en plus, ils ont vraiment parlé d'Europe. Et puis, excusez-moi, on ne peut pas non plus sous-estimer le doublement des députés européens de l'UMP. Si les Français avaient pensé que l'UMP n'était pas dans ces affaires-là, était ringarde, passait complètement à côté, il n'y aurait pas eu ce doublement du nombre de députés européens. Mais ce que je veux dire aux Français, au-delà des élections, d'abord aux listes Union, enfin...

"Europe Ecologie".

..."Europe Ecologie", on a besoin d'eux au Parlement européen, comme on a besoin du groupe PPE.

Oui, d'ailleurs, J.-P. Besset dit qu'il aura peut-être besoin de vous aussi, qu'il y a des rapprochements possibles.

Attendez ! On a évidemment bien travaillé, il y a une forme de convictions communes. Seulement, moi je suis en responsabilité dans une mutation. Pendant des mois et des mois, quand je venais par ici ou ailleurs, je disais "voilà, voilà, on fait ça". Et j'entendais la résistance de certains de la société française : "mais vous êtes sûr que ce n'es pas un truc pour les bobos ?" ; "mais vous êtes sûr que", "en pleine crise financière, on peut faire ?" ; "est-ce que le moment ?". Je disais mais oui, parce que la sortie de crise c'est la sortie verte, c'est la croissance verte, c'est là que se joue la compétitivité de demain.

Ça signifie que N. Sarkozy est aujourd'hui dans le bon timing finalement...

Je crois, je crois...

...Quand il se déplace aujourd'hui en Savoie...

Oui, bien sûr.

...qu'il va parler énergies renouvelables, qu'il annonce de nouvelles mesures ?

Mais bien sûr ! Les énergies renouvelables, par exemple, en France, très honnêtement, à part les traditionnelles hydrauliques et le bois individuel, on était très en retard. Songez qu'il y a 18 mois, il y avait 9.000 personnes raccordées sur du photovoltaïque en France, c'est le nombre de raccordements qu'on fait en ce moment chaque mois ; on est dans des accélérations considérables ! Tout le monde a bien compris cette mutation. Et puis, les Français sont extraordinaires, ils ne se gourent pas d'élection, ils ne se trompent pas, ils savent en plus qu'il y a une grande négociation mondiale à Copenhague. Qui assure leadership européen, honnêtement, entre nous ?

Pour revoir le protocole de Kyoto.

Pour revoir le protocole de Kyoto... C'est quand même le Président français. C'est quand même sous présidence française qu'a eu lieu cet accord européen, le premier accord sur des réductions volontaires, contrôlées par voie de justice, des émissions de gaz à effet de serre. Et puis, j'aimerais qu'on en dise un mot, le Grenelle de la mer, parce que...

Oui, on va en parler.

...c'est, si vous voulez, à la fin du Grenelle de l'environnement il y avait une partie "mer" et plus je regardais, plus je me disais "on n'est pas allé assez loin". Tous ensemble, toutes les ONG, les syndicats, les industriels. Parce que ma conviction absolue maintenant, mais vraiment, c'est que c'est la mer qui va sauver la terre. Il faut bien comprendre que la mer et les océans, c'est la machinerie - climatique, carbone, alimentaire - qui nous permet de vivre et de survivre.

C'est la mer qui va sauver la terre...

Oui.

...si on arrête de rejeter à la mer tout ce qu'on y rejette.

Et alors, en même temps, les principales ressources dont nous avons besoin c'est la mer. Et en même temps, cette extraordinaire capacité est en très grand danger, vraiment en très grand danger. J'adore cette phrase d'I. Autissier, qui m'a mis... Il y a 15 jours, on avait lancé tout ça, et elle avait une jolie phrase : "tiens bon la mer ! Les hommes sont seulement en train de se rendre compte qu'ils ont absolument besoin de toi, peut-être vont-ils arrêter de te martyriser ?!".

Tout est une question de cap.

Oui.

J'ai lu Le Figaro ce matin, et je découvre qu'avec C. Lagarde, vous travaillez à un Livre blanc, présenté demain : "Pour une contribution climat-énergie". Dans le mot "contribution", qu'est-ce qu'il y a, qu'est-ce qui se cache ? La proposition de taxer les consommateurs, les entreprises ? C'est une piste visiblement ?

Oui, oui, mais ça fait partie des engagements, j'allais dire quasiment le dernier. Dans le cadre du Grenelle, on avait dit qu'on étudierait ça, on l'a étudié, on fait une conférence de consensus. L'idée c'est de taxer les énergies polluantes...

"Je me chauffe au gaz, je vais être taxé" ?

Non, attendez, vous le consommateur final, non, mais l'énergéticien, et de restituer- il s'agit de donner un signal prix, donc de restituer - par un chèque vert, s'il y a une taxe, donc tout ça est neutre, mais d'orienter la consommation vers des émissions énergétiques les moins polluantes, c'est ça l'idée générale. Donc, on a travaillé pendant des mois et des mois, il y a l'installation de la conférence de consensus demain pour un travail pendant deux mois.

Dernière question, on parle d'un remaniement qui concernerait environ huit personnes dans l'équipe du Gouvernement. Vous, vous restez à l'Ecologie, maintenant, en tout cas ?

Alors "on" ! Le commentaire des rumeurs vous savez... Le "Marquis de Source sûre" est un personnage considérable à Paris. En ce qui me concerne, je ne l'ai pas croisé récemment, je ne commente aucune rumeur.

Mais vous restez ?

Ecoutez, je n'ai pas...

Vous avez l'intention en tout cas de continuer à oeuvrer au service de l'Ecologie ?

Ecoutez, je fais quelque chose d'extraordinairement passionnant, en même temps bourré de contradictions, parce qu'il n'y a pas une mesure que l'on prend qui ne crée pas forcément des tensions. N'importe quelle infrastructure, y compris l'énergie renouvelable pose des contradictions, c'est donc difficile et passionnant. Je suis passionné par ce que je fais, voilà.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 9 juin 2009