Déclaration de Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'Etat chargée de l'outre-mer, sur l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et la départementalisation de Mayotte, Paris le 20 juillet 2009.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Madame la Présidente,
Mesdames et messieurs les députés,
Vous êtes saisis de deux textes concernant, d'une part, l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, d'autre part, la départementalisation de Mayotte.
Je sais que certains parlementaires ont pu s'interroger sur le fait que ces deux collectivités soient évoquées dans un même projet de loi.
Je tiens à redire solennellement, comme j'ai pu le faire au Sénat, qu'il s'agit uniquement d'une contrainte de calendrier. Il n'y a aucune volonté du Gouvernement de suggérer, d'une manière ou d'une autre, que ces deux collectivités pourraient avoir une trajectoire institutionnelle semblable : les dispositions du texte lui-même le manifestent sans ambiguïté.
J'ajouterais même que chaque territoire d'outre-mer peut, dans le cadre de la Constitution, avoir sa trajectoire institutionnelle propre dans la République.
Le Président de la République l'a clairement indiqué lors de son déplacement aux Antilles : notre Constitution ouvre de larges perspectives d'évolutions institutionnelles dans la République, dès lors que les populations concernées le souhaitent.
Les aspirations de la population mahoraise, le Gouvernement en prend acte dans le projet de loi organique : c'est le sens de l'article 42 de ce projet.
Comme la Constitution le prévoit, le changement de statut intervient par une disposition organique. L'article 42 du projet de loi organique reprend très précisément la question qui a été posée aux électeurs mahorais le 29 mars dernier. La rédaction issue du Sénat nous semble adaptée et les précisions apportées par votre commission très utiles.
Cela n'est bien évidemment qu'une étape car plusieurs textes législatifs devront intervenir d'ici à mars 2011 pour mettre en oeuvre le Pacte pour la départementalisation que le Président de la République a présenté aux élus mahorais à la fin de l'année dernière.
Parmi les textes que vous aurez à examiner, des mesures concernant le mode d'élection de la nouvelle assemblée seront proposées. C'est un engagement du Pacte pour la départementalisation et nous le tiendrons. Dès septembre prochain, une mission se rendra à Mayotte pour engager la consultation des élus mahorais sur ce sujet.
S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, les projets de loi qui vous sont proposés répondent à deux objectifs : ils modernisent en profondeur le statut de la Nouvelle-Calédonie, en lui faisant bénéficier des dispositions les plus récentes en matière de transparence.
Ces projets de lois visent aussi à permettre la réalisation des transferts de compétence prévus par l'Accord de Nouméa conformément à l'accord conclu en décembre dernier.
1. La modernisation du statut
Les projets de loi sont nourris des travaux réalisés depuis 2006 en Nouvelle-Calédonie pour moderniser le statut de la Nouvelle-Calédonie.
Le comité des signataires du 2 février 2006 a confié à un groupe de travail réunissant l'ensemble des partenaires locaux à l'Accord de Nouméa le soin de faire des propositions sur une révision du statut.
Les propositions ont été remises par ce groupe de travail le 24 novembre 2006 ; conformément à ce qui a été décidé au comité des signataires du 8 décembre dernier, une grande majorité des propositions sont reprises dans les actuels projets de lois.
Le Sénat puis votre commission ont apporté des modifications significatives : elles nous apparaissent compatibles avec les positions adoptées lors des comités des signataires précédents et ne sont pas de nature à bouleverser l'équilibre des institutions en Nouvelle-Calédonie.
Parmi les principales évolutions, je tiens à souligner la création d'un véritable statut de l'élu. Une protection efficace, notamment au plan juridique, sera assurée aux élus de Nouvelle-Calédonie.
Des évolutions sont également introduites pour rendre plus opérationnel le fonctionnement des institutions, en particulier l'institution de procédures d'expédition des affaires courantes.
Certaines lacunes du statut observées depuis 1999 sont également comblées : il en va ainsi de la clarification de la répartition des compétences, de l'extension au sénat coutumier du régime des inéligibilités et incompatibilités, ou encore de la possibilité pour le congrès d'édicter par loi du pays un véritable statut de la fonction publique néo-calédonienne...
Par ailleurs, il est apparu nécessaire d'assouplir les conditions d'interventions économiques des institutions. La contrepartie de cela, c'est une plus grande transparence de la vie économique et une meilleure efficacité des contrôles administratifs et juridictionnels.
La coopération entre institutions locales pourra ainsi être renforcée grâce à la création de groupements d'intérêt public locaux. Les établissements publics des provinces pourront participer au capital de sociétés privées gérant un service public ou d'intérêt général. Les provinces pourront accorder des subventions aux entreprises.
Des évolutions importantes, que le Sénat et votre commission ont amplifiées, permettent, en contrepartie de cette latitude offerte aux institutions de Nouvelle-Calédonie, une meilleure information des élus sur les interventions locales en matière économique.
Enfin, les règles de contrôle budgétaire des établissements publics locaux sont profondément modernisées.
2. Les garanties pour la réussite des transferts de compétence
L'autre objectif de ces textes concernant la Nouvelle-Calédonie, c'est bien évidemment la mise en oeuvre de l'Accord de Nouméa dans son volet concernant les transferts de compétence.
Le Gouvernement a loyalement transcrit les conclusions du comité des signataires de l'Accord de Nouméa du 8 décembre dernier s'agissant d'un point essentiel de l'Accord, étape importante dans l'échéancier défini par l'Accord : les transferts de compétence.
Un long travail de préparation et de réflexion a été conduit entre le Gouvernement, les forces politiques de Nouvelle-Calédonie et les organisations syndicales pour que les transferts de compétence prévus par l'Accord soient effectifs et qu'ils le soient dans des conditions garantissant la qualité du service rendu à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie.
En décembre dernier, les signataires de l'Accord - Gouvernement, loyalistes et indépendantistes - ont décidé les transferts dans des conditions préparées avec une grande attention. L'équilibre général du consensus, validé dans des termes très précis le 8 décembre dernier, est repris dans les projets de textes dont vous êtes saisis.
Le Congrès de Nouvelle-Calédonie, le 12 juin dernier, a formulé un certain nombre de propositions d'évolutions. Bien évidemment, le Gouvernement y a été très attentif et a accueilli favorablement la plupart des amendements présentés en ce sens, tant au Sénat que lors de l'examen par la commission des lois de votre Assemblée.
Pour les transferts de compétence, l'Etat est un acteur tout autant qu'un arbitre. Le Gouvernement est soucieux du respect des échéances de l'Accord, mais il est attentif aux questions soulevées par les forces politiques sur les modalités de ces transferts, en particulier en matière d'enseignement.
Le Gouvernement, comme ses partenaires dans l'Accord, veut la réussite des transferts. Et, pour réussir ces transferts, il faut garantir à nos compatriotes la qualité des services qui leur sont rendus.
Je voudrais insister sur ce point et rappeler les engagements pris par le Gouvernement. Au Sénat comme en commission des lois, ces garanties ont même été renforcées avec l'avis favorable du Gouvernement et dans le sens souhaité par nos partenaires.
Le transfert en matière d'enseignement a suscit?? un très grand débat tout au long de l'année 2008 : c'est pour cela que des modalités spécifiques vous sont proposées pour l'enseignement.
La mise à disposition globale et gratuite des personnels de l'enseignement apporte ainsi la garantie solide de l'accompagnement par l'Etat de la compétence exercée effectivement par la Nouvelle-Calédonie. C'est une mesure de transition dont le Congrès de Nouvelle-Calédonie et lui seul décidera le terme.
Autre garantie en matière d'enseignement : la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie de recourir aux examens nationaux pour recruter son personnel, une fois que la mise à disposition globale sera terminée. Au demeurant, le projet de loi organique propose des modalités d'organisation particulières pour d'autres services, notamment ceux chargés de la circulation maritime et aérienne.
La compensation financière fait également débat. Les intérêts de la Nouvelle-Calédonie sont bien pris en compte. Dans un contexte budgétaire très contraint pour l'Etat, chacun pourra mesurer l'étendue des garanties apportées.
Tout d'abord et comme nous en avons décidé ensemble le 8 décembre dernier, les bases de compensation seront établies de manière loyale. Pour le fonctionnement courant, ce sont les trois dernières années avant le transfert qui seront prises en compte.
Pour les dépenses de personnel, elles seront établies en fonction des dépenses effectives de l'année précédant le transfert ou la fin de la mise à disposition globale. Le Gouvernement a pris l'engagement d'intégrer les charges liées à l'indemnité d'éloignement dans la base de référence.
Le Gouvernement est allé au-delà de ses engagements pris le 8 le décembre : il introduit une clause de sauvegarde demandée par les députés calédoniens.
Enfin, pour l'investissement dans les lycées, le Gouvernement a accepté l'intégration d'un lycée de 1 200 places dans la base de la dotation. Il s'engage également à participer financièrement aux opérations qui seront engagées avant le transfert.
Cela veut dire que, non seulement, la Nouvelle-Calédonie pourra construire un nouveau lycée grâce à sa dotation mais que l'Etat poursuivra son financement au-delà.
Quant à la dotation globale de compensation, le Gouvernement a pris en compte le caractère spécifique des transferts, qui sont irréversibles. Elle évoluera de manière plus favorable que pour l'Hexagone et pour les départements d'outre-mer.
Conformément aux conclusions du comité des signataires du 8 décembre, la dotation globale évoluera en fonction de la DGF actuelle. C'est d'ores et déjà le cas pour les dotations perçues par la Nouvelle-Calédonie (la réforme de 2004 s'y est appliquée). Mais le Gouvernement étend ce régime à la partie correspondant à la compensation des investissements.
Par ailleurs, les conventions destinées à préparer la Nouvelle-Calédonie à l'exercice des compétences de sécurité civile et du droit civil, des règles concernant l'état civil et du droit commercial, seront soumises la semaine prochaine au Président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie.
Pour la sécurité civile, je tiens à rappeler que ce qui est transféré ce ne sont pas les centres d'incendie et de secours, ni les sapeurs-pompiers mais la réglementation et la direction des opérations de secours.
Malheureusement, les équipements des collectivités ne sont pas à la hauteur des risques auxquels la Nouvelle-Calédonie est exposée.
Aussi l'Etat apportera 5 Meuros au travers du fonds d'aide à l'investissement sur 5 ans à la Nouvelle-Calédonie pour aider ses collectivités à s'équiper. Cela montre sans ambiguïté que le Gouvernement veut que les transferts soient un succès et que la qualité des services soit au rendez-vous.
Pour le régime de retraite, l'inquiétude de nos partenaires calédoniens est légitime mais la question ne se posera véritablement que plusieurs années après la fin de la mise à disposition globale et gratuite.
L'Etat confirme que le principe privilégié est celui du régime « double carrière - double pension », ce qui est compatible avec les règles actuelles de la caisse locale de retraite, c'est-à-dire le décret de 1954.
Grâce à toutes ces garanties, le transfert des compétences prévu par l'Accord de Nouméa pourra être réussi. C'est pour cela, comme vous le disiez en octobre dernier, Monsieur le député FROGIER, grâce à ce travail préparatoire, ce n'est plus le saut dans l'inconnu.
Madame la Présidente,
Mesdames et messieurs les députés,
Je tiens en conclusion à souligner que ces deux textes présentés sont le fruit d'une longue préparation, tant avec les autorités calédoniennes et les deux forces politiques qui ont signé, avec l'Etat, l'Accord de Nouméa, qu'avec la collectivité de Mayotte en ce qui concerne l'article 42 du projet de loi organique.
Leur examen par le Sénat puis par votre commission des lois a permis d'améliorer leur clarté et leur solidité juridiques, tout en apportant des modifications significatives. Ces évolutions ne remettent pas en cause les grands équilibres auxquels nous sommes tous attachés.
Je mesure la contrainte que représente pour vous l'examen de ces deux textes dans un délai aussi court. Mais nous sommes pris, collectivement, entre la fin des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie et le terme du délai de six mois ouvert au Congrès pour se prononcer.
Par leur longue préparation mais aussi par la nature même des sujets, ces textes sont marqués par le souci du consensus.
Les débats au Sénat se sont déroulés dans cet état d'esprit et je ne doute pas qu'ils se poursuivront sous les mêmes auspices à l'Assemblée nationale. Pour ma part, c'est dans cet état d'esprit que j'aborde le débat aujourd'hui.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 21 juillet 2009