Interview de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, à RTL le 8 juillet 2009, sur le décès de Michael Jackson, la loi HADOPI, le bouclier fiscal et le travail dominical.

Prononcé le

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour F. Mitterrand.
 
Bonjour Jean-Michel.
 
Audience planétaire pour l'hommage rendu, hier, à Michael Jackson !
 
Oui.
 
Pourquoi en parle-t-on autant, à votre avis ?
 
Je pensais à ce que disait A. Duhamel qui a raison sur un point : c'est que la mort de Staline, effectivement, a fait pleurer tout le monde mais le même jour -et personne n'y a fait attention- le même jour que Staline est mort Prokofiev et qui était quand même le plus grand compositeur russe à cette époque-là avec Chostakovitch, personne n'a parlé de la mort de Prokofiev, le même jour. C'est une chose, et l'autre chose, c'est qu'au fond, il y a quand même un élément peut-être sur lequel A. Duhamel n'a pas suffisamment insisté, c'est qu'on assiste à un développement des médias tellement fantastique depuis quelques années qu'évidemment, les événements deviennent planétaires. Je pense que si Marilyn Monroe était morte le même jour, maintenant, il y aurait eu aussi les mêmes phénomènes d'hystérie ou d'émotivité collective. C'est un phénomène du développement des médias aussi.
 
C'est l'histoire qui répondra à cette question : est-ce que Michael Jackson, dans la mémoire collective, gardera cette place comme artiste et musicien, des décennies plus tard ?
 
Certainement ; vous savez, certainement. Fred Astaire lui avait dit : "tu es mon successeur" ; et tout le monde se souvient de Fred Astaire. Je pense que tout le monde se souviendra de Michael Jackson, oui.
 
Alors, la terre continue de tourner. Par exemple, les sénateurs, ce matin, vont examiner. Ils reprennent...
 
Ils dansent moins bien que Michael Jackson !
 
Allez savoir, vous savez.
 
Il faudrait voir, peut-être. Ils dansent autour d'Hadopi, en tout cas.
 
Voilà, Hadopi. N'affirmons rien à propos des pas de danse des sénateurs. Les Internautes assurent qu'Hadopi c'est un combat d'arrière-garde. Etes-vous un ministre d'arrière-garde, F. Mitterrand ?
 
Je ne crois pas, non. La question me semble un peu bizarre. Je ne me sens pas d'arrière-garde. Je ne suis pas non plus d'avant-garde. Disons que j'ai toujours à travers tout ce que j'ai fait, j'ai toujours fait des choses qui étaient marquées, peut-être, par une certaine singularité ou une certaine originalité. Et si l'originalité ou la singularité sont de l'avant-garde, alors d'accord, je suis avant-garde mais pas d'arrière-garde, non. Enfin, c'est très compliqué tout ça ...
 
Les Internautes disent que ce texte de loi est dépassé avant qu'il ne soit appliqué.
 
Mais c'est normal.
 
Pas adapté à la modernité.
 
C'est normal que des Internautes ... Alors, les Internautes ? Qui sont les Internautes, d'abord ? Il faudrait faire le tri, il faudrait voir, il faudrait bien réfléchir aux différentes associations qui représentent les Internautes ; mais c'est vrai que globalement un certain nombre d'Internautes sont hostiles au vote de la loi.Bon. Et en même temps...
 
Et ça vous est égal ?
 
Non, ça ne m'est pas tout égal ; mais je regarde en face de moi, le fait qu'il y a un milliard de fichiers qui sont piratés, chaque année, c'est énorme quand même ! que la vente de disques a baissé de 50% ; que la vente des DVD a baissé de 30%. Il y a quand même véritablement un problème. Ce problème, il faut essayer de le régler ou de le réglementer. Mais il faut faire ça en trois fois. C'est-à-dire il faut à la fois réglementer de manière à ce que les gens comprennent qu'on ne peut pas pirater impunément. Il faut malheureusement sanctionner, mais on sanctionne tous les délits ; on sanctionne les choses qui se passent sur la route et qui ne sont pas bien ; c'est un peu comme le permis de conduire. Et puis, il faut aussi, et ça c'est le plus important, peut-être - en tout cas, c'est ce que je vais faire maintenant - il faut engager une véritable réflexion pour assurer une meilleure rémunération des créateurs, pour assurer un meilleur financement des industries culturelles.
 
D'accord. Donc, la loi Hadopi, vous la défendez.
 
Non seulement, je la défends, mais je la défends oui, oui, très, très nettement oui.
 
Voilà 15 jours que vous êtes ministre de la Culture et de la Communication. Aimez-vous votre nouvelle vie, F. Mitterrand ?
 
Oui, j'aime beaucoup ma nouvelle vie. J'aime beaucoup ma nouvelle vie ! Ça me permet de me lever à 6h30 du matin pour vous rencontrer. Vous vous rendez compte, c'est formidable.
 
Quelle chance vous avez !
 
Ah, j'ai de la chance ! Autrement, je n'aurais jamais eu l'occasion, vous vous rendez compte !
 
Exactement. Ah, peut-être vous auriez eu l'occasion, mais enfin là, en tout cas, vous le faites, effectivement. Quand on voit des photos dans la presse, on remarque que N. Sarkozy a l'air particulièrement attentionné à votre égard.
 
Il est très gentil avec moi, oui ; et j'y suis très sensible.
 
Peut-être parce que vous êtes sa plus belle prise de guerre depuis le début de son quinquennat ?
 
Bouf ... Je ne sais pas, vous savez ! Une prise de guerre ! Une prise de guerre ! Est-ce que la politique est une guerre ?
 
Une forme de guerre ?
 
Vous avez tendance à penser que la politique est comme une tragédie ; ce qui, moi, me conforte tout à fait dans la vision romanesque que j'ai des choses.
 
Ah, voyez, donc nous sommes d'accord !
 
Mais je ne me considère pas comme une prise de guerre.
 
Vous le disiez dans une interview à Paris Match, le 29 juin : "j'ai une sensibilité ..."
 
Qu'est-ce que vous faisiez, le 29 juin à 17h30 ? C'est terrifiant ce que vous me demandez ?
 
Vous le disiez, "j'ai une sensibilité de Gauche" ?
 
Oui, c'est vrai.
 
On fait un test ?
 
Oui, allez-y !
 
Le bouclier fiscal : utile ou scandaleux ?
 
Le bouclier fiscal : utile ; mais ça ne veut pas dire qu'on soit de droite ou de gauche. Parce que beaucoup des gens qui ont des petits revenus bénéficient également du bouclier fiscal.
 
L'objectif d'expulser 27.000 étrangers en situation irrégulière, cette année : légitime ou scandaleux ?
 
Compliqué.
 
Vous pouvez développer ?
 
Non. Non, je ne suis pas ministre de l'Immigration. Je ne suis pas ministre de l'Intérieur. Je suis ministre de la Culture et de la Communication.
 
Compliqué rime avec hostilité dans votre esprit ?
 
Non, non, non. Compliqué. Je n'ai rien dit d'autre. Vous savez, moi je suis très simple. Je dis des choses simples...
 
J'essayais de comprendre ce que voulait dire "compliqué".
 
Compliqué, tout le monde sait. Il suffit d'ouvrir un dictionnaire pour savoir ce que veut dire compliqué.
 
Vous êtes doué pour la politique ?
 
Je ne crois pas. Je suis trop émotif. Mais je suis doué pour m'intéresser à la politique, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
 
Travailler le dimanche, bonne ou mauvaise idée ?
 
Moi j'ai toujours travaillé le dimanche. Alors je peux... Je peux concevoir que pour certaines personnes, ça soit un changement de vie qui transforme un peu la perception qu'ils ont de la société et donc, je conçois que ce soit compliqué là aussi, à admettre et à vivre. Mais en même temps, je ne peux pas comprendre que quand, par exemple, le Président Obama vient à Paris, un dimanche, et qu'il veut faire des courses, il retrouve tous les magasins fermés.
 
On a déjà entendu cet argument.
 
Eh bien, écoutez, je vous ressers ce que j'ai entendu. Je l'ai peut-être même entendu sur RTL, vous voyez !
 
Ah, c'est possible ! Comme quoi, c'est bon signe !
 
Vous écoutez des bonnes radios. C'est bon signe !
 
Vous êtes ministre de la Culture et de la Communication, F. Mitterrand.
 
Oui.
 
Avez-vous besoin d'un secrétaire d'État à la Communication ?
 
Je pense que je n'ai pas besoin d'un secrétaire d'État à la Communication. Cela dit, si le président de la République souhaite que j'ai quelqu'un pour m'épauler dans le travail considérable que ça représente, je sais qu'il choisira quelqu'un avec qui je m'entendrais.
 
Voilà, cette interview est terminée.
 
Déjà ?
 
Eh oui, ça passe vite.
 
Ça passe vite. Écoutez, je reviendrai demain, alors ?
 
D'accord, demain ! F. Mitterrand qui est doué pour la politique - je le confirme - était l'invité d'RTL, ce matin. Bonne journée.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 31 juillet 2009