Interview de M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat au Logement et à l'Urbanisme, à Europe 1 le 16 septembre 2009, sur un bilan de l'application du droit opposable au logement.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral

M.-O. Fogiel.- Vous êtes le secrétaire d'Etat chargé du Logement et de l'Urbanisme. Ce matin, en avant-première, nous allons faire un bilan chiffré du droit opposable au logement. Mais auparavant, juste une petite question d'actualité : lorsque vous étiez parlementaire, vous revendiquiez l'importance de la voix du député et du respect des décisions parlementaires...
 
Tout à fait.
 
E. Besson, en annonçant qu'il ne signerait pas le décret d'application sur les tests ADN s'est attiré les foudres de J.-F. Copé et de bon nombre des députés de la majorité. Vous comprenez vos anciens collègues ? Vous regrettez qu'ils n'aient pas été prévenus de cette décision ?
 
Je crois qu'il y a eu une explication hier en réunion de groupe entre tout le monde. E. Besson a expliqué simplement que ce n'est pas qu'il ne voulait pas signer mais que, concrètement, il ne pouvait pas signer, parce que le texte était un peu trop compliqué pour pouvoir... Voilà.
 
Cela, il l'a dit sur Europe 1, mais est-ce que vous regrettez qu'il l'ait dit sur Europe 1 avant d'en parler avec ses collègues parlementaires ?
 
Je crois qu'il a reçu à dîner onze ou douze parlementaires, pour leur expliquer pourquoi il ne pourrait pas signer. Donc, il a fait cette démarche-là. Alors, qu'il ait pu en plus téléphoner au président du groupe, au président de l'Assemblée nationale, donc...
 
Donc ce sont des susceptibilités mal placées ?
 
Non, pas de susceptibilités mal placées, mais je comprends effectivement que la formule en tant que telle ait pu choquer. Mais il y a un texte qui est, semble-t-il, difficile à appliquer, difficile de faire avec... Donc, voilà, maintenant, il faut passer à autre chose.
 
La balle au centre, zéro partout...
 
Exactement.
 
Le droit au logement : sur cent mille dossiers déposés, soixante six mille traités, trente et mille avis favorables de la commission, treize mille foyers qui se sont vus proposer une solution de relogement, donc 40 % des demandeurs remplissant les conditions ont trouvé un logement. Est-ce que vous êtes satisfait ? On est quand même très loin des 100 %.
 
Je suis satisfait, non, parce que je trouve qu'effectivement 40 % n'est pas un chiffre acceptable. Ce n'est pas suffisant. Il faut aller beaucoup plus loin. C'est déjà bien, parce que c'est quand même treize mille familles qui n'avaient pas de logement ou d'hébergement, qui en ont trouvé un. Donc, c'était une belle chose...
 
C'est : "peut mieux faire".
 
Il faut aller beaucoup plus loin. C'est "peut mieux faire".
 
On l'a entendu à 7 heures : Emmaüs parle de grandes disparités avec des départements qui...
 
C'est vrai...
 
... qui filtrent à la base pour que ça corresponde au nombre de logements de disponibles. Ils biaisent ? Est-ce que vous le savez ? Ils durcissent les conditions d'accès au DALO, en fait.
 
Non, je ne crois pas... Je vais vous donner un exemple très simple : j'étais la semaine dernière en Gironde, à Bordeaux. A Bordeaux, ils ont un système de prévention qui est très efficace, qui marche bien. C'est-à-dire qu'avant d'arriver au recours, avant d'arriver à une décision de la commission d'attribution de logement, il y a un travail de prévention préalable qui est fait, qui donne un résultat plutôt positif. Très peu de recours, parce que les gens qui devraient un recours, on a déjà trouvé une solution pour eux. En gros...
 
Donc, ce n'est pas une façon de biaiser les chiffres ?
 
Ce n'est pas une façon de biaiser les chiffres. En tout état de cause, sur l'exemple que j'ai vu en Gironde, ce n'est pas une façon de biaiser les chiffres, parce que je disais qu'ils faisaient de la prévention au maximum, pour éviter d'aboutir aux recours.
 
Vous parlez des régions. Il y en a qui sont plus ou moins de bonnes élèves. Comment l'expliquez-vous ? Par exemple, l'Ile-de-France, 23,5 % des demandeurs remplissent les conditions, ont trouvé un logement. La région PACA, 43 %. Qui est en tête, qui est à la traîne ?
 
La traîne, vous venez de l'évoquez, l'Ile-de-France. Mais pas parce que l'Ile-de-France ne fait pas son boulot. Tout simplement parce qu'en Ile-de-France, c'est beaucoup plus compliqué de construire des logements que dans d'autres régions. C'est sûr qu'en Auvergne la problématique n'est pas du tout la même qu'en Ile-de-France. Parce que vous avez des zones qui sont tendues et des zones qui sont non tendues en matière de logement.
 
Allez-vous construire de nouveaux logements sociaux ?
 
On va en construire.
 
Donnez un chiffre ce matin...
 
Un chiffre très simple : pour 2009, on va financer 125.000 logements sociaux, un record absolu depuis quinze ans. En augmentation de 20 % depuis l'année dernière, en augmentation de 300 % - je dis bien 300 % - depuis deux ans.
 
Tout ça, c'est bien beau mais vous avez entendu les associations dénoncer les astreintes financières qui sont maintenant plafonnées de façon absolument pas dissuasives, quelques dizaines d'euros, au lieu de 200 euros environ par jour. Comment expliquez-vous cela, qu'on ait, d'une certaine manière, dénaturé ce qui était la loi au départ, puisqu'il devait y avoir des contraintes financières.
 
Il y a des contraintes financières pour l'Etat...
 
Légères...
 
...Qui vont se solder autour de 30 millions d'euros cette année pour l'Etat. Vous appelez peut-être cela "léger" mais je peux vous garantir que quand moi je fabrique mon budget, 30 millions d'euros, ce n'est pas léger du tout. Donc ces contraintes financières, elles sont pour nous importantes. C'est le but du jeu d'ailleurs si l'on veut effectivement pousser l'Etat à construire, les collectivités à construire...
 
Cela a quand même été revu à la baisse.
 
Oui, enfin, c'est la somme globale qui importe. Vous savez, quand vous mettez 30 millions d'euros dans un budget, ce n'est pas négligeable du tout.
 
L'autre nouveauté de cette loi, c'est que les familles dont le dossier a été validé en commission peuvent attaquer l'Etat en justice si aucune solution ne leur a été proposée. Europe 1 a enquêté : il y a eu au moins 1.800 recours devant un tribunal administratif, essentiellement en Ile-de-France. 1.800 recours, c'est encore trop selon vous ?
 
Non, je trouve que c'est un... Quand vous avez 60.000 dossiers déposés en tout et qu'il y en a 1.000 qui font l'objet d'un recours devant le tribunal administratif, cela me parait relativement faible. Cela veut dire pour moi que la commission de médiation, qui trouve un accord entre les différentes parties, le premier recours sans aller devant les tribunaux, est plutôt efficace, marche bien, puisque si l'on ne conteste qu'une décision sur soixante, ça me parait plutôt pas mal.
 
Vous voulez également une meilleure compréhension du dispositif, parce que c'est un peu compliqué. Il y a une brochure qui sera mise en place...
 
Il y a effectivement une brochure qui va être mise en place dès demain. L'idée est très simple : c'est d'informer l'ensemble de ceux qui sont concernés qu'il existe ce droit. Parce qu'on peut avoir aujourd'hui le sentiment que l'une des défaillances du système, c'est que beaucoup de gens qui pourraient avoir droit au DALO en question, ne sont pas informés, n'ont pas accès à cette information-là. Et donc, l'idée - vous vous rendez compte à quel point on est schizophrènes -, l'idée, c'est d'informer les gens (inaud.) attaquer l'Etat.
 
Finalement, pour terminer, vous dites bravo à votre prédécesseur, C. Boutin, elle a été à l'initiative de tout cela. Finalement, elle a bien fait son job ?
 
Tout le monde a bien fait son job...
 
Mais C. Boutin, elle ?
 
C'était J.-L. Borloo, je vous le rappelle, qui était ministre à l'époque du droit opposable au logement, et non pas C. Boutin. C. Boutin, par contre, elle a été rapporteur du texte de loi en question et elle l'a mis en place. Donc, oui, elle avait bien fait son job.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 17 septembre 2009