Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports à RMC le 2 octobre 2009, sur les déficits de la sécurité sociale pour 2010, les augmentations des cotisations des mutuelles et du prix du tabac.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


 
 
 
J.-J. Bourdin.- Déficit de la sécurité sociale : 23 milliards et demi d'euros. Déficit prévu pour 2010 : entre 30 et 31 milliards d'euros. En quinze ans, le déficit a été multiplier par sept ; êtes-vous inquiète ?
 
Je suis mobilisée. Il faut savoir que sur ce qui me concerne, c'est-à-dire l'assurance maladie, nous allons enregistrer un petit peu plus de 11 milliards d'euros, bien sûr, nous affinerons ces chiffres à la fin de l'année. Mais que les trois quarts de ce déficit sont liés, non pas à une dérive des dépenses qui, au contraire, sont contrôlées, c'est la première fois depuis douze ans que l'objectif de dépenses d'assurance maladie est respecté. Merci d'ailleurs aux professionnels de santé qui se sont mobilisés sur la maîtrise médicalisée. Nous avons une insuffisance de recettes. Or que fait le Gouvernement ? C'est finalement de considérer que dans la crise que nous vivons, respecter le pouvoir d'achat des Français et ne pas augmenter les cotisations d'assurance maladie, c'est permettre aussi à la prise en charge des soins de santé de jouer son rôle d'amortisseur social.
 
Donc on attend la croissance pour retrouver les recettes ?
 
Absolument, c'est absolument logique.
 
C'est votre logique. Donc vous êtes mobilisée mais vous n'êtes pas inquiète ?
 
Non, je ne suis pas inquiète mais c'est évidemment un problème tout à fait considérable. Je vous rends attentif au fait que nous avons 152 milliards de dépenses d'assurance maladie et nous avons 12 milliards de déficit dans une année exceptionnelle, de par son manque de recettes. Nous avons comme déficit structurel sur cette année un peu moins de 4 milliards de déficit structurel. Donc il faut mettre les chiffres en rapport.
 
On a beaucoup parlé des mesures annoncées hier, présentées hier. Je vous pose une question finalement qui a été posée par M. Hirsch, il y a deux jours sur RMC : ne faut-il pas rembourser en fonction des revenus des patients ? Est-ce qu'il ne faudra pas aller jusque-là, à un moment donné ou à un autre ?
 
Je connais les positions de M. Hirsch sur le bouclier sanitaire, nous en avons discuté. Moi, ce que je dis, c'est que c'est contraire au pacte social qui a été fondé par le Conseil national de la Résistance. Et ce pacte social auquel tout le monde est attaché, à gauche, à droite, au centre... Les syndicats qui gèrent l'assurance maladie, nous disent que le pacte fondateur de notre Sécurité sociale, c'est chacun paie selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Et ce qui fait la justice sociale, c'est au moment du paiement des cotisations. Si on rentre dans un système où chacun paie selon ses moyens et reçoit aussi selon ses moyens, c'est sans doute la double peine.
 
Donc, vous êtes contre, absolument contre, cette idée ?
 
Je n'y suis pas favorable.
 
Vous n'y êtes pas favorable - vous êtes contre, c'est pareil !
 
Non mais j'aime beaucoup M. Hirsch, et je ne veux pas avoir l'air de m'opposer à lui. Mais je ne suis pas pour son idée.
 
Les mutuelles disent, vos amis les mutualistes...
 
Oui, ce sont mes amis les mutualistes car ils ont accepté de prendre leur quote-part du paiement de la prise en charge du vaccin contre la grippe.
 
Est-il vrai qu'elles vont augmenter leurs cotisations de 8 à 9 % ?
 
Demandez leur ! Ce que je dis, c'est que dans cette loi de financement de la Sécurité sociale, il y a des choses qui sont à la charge des mutuelles, comme par exemple les 2 euros d'augmentation du forfait journalier. Mais il y a aussi des choses qui viennent en moins. Je prends par exemple la baisse de certains tarifs de prestation de médecin, je pense à tout ce qui concerne la maîtrise médicalisée. Donc il faut vraiment qu'elles calibrent leurs augmentations...
 
...Donc, peut-être, vous leur demandez de ne pas augmenter ?
 
Je leur demande de ne pas augmenter ou d'augmenter au plus juste pour suivre les évolutions.
 
Vous savez ce qu'elles disent ? "Les mesures ne règlent en rien le déficit chronique de la Sécu", voilà ce que disent les mutuelles, vos amis.
 
Nous avons choisi, dans cette période de difficulté pour les Français, de ne pas opérer les ponctions supplémentaires pour le pouvoir d'achat, que nous demandent certains. Hier, à la Commission des comptes de la Sécurité sociale, nous avons eu une sorte de choeur unanime, en particulier de la part des organisations syndicales, en nous disant, d'une part, "les mesures d'économies que vous nous proposez sont insupportables, il faudrait augmenter massivement les cotisations". Je trouvais que, quand même, c'était un peu étrange.
 
Les cotisations ne vont pas augmenter ; les cotisations des mutuelles risquent d'augmenter et vous dites "attention", vous dites aux mutuelles "surtout, ne le faites pas" ?
 
Les mutuelles, elles se sont depuis des années...
...Gavées ?
 
Non, elles ne se sont pas gavées. Elles ont constitué des réserves tout à fait considérables. Ce sont des entreprises qui marchent bien, qui marchent même très bien. Elles doivent travailler avec modération.
 
On va voir si elles vous écoutent, si elles vous entendent. Combien va rapporter l'augmentation des prélèvements sociaux sur les revenus du capital ?
 
Je vous signale que la loi de financement de la Sécurité sociale n'est pas encore votée ; le PLF ne l'est pas encore. C'est une question à laquelle je ne peux pas répondre.
 
Combien va rapporter l'augmentation du forfait hospitalier ?
 
160 millions d'euros.
 
C'est vrai que dans l'océan du déficit, c'est vraiment...
 
Oui, mais vous savez, stabiliser le déficit de la Sécurité sociale, c'est un marathon, c'est une course de fond. Moi, je ne veux pas faire un sprint sur ce sujet. Je ne veux pas matraquer les Français. Je trouve d'ailleurs très étrange qu'on dise "160 millions, c'est tout ?", et on dit d'un autre côté "c'est insupportable". Si on faisait l'effort auquel vous m'invitez, qu'est-ce que je dirais aux Français !
 
Mais il est peut-être insupportable que tout le monde paie la même somme, justement, pour en revenir à la proposition de M. Hirsch.
 
Oui, mais enfin, attendez ! 160 millions d'euros, deux euros d'augmentation du forfait journalier, il n'avait pas été augmenté depuis trois ans. Un. Deux : les titulaires de la CMU et de l'assistance médicale d'Etat, les femmes enceintes, les victimes d'accident du travail ne paient pas ce forfait journalier. Il est pris en charge par les mutuelles. Les mutuelles permettent une couverture solidaire de 93 % des Français. Franchement, ce que je veux, c'est stabiliser le déficit de la Sécurité sociale et c'est une mesure qui me parait... J'imagine les efforts, je le sais, mais qu'est-ce qu'on dirait si on prenait les efforts auxquels vous m'invitez.
 
Il va bien falloir un jour ou l'autre réduire cette dette, ce déficit. On est bien d'accord. Alors il y a deux solutions, soit on réduit collectivement, soit on réduit individuellement. Alors vieux débat, Sécu socialisée ou partiellement privatisée ?
 
Je suis extrêmement attachée au fait que notre Sécurité sociale et que notre prise en charge solidaire reposent sur des mécanismes de solidarité nationale et de solidarité sur le mode de l'assurance maladie. Nous avons un système qui repose à 76 % sur l'assurance maladie - la CNAM, la MSA, le RSI, nous avons trois systèmes dans notre pays - et le reste sur un système mutualisé, un système d'organismes complémentaires très fortement aidés par l'Etat. A la fois par des aides fiscales situées entre 7 et 9 milliards d'euros qui sont données aux mutuelles et puis par des aides qu'on donne aux gens pour acquérir des mutuelles. Donc un système qui est quand même dans de la solidarité nationale. Et je trouve que ce rapport, finalement, trois quarts l'assurance maladie, un quart en grosse masse, les mutuelles, est un bon équilibre.
 
Donc on ne touche pas à cet équilibre. Est-ce que le prix des cigarettes va augmenter ?
 
Le président de la République doit faire des annonces dans quelques semaines sur le plan cancer.
 
Début novembre ?
 
Oui, début novembre. Moi, je dois dire que - nous ferons les annonces à ce moment-là -, nous savons que le cancer lié au tabac, c'est 60.000 morts par an dans notre pays, que nous avons pas loin de 30.000 nouveaux cas par an, qu'il y a encore 30 % de fumeurs dan notre pays, alors que l'OMS nous a fixé l'objectif de 20 % de fumeurs. Nous sommes donc très loin des objectifs de l'OMS. Et nous savons, in fine, que l'augmentation du prix du tabac est sans doute la meilleure mesure pour faire baisser le nombre de fumeurs.
 
Le tabac va-t-il augmenter de 10 % chaque année pendant plusieurs années ? Etes-vous favorable à cela ?
 
Je suis favorable à cela, bien sûr, à une augmentation du prix du tabac. Mais nous verrons le président de la République, je lui laisserai faire les annonces qu'il convient.
 
D'accord, il annoncera, mais êtes vous favorable ?
 
Bien sûr ! Je suis favorable à une augmentation importante du prix du tabac.
 
Donc de 10 % par an pendant plusieurs années ?
 
Je suis favorable à une augmentation...
 
...Je vous dis cela parce que les buralistes que vous allez bientôt rencontrer, ils protestent.
 
J'ai déjà reçu les trois parlementaires chargés d'une mission là-dessus, R. Mallié, T. Lazaro et J.-M. Binetruy, parce que c'est vrai que les buralistes remplissent une fonction de maillage territorial. Moi je crois que l'augmentation du prix du tabac est une stratégie gagnant-gagnant pour tout le monde.
 
Cela encourage aussi la contrebande et l'achat sur Internet. 60 % des cigarettes achetées en Grande-Bretagne sont achetées en contrebande.
 
On s'aperçoit aussi que les achats transfrontaliers ne cessent de diminuer. Puisque l'on parle de cancer, est-ce que je peux vous dire que c'est octobre rose, c'est le mois du cancer du sein et j'invite toutes les femmes, de 50 à 75 ans, à se faire dépister. C'est entièrement gratuit, et il faut le faire.
 
On est d'accord, il faut le faire. Mais donc, si j'ai bien compris, 10 % d'augmentation par an en 2010 et pendant plusieurs années, oui ?
 
La ministre de la Santé y est favorable. Mais je ne dis pas que cela va se faire. Je plaide pour ça.
 
Combien va rapporter l'augmentation des prélèvements sociaux sur les revenus du capital ? J'ai la réponse : 400 millions d'euros.
 
Mais vous n'en savez rien !
 
Mais si, les chiffres ont été donnés.
 
Est-ce que vous savez ce qui va ressortir du PLFSS et du [inaud.] du PLFSS ?
 
En moyenne 400 millions d'euros. Vous verrez, le chiffre sera proche de cela.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 octobre 2009