Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur la réforme de l'Etat, celle des collectivités locales et des finances locales, Paris le 15 octobre 2009.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence nationale des exécutifs à Paris le 15 octobre 2009

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, nous avons tenu la cinquième réunion de la Conférence nationale des exécutifs. La Conférence nationale des exécutifs, c'est une instance que j'ai voulue il y a deux ans et qui a pour objet la concertation, l'échange d'informations, le dialogue entre l'État et les collectivités locales. Ce n'est pas une instance de décision. C'est naturellement au Parlement, dans notre pays, qu'il appartient de prendre les décisions. Mais nous avons besoin de cette instance de dialogue. Et d'ailleurs, les trois heures que nous venons de passer ensemble ont montré à quel point ce travail de recherche de dialogue et de cohésion était indispensable. Il n'y a pas d'un côté l'État et puis de l'autre côté les collectivités locales. En réalité, il y a une seule République au fonctionnement de laquelle concourent et l'État et les collectivités locales.
Cette République, elle a un défi considérable à relever. Ce défi, c'est, au fond, comment préserver notre mode de vie, notre modèle social dans une globalisation qui se traduit par un transfert de plus en plus rapide de richesses des vieux pays industrialisés vers les pays émergents. Et la crise financière, nous nous en rendons compte chaque jour un peu plus, agit comme un accélérateur de ce transfert de richesses. Le risque, pour nous au fond, c'est le déclassement, c'est l'appauvrissement qui conduira inéluctablement à une remise en cause brutale de notre modèle social. Nous, nous ne voulons pas fermer les yeux sur ce défi et sur ces risques. Nous avons donc décidé de réagir. Nous le faisons en cherchant à introduire une régulation plus efficace au plan mondial et ce sont tous les efforts de la France depuis plusieurs mois dont nous voyons qu'ils commencent à produire des effets. Nous cherchons à transformer l'Europe pour qu'elle agisse comme une équipe de rugby dans une compétition internationale, c'est-à-dire une équipe dont chaque membre est solidaire des autres. Ce qui veut dire que nous voulons, demain, que l'Union européenne ait un vrai programme en matière d'investissements d'avenir. Nous voulons que l'Union européenne ait une politique industrielle. Nous voulons que l'Union européenne révise sa doctrine en matière de concurrence pour intégrer cette compétition de plus en plus rude à laquelle nous sommes confrontés. Et puis enfin nous avons choisi de moderniser notre propre organisation politique, économique, sociale.
Nous avons choisi de le faire en réformant l'État. Je rappelle que depuis trois ans, nous avons gelé les dépenses du budget de l'État au niveau de l'inflation. Nous avons supprimé près de cent mille postes. Nous avons accompli des réformes difficiles : celles de la carte judiciaire, celle de la carte militaire. Nous avons fait voter une loi hospitalière qui va permettre, progressivement, une autre organisation de l'offre de soins sur le territoire. Eh bien maintenant, nous passons à l'étape suivante, celle de la modernisation de l'organisation territoriale et celle de la réforme de la fiscalité locale. Nous sommes tous tombés d'accord sur l'idée que nous voulions une organisation du territoire plus efficace. Une organisation du territoire plus efficace, au fond, c'est un meilleur service possible. Le meilleur service possible au meilleur coût possible. Nous sommes tous tombés d'accord sur l'idée que les solutions radicales, c'est-à-dire la suppression de niveaux de collectivités, n'étaient pas réalistes compte tenu de la culture qui est la nôtre, compte tenu de l'histoire qui est la nôtre. Et donc nous avons proposé, le gouvernement, une réforme des collectivités territoriales qui s'appuie sur deux idées simples : renforcer l'intercommunalité donc pousser de plus en plus au transfert de responsabilités aux intercommunalités ; et deuxièmement, rapprocher les départements et les régions, en particulier à travers une innovation qui est la création d'un conseiller territorial unique. Je voudrais vous faire remarquer d'ailleurs que ces propositions étaient au programme d'au moins deux candidats à l'élection présidentielle dont l'un, Nicolas SARKOZY, a été élu par la majorité des Français. Et donc il n'y a pas à être surpris de ces propositions. Elles constituent des engagements que nous avions pris dans les termes que je viens d'évoquer.
Alors il y a beaucoup de débats autour de cette réforme des collectivités locales. C'est normal parce que d'abord, c'est compliqué. C'est d'ailleurs parce que c'est compliqué qu'on veut simplifier les choses. Ensuite parce qu'il y a beaucoup d'intérêts, que chacun regarde la réforme avec les yeux de la collectivité dont il a la responsabilité. J'ai indiqué aux représentants des associations de collectivités que nous n'étions pas fermés, que nous souhaitions les entendre, que nous étions prêts à modifier les propositions qui sont les nôtres pour tenir compte de leurs remarques et de leurs inquiétudes. Nous l'avons déjà fait, notamment en assurant mieux le respect de l'identité communale dans le choix qui a été fait pour le mode d'élection des conseillers dans les intercommunalités, un mode d'élection communal pour respecter cette identité. Nous avons modifié nos projets initiaux pour maintenir les cantons même s'il faudra les redécouper, en mettre en oeuvre moins parce que c'était une revendication forte des départements. Et enfin nous avons entendu la demande de respect du pluralisme, de la diversité, de la parité puisque nous introduisons une part de proportionnelle dans le futur mode de scrutin pour les conseillers territoriaux.
Le débat n'est pas clos. Les textes qui vont être présentés au Conseil des ministres dans quelques jours, qui vont concerner les principes de la réforme et puis le mode de scrutin et qui seront complétés, plus tard, par des textes visant à préciser les répartitions de compétences entre les régions et les départements, ces textes vont faire l'objet encore de débats au Parlement, au Sénat naturellement où, j'imagine, beaucoup de propositions seront faites et enfin à l'Assemblée nationale. La seule chose que j'ai indiquée aux représentants des grandes associations, c'est que le gouvernement serait inflexible sur deux choses : pas d'immobilisme, on ne renoncera pas à cette réforme parce qu'elle est absolument nécessaire à la modernisation de notre pays et deuxièmement, pas de fausse réforme, on ne va pas recréer une nouvelle taxe professionnelle parce que d'amendement en amendement et de suggestion en suggestion, cela nous serait proposé.
S'agissant de la réforme fiscale, nous considérons que la suppression de la taxe professionnelle était inéluctable. Elle était inéluctable d'abord parce que c'est la meilleure décision qu'on puisse prendre pour améliorer la compétitivité des entreprises françaises en dehors de celles que nous avons déjà prises. Quel autre allègement de charges ou de fiscalité pourrait être décidé par l'État ? Pas un allègement de charges sociales. On a déjà été jusqu'au bout de ce qui pouvait être fait dans ce domaine. Et continuer à alléger les charges sociales des entreprises, ça voudrait dire, en réalité, remettre en cause le modèle social qui est le nôtre. Pas une diminution de l'impôt sur les sociétés dont le taux est déjà un des plus élevés des pays développés. Il y a la taxe professionnelle. C'est un impôt qui n'existe nulle part ailleurs, en tout cas dans les conditions où il est appliqué dans notre pays. Il pèse sur la compétitivité des entreprises. Nous avons décidé de le supprimer. J'ajoute que cet impôt était devenu une sorte de bricolage monstrueux à travers les réformes successives décidées par les gouvernements successifs dont d'ailleurs l'État assurait une grande partie du financement.
Nous avons proposé un projet qui reprenait l'idée de spécialiser les recettes fiscales par niveau de collectivités. Pourquoi est-ce que nous l'avons proposé ? Parce que tout le monde le réclamait. Depuis quinze ans, à gauche comme à droite, dans les départements comme dans les régions comme dans les communes, à chaque assemblée générale, à chaque réunion de maires, on disait : « il faut une réforme qui permette de spécialiser les impôts par niveau de collectivités. » Donc on l'a proposée. Bon, il se trouve que tout le monde nous a expliqué que ce n'était pas une bonne idée et que ça ne fonctionnait pas. Alors on a entendu les critiques venant des collectivités et j'ai proposé, avec le Président de la République, au Parlement dont c'est finalement le rôle de répartir lui-même les recettes fiscales que nous allons créer, entre les différents niveaux de collectivités.
Alors j'entends dire que c'est une remise en cause radicale du projet du gouvernement mais c'est nous qui l'avons voulue. Et c'est d'ailleurs une illustration du nouveau mode de fonctionnement qu'induit la réforme constitutionnelle entre le Parlement et le gouvernement. Il faut vous y habituer, il y en aura beaucoup d'autres et il n'est pas nécessaire, à chaque fois, de présenter les choses comme une remise en cause radicale des projets du gouvernement ou, lorsque c'est dans l'autre sens, du Parlement. Là, le point vers lequel on se dirige, puisque les débats sont encore devant nous, notamment au Sénat, c'est une meilleure répartition des recettes fiscales venant des entreprises et venant des ménages entre les différents niveaux de collectivités. C'est un meilleur équilibre entre le renforcement du lien territorial entre l'impôt, l'impôt sur les entreprises et la péréquation que tout le monde réclame. Ce sont deux contraintes qu'il faut essayer de marier. Et puis enfin j'ai indiqué que le gouvernement était décidé à engager la révision générale des valeurs locatives. Sujet en panne depuis près de quinze ans et qui correspond à une revendication juste des collectivités territoriales.
Le débat va continuer. Beaucoup de suggestions ont été faites que le gouvernement est prêt à regarder, est prêt à intégrer. Nous avons une ligne rouge et je l'ai indiquée très clairement à tous nous interlocuteurs, nous n'accepterons pas que le taux de la cotisation complémentaire (cette cotisation basée sur la valeur ajoutée) soit fixée à un autre niveau qu'au niveau national. Pourquoi ? Parce que nous n'accepterons pas qu'on recrée, à travers des libertés de fixer les taux au niveau local, finalement une nouvelle taxe professionnelle. Bon, nous avons eu des débats qui ont été des débats riches, francs, avec beaucoup de propositions qui sont des propositions qui convergent. D'une façon générale, l'Association des maires de France trouve assez bien ses marques dans le projet qui est proposé même s'il y a ici ou là des discussions. L'association des départements de France est assez satisfaite des évolutions qui ont été apportées au projet. La discussion principale avec les départements, elle porte sur la manière de financer, à terme, des dépenses sociales que les départements considèrent, à juste titre, comme au fond un peu imposées par les textes législatifs. Le débat est plus difficile avec les régions pour des raisons qui sont sans doute plus politiques, plus idéologiques que techniques.
Voilà, je terminerai simplement, avant de répondre à vos questions, en disant que ma conclusion devant les représentants des collectivités locales, c'est que quels que soient les dispositifs que nous mettrons en place, la question fondamentale, c'est : comment on diminue ou au moins comment on stabiliser la dépense publique dans son ensemble pour les dix années qui viennent ? Si on veut retrouver l'équilibre de nos finances publiques, nous n'y parviendrons que si l'État, les collectivités locales et les comptes sociaux participent au retour à l'équilibre. Et l'idée selon laquelle c'est à l'État de faire les efforts, les collectivités locales, parce qu'elles sont obligées de voter des budgets en équilibre, n'auraient pas cette obligation, c'est une idée qui ne correspond pas à la réalité et qui ne correspond pas d'ailleurs à ce qui se passe dans la plupart des grands pays européens, voilà. Quant au débat sur les investissements d'avenir, nous avons décidé de le reporter de quelques jours compte tenu de l'heure, pensant que la plupart d'entre vous auriez déjà déserté l'hôtel Matignon compte tenu des délais que nous vous avons imposés. Voilà, on est maintenant à votre disposition pour répondre à toutes vos questions sur ce sujet naturellement.
Source http://www.gouvernement.fr, le 16 octobre 2009