Déclaration de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat à l'écologie, sur le concept de "ville durable" et sur l'adaptation des politiques urbaines aux changements climatiques, à Paris le 23 octobre 2009.

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Circonstance : 6e forum international de la Météo sur le thème "La ville face aux changements climatiques", à Paris le 23 octobre 2009

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je ressens beaucoup d'honneur à intervenir devant vous.
Météorologues et climatologues, vous êtes de ceux qui ont été les premiers à alerter le monde sur les dangers de la catastrophe climatique qui s'annonçait... Vous prêchiez alors dans le désert.
Depuis, nos concitoyens ont pris conscience des enjeux des changements climatiques. Ils comprennent de mieux en mieux certaines des conséquences et ce que cela implique en terme, notamment, d'adaptation de nos comportements...
Mais il reste encore beaucoup de travail à faire. En avons-nous le temps ?
Tout semble indiquer, aujourd'hui, que le pire des scénarios se dessine : celui d'une augmentation globale des températures de 5°. Et ce n'est pas à vous que j'apprendrai les conséquences dramatiques qui s'ensuivront... Bref, il faut agir !
Nous devons porter notre attention sur la ville. Car c'est là que se trouvent les noeuds structurels des changements climatiques... Ironique paradoxe : alors qu'elles ne représentent que 2% de la surface de la planète, nos métropoles concentrent 80% des rejets de CO2 !
Autant dire que la lutte contre les changements climatiques se déroulera tout d'abord sur le terrain urbain. Et notre victoire dépendra de notre capacité à fonder les conditions d'une ville durable.
Mesdames, Messieurs,
Je n'aurai pas l'outrecuidance de prétendre détenir les clefs de la ville durable. Pourquoi ?
D'abord, elle est un idéal auquel nous devons faire tendre nos agglomérations.
Parce qu'ensuite, il n'existe pas, selon moi, une mais des villes durables... Suivant que l'on se trouve dans une agglomération façonnée par des siècles d'histoire ou une agglomération sortie du sable, la question de la durabilité ne posera pas dans les mêmes termes et se déclinera suivant la singularité de chaque agglomération.
Enfin, c'est un concept qui nous oblige à évoluer sur des problématiques multiples et complexes aux confluents de l'architecture, de l'urbanisme ou encore de la sociologie.
Mais pour autant, quelques principes fondent, de mon point de vue, le concept de ville durable. C'est notamment :
- Une ville sans carbone
- Une ville plus efficiente économiquement, adaptée à l'évolution de la structure des activités et des emplois. La ville durable doit être au coeur de la croissance verte. Relocalisation des activités.
- Une ville du bien-être et la qualité de vie dont la mixité est au coeur de la politique urbaine.
Repenser les services.
Et s'agissant, plus particulièrement, des enjeux climatiques, la ville durable, c'est :
- Une ville qui revisite les briques élémentaires qui la composent comme les bâtiments, les véhicules ou encore les réseaux de transport collectif.
- Surtout l'enjeu central est sa conception globale : urbanisme.
Voilà l'objectif. Mais quelle est la méthode ?
Mesdames, Messieurs,
Il revient aux politiques publiques de tendre vers cet idéal que représente la ville durable -et plus particulièrement en tant qu'outil contre les changements climatiques.
C'est ce à quoi la France s'est attelée depuis deux ans, avec le Grenelle de l'environnement -en sachant que nos actions s'inscrivent dans une perspective européenne voire mondiale.
Nous connaissons tous le constat : la civilisation urbaine, dans son mode d'organisation et de fonctionnement actuel est incompatible avec les ressources de la planète et les changements climatiques.
De ce constat, nous avons élaboré une stratégie afin de repenser la ville en agissant sur tous les leviers. Parmi ceux-ci, j'en relèverai trois.
Nous avons agi sur les briques.
A. Levier du bâtiment
Le secteur du bâtiment est le plus gros consommateur d'énergie en France. Il génère 23% des émissions nationales.
La révolution est en marche :
- Généraliser les « bâtiments basse consommation » à l'horizon 2012 et les « bâtiments à énergie positive » à l'horizon 2020,
- Atteindre le rythme de 400 000 rénovations complètes de logements chaque année à compter de 2013, grâce à l'éco-PTZ.
- C'est rénover l'ensemble des logements sociaux, avec, pour commencer, la réalisation des travaux sur les 800 000 logements sociaux les plus énergivores d'ici 2020.
B. Le levier des transports, ensuite.
Nous avons joué sur tous les fronts.
La construction de près de 1.500 kilomètres de lignes de tramways et de bus en site propres qui sillonneront nos villes.
2000km de TGV pour desservir les villes.
Nous misons sur les véhicules électriques et hybrides rechargeables, véhicules citadins par excellence. Et je me réjouis, ici, des nombreux lancements prévus dans les deux ans qui viennent, par les grands constructeurs. A horizon 2025, les véhicules décarbonés devraient représenter 27% du marché mondial.
Mais au-delà, nous lançons la logique de la mobilité durable plus que de transports. Je pense par exemple à l'autopartage, au covoiturage ou à l'intermodalité.
C. Le levier environnemental, en réintroduisant la nature en ville
Les espaces naturels sont bien plus stratégiques que le simple ornement de nos villes.
- Stratégique en matière de santé publique : jamais nous n'avons connu pareille augmentation des cas d'asthme et d'inflammation des voies respiratoires -et notamment chez l'enfant... Or il est démontré qu'une certaine densité d'arbres permettrait de faire baisser la prédisposition des jeunes enfants à ce type de pathologie : pour 343 arbres plantés au kilomètre carré, on note une baisse de 29% de la prévalence notamment de l'asthme chez les petits enfants (Journal of Epidemiology and Community Health, mai 2008).
De plus, les végétaux en ville limitent le risque de création d'un « dôme de pollution » et donc ils contribuent à la dispersion des polluants.
- Stratégique en matière de développement des modes doux de déplacement.
C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité intégrer cette dimension dans la sélection des « écoquartiers » exemplaires ou encore dans les projets Eco-Citées. Qu'il s'agisse de l'une ou de l'autre démarche, le pilier environnemental, notamment au travers de la nature en ville a été et sera déterminant dans le choix des projets qui sont, par la force des choses, les aiguillons de la ville durable de demain.
- Et parce que la nature en ville ne doit pas se concevoir uniquement horizontalement mais aussi verticalement et en hauteur, elle est stratégique en matière d'efficacité énergétique. Il est en effet largement admis et démontré que la mise en place de toits végétalisés et de jardins filtrants jouent un rôle significatif dans la régulation thermique des bâtiments en absorbant la chaleur l'été et en agissant comme un isolant l'hiver.
Cette dimension de la nature en ville est la démonstration parfaite de combien l'écologie urbaine doit faire appel à la capacité de l'Homme pour trouver puis mettre en oeuvre des solutions innovantes.
Et ici j'attends beaucoup des groupes de travail que j'ai installé en juin dernier afin d'engager une réflexion sur la nature en ville puis l'élaboration d'un plan avec l'ensemble des acteurs concernés. Le processus de réflexion se déroule en ce moment même au travers de 4 ateliers spécifiques. L'un d'eux est tout particulièrement dédié aux fonctions écologiques de la nature et qui traitera à ce titre de l'adaptation aux enjeux climatiques. Le plan « nature en ville » devrait être prêt pour le début de l'année prochaine.
Je forme le voeu qu'il soit innovant dans ses propositions et pistes d'actions. Les possibilités de coulées vertes verticales sont innombrables. Elles peuvent irriguer notre territoire, cheminer dans notre habitat, abreuver nos entreprises... en un mot, modeler notre espace.
Pour ce faire, il faut verdir nos documents d'urbanisme ce que nous avons commencé faire : ce sont ici des piliers de l'aménagement durable du territoire et ne demandent qu'à être nourris plus encore par l'écologie.
Mesdames, Messieurs,
Les travaux engagés sur les éco-cités ou le Grand Paris montrent que la réflexion n'est pas technique en réalité.
Elle oblige à s'intéresser à la relocalisation des activités, notamment si nous ne trouvons pas de solution au transport de marchandises. Les villes de demain sont-elles géantes et concentrées ou des pôles de taille moyenne à travers le territoire ?
Va-t-on vers une décentralisation de l'énergie qui fera des villes des pôles autonomes ?
Plus généralement, posons la question des temps et la vitesse.
Enfin, la vraie question est la place de nos concitoyens dans la conception et l'évolution de ces villes. Il ne peut pas y avoir de ville durable sans participation citoyenne.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 27 octobre 2009