Déclaration de Mme Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille et à la solidarité, sur l'éducation aux médias pour lutter contre les dangers des médias dont internet, Paris le 21 octobre 2009.

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Circonstance : Remise du rapport de la Commission Famille, Education aux Médias à Paris le 21 octobre 2009

Texte intégral

Monsieur le Président, (Michel BOYON)
Madame la Présidente (Agnès VINCENT-DERAY),
Mesdames et Messieurs les membres de la Commission,
Mesdames et Messieurs,
Oui, chère Agnès, vous avez pleinement raison, cette rencontre d'aujourd'hui est loin d'être anodine. Elle est même exemplaire de la nouvelle relation que je souhaite instaurer entre les familles et les médias.
Pour la première fois, tous les acteurs du monde de l'image acceptent de se mobiliser pour lutter ensemble contre les dangers d'Internet tout en proposant une éducation positive aux médias. Pour la première fois, nous allons rassembler toutes nos forces et toutes nos énergies pour permettre à nos enfants d'accéder au meilleur des médias tout en se protégeant du pire.
Et cela, nous le devons à Agnès Vincent-Deray, que je voudrais tout particulièrement saluer et remercier pour son enthousiasme et son implication, qui a accepté le 4 mars dernier de présider un comité de pilotage composé de spécialistes émérites du secteur pour élaborer ce rapport. Merci à vous tous, merci à Jean Spiri, le rapporteur de cette commission, pour la qualité de ces propositions. Désormais, nous pourrons disposer de véritables outils concrets pour construire une relation consciente, active, entre les familles et les médias.
Internet est trop souvent diabolisé, alors qu'il est un des meilleurs outils qui soient d'ouverture sur le monde.
A nous de rendre ce terrain plus sûr, d'instaurer des garde fous, d'élaborer un code d'Internet, comme on a mis en place un code de la route. Nous apprenons bien à nos enfants à traverser la rue, à ne pas parler à un inconnu ou à ne pas accepter des bonbons d'un étranger ! Pour quelles raisons n'apprendrions nous pas de telles règles aux enfants qui maîtrisent l'aspect technique d'Internet sans en connaître le bon usage ?
Eduquer aux médias, c'est pour moi d'abord réinvestir les parents d'une mission essentielle, qui est la protection de leurs enfants. Autrefois, le danger était à l'extérieur de nos maisons, aujourd'hui il peut se tapir jusque dans leurs chambres.
Eduquer aux médias, c'est aussi instaurer une dynamique positive dans laquelle l'enfant devient acteur de sa propre consommation et de sa propre protection.
I- Tous les chiffres dont nous disposons témoignent de l'urgence qu'il y a à agir.
* Urgence, car comme le montre une enquête menée par l'association e-Enfance en mai 2009 sur internet, 48 % des adolescents de 13 à 18 ans ont déjà reçu une proposition de rendez-vous avec un inconnu et 20 % déclarent l'avoir acceptée ;
Urgence, car 29 % ont fait l'objet de propositions sexuelles et 9 enfants sur 10 ont été confrontés à des images de pornographie ou de violence.
Urgence enfin, car les enfants ne parlent pas de ces mauvaises rencontres avec leurs parents. 76 % des enfants disent garder les problèmes rencontrés sur internet pour eux, et plus des deux tiers avouent ne pas respecter les consignes parentales de prudence.
Internet est devenu une zone de non-droit dont les parents sont exclus. A nous, à vous, de les réinvestir dans leur rôle de parent, d'éducateur et d'autorité.
* La télévision, grâce au dynamisme du Conseil Supérieur Audiovisuel, cher Michel Boyon, et grâce à son engagement ferme en faveur de la protection de l'enfance, chère Agnès Vincent-Deray est devenue un terrain un peu plus sûr. La signalétique a permis de mettre en place un certain nombre de repères qui informent tant l'adulte que l'enfant. Elle a aussi fait entrer ce sujet dans les conversations familiales : les adultes ont maintenant conscience que selon les âges, certaines choses peuvent être regardées, d'autres non.
Mais seule une véritable éducation aux médias peut donner aux enfants la capacité de discerner, aux parents celle de s'imposer.
C'était bien le sens de la diffusion du spot « Où est Arthur » à Noël qui a donné lieu à une mobilisation exceptionnelle de l'ensemble des chaînes, une implication qui témoigne, s'il en était besoin de l'évolution des mentalités au sein de la société. Ce film, primé plusieurs fois à l'étranger, a eu un immense succès et a été visionné près d' 1 million de fois. Et je crois que nous avons remporté notre pari : faire entrer ce sujet de conversation chez les familles, pour que parents et enfants puissent discuter de ces sujets le plus librement possible. Car entre les scrupules de se montrer intrusifs dans la vie de leur enfant et la méconnaissance réelle des risques qui peuvent être liés à Internet, bien des parents se trouvent aujourd'hui démunis.
II- Le rapport que vous me soumettez donne maintenant des propositions pratiques et pragmatiques pour mettre en oeuvre une véritable politique gouvernementale d'éducation aux médias, à destination tant des adultes que des enfants et donc des familles.
La démarche que vous me proposez est la bonne, car elle donne des pistes claires et partagées par l'ensemble des acteurs pour cheminer sur un terrain parfois difficile où nous avons plus que tout besoin de bonne volonté et de pragmatisme.
Parmi ces pistes, voici celles qui retiennent particulièrement mon attention :
- Je crois tout d'abord que nous devons garantir un pilotage fort à une politique qui par nature concerne plusieurs ministères, et au-delà, de très nombreux acteurs. C'est pourquoi je retiendrai tout spécialement l'idée d'une fondation qui ferait largement appel aux acteurs privés et qui serait chargée de proposer, d'élaborer et de financer de nouveaux outils d'éducation aux médias à destination des familles. J'ai conscience qu'il s'agit d'une idée audacieuse. Grâce à cette fondation, nous disposerons désormais d'une véritable tour de contrôle pour l'éducation aux médias, qui pourra coordonner, piloter, observer et évaluer. Je souhaite qu'Agnès Vincent-Deray puisse personnellement s'investir sur ce sujet essentiel. Certaines entreprises se sont d'ores et déjà montrées intéressées par ce projet innovant. Qu'ils soient remerciés pour leur esprit d'initiative et leur conscience citoyenne de leurs responsabilités.
- Je pense également que nous devons créer davantage d'outils d'éducation aux médias, diversifiés et adaptés. Je suis ainsi très sensible à l'idée de créer un portail unique consacré à l'éducation aux médias, et à toutes les actions vivant à développer la formation en direction du monde de la famille, des professionnels de l'enfance et des parents. Informer, former, diversifier les sources d'éducation aux médias pour tous, il n'y a qu'ainsi que nous pourrons donner aux enfants l'envie de mieux connaître Internet, aux parents celle d'enrichir le sens et le contenu de leurs conseils et de leurs recommandations.
- Je suis également convaincue par l'idée que nous devons offrir davantage de contenus audiovisuels adaptés aux enfants et aux adolescents. Comment sinon empêcher qu'ils aillent se ruer sur des émissions ou des vidéos qui ne sont pas de leur âge ? C'est un chantier que nous devrons ouvrir avec le Conseil Supérieur de l'audiovisuel. Les chaînes doivent davantage intégrer d'émissions à destination des plus jeunes et des adolescents. La télévision représente aujourd'hui un des principaux, sinon pour certaines familles, le seul vecteur d'ouverture et de connaissance du monde. Elle doit assumer pleinement les devoirs et les responsabilités qui lui incombent en offrant des supports adaptés aux jeunes publics. C'est pour moi un enjeu de société car la télévision peut leur ouvrir des horizons nouveaux, leur faire franchir des murs de béton et les amener dans d'autres univers. Pour peu que la télévision soit à la hauteur. Je demanderai à Agnès Vincent-Deray d'étudier plus en détail les outils concrets pour inciter les chaînes à aller dans ce sens.
- Je crois enfin qu'il nous faut encore renforcer la protection de l'enfance et de la jeunesse sur Internet. Le groupe des Fournisseurs d'accès à Internet que je réunis de manière régulière s'est pleinement investi dans ce sujet. Par ailleurs, la loi d'orientation et de programmation de sécurité intérieure va donner des moyens juridiques efficients pour bloquer enfin l'accès aux sites pédopornographiques. Il s'agit déjà d'une étape fondamentale. Mais nous devons aller plus loin dans notre collaboration avec les FAI en créant des référentiels d'information des utilisateurs d'Internet, à destination des parents comme des enfants. Nous devons aussi faire preuve d'imagination en développant des outils techniques de protection de l'enfance sur Internet (« tatouage » de certains contenus) par exemple, ou enfin en renforçant la signalétique à la Télévision. J'ai toujours trouver dommage de voir disparaître le macaron des moins de 10 ans au bout de 5 secondes d'émission. Nous devons regarder comment avancer sur ce sujet comme sur celui de la signalétique de la vidéo à la demande sur Internet. Nous ne tolérerons pas qu'Internet soit ce domaine de non-droit dans lequel un enfant peut être confronté à des contenus choquants, violents, pornographiques, sans qu'aucun signal ne vienne l'alerter !
Je demanderai à Agnès-Vincent-Deray de bien vouloir expertiser avec toute la vigilance nécessaire l'ensemble de ces propositions et de suivre l'évolution de leur mise en oeuvre.
Internet révolutionne nos modes de vie, nos modes de pensée, mais aussi nos modes d'être. Avec Internet, tout va plus vite, plus loin. Nous sommes passés d'un monde de la médiatisation à un monde de l'immédiateté.
Cette révolution est culturelle, sociale. C'est une révolution de notre civilisation qui risque de nous faire pénétrer dans un autre monde, celui du virtuel.
A chaque tournant de notre histoire, à chaque découverte mirifique ou terrifiante, nous avons réagi par la sidération, avant d'inventer une nouvelle codification juridique et culturelle.
Il est temps aujourd'hui de sortir du silence et de l'inaction. Rendons nous maîtres de notre propre création. C'est tout l'honneur de l'Homme.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 22 octobre 2009