Texte intégral
Je suis très heureux de retrouver la commission chargée des Affaires européennes, cette fois pour m'exprimer devant vous en qualité de ministre de l'Agriculture, car les questions agricoles sont des questions européennes dont vous êtes des connaisseurs avisés, M. Hervé Gaymard en étant l'un des éminents spécialistes.
Mon analyse de la situation de l'agriculture est fondée sur deux convictions. La première est que nous sommes à un tournant. Nous sommes arrivés au bout d'un chemin parcouru le mieux possible au cours de l'histoire agricole française et européenne ; il nous faut maintenant déterminer quels objectifs assigner à l'agriculture française et européenne et quels moyens lui allouer pour les atteindre. Des enjeux économiques considérables, des intérêts nationaux divers et des visions très différentes de l'agriculture expliquent que des opinions divergentes s'affrontent à ce sujet au sein de l'Union européenne. Cela explique le très dur combat qu'il m'a fallu mener en faveur de la régulation du marché du lait.
Je suis par ailleurs convaincu que l'avenir de l'agriculture française se joue en Europe. Cela va de soi, mais je ne crains pas de le répéter. Notre intérêt est donc de travailler avec nos partenaires européens, de former des coalitions et des alliances dans le respect des règles européennes et non de nous dresser, seuls, contre ces règles que nous avons nous-mêmes choisies et adoptées.
L'Union européenne a un impact décisif sur l'agriculture française car les règles juridiques qui régissent le fonctionnement de celle-ci sont des règles européennes. Si nous ne les appliquons pas, nous nous exposons à des sanctions pour avoir enfreint les engagements par nous souscrits. Je donnerai pour exemple celui de la filière "fruits et légumes", à laquelle des aides ont été versées pendant dix ans et je rends hommage à M. Gaymard qui, alors ministre de l'Agriculture, a interrompu le versement de ces aides illégales. Nous étions en procédure avec la Commission européenne depuis 2002 à ce sujet. En janvier 2009, elle a enjoint au gouvernement français de répondre à ses demandes d'éclaircissement sous peine d'un recours en manquement que nous aurions immanquablement perdu puisque nous avions reconnu que le versement de la partie publique de ces aides contrevenait aux règles communautaires. Elle nous avait donné jusqu'à mai ; M. Barnier a obtenu un ultime report au 29 juillet, étant précisé que si les explications demandées n'étaient pas fournies à cette date, la procédure de recours en manquement s'engagerait automatiquement.
Le choix qui s'offrait à moi était clair : soit je répondais positivement à la Commission européenne, ce que j'ai décidé de faire, soit, par souci de popularité, j'engageais un bras de fer qui, puisque nous avions reconnu nos torts, aurait conduit, dans les trois ou quatre mois, à une condamnation certaine de la France par la Cour de justice des communautés européennes. Nous aurions alors dû verser une amende comprise entre 70 et 90 millions, assortie d'une astreinte mensuelle de quelque 20 millions jusqu'à la complète application de la décision. Voilà pourquoi j'ai préféré accepter la décision de la Commission européenne, qui demande le remboursement de 340 millions d'aides auxquels s'ajoutent les intérêts, ce qui représente un total de 500 millions.
J'étais en la matière instruit du caractère vain et contre-productif de l'opposition systématique à la Commission européenne, que démontre l'affaire du poisson "sous taille". Vous vous en souvenez, la Commission avait introduit un recours en manquement à l'encontre de notre pays, qui refusait de vérifier si ses pêcheurs n'utilisaient pas des filets aux mailles trop serrées, capturant ainsi des poissons de taille non réglementaire. La France, condamnée à une amende de 70 millions, avait en outre payé une astreinte de 15 millions pendant trois mois avant d'arrêter les frais et de se soumettre à la décision.
En bref, plutôt que de devoir payer une amende et des astreintes puis d'être contraint de se soumettre à une décision de la Commission, mieux vaut, quand on est en tort, respecter cette décision et négocier pied à pied le montant de l'amende pour qu'elle soit la moins forte possible. C'est ce que je fais en contestant, pour différents motifs, le bien-fondé des 500 millions demandés : certaines des aides versées n'étaient pas des aides d'Etat, d'autres ne sont pas recouvrables, d'autres encore ne sont pas documentées.
Le respect des règles n'exclut pas de débattre pour modifier les règles si on les estime mauvaises. Ainsi, chaque Etat membre peut actuellement soutenir ses exploitations agricoles à hauteur de 7 500 euros par exploitation, sur trois ans. Ce plafond, correct en période normale, est insuffisant en période de crise comme nous le connaissons actuellement. Soit, faisant fi de la réglementation européenne et laissant mes successeurs se débrouiller avec un éventuel contentieux, je décidais que l'Etat verserait à ses agriculteurs plus que ce qui est autorisé, soit j'engageais la bataille sur ce plafond pour avoir une plus grande marge de manoeuvre. Au terme d'une négociation de trois mois, j'ai obtenu du Conseil européen de l'agriculture que le plafond des aides nationales de minimis soit temporairement porté à 15 000 euros par exploitation sur une période de trois ans. De même, s'agissant de la politique commune de la pêche, j'ai négocié pied à pied le nouveau règlement adopté la nuit dernière à Luxembourg, dont certaines dispositions initiales ne me paraissaient pas favorables aux pêcheurs français.
Un autre élément dit l'importance de l'Union européenne pour l'agriculture française : le montant du budget européen. Je dispose, pour l'agriculture, d'un budget d'intervention annuel de 12 milliards : 2 milliards proviennent du budget de la France et 10 milliards du budget européen. Le premier soutien à l'agriculture française, c'est l'Union européenne. La France est par ailleurs la première bénéficiaire de la PAC ; il est essentiel de garantir qu'elle continuera d'en bénéficier car elle trouve dans la PAC le premier poste de retour de sa contribution au budget européen.
L'importance de l'Union européenne pour l'agriculture française se mesure aussi aux 280 millions d'aides d'urgence au secteur laitier obtenus après une bataille homérique, dont de 50 millions seront versés aux exploitants laitiers français. Contrairement à ce que j'ai pu entendre ou lire, ce n'est pas rien, et s'il avait fallu les trouver dans le budget national, les choses n'auraient pas été simples. Enfin, c'est uniquement à l'échelle européenne que l'on peut espérer stabiliser les marchés et mieux maîtriser les prix en instaurant un marché à terme de la poudre de lait et du beurre.
L'agriculture est, je vous l'ai dit, à un tournant. Il nous faut savoir rebâtir ce qui ne fonctionne pas et fixer de nouvelles perspectives. Dans ce domaine, je tiens trois éléments pour essentiels. En premier lieu, le choix de la régulation, défendu par la France, après une expérience de dérégulation qui a pu se concevoir en son temps mais dont on voit qu'elle ne donne pas les résultats attendus. Nous nous sommes lancés dans la régulation du marché du lait parce que c'est le marché le plus en crise et celui qui concentre l'attention médiatique, mais la bataille concerne en réalité toutes les filières agricoles et c'est pourquoi elle est si féroce.
L'enjeu de la régulation est la création de nouveaux outils de stabilisation des marchés et l'extension des possibilités d'intervention publique existantes en cas de crise. La France et vingt autres Etats membres ont ainsi proposé, pour soutenir la filière laitière, de rendre le stockage public possible toute l'année et de l'étendre aux fromages. On ne pourra d'autre part pas se dispenser d'une réflexion sur les volumes, sinon, la menace de la surproduction continuera de peser.
Quels enjeux sous-tendent la nécessaire évolution de l'agriculture européenne ? En simplifiant à l'extrême, on peut dire que deux conceptions s'affrontent. Pour certains, ne compte que le prix - il faut garantir au consommateur les prix les plus bas possible pour tous les produits agricoles. S'en tenir à cela, c'est accepter d'emblée que 90 % des exploitants français mettent la clef sous la porte, car ils n'arriveront jamais à produire des tomates à un prix moindre que le Maroc, des côtes de boeuf moins cher que l'Argentine ou du lait moins cher que le lait néo-zélandais. Certes, on peut importer des pommes du Chili, de la viande d'Argentine, du poisson d'Asie, du lait de Nouvelle-Zélande et le consommateur s'y retrouvera : le prix de revient du kilo de boeuf n'est-il pas de 3 euros en France et de 1,5 euro en Argentine ? Les contempteurs de la PAC considèrent qu'en adoptant cette doctrine, l'Union économiserait de 15 à 20 milliards qu'elle pourrait redistribuer à d'autres secteurs, la recherche ou l'espace par exemple. Je considère qu'il s'agit d'une vision de court terme, qui ne garantit ni la sécurité alimentaire ni la sécurité sanitaire des consommateurs. Qui peut nous assurer qu'il n'y aura pas, un jour, un problème dans le cheptel argentin ? Je ne serai pas le ministre qui aura promu une réforme de ce type. Imaginons que le prix de la viande argentine, satisfaisant aujourd'hui, explose subitement ; si, alors, nous n'avons plus de charolais, que dirons-nous aux consommateurs sinon "je ne peux rien faire" ?
L'alternative est de considérer que la PAC sert plusieurs objectifs stratégiques pour l'Union européenne. Mais, j'y insiste, la bataille est rude car certains Etats membres ont objectivement intérêt à une concurrence par le prix. Le premier de ces objectifs est de garantir la sécurité alimentaire de 500 millions d'Européens, indépendamment de l'évolution de la situation géopolitique ou des conditions climatiques. Cela va de soi aujourd'hui, cela n'ira pas obligatoirement de soi demain. L'autre objectif est de pouvoir dire aux consommateurs européens qu'ils continueront de manger la nourriture la plus saine au monde. La France est, des pays industrialisés, celui qui connaît le moins de problèmes en matière de sécurité alimentaire, celui aussi où la proportion d'obèses dans la population est la plus faible. C'est le résultat d'une politique de sécurité alimentaire et sanitaire très rigoureuse et nous n'aurions aucun intérêt à baisser la garde. Cependant mais cette politique a un coût. Il est plus coûteux de s'astreindre à de multiples contrôles de la qualité du poulet, depuis l'oeuf et à toutes les étapes de la chaîne alimentaire, que de procéder comme le font les Américains, qui jugent notre manière de faire absurde. Il suffit, selon eux, de placer les poussins sous une lampe chauffante pour accélérer leur croissance puis d'asperger les poulets parvenus à maturité d'une solution chlorée pour que la sécurité sanitaire soit garantie. L'enjeu économique étant considérable, les Etats-Unis ont annoncé leur intention de déposer devant l'OMC un recours contre le refus européen d'importation de poulets "assainis" avec des produits chlorés, et je ne suis pas sûr du tout que nous l'emporterons.
Tels sont les enjeux : voulons-nous une concurrence par le prix, ou entendons-nous nous fixer des objectifs stratégiques, qui ont un coût ? Un éleveur, un agriculteur français à qui l'on demande de mettre son exploitation aux normes doit engager une dépense comprise entre 150 000 et 200 000 euros. Ce coût, que les exploitants néo-zélandais ou américains n'ont pas à supporter, se répercute dans les prix à la consommation.
Une fois les décisions prises, tant sur la régulation que sur le type d'agriculture choisi, l'Union devra définir les moyens alloués à cette politique. A cet égard, il est temps de s'interroger sur le découplage des aides et de la production et de se demander si le moment n'est pas venu de se rapprocher de la réalité.
Toutes ces questions ont une dimension mondiale évidente. Or, le marché mondial se caractérisant par la volatilité du cours des matières premières, due à l'instabilité climatique, il faut mettre au point une régulation mondiale. La valeur d'un champ de blé étant désormais équivalente à celle d'un champ pétrolifère, on assiste à la prédation grandissante des terres agricoles des pays en développement. Comment mettre fin à l'achat de milliers d'hectares à des pays africains par la Chine et par des pays du Moyen Orient ?
Par ailleurs, le président de la République tient particulièrement à la réciprocité des échanges au sein de l'OMC. Nous sommes d'accord pour ouvrir nos frontières, mais à la condition que les productions importées soient fabriquées dans des conditions sanitaires, environnementales et de respect des droits sociaux égales aux nôtres. Accepter qu'il en aille autrement, c'est accepter la mort de l'agriculture française et européenne.
Vous m'avez interrogé sur le Fonds européen agricole pour le développement rural, qui relève du deuxième pilier de la PAC. La France en a reçu 7,6 milliards au cours de la période 2007-2013. Nous avons décidé de réorienter les aides permises par ce fonds afin de favoriser les productions "bio", le cofinancement des contrats Natura 2000 et le plan de performance énergétique pour réussir la révolution du CO2 engagée à l'échelle nationale. J'insiste sur l'importance de privilégier une programmation proche du terrain. La France se caractérise par la variété de ses paysages agricoles, qui conduit à diversifier les aides car les besoins ne sont pas les mêmes en Corse et dans les zones de montagne, en métropole et dans les départements d'outre-mer. Dans la réforme de la PAC prévue pour 2013, l'enjeu pour la France est le maintien d'un taux important de retour sur sa contribution. A cet égard, le FEADER doit demeurer dans la PAC ; serait-il intégré aux fonds structurels que nous y perdrions beaucoup.
Q - (Au sujet de la crise de la filière laitière)
Q - (Concernant le prochain sommet de la pêche)
Q - (A propos des difficultés rencontrées dans de nombreuses régions européennes viticoles)
Q - (Au sujet d'une vision européenne commune du marché agricole)
R - Comme vous l'avez souligné, s'agissant du lait, des ambiguïtés devront être levées. Les choix politiques doivent être discutés puis assumés publiquement, sinon les exploitants accumuleront déconvenues et désillusions. Le G20 laitier a pour seul objectif de faire évoluer la situation en infléchissant les choix politiques de la Commission européenne et des Etats membres. La méthode est sans doute iconoclaste et je sais qu'elle a été diversement accueillie, mais elle est sans agressivité aucune ; il s'agit d'aboutir à la solution la plus conforme à l'intérêt européen. Après que Mme Ilse Aigner, mon homologue allemande, et moi-même, nous sommes mis d'accord le 2 juillet, j'ai entrepris un tour des capitales européennes pour m'attacher à convaincre les Etats les uns après les autres, en expliquant qu'il n'était pas question de stigmatiser qui que ce soit mais d'entendre le cri d'alarme lancé par les producteurs laitiers et de trouver une solution commune. Le principe de la création d'un groupe de travail d'experts, que M. Demarty dirigera avec talent, ayant été accepté par la Commission européenne, je souhaite que les 27 Etats membres réfléchissent ensemble aux modalités d'une nouvelle régulation dont le choix a été fait.
J'observe que les producteurs de lait américains sont dans la même situation que les nôtres. Quand on sait qu'aux Etats-Unis un litre de lait coûte moins cher qu'un litre de Coca-Cola, on se demande en effet quelle est l'erreur ! Les Etats-Unis se sont donnés deux ans pour trouver un nouveau modèle et mettre sur pied des instruments ; pour ce qui nous concerne, nous souhaitons avoir abouti en juin 2010.
S'agissant de la régulation proprement dite, il va de soi que les instruments actuels doivent être modifiés pour mieux fonctionner. Cela vaut pour le stockage qui doit être plus réactif, tout le monde en est d'accord. De même, le consensus s'est fait sur le principe d'une réflexion sur la création d'un marché à terme non spéculatif du beurre et de la poudre de lait, car chacun est convaincu que cela améliorera la situation.
En revanche, la réflexion est encore inaboutie sur les volumes, et c'est sur ce point que les débats seront les plus vifs. L'Europe a connu à ce sujet des situations très différentes au fil des ans. Au cours des années 1970-1980, aucun contrôle n'existait, si bien qu'il a fallu évacuer des montagnes de produits - ce qui n'est plus possible économiquement et, surtout, est moralement condamnable : le système des restitutions, consistant à vendre ces produits, à un prix garanti au producteur, à des pays tiers maintenait ces derniers dans la dépendance, sinon la tête sous l'eau. On a ensuite institué un contrôle par le biais de quotas indépassables alloués à chaque Etat. L'attitude responsable consiste à dire que l'on ne reviendra pas à ce système, parce qu'il est injuste et que certains Etats membres s'y opposent catégoriquement. Mon homologue danoise présente les choses de manière frappante. Si l'on pousse la logique à son terme, explique-t-elle, le régime des quotas revient à dire que le constructeur suédois Saab, sous prétexte que c'est une entreprise d'un petit pays, devrait ne produire que 5 000 voitures par an. Or ce sont de bonnes voitures ; pourquoi Saab n'en vendrait-il pas autant qu'il trouve d'acheteurs ? Chacun doit s'en convaincre, on ne parviendra pas à mettre au point un système de production de lait organisé sur le modèle "petit Etat, petite production".
Pour autant, je suis convaincu que nous devrons aborder la question des quantités. Mettra-t-on au point un système de volume indicatif ? Lui préférera-t-on un mécanisme de supervision européenne ? On peut toujours ralentir la production pour mieux contrôler les quantités arrivant sur le marché et ainsi mieux contrôler les prix. Cela a été fait cette année en France à hauteur de 4 % de la production. Dans tous les cas, il faudra une forme d'intervention, fût-elle réduite à de l'information, mais l'on ne peut évacuer la question des volumes et ce serait une erreur de penser que le marché la traitera. La Commission européenne a indiqué qu'elle sera abordée dans le cadre du groupe de travail sur la régulation. La Cour des comptes européenne a d'ailleurs appuyé cette vision des choses dans un rapport paru la semaine dernière. Elle estime indispensable que la question des volumes soit traitée.
L'un des points majeurs du Traité de Lisbonne est de faire du Parlement européen un co-décisionnaire en matière agricole ; en bon Normand, je dirai qu'il y a à cela des avantages et des inconvénients.
Le Parlement européen est très précieux pour ce qui est de la régulation et du maintien des outils de contrôle, mais il l'est surtout en raison de sa sensibilité politique. Lors de la crise du lait, ses membres ont ainsi su tirer la sonnette d'alarme, parce qu'ils sont au contact de la population et sur le terrain, et la commission de l'agriculture dirigée par Paolo De Castro a senti ce qui se passait et a apporté son soutien aux efforts de régulation. Nous n'aurions pas obtenu les 280 millions d'euros si cette demande n'avait pas été relayée par 21 Etats européens et par le Parlement européen qui, par l'intermédiaire de M. Alain Lamassoure, auquel je rends hommage, a déposé une résolution demandant le déblocage de 300 millions d'euros.
Les inconvénients tiennent à la très grande sensibilité du Parlement européen à tout ce qui a trait à l'environnement. Nous devons donc nous attendre à des difficultés, notamment sur les questions touchant à la pêche. Il faudra trouver un bon équilibre, en gardant à l'esprit que ce choix en faveur de l'environnement, s'il fait l'objet d'un consensus, fera aussi peser des contraintes majeures sur les agriculteurs et les pêcheurs.
S'agissant de la feuille de route de la négociation, notre intérêt est évidemment de garder un taux de retour le plus satisfaisant possible. Il est actuellement de 18 % et nous souhaitons qu'il reste aussi positif dans les années à venir. Mais la renégociation de la PAC sera difficile pour nous. Après avoir été gagnant pendant des années, nous devons tenir compte de la réalité des équilibres économiques et budgétaires dans les autres Etats membres.
Un exemple : aujourd'hui calculés sur une base historique, les droits à paiement unique (DPU) pour les céréaliers, qui s'élèvent en moyenne, à l'hectare, à 350 euros en France, contre 150 en Roumanie et 120 en Bulgarie, ne pourront être maintenus, et les agriculteurs le savent. Mais il ne faut pas cependant que nous perdions des montants trop importants et la négociation sera donc compliquée.
Faire passer les questions budgétaires avant la redéfinition stratégique de la PAC serait une erreur. Aujourd'hui, tout mon travail consiste à revenir au bon ordre : définissons, d'abord, ce que nous attendons de la PAC ; parlons, ensuite, argent. J'ai proposé de faire de l'alimentation l'objectif numéro un de la politique agricole européenne, en rebaptisant la PAC "politique alimentaire et agricole européenne". Les citoyens européens acceptent difficilement que 40 milliards d'euros soient dépensés chaque année pour la politique agricole, alors qu'ils sont 30 millions sur 500 à être mal nourris. Il faut donc donner la priorité à la définition des objectifs politiques, en levant, comme vous le dites, Monsieur le Député, les ambiguïtés. C'est sur la base de ces objectifs que l'on pourra traiter du financement.
S'agissant de la pêche, nous avons reçu de la Commission européenne les enveloppes TAC et quotas - totaux admissibles de captures et quotas de pêche autorisés par espèce. Dans cette négociation, nous souhaitons que soient dorénavant pris en compte les avis des scientifiques sur le renouvellement des espèces et sur les ressources halieutiques disponibles, afin de sortir des marchandages auxquels nous étions accoutumés.
Nous avons adopté un nouveau règlement de contrôle lundi. Le commissaire chargé de la Pêche, Joe Borg, a su défendre la nécessité d'une nouvelle réglementation, seule à même de garantir de bons prix pour les pêcheurs, tout en prenant en compte nos préoccupations à propos du projet de permis à points et des systèmes de contrôle. Il a compris que tout cela exigeait du temps, et que les sanctions ne devaient pas menacer l'existence économique des pêcheries françaises et européennes, mais viser à un changement des comportements.
Je voulais dire à Monsieur Philippe Armand Martin que, même si je n'ai pas eu beaucoup l'occasion de m'exprimer sur le sujet, la viticulture figure en bonne place parmi mes préoccupations. Nous travaillons à réorganiser l'ensemble de la filière, à valoriser les vins nationaux et à améliorer leur commercialisation, toutes tâches à mener à bien rapidement.
Sur l'étiquetage de la valeur énergétique, les professionnels sont divisés, certains y voyant la possibilité de montrer que cette valeur est moindre pour le vin que pour beaucoup d'autres boissons alcoolisées. La position que je défends au niveau interministériel, rejoignant malgré tout l'avis de la majorité des professionnels, est que nous n'avons pas intérêt à cet étiquetage. D'après moi, les indications en termes de santé sur le vin sont suffisantes, et mieux vaut mener une politique publique de l'alimentation plus globale, assortie de recommandations nutritionnelles - auxquelles je travaille avec l'intention d'aboutir dans les mois à venir -, plutôt que de cibler un produit après l'autre, au risque de menacer chaque fois l'équilibre économique du secteur.
Je le précise : je ne suis pas certain d'avoir gain de cause en interministériel ! D'autres ministères sont favorables à cet étiquetage. A vous de faire le travail de persuasion nécessaire.
Je répondrais à Monsieur Lecou que certains de nos partenaires européens ont une vision différente de la nôtre sur la question du prix, tout simplement parce que leur situation géographique n'est pas la même. Prenons le cas du Danemark : nous avons d'excellentes relations avec ce pays et avons travaillé main dans la main pour ce qui est de la pêche - j'ai par exemple soutenu sa proposition de simplifier les règles existantes avant d'adopter le nouveau règlement contrôle -, mais le Danemark n'est pas la France. De par ses caractéristiques géographiques, ce pays a pu développer, notamment dans le secteur du lait, de grandes fermes totalement intégrées, avec une seule organisation de producteurs, une seule coopérative et un seul industriel agroalimentaire. Ainsi, il réduit ses coûts de production et est beaucoup plus compétitif que nous. En ce qui nous concerne, garder nos vaches en Haute-Savoie ou dans le Massif Central, où l'accès et la collecte sont plus difficiles et donc les prix de revient plus élevés, est d'intérêt stratégique. C'est là que nos intérêts divergent : le Danemark n'a pas d'alpages sur son territoire et ne veut pas payer pour les alpages français pour lesquels nous demandons le soutien de l'Union européenne. Si je comprends parfaitement cette position, je suis déterminé à maintenir des vaches dans nos zones de montagne.
Une des solutions - et c'est un de mes objectifs stratégiques pour cette filière du lait - est de s'orienter vers des produits dont les coûts de production élevés sont compensés par une valorisation plus forte. Un exemple parfait en est la filière du Roquefort, où la valorisation de l'AOC conduit à un amortissement parfait des coûts de production du lait. Il faudrait qu'il en soit de même pour le Beaufort, le Comté et le Salers.
Q - (Concernant les prix des produits agricoles)
Q - (Au sujet du calendrier de la renégociation de la PAC)
Q - (A propos des règles de concurrence)
Q - La notion de territoires ne doit-elle pas être mieux prise en compte dans le cadre de la réforme de la PAC ?
Q - (Concernant le doublement des aides de minimis)
Q - (A propos du document de préfiguration de la Commission)
Q - (Au sujet des négociations menées dans le cadre de l'OMC)
Q - (Concernant la régulation)
R - Je n'ai jamais dit qu'il fallait ignorer le prix - je ne suis pas naïf à ce point. Mais si la concurrence ne se fait que par les prix sans tenir compte d'éléments comme la santé, l'aménagement du territoire et la préservation de l'environnement - étant entendu que ces contraintes doivent être compensées -, il n'y aura plus d'agriculture européenne.
En réponse à Monsieur Garrigue, je précise que la fin des perspectives financières de la PAC étant fixée au 31 décembre 2013, il nous faudra impérativement avoir redéfini le montant des enveloppes financières de la PAC et leur attribution au moins un an avant cette date. Nous devrons connaître à la fin de l'année qui vient les nouvelles propositions de la Commission en matière financière. Par conséquent, dès le début de 2010, nous devrons commencer à travailler à la fois sur les perspectives financières et sur les orientations politiques de la PAC.
Sur les règles de concurrence, je demande l'ouverture, le plus rapidement possible, de l'Organisation commune de marché (OCM) unique pour permettre aux producteurs, notamment de lait, de mieux s'organiser entre eux et de négocier de meilleure façon leurs accords avec les industriels. Cela fait partie de la régulation que je propose.
Les producteurs de lait ont souhaité mieux s'organiser, mais ont été sanctionnés par la direction générale de la Concurrence et de la Répression des fraudes, pour qui cette organisation est anticoncurrentielle sur la base des règles européennes. Par conséquent, pour arriver à changer la donne, il faut d'abord changer les règles européennes de concurrence. Voilà pourquoi l'Europe est importante : elle fixe les règles. Quoi qu'il arrive, je respecterai ces règles et, si elles ne conviennent pas, je demanderai leur modification, comme dans le cadre de l'OCM unique.
Le territoire fait bien entendu partie des aspects importants de la Politique agricole commune.
S'agissant des mesures d'urgence, ayant obtenu le doublement de la règle de minimis, le montant de l'enveloppe est passé de 30 millions à 60 millions d'aides pour les exploitants laitiers. Ce mécanisme est temporaire et ne vaut que pour 2009 et 2010. Il doit être un dispositif d'urgence permettant aux Etats d'apporter, s'ils le souhaitent, une aide supplémentaire à leurs exploitants, et non une règle durable, qui préfigurerait effectivement une renationalisation de la PAC, avec toutes les difficultés qui en découleraient.
Je souhaiterais indiquer que nous sommes en désaccord avec le document sur lequel nous avons uniquement des indications préliminaires et qui serait - j'emploie le conditionnel - le document préfigurateur de la Commission. Il ne correspond absolument pas à la vision de l'agriculture européenne défendue devant le Parlement européen par M. Barroso, avec qui j'ai eu l'occasion de parler d'agriculture il y a quelques semaines. Il a parfaitement conscience que l'agriculture n'est pas un bien comme les autres. Par conséquent, ce document ne correspond pas à la position officielle de la Commission européenne aujourd'hui. L'agriculture y est présentée comme un sous-produit du changement climatique, raisonnement qu'il est précisément nécessaire de contrer : il faut refaire de l'agriculture un secteur stratégique et montrer à quel point il est essentiel pour l'Europe.
En outre, d'après ce document, la PAC serait la seule variable d'ajustement du budget européen et, par conséquent, le seul moyen de se procurer des marges de manoeuvre budgétaires supplémentaires. Je ne suis pas d'accord : il y a aussi une marge de manoeuvre du côté du chèque britannique.
Sur ces points, nous nous battrons. Mais j'ai la ferme conviction - j'espère ne pas me tromper - que ce document n'exprime pas la position officielle de la Commission européenne.
Ne vous inquiétez pas, je suis vigilant. Mais j'ai parlé avec M. José Manuel Barroso. Je lui fais confiance car je n'ai aucune raison de douter de sa parole.
S'agissant des négociations à l'OMC, nous sommes allés à l'extrême limite de ce qu'il était concevable d'accepter sur le volet agricole. Il n'est donc pas possible d'aller plus loin sans risquer de porter atteinte aux équilibres économiques de notre agriculture.
Mon objectif n'est pas de m'en tenir à une régulation privée, car elle ne suffira pas. Si des accords entre industriels et producteurs dans le domaine du lait me paraissent indispensables sur des volumes et sur des prix, encore faut-il que les termes de ces accords soient définis. Pour éviter des accords différents d'un point à l'autre du territoire, leurs modalités seront définies dans la loi que je vous proposerai.
Comme l'a dit M. Gaubert, les revenus ne doivent pas être garantis par les subventions. Il faut donc trouver d'autres solutions. C'est un des objectifs stratégiques de la nouvelle politique alimentaire et agricole européenne, d'abord, parce que les bénéficiaires de ces aides préféreraient vivre de leur activité économique, ensuite, parce que ces aides sont certainement le meilleur moyen de délégitimer la PAC aux yeux des autres citoyens européens, qui ne les comprennent pas.
Il y a effectivement beaucoup de confusion sur la notion d'année blanche. Certains responsables syndicaux m'ont dit que l'année blanche signifiait la suppression de tous les remboursements d'intérêts d'emprunt pour 2009, capital compris. Si c'était le cas, nous arriverions à des montants inconcevables, de plusieurs milliards d'euros. L'objectif est de concentrer notre action sur ceux qui en ont le plus besoin, notamment par des allégements de trésorerie et de cotisations MSA.
Je dirais que la relance de la consommation peut être importante, notamment par le biais de la valorisation des produits et par un meilleur étiquetage des produits. Pour ce dernier, on est encore à l'âge de pierre : chez le poissonnier, l'étiquetage n'indique pas si le poisson a déjà été congelé une fois ou pas, mais simplement qu'il ne faut pas recongeler ; or il faut comprendre qu'il a déjà été congelé. Une indication précise serait de bon sens, comme pour bon nombre de produits agricoles. Beaucoup de progrès restent à faire dans l'intérêt du consommateur comme du producteur.
Je précise qu'un problème intra-européen de compétitivité se pose pour nos agriculteurs, car nos choix en matière de développement durable, que je soutiens, consistent à avoir toujours un temps d'avance sur les autres pays européens. Or, dans un marché unique comme l'est le marché agricole, cela crée des difficultés. Pour produire nos tomates par exemple, nous avons refusé des produits phytosanitaires que continuent d'utiliser les Espagnols ou les Italiens, nos principaux concurrents en matière de fruits et légumes. Autre exemple, relatif aux bandes enherbées, l'objectif fixé à l'échelle européenne est de 2 % ou 3 % ; nous avons rajouté une bande à 5 %, ce qui nous défavorise en termes de production agricole. Par conséquent, nos agriculteurs craignent qu'à force de vouloir être en permanence les " mieux-disants " en matière d'environnement, cela n'entraîne pour eux des difficultés économiques.
Enfin, je préciserais que ce qui rend la régulation indispensable à l'échelle européenne comme à l'échelle mondiale est la variation des cours des matières premières et des prix. Personne ne peut s'y retrouver avec des variations des cours aussi importantes sur les intrants, les phytosanitaires et les produits agricoles de base. Combien va payer un agriculteur pour produire un quintal de blé s'il ignore combien coûteront les intrants ? Combien va-t-il gagner à la sortie du processus de production, dans la mesure où le cours du blé peut passer, en quelques mois, de 300 euros à 120 euros la tonne - c'est le cas aujourd'hui -, soit une division par trois ? Ces incertitudes posent des problèmes majeurs en termes de revenus.
Comme l'a montré l'INSEE dans son analyse de l'évolution des revenus de 1990 à 2009, le revenu agricole a non seulement été le plus instable, notamment au cours des deux dernières années où il a chuté de plus de 30 %, mais il a constamment évolué en dessous du revenu moyen des Français, dont l'augmentation a été constante et régulière. Telle est la réalité de la situation économique de l'agriculture en France aujourd'hui.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 octobre 2009
Mon analyse de la situation de l'agriculture est fondée sur deux convictions. La première est que nous sommes à un tournant. Nous sommes arrivés au bout d'un chemin parcouru le mieux possible au cours de l'histoire agricole française et européenne ; il nous faut maintenant déterminer quels objectifs assigner à l'agriculture française et européenne et quels moyens lui allouer pour les atteindre. Des enjeux économiques considérables, des intérêts nationaux divers et des visions très différentes de l'agriculture expliquent que des opinions divergentes s'affrontent à ce sujet au sein de l'Union européenne. Cela explique le très dur combat qu'il m'a fallu mener en faveur de la régulation du marché du lait.
Je suis par ailleurs convaincu que l'avenir de l'agriculture française se joue en Europe. Cela va de soi, mais je ne crains pas de le répéter. Notre intérêt est donc de travailler avec nos partenaires européens, de former des coalitions et des alliances dans le respect des règles européennes et non de nous dresser, seuls, contre ces règles que nous avons nous-mêmes choisies et adoptées.
L'Union européenne a un impact décisif sur l'agriculture française car les règles juridiques qui régissent le fonctionnement de celle-ci sont des règles européennes. Si nous ne les appliquons pas, nous nous exposons à des sanctions pour avoir enfreint les engagements par nous souscrits. Je donnerai pour exemple celui de la filière "fruits et légumes", à laquelle des aides ont été versées pendant dix ans et je rends hommage à M. Gaymard qui, alors ministre de l'Agriculture, a interrompu le versement de ces aides illégales. Nous étions en procédure avec la Commission européenne depuis 2002 à ce sujet. En janvier 2009, elle a enjoint au gouvernement français de répondre à ses demandes d'éclaircissement sous peine d'un recours en manquement que nous aurions immanquablement perdu puisque nous avions reconnu que le versement de la partie publique de ces aides contrevenait aux règles communautaires. Elle nous avait donné jusqu'à mai ; M. Barnier a obtenu un ultime report au 29 juillet, étant précisé que si les explications demandées n'étaient pas fournies à cette date, la procédure de recours en manquement s'engagerait automatiquement.
Le choix qui s'offrait à moi était clair : soit je répondais positivement à la Commission européenne, ce que j'ai décidé de faire, soit, par souci de popularité, j'engageais un bras de fer qui, puisque nous avions reconnu nos torts, aurait conduit, dans les trois ou quatre mois, à une condamnation certaine de la France par la Cour de justice des communautés européennes. Nous aurions alors dû verser une amende comprise entre 70 et 90 millions, assortie d'une astreinte mensuelle de quelque 20 millions jusqu'à la complète application de la décision. Voilà pourquoi j'ai préféré accepter la décision de la Commission européenne, qui demande le remboursement de 340 millions d'aides auxquels s'ajoutent les intérêts, ce qui représente un total de 500 millions.
J'étais en la matière instruit du caractère vain et contre-productif de l'opposition systématique à la Commission européenne, que démontre l'affaire du poisson "sous taille". Vous vous en souvenez, la Commission avait introduit un recours en manquement à l'encontre de notre pays, qui refusait de vérifier si ses pêcheurs n'utilisaient pas des filets aux mailles trop serrées, capturant ainsi des poissons de taille non réglementaire. La France, condamnée à une amende de 70 millions, avait en outre payé une astreinte de 15 millions pendant trois mois avant d'arrêter les frais et de se soumettre à la décision.
En bref, plutôt que de devoir payer une amende et des astreintes puis d'être contraint de se soumettre à une décision de la Commission, mieux vaut, quand on est en tort, respecter cette décision et négocier pied à pied le montant de l'amende pour qu'elle soit la moins forte possible. C'est ce que je fais en contestant, pour différents motifs, le bien-fondé des 500 millions demandés : certaines des aides versées n'étaient pas des aides d'Etat, d'autres ne sont pas recouvrables, d'autres encore ne sont pas documentées.
Le respect des règles n'exclut pas de débattre pour modifier les règles si on les estime mauvaises. Ainsi, chaque Etat membre peut actuellement soutenir ses exploitations agricoles à hauteur de 7 500 euros par exploitation, sur trois ans. Ce plafond, correct en période normale, est insuffisant en période de crise comme nous le connaissons actuellement. Soit, faisant fi de la réglementation européenne et laissant mes successeurs se débrouiller avec un éventuel contentieux, je décidais que l'Etat verserait à ses agriculteurs plus que ce qui est autorisé, soit j'engageais la bataille sur ce plafond pour avoir une plus grande marge de manoeuvre. Au terme d'une négociation de trois mois, j'ai obtenu du Conseil européen de l'agriculture que le plafond des aides nationales de minimis soit temporairement porté à 15 000 euros par exploitation sur une période de trois ans. De même, s'agissant de la politique commune de la pêche, j'ai négocié pied à pied le nouveau règlement adopté la nuit dernière à Luxembourg, dont certaines dispositions initiales ne me paraissaient pas favorables aux pêcheurs français.
Un autre élément dit l'importance de l'Union européenne pour l'agriculture française : le montant du budget européen. Je dispose, pour l'agriculture, d'un budget d'intervention annuel de 12 milliards : 2 milliards proviennent du budget de la France et 10 milliards du budget européen. Le premier soutien à l'agriculture française, c'est l'Union européenne. La France est par ailleurs la première bénéficiaire de la PAC ; il est essentiel de garantir qu'elle continuera d'en bénéficier car elle trouve dans la PAC le premier poste de retour de sa contribution au budget européen.
L'importance de l'Union européenne pour l'agriculture française se mesure aussi aux 280 millions d'aides d'urgence au secteur laitier obtenus après une bataille homérique, dont de 50 millions seront versés aux exploitants laitiers français. Contrairement à ce que j'ai pu entendre ou lire, ce n'est pas rien, et s'il avait fallu les trouver dans le budget national, les choses n'auraient pas été simples. Enfin, c'est uniquement à l'échelle européenne que l'on peut espérer stabiliser les marchés et mieux maîtriser les prix en instaurant un marché à terme de la poudre de lait et du beurre.
L'agriculture est, je vous l'ai dit, à un tournant. Il nous faut savoir rebâtir ce qui ne fonctionne pas et fixer de nouvelles perspectives. Dans ce domaine, je tiens trois éléments pour essentiels. En premier lieu, le choix de la régulation, défendu par la France, après une expérience de dérégulation qui a pu se concevoir en son temps mais dont on voit qu'elle ne donne pas les résultats attendus. Nous nous sommes lancés dans la régulation du marché du lait parce que c'est le marché le plus en crise et celui qui concentre l'attention médiatique, mais la bataille concerne en réalité toutes les filières agricoles et c'est pourquoi elle est si féroce.
L'enjeu de la régulation est la création de nouveaux outils de stabilisation des marchés et l'extension des possibilités d'intervention publique existantes en cas de crise. La France et vingt autres Etats membres ont ainsi proposé, pour soutenir la filière laitière, de rendre le stockage public possible toute l'année et de l'étendre aux fromages. On ne pourra d'autre part pas se dispenser d'une réflexion sur les volumes, sinon, la menace de la surproduction continuera de peser.
Quels enjeux sous-tendent la nécessaire évolution de l'agriculture européenne ? En simplifiant à l'extrême, on peut dire que deux conceptions s'affrontent. Pour certains, ne compte que le prix - il faut garantir au consommateur les prix les plus bas possible pour tous les produits agricoles. S'en tenir à cela, c'est accepter d'emblée que 90 % des exploitants français mettent la clef sous la porte, car ils n'arriveront jamais à produire des tomates à un prix moindre que le Maroc, des côtes de boeuf moins cher que l'Argentine ou du lait moins cher que le lait néo-zélandais. Certes, on peut importer des pommes du Chili, de la viande d'Argentine, du poisson d'Asie, du lait de Nouvelle-Zélande et le consommateur s'y retrouvera : le prix de revient du kilo de boeuf n'est-il pas de 3 euros en France et de 1,5 euro en Argentine ? Les contempteurs de la PAC considèrent qu'en adoptant cette doctrine, l'Union économiserait de 15 à 20 milliards qu'elle pourrait redistribuer à d'autres secteurs, la recherche ou l'espace par exemple. Je considère qu'il s'agit d'une vision de court terme, qui ne garantit ni la sécurité alimentaire ni la sécurité sanitaire des consommateurs. Qui peut nous assurer qu'il n'y aura pas, un jour, un problème dans le cheptel argentin ? Je ne serai pas le ministre qui aura promu une réforme de ce type. Imaginons que le prix de la viande argentine, satisfaisant aujourd'hui, explose subitement ; si, alors, nous n'avons plus de charolais, que dirons-nous aux consommateurs sinon "je ne peux rien faire" ?
L'alternative est de considérer que la PAC sert plusieurs objectifs stratégiques pour l'Union européenne. Mais, j'y insiste, la bataille est rude car certains Etats membres ont objectivement intérêt à une concurrence par le prix. Le premier de ces objectifs est de garantir la sécurité alimentaire de 500 millions d'Européens, indépendamment de l'évolution de la situation géopolitique ou des conditions climatiques. Cela va de soi aujourd'hui, cela n'ira pas obligatoirement de soi demain. L'autre objectif est de pouvoir dire aux consommateurs européens qu'ils continueront de manger la nourriture la plus saine au monde. La France est, des pays industrialisés, celui qui connaît le moins de problèmes en matière de sécurité alimentaire, celui aussi où la proportion d'obèses dans la population est la plus faible. C'est le résultat d'une politique de sécurité alimentaire et sanitaire très rigoureuse et nous n'aurions aucun intérêt à baisser la garde. Cependant mais cette politique a un coût. Il est plus coûteux de s'astreindre à de multiples contrôles de la qualité du poulet, depuis l'oeuf et à toutes les étapes de la chaîne alimentaire, que de procéder comme le font les Américains, qui jugent notre manière de faire absurde. Il suffit, selon eux, de placer les poussins sous une lampe chauffante pour accélérer leur croissance puis d'asperger les poulets parvenus à maturité d'une solution chlorée pour que la sécurité sanitaire soit garantie. L'enjeu économique étant considérable, les Etats-Unis ont annoncé leur intention de déposer devant l'OMC un recours contre le refus européen d'importation de poulets "assainis" avec des produits chlorés, et je ne suis pas sûr du tout que nous l'emporterons.
Tels sont les enjeux : voulons-nous une concurrence par le prix, ou entendons-nous nous fixer des objectifs stratégiques, qui ont un coût ? Un éleveur, un agriculteur français à qui l'on demande de mettre son exploitation aux normes doit engager une dépense comprise entre 150 000 et 200 000 euros. Ce coût, que les exploitants néo-zélandais ou américains n'ont pas à supporter, se répercute dans les prix à la consommation.
Une fois les décisions prises, tant sur la régulation que sur le type d'agriculture choisi, l'Union devra définir les moyens alloués à cette politique. A cet égard, il est temps de s'interroger sur le découplage des aides et de la production et de se demander si le moment n'est pas venu de se rapprocher de la réalité.
Toutes ces questions ont une dimension mondiale évidente. Or, le marché mondial se caractérisant par la volatilité du cours des matières premières, due à l'instabilité climatique, il faut mettre au point une régulation mondiale. La valeur d'un champ de blé étant désormais équivalente à celle d'un champ pétrolifère, on assiste à la prédation grandissante des terres agricoles des pays en développement. Comment mettre fin à l'achat de milliers d'hectares à des pays africains par la Chine et par des pays du Moyen Orient ?
Par ailleurs, le président de la République tient particulièrement à la réciprocité des échanges au sein de l'OMC. Nous sommes d'accord pour ouvrir nos frontières, mais à la condition que les productions importées soient fabriquées dans des conditions sanitaires, environnementales et de respect des droits sociaux égales aux nôtres. Accepter qu'il en aille autrement, c'est accepter la mort de l'agriculture française et européenne.
Vous m'avez interrogé sur le Fonds européen agricole pour le développement rural, qui relève du deuxième pilier de la PAC. La France en a reçu 7,6 milliards au cours de la période 2007-2013. Nous avons décidé de réorienter les aides permises par ce fonds afin de favoriser les productions "bio", le cofinancement des contrats Natura 2000 et le plan de performance énergétique pour réussir la révolution du CO2 engagée à l'échelle nationale. J'insiste sur l'importance de privilégier une programmation proche du terrain. La France se caractérise par la variété de ses paysages agricoles, qui conduit à diversifier les aides car les besoins ne sont pas les mêmes en Corse et dans les zones de montagne, en métropole et dans les départements d'outre-mer. Dans la réforme de la PAC prévue pour 2013, l'enjeu pour la France est le maintien d'un taux important de retour sur sa contribution. A cet égard, le FEADER doit demeurer dans la PAC ; serait-il intégré aux fonds structurels que nous y perdrions beaucoup.
Q - (Au sujet de la crise de la filière laitière)
Q - (Concernant le prochain sommet de la pêche)
Q - (A propos des difficultés rencontrées dans de nombreuses régions européennes viticoles)
Q - (Au sujet d'une vision européenne commune du marché agricole)
R - Comme vous l'avez souligné, s'agissant du lait, des ambiguïtés devront être levées. Les choix politiques doivent être discutés puis assumés publiquement, sinon les exploitants accumuleront déconvenues et désillusions. Le G20 laitier a pour seul objectif de faire évoluer la situation en infléchissant les choix politiques de la Commission européenne et des Etats membres. La méthode est sans doute iconoclaste et je sais qu'elle a été diversement accueillie, mais elle est sans agressivité aucune ; il s'agit d'aboutir à la solution la plus conforme à l'intérêt européen. Après que Mme Ilse Aigner, mon homologue allemande, et moi-même, nous sommes mis d'accord le 2 juillet, j'ai entrepris un tour des capitales européennes pour m'attacher à convaincre les Etats les uns après les autres, en expliquant qu'il n'était pas question de stigmatiser qui que ce soit mais d'entendre le cri d'alarme lancé par les producteurs laitiers et de trouver une solution commune. Le principe de la création d'un groupe de travail d'experts, que M. Demarty dirigera avec talent, ayant été accepté par la Commission européenne, je souhaite que les 27 Etats membres réfléchissent ensemble aux modalités d'une nouvelle régulation dont le choix a été fait.
J'observe que les producteurs de lait américains sont dans la même situation que les nôtres. Quand on sait qu'aux Etats-Unis un litre de lait coûte moins cher qu'un litre de Coca-Cola, on se demande en effet quelle est l'erreur ! Les Etats-Unis se sont donnés deux ans pour trouver un nouveau modèle et mettre sur pied des instruments ; pour ce qui nous concerne, nous souhaitons avoir abouti en juin 2010.
S'agissant de la régulation proprement dite, il va de soi que les instruments actuels doivent être modifiés pour mieux fonctionner. Cela vaut pour le stockage qui doit être plus réactif, tout le monde en est d'accord. De même, le consensus s'est fait sur le principe d'une réflexion sur la création d'un marché à terme non spéculatif du beurre et de la poudre de lait, car chacun est convaincu que cela améliorera la situation.
En revanche, la réflexion est encore inaboutie sur les volumes, et c'est sur ce point que les débats seront les plus vifs. L'Europe a connu à ce sujet des situations très différentes au fil des ans. Au cours des années 1970-1980, aucun contrôle n'existait, si bien qu'il a fallu évacuer des montagnes de produits - ce qui n'est plus possible économiquement et, surtout, est moralement condamnable : le système des restitutions, consistant à vendre ces produits, à un prix garanti au producteur, à des pays tiers maintenait ces derniers dans la dépendance, sinon la tête sous l'eau. On a ensuite institué un contrôle par le biais de quotas indépassables alloués à chaque Etat. L'attitude responsable consiste à dire que l'on ne reviendra pas à ce système, parce qu'il est injuste et que certains Etats membres s'y opposent catégoriquement. Mon homologue danoise présente les choses de manière frappante. Si l'on pousse la logique à son terme, explique-t-elle, le régime des quotas revient à dire que le constructeur suédois Saab, sous prétexte que c'est une entreprise d'un petit pays, devrait ne produire que 5 000 voitures par an. Or ce sont de bonnes voitures ; pourquoi Saab n'en vendrait-il pas autant qu'il trouve d'acheteurs ? Chacun doit s'en convaincre, on ne parviendra pas à mettre au point un système de production de lait organisé sur le modèle "petit Etat, petite production".
Pour autant, je suis convaincu que nous devrons aborder la question des quantités. Mettra-t-on au point un système de volume indicatif ? Lui préférera-t-on un mécanisme de supervision européenne ? On peut toujours ralentir la production pour mieux contrôler les quantités arrivant sur le marché et ainsi mieux contrôler les prix. Cela a été fait cette année en France à hauteur de 4 % de la production. Dans tous les cas, il faudra une forme d'intervention, fût-elle réduite à de l'information, mais l'on ne peut évacuer la question des volumes et ce serait une erreur de penser que le marché la traitera. La Commission européenne a indiqué qu'elle sera abordée dans le cadre du groupe de travail sur la régulation. La Cour des comptes européenne a d'ailleurs appuyé cette vision des choses dans un rapport paru la semaine dernière. Elle estime indispensable que la question des volumes soit traitée.
L'un des points majeurs du Traité de Lisbonne est de faire du Parlement européen un co-décisionnaire en matière agricole ; en bon Normand, je dirai qu'il y a à cela des avantages et des inconvénients.
Le Parlement européen est très précieux pour ce qui est de la régulation et du maintien des outils de contrôle, mais il l'est surtout en raison de sa sensibilité politique. Lors de la crise du lait, ses membres ont ainsi su tirer la sonnette d'alarme, parce qu'ils sont au contact de la population et sur le terrain, et la commission de l'agriculture dirigée par Paolo De Castro a senti ce qui se passait et a apporté son soutien aux efforts de régulation. Nous n'aurions pas obtenu les 280 millions d'euros si cette demande n'avait pas été relayée par 21 Etats européens et par le Parlement européen qui, par l'intermédiaire de M. Alain Lamassoure, auquel je rends hommage, a déposé une résolution demandant le déblocage de 300 millions d'euros.
Les inconvénients tiennent à la très grande sensibilité du Parlement européen à tout ce qui a trait à l'environnement. Nous devons donc nous attendre à des difficultés, notamment sur les questions touchant à la pêche. Il faudra trouver un bon équilibre, en gardant à l'esprit que ce choix en faveur de l'environnement, s'il fait l'objet d'un consensus, fera aussi peser des contraintes majeures sur les agriculteurs et les pêcheurs.
S'agissant de la feuille de route de la négociation, notre intérêt est évidemment de garder un taux de retour le plus satisfaisant possible. Il est actuellement de 18 % et nous souhaitons qu'il reste aussi positif dans les années à venir. Mais la renégociation de la PAC sera difficile pour nous. Après avoir été gagnant pendant des années, nous devons tenir compte de la réalité des équilibres économiques et budgétaires dans les autres Etats membres.
Un exemple : aujourd'hui calculés sur une base historique, les droits à paiement unique (DPU) pour les céréaliers, qui s'élèvent en moyenne, à l'hectare, à 350 euros en France, contre 150 en Roumanie et 120 en Bulgarie, ne pourront être maintenus, et les agriculteurs le savent. Mais il ne faut pas cependant que nous perdions des montants trop importants et la négociation sera donc compliquée.
Faire passer les questions budgétaires avant la redéfinition stratégique de la PAC serait une erreur. Aujourd'hui, tout mon travail consiste à revenir au bon ordre : définissons, d'abord, ce que nous attendons de la PAC ; parlons, ensuite, argent. J'ai proposé de faire de l'alimentation l'objectif numéro un de la politique agricole européenne, en rebaptisant la PAC "politique alimentaire et agricole européenne". Les citoyens européens acceptent difficilement que 40 milliards d'euros soient dépensés chaque année pour la politique agricole, alors qu'ils sont 30 millions sur 500 à être mal nourris. Il faut donc donner la priorité à la définition des objectifs politiques, en levant, comme vous le dites, Monsieur le Député, les ambiguïtés. C'est sur la base de ces objectifs que l'on pourra traiter du financement.
S'agissant de la pêche, nous avons reçu de la Commission européenne les enveloppes TAC et quotas - totaux admissibles de captures et quotas de pêche autorisés par espèce. Dans cette négociation, nous souhaitons que soient dorénavant pris en compte les avis des scientifiques sur le renouvellement des espèces et sur les ressources halieutiques disponibles, afin de sortir des marchandages auxquels nous étions accoutumés.
Nous avons adopté un nouveau règlement de contrôle lundi. Le commissaire chargé de la Pêche, Joe Borg, a su défendre la nécessité d'une nouvelle réglementation, seule à même de garantir de bons prix pour les pêcheurs, tout en prenant en compte nos préoccupations à propos du projet de permis à points et des systèmes de contrôle. Il a compris que tout cela exigeait du temps, et que les sanctions ne devaient pas menacer l'existence économique des pêcheries françaises et européennes, mais viser à un changement des comportements.
Je voulais dire à Monsieur Philippe Armand Martin que, même si je n'ai pas eu beaucoup l'occasion de m'exprimer sur le sujet, la viticulture figure en bonne place parmi mes préoccupations. Nous travaillons à réorganiser l'ensemble de la filière, à valoriser les vins nationaux et à améliorer leur commercialisation, toutes tâches à mener à bien rapidement.
Sur l'étiquetage de la valeur énergétique, les professionnels sont divisés, certains y voyant la possibilité de montrer que cette valeur est moindre pour le vin que pour beaucoup d'autres boissons alcoolisées. La position que je défends au niveau interministériel, rejoignant malgré tout l'avis de la majorité des professionnels, est que nous n'avons pas intérêt à cet étiquetage. D'après moi, les indications en termes de santé sur le vin sont suffisantes, et mieux vaut mener une politique publique de l'alimentation plus globale, assortie de recommandations nutritionnelles - auxquelles je travaille avec l'intention d'aboutir dans les mois à venir -, plutôt que de cibler un produit après l'autre, au risque de menacer chaque fois l'équilibre économique du secteur.
Je le précise : je ne suis pas certain d'avoir gain de cause en interministériel ! D'autres ministères sont favorables à cet étiquetage. A vous de faire le travail de persuasion nécessaire.
Je répondrais à Monsieur Lecou que certains de nos partenaires européens ont une vision différente de la nôtre sur la question du prix, tout simplement parce que leur situation géographique n'est pas la même. Prenons le cas du Danemark : nous avons d'excellentes relations avec ce pays et avons travaillé main dans la main pour ce qui est de la pêche - j'ai par exemple soutenu sa proposition de simplifier les règles existantes avant d'adopter le nouveau règlement contrôle -, mais le Danemark n'est pas la France. De par ses caractéristiques géographiques, ce pays a pu développer, notamment dans le secteur du lait, de grandes fermes totalement intégrées, avec une seule organisation de producteurs, une seule coopérative et un seul industriel agroalimentaire. Ainsi, il réduit ses coûts de production et est beaucoup plus compétitif que nous. En ce qui nous concerne, garder nos vaches en Haute-Savoie ou dans le Massif Central, où l'accès et la collecte sont plus difficiles et donc les prix de revient plus élevés, est d'intérêt stratégique. C'est là que nos intérêts divergent : le Danemark n'a pas d'alpages sur son territoire et ne veut pas payer pour les alpages français pour lesquels nous demandons le soutien de l'Union européenne. Si je comprends parfaitement cette position, je suis déterminé à maintenir des vaches dans nos zones de montagne.
Une des solutions - et c'est un de mes objectifs stratégiques pour cette filière du lait - est de s'orienter vers des produits dont les coûts de production élevés sont compensés par une valorisation plus forte. Un exemple parfait en est la filière du Roquefort, où la valorisation de l'AOC conduit à un amortissement parfait des coûts de production du lait. Il faudrait qu'il en soit de même pour le Beaufort, le Comté et le Salers.
Q - (Concernant les prix des produits agricoles)
Q - (Au sujet du calendrier de la renégociation de la PAC)
Q - (A propos des règles de concurrence)
Q - La notion de territoires ne doit-elle pas être mieux prise en compte dans le cadre de la réforme de la PAC ?
Q - (Concernant le doublement des aides de minimis)
Q - (A propos du document de préfiguration de la Commission)
Q - (Au sujet des négociations menées dans le cadre de l'OMC)
Q - (Concernant la régulation)
R - Je n'ai jamais dit qu'il fallait ignorer le prix - je ne suis pas naïf à ce point. Mais si la concurrence ne se fait que par les prix sans tenir compte d'éléments comme la santé, l'aménagement du territoire et la préservation de l'environnement - étant entendu que ces contraintes doivent être compensées -, il n'y aura plus d'agriculture européenne.
En réponse à Monsieur Garrigue, je précise que la fin des perspectives financières de la PAC étant fixée au 31 décembre 2013, il nous faudra impérativement avoir redéfini le montant des enveloppes financières de la PAC et leur attribution au moins un an avant cette date. Nous devrons connaître à la fin de l'année qui vient les nouvelles propositions de la Commission en matière financière. Par conséquent, dès le début de 2010, nous devrons commencer à travailler à la fois sur les perspectives financières et sur les orientations politiques de la PAC.
Sur les règles de concurrence, je demande l'ouverture, le plus rapidement possible, de l'Organisation commune de marché (OCM) unique pour permettre aux producteurs, notamment de lait, de mieux s'organiser entre eux et de négocier de meilleure façon leurs accords avec les industriels. Cela fait partie de la régulation que je propose.
Les producteurs de lait ont souhaité mieux s'organiser, mais ont été sanctionnés par la direction générale de la Concurrence et de la Répression des fraudes, pour qui cette organisation est anticoncurrentielle sur la base des règles européennes. Par conséquent, pour arriver à changer la donne, il faut d'abord changer les règles européennes de concurrence. Voilà pourquoi l'Europe est importante : elle fixe les règles. Quoi qu'il arrive, je respecterai ces règles et, si elles ne conviennent pas, je demanderai leur modification, comme dans le cadre de l'OCM unique.
Le territoire fait bien entendu partie des aspects importants de la Politique agricole commune.
S'agissant des mesures d'urgence, ayant obtenu le doublement de la règle de minimis, le montant de l'enveloppe est passé de 30 millions à 60 millions d'aides pour les exploitants laitiers. Ce mécanisme est temporaire et ne vaut que pour 2009 et 2010. Il doit être un dispositif d'urgence permettant aux Etats d'apporter, s'ils le souhaitent, une aide supplémentaire à leurs exploitants, et non une règle durable, qui préfigurerait effectivement une renationalisation de la PAC, avec toutes les difficultés qui en découleraient.
Je souhaiterais indiquer que nous sommes en désaccord avec le document sur lequel nous avons uniquement des indications préliminaires et qui serait - j'emploie le conditionnel - le document préfigurateur de la Commission. Il ne correspond absolument pas à la vision de l'agriculture européenne défendue devant le Parlement européen par M. Barroso, avec qui j'ai eu l'occasion de parler d'agriculture il y a quelques semaines. Il a parfaitement conscience que l'agriculture n'est pas un bien comme les autres. Par conséquent, ce document ne correspond pas à la position officielle de la Commission européenne aujourd'hui. L'agriculture y est présentée comme un sous-produit du changement climatique, raisonnement qu'il est précisément nécessaire de contrer : il faut refaire de l'agriculture un secteur stratégique et montrer à quel point il est essentiel pour l'Europe.
En outre, d'après ce document, la PAC serait la seule variable d'ajustement du budget européen et, par conséquent, le seul moyen de se procurer des marges de manoeuvre budgétaires supplémentaires. Je ne suis pas d'accord : il y a aussi une marge de manoeuvre du côté du chèque britannique.
Sur ces points, nous nous battrons. Mais j'ai la ferme conviction - j'espère ne pas me tromper - que ce document n'exprime pas la position officielle de la Commission européenne.
Ne vous inquiétez pas, je suis vigilant. Mais j'ai parlé avec M. José Manuel Barroso. Je lui fais confiance car je n'ai aucune raison de douter de sa parole.
S'agissant des négociations à l'OMC, nous sommes allés à l'extrême limite de ce qu'il était concevable d'accepter sur le volet agricole. Il n'est donc pas possible d'aller plus loin sans risquer de porter atteinte aux équilibres économiques de notre agriculture.
Mon objectif n'est pas de m'en tenir à une régulation privée, car elle ne suffira pas. Si des accords entre industriels et producteurs dans le domaine du lait me paraissent indispensables sur des volumes et sur des prix, encore faut-il que les termes de ces accords soient définis. Pour éviter des accords différents d'un point à l'autre du territoire, leurs modalités seront définies dans la loi que je vous proposerai.
Comme l'a dit M. Gaubert, les revenus ne doivent pas être garantis par les subventions. Il faut donc trouver d'autres solutions. C'est un des objectifs stratégiques de la nouvelle politique alimentaire et agricole européenne, d'abord, parce que les bénéficiaires de ces aides préféreraient vivre de leur activité économique, ensuite, parce que ces aides sont certainement le meilleur moyen de délégitimer la PAC aux yeux des autres citoyens européens, qui ne les comprennent pas.
Il y a effectivement beaucoup de confusion sur la notion d'année blanche. Certains responsables syndicaux m'ont dit que l'année blanche signifiait la suppression de tous les remboursements d'intérêts d'emprunt pour 2009, capital compris. Si c'était le cas, nous arriverions à des montants inconcevables, de plusieurs milliards d'euros. L'objectif est de concentrer notre action sur ceux qui en ont le plus besoin, notamment par des allégements de trésorerie et de cotisations MSA.
Je dirais que la relance de la consommation peut être importante, notamment par le biais de la valorisation des produits et par un meilleur étiquetage des produits. Pour ce dernier, on est encore à l'âge de pierre : chez le poissonnier, l'étiquetage n'indique pas si le poisson a déjà été congelé une fois ou pas, mais simplement qu'il ne faut pas recongeler ; or il faut comprendre qu'il a déjà été congelé. Une indication précise serait de bon sens, comme pour bon nombre de produits agricoles. Beaucoup de progrès restent à faire dans l'intérêt du consommateur comme du producteur.
Je précise qu'un problème intra-européen de compétitivité se pose pour nos agriculteurs, car nos choix en matière de développement durable, que je soutiens, consistent à avoir toujours un temps d'avance sur les autres pays européens. Or, dans un marché unique comme l'est le marché agricole, cela crée des difficultés. Pour produire nos tomates par exemple, nous avons refusé des produits phytosanitaires que continuent d'utiliser les Espagnols ou les Italiens, nos principaux concurrents en matière de fruits et légumes. Autre exemple, relatif aux bandes enherbées, l'objectif fixé à l'échelle européenne est de 2 % ou 3 % ; nous avons rajouté une bande à 5 %, ce qui nous défavorise en termes de production agricole. Par conséquent, nos agriculteurs craignent qu'à force de vouloir être en permanence les " mieux-disants " en matière d'environnement, cela n'entraîne pour eux des difficultés économiques.
Enfin, je préciserais que ce qui rend la régulation indispensable à l'échelle européenne comme à l'échelle mondiale est la variation des cours des matières premières et des prix. Personne ne peut s'y retrouver avec des variations des cours aussi importantes sur les intrants, les phytosanitaires et les produits agricoles de base. Combien va payer un agriculteur pour produire un quintal de blé s'il ignore combien coûteront les intrants ? Combien va-t-il gagner à la sortie du processus de production, dans la mesure où le cours du blé peut passer, en quelques mois, de 300 euros à 120 euros la tonne - c'est le cas aujourd'hui -, soit une division par trois ? Ces incertitudes posent des problèmes majeurs en termes de revenus.
Comme l'a montré l'INSEE dans son analyse de l'évolution des revenus de 1990 à 2009, le revenu agricole a non seulement été le plus instable, notamment au cours des deux dernières années où il a chuté de plus de 30 %, mais il a constamment évolué en dessous du revenu moyen des Français, dont l'augmentation a été constante et régulière. Telle est la réalité de la situation économique de l'agriculture en France aujourd'hui.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 octobre 2009